Acceptation de la lettre de change : caractère, forme et effets

L’acceptation de la lettre de change

L’acceptation fait naitre pour le tireur accepteur une action directe contre le tiré. Cette action est autonome, indépendante de la provision.

La Chambre commercial de la cour de cassation rappelle que l’acceptation fait naitre un engagement direct et personnel dont bénéfice tout porteur légitime au moment de l’échéance, cela y compris même si la provision n’a pas été transmise au dit porteur.

  • 1 : La présentation à l’acceptation

C’est une étape incontournable de présenter la lettre au lité. Pour savoir si le tiré accepte la lettre de change, il faut d’abord la lui présenter. La présentation est l’interrogation au tiré de savoir s’il accepte de devenir tiré accepteur, au lieu de tiré ordinaire ?

Cette présentation à l’acceptation est facultative, elle ne présente pas de caractère contraignant, sauf deux exceptions qui viennent atténuer ce principe de la présentation facultative :

  • Elle est obligatoire lorsqu’existe une clause de contre acceptation. Cette clause peut avoir été insérée soit initialement par le tireur accepteur, soit ultérieurement par un tireur accepteur, c’est à dire par un endosseur.
  • Le porteur peut se voir interdire la présentation à l’acceptation. Il s’agit de la clause défense d’acceptation, on parle de lettre de change non acceptable, ou encore appelé une traite pro format. Cette clause est interdite lorsque la lettre a un certain délai de vue. Cela car dans ce cas, la présentation est indispensable pour fixer l’échéance (le point de départ de l’échéance est la présentation à l’acceptation).

Cette lettre peut être présentée à l’acceptation par le tireur avant toute mise en circulation. Il s’agir d’un tiers porteur. Sa présentation à l’acceptation, quelque soit celui qui l’opère doit être effectué AVANT l’échéance.

  • 2 : Les caractères et formes de l’acceptation
  1. Les caractères

Il existe 4 caractères :

L’acceptation est facultative ou obligatoire, selon les cas.

  • Le principe : elle est facultative, le tiré n’est pas obligé d’accepter, alors même qui l’aurait provision.
    • Ce principe peut être aménagé conventionnellement ou légalement.
  • Il y a des clauses par lesquelles le tiré s’engage à accepter. C’est ce qu’on appelle la clause de bon accueil (le tiré s’engage par avance à faire bon accueil de toutes les lettres de changes qu’on lui émet).
  • La loi prévoit également une hypothèse d’acceptation obligatoire, article L. 511-15 al. 9 : « l’acceptation est obligatoire pour toutes les traites, en exécution d’une fourniture de marchandises entre commerçants». A lire ce texte, la portée semble considérable. De nombreuses lettres sembleraient devoir obligatoirement être acceptées. Mais le caractère obligatoire d’acceptation implique que la lettre soit présentée à l’acceptation ; or, de nombreuses lettres ne sont jamais présentées à l’acceptation. Puis, l’article suppose que le tireur ait satisfait à toutes ses obligations (la livraison de marchandise conforme au tiré). En pratique, pour échapper à l’acceptation obligatoire, on parle d’une inexécution secondaire imputable au vendeur (un manquement aux dispositions contractuelles). Donc, ce domaine est réduit.
  • L’acceptation doit être pure et simple (pas de conditions, pas de réserve ; sinon, elles sont interprétées comme un refus d’acceptation, article L. 511-17 al. 3, mais ce texte énonce une exception : la loi dispose que l’accepteur est tenu dans les termes de son acceptation. En présence d’une acceptation avec réserves, le porteur à une option :
    • Le juge estime qu’il y a refus d’acceptation.
    • On peut considérer que le tiré est accepteur, donc il est engagé dans les dans les termes de son acceptation conditionnel.
  • L’acceptation peut être partielle: elle est considérée comme un refus pour la partie non couverte. La règle se justifie car il est possible que le tiré n’accepte partiellement qu’en raison d’une livraison partielle de la provision, ou encore en raison d’une dette partiellement éteinte du fait d’une compensation partielle.
  • L’acceptation est irrévocable: ce qui est parfaitement en adéquation avec le caractère autonome et abstrait de l’engagement cambiaire. Attention, ce caractère irrévocable joue qu’à partir du désistement de l’effet de commerce par le porteur. L’article L. 511-20 permet au tiré, en cas d’erreur matériel, c’est à dire d’une acceptation qui ne correspond par à la volonté du tiré, de rectifier l’acceptation qui aurait par erreur été apposée avant la restitution par un tiers porteur.

  1. La forme de l’acceptation

L’acceptation doit être impérativement écrite, sur la lettre de change (exprimée par les mots : « accepté » + la signature du tiré). Par contre, la jurisprudence admet que la seule signature du tiré puisse suffire, car la signature du tiré n’a pas être apposé sur l’effet de commerce, sauf s’il accepte.

