Article 1242 al. 5 du code civil : responsabilité du commettant

La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés.

La responsabilité des commettants est l’obligation de réparer le préjudice causé par leurs préposés.. L’article 1242 al 5 du code civil dispose que «Les maîtres et les commettants (sont responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés; ».

Domaine de la responsabilité :

  • Commettant: le commettant est la personne qui charge une autre d’exécuter une mission en son nom et qui assume la responsabilité civile des actes accomplis au titre de cette mission.
  • Préposé Celui qui agit sous la direction du commettant est le préposé. Le préposé ne répond pas – sauf faute pénale – des dommages qu’il cause à autrui dans le cadre de son activité professionnelle; le commettant, seul, engage sa responsabilité, car de tels dommages sont considérés comme un risque d’entreprise. » (Définition du commettant et du préposé issue du site : https://actu.dalloz-etudiant.fr/ )
  • 1242 al 5 du code civil ne joue que pour des dommages causés par un préposé à des tiers. Si la victime est un autre préposé, la responsabilité du commettant sera de nature contractuelle.

A – Les conditions

L’article 1242 al 5 du code civil soulève pour son application deux questions importantes, qu’est ce qu’un préposé ? qu’entend t-on par fonction ? Cour de cassation a eu beaucoup de mal à fixer sa doctrine.

Pour engager la responsabilité du commettant du fait de son préposé, les conditions sont les suivantes :

  • Un lien de préposition entre le préposé et le commettant il faut qu’il existe un lien de préposition,

ce lien n’est pas clairement défini, la jurisprudence considère que ce lien est caractérisé lorsqu’il existe un lien d’autorité et un lien de subordination. Va être commettant, toute personne qui a le droit ou le pouvoir de donner à une autre, ici le préposé, des ordres et des instructions tenant à la fois au but à atteindre et aux moyens à employer la plupart du temps, le lien de subordination va révéler un contrat de travail (l’employeur fait office de commettant).

Le lien de préposition dans la jurisprudence déborde le cas du contrat de travail. Deux questions se sont posées :

  • Quid en cas de travail temporaire ? Il faut se référer au critère d’autorité. Sera présumé responsable, la personne qui avait une autorité effective sur le préposé au moment ou le dommage à été causé.
  • Quid quand une personne peut donner des ordres à une autre sans qu’il y ait pour autant contrat de travail? Dans cette hypothèse, à quand bien même il n’y a pas de contrat, cette personne sera le commettant. Il sera préposé occasionnel.

Ce lien de préposition appelle plusieurs remarques:

  • Ce lien de préposition dépasse le cadre du contrat de travail, néanmoins il y a toujours un lien d’autorité et de subordination.
  • En conséquence, le mandataire va rester indépendant, il ne peut donc pas être préposé, le mandant n’est pas commettant.
  • Un entrepreneur qui réalise des travaux lorsqu’il est indépendant, n’est pas préposé.
  • Dans certains cas, la jurisprudence tient compte des circonstances de fait, elle scrute les circonstances dans lesquelles ont eu lieu le dommage.
  • Parfois la jurisprudence tient compte de l’apparence, une victime soutient qu’elle à cru qu’une personne était le préposé d’une autre. Peut elle retenir la responsabilité de cette personne en tant que commettant, en principe le lien de préposition doit réellement exister, une apparence ne suffit pas. Pour apprécier l’abus de fonction, les juges tiennent parfois compte de l’apparence et essaieront de déterminer si la victime pouvait croire que le préposé agissait dans le cadre de ses fonctions.
  • Normalement le préposé est subordonné, il n’exerce pas librement, mais la jurisprudence est parfois souple et la cour de cassation à estimé que l’indépendance professionnelle dont joui le médecin dans l’exercice de son art, n’est pas incompatible avec l’état de subordination qui résulte d’un contrat de louage de service le louant à un tiers (Chambre criminelle, 05/03/1992, croix rouge). Un médecin peut être un préposé, pas dans l’exercice de la médecine, mais parce qu’il est subordonné administrativement.
  • Un lien de préposition implique une subordination et une autorité, l’expression naturelle est le contrat de travail mais pour autant ce lien ne se réduit pas au contrat de travail parce que la jurisprudence recours à la notion de préposé occasionnel.

Une faute du préposé :

  • le commettant va être responsable des dommages causés par ses préposés dans l’exercice de ses fonctions,
  • le commettant n’est pas responsable lorsque le préposé cause un dommage en dehors de ses fonctions. Le commettant n’est pas responsable lorsqu’il y a abus de fonction. Cette question à donné lieu à 5 arrêts en l’espace de 28 ans entre 1960 et 1988 de la formation la plus solennelle de la Cour de cassation. Conflit entre deux chambres de la cour de cassation.
  • La première école défendue par la chambre criminelle retient une conception large de la responsabilité du commettant puisque elle admet facilement le rattachement aux fonctions. Elle retient rarement l’abus de fonction parce qu’elle estime qu’il y aura rattachement aux fonctions toutes les fois ou le dommage est causé au temps, au lieu, ou avec les moyens mis a disponibilité du préposé par le commettant. Elle opère un rattachement objectif et retient une conception