Contrairement à l’aval, l’acceptation ne peut jamais être donnée par acte séparée, c’est à dire sur un autre document que la lettre de change. Cela car il faut que le tiré accepteur ait conscience de son engagement. On considère que pour avoir conscience de cet engagement, il faut qu’il soit explicite sur l’effet de commerce lui-même.

En pratique, parfois un écrit séparé est démontré. Comment traiter une acceptation portée sur acte séparé ? Cet écrit ne vaut pas acceptation au sens du code du commerce, tout au lus cet acte vaut simplement une promesse de paiement reposant sur le fondement de droit commun.

Qui donne l’acceptation? En théorie, elle émane du seul tiré. Mais, ici, le tiré peut conférer ce pouvoir d’acceptation à une tierce personne. C’est la question de la représentation (un préposé ou un mandataire).

Pour les PM c’est le dirigeant social qui est théoriquement compétent pour s’engager, en pratique ce dirigeant va déléguer ce pouvoir à ses associés.

La seule difficulté se pose lorsque l’acceptation a été donnée par une personne dénuée du pouvoir d’accepter soit par sa qualité, soit parce qu’il n’a jamais reçu de délégation. Cette acceptation n’a donc pas de porté. Sauf, l’acceptation pourra être sauvée par la théorie du mandat apparent, notamment au bénéfice du banquier escompteur, en effet, selon la jurisprudence, cette personne n’a pas à vérifier le pouvoir de la personne ayant acceptée.

  • 3 : Les effets de l’acceptation

Deux effets cumulatifs :

  1. Une présomption de provision

Une présomption de provision, Article L 511-7 alinéa 4: « l’acceptation suppose la provision ». L’alinéa 5 poursuit disposant que « la provision en établie la preuve à l’égard des endosseurs. » C’est ce dernier élément qui pose problème à l’égard de la force de la présomption.

La réponse dépend des rapports juridiques étudiés.

  • La présomption est simple entre les rapports tireur porteur et le tiré accepteur : la preuve contraire peut être rapportée. C’est au tiré qu’il appartiendra d’apporter la preuve qu’il n’a pas reçu provision pour refuser de payer, cela lorsque la traire n’est pas acceptée. A l’inverse la solution est différent, c’est à dire qu’il appartiendra au porteur d’apporter la preuve de la provision, si la traire n’a pas été acceptée.
  • Le rapport tiers porteur et le tiré : la présomption est irréfragable. Dans ca cadre, le tiré s’est engagé cambiairement, donc la Question du rapport fondamental ne présente qu’un intérêt secondaire. L’intérêt principal, est l’engagement cambiaire du tiré. L’engagement du tiré se situe sur un autre terrain, puisque le tiré s’est engagé cambiairement ; en conséquence, l’existence de la provision devient un élément secondaire. En effet, ce qui importe est l’acceptation du tiré qui fait résulter l’existence de la traite.

  1. L’inopposabilité des exceptions

Une inopposabilité des exceptions: article L 511-12. Au terme de ce dernier, l’acceptation du tiré purge les exceptions que le tiré pouvait opposer au tireur porteur ou à un porteur précédent. En effet, cette acceptation entraine un engagement personnel direct de l’acceptant.

La lettre de change se distingue en cela de la cession de créance : le cédant ne peut pas transférer plus de droit qu’il n’en a lui-même. Tel n’est pas le cas du mécanisme de la lettre de change.

Distinction entre la lettre de change et la stipulation pour autrui : certain ont opéré un calquage au motif que le tireur serait le stipulant et le tiré serait le promettant et le tiers serait le bénéficiaire. Mais il faut oublier cette comparaison : en effet, la stipulation pour autrui a pour objectif de faire intervenir un tiers dans un mécanisme contractuel entre deux personnes, auquel il n’est pas partie. Or, pour la lettre de change, on se détache des rapports fondamentaux qui existent entre tireur et tiré et tiré et bénéficiaire, par l’acceptation de la traite ; on crée un rapport juridique supplémentaire.

Distinction avec la délégation imparfaite : l’obligation du délégant subsiste, donc le délégataire a deux débiteurs face à lui, le délégant et le délégué. Le mécanisme n’est pas satisfaisant car le droit cambiaire crée un nouveau rapport et ne se contente pas d’un rapport fondamental. L’inopposabilité des exceptions apparait comme une chose commune au mécanisme de délégation imparfaite et à la lettre de change. Ainsi on parle de lettre de change imparfaite.

Mais Roblot dit que la création d’un titre n’est pas assimilable à la lettre de change, puisqu’il y une création de droit. C’est un engagement abstrait dont le titre est l’élément essentiel.

L’inopposabilité des exceptions est soumise à des conditions :

  • Les conditions tenant au porteur

Le principe de l’inopposabilité des exceptions peut être invoqué par le premier porteur avant l’endossement par le bénéficiaire c’est à dire toute circulation par le bénéficiaire. Mais se peut être aussi tout autre porteur qui a reçu la lettre de change après circulation, endossement. De sorte, tout endossataire est en mesure de se prévaloir de l’inopposabilité de l’exception, à condition d’être de bonne foi.

Notion de bonne foi ici est particulière :

Article L 511-12 Code de commerce Disposant que ne bénéficie pas du principe de l’inopposabilité des exceptions celui qui « en acquérant la lettre de change a agit sciemment au détriment du débiteur. »

Il y a deux conceptions jurisprudentielles pour définir cette mauvaise foi, selon cet article :

  • Celui qui était de mauvaise foi était celui qui au moment de l’acquisition de la lettre de change avait connaissance de l’exception. La seule connaissance du vice qui affecté la lettre suffisait à considérer la personne de mauvaise foi.
  • La mauvaise foi était relative à la notion de fraude concerté entre le remettant et le porteur.

La conférence de genèse est arrivée à une forme de compromis. La jurisprudence française a donc du intervenir.

Arrêt de principe ch. com : 5 arrêts du 26 juin 1956: « la mauvaise foi est la conscience du préjudice que cause l’endossement au débiteur cambiaire, en le mettant dans l’impossibilité de se prévaloir d’une exception qui lui aurait permis de se libérer.»

Celui qui est de mauvaise foi, est celui :

  • qui a connaissance de l’exception au moment de l’acquisition du titre,
  • et qui savait que cette exception existe jusqu’à l’échéance de la lettre de change.

Contrairement, la simple négligence est insuffisante pour établir la mauvaise foi. Cela est démontré par la Ch. Com. Mais la mauvaise foi reste est une notion à apprécier de façon souveraine par les juges du fond.

On peut indiquer que certains voit un mouvement jurisprudentiel tendant à élargir la notion de mauvaise foi : certains arrêt de la CA, juge que la situation des banques, lorsqu’elles ont connaissance de la situation financière irréversiblement compromise du client tireur. Cela peut établir la preuve de la conscience d’un dommage. La situation rend hypothétique la fourniture de la provision au tiré.

  • La charge de la preuve :

C’est au tiré de prouver la mauvaise foi du porteur au moment de l’acquisition du titre, sachant que le tiré va avoir quelque difficulté à l’apporter, notamment lorsque le porteur sera un établissement bancaire. En effet, il met en avant le secret professionnel. Certains arrêts admettent pour la banque de s’en prévaloir. Néanmoins, le tiré peut avoir un espoir ; il peut solliciter une expertise afin de solliciter une mauvaise foi.

  • Les conditions tenant aux exceptions

Le principe ne concerne pas toutes les exceptions ; toutes ne rentrant pas la catégorie des exceptions inopposables (article L 511-12). La personne actionnée par la lettre ne peut pas opposer au porteur les exceptions fondées sur le rapport personnel avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs.

Cette disposition implique la distinction entre deux catégories d’exceptions, car toute les exceptions ne sont opposables, ou inopposables.

  • Les exceptions inopposables :
  • Les exceptions tirés de la nullité du rapport fondamental (vice consentement, cause illicite). En effet, la dette peut n’avoir pas de cause ou avoir une cause illicite.
  • Les exceptions tenant à la disparition du rapport fondamental. Par ex : en raison d’une compensation dans les rapports tireur/tiré.
  • Les exceptions tirées de la nullité de l’obligation cambiaire, ce qui revient à la question des effets de complaisance.
  • Les exceptions opposables :
  • Les exceptions tirées d’un vice apparent de la lettre de change, puisque les droits du porteur naissent de l’apparence de la dette.
  • L’exception dite de faux : elle résulte de la falsification des signatures.
  • La question de l’absence totale de capacité, avec une atténuation, cde l’indépendance des signatures, en effet la question de capacité donne lieu à une qualification indépendante.
  • Les exceptions tiré du lien entre le porteur et le tiré, peu importe que le porteur soit le tireur porteur ou un tiers porteur.

  • 4 : Le refus d’acceptation

C’est l’hypothèse où le tiré renvoie la lettre de change non acceptée au tiers porteur ou lorsque le tiré a accepté, mais que de façon conditionnelle. Comment interpréter cette acceptation conditionnelle. La conditionnalité de la provision présente un défaut.

A partir du moment où il y a refus d’acceptation, le porteur doit agir comme si la lettre n’avait pas été payée à l’échéance, conséquence article L 511-39, le porteur qui est à l’origine de la présentation doit faire établir le protêt, cela sauf s’il existe une clause de dépôt de protêt. Si on fait dresser protêt, le porteur pourra agir immédiatement et de façon anticipé, afin d’être payé sur le terrain cambiaire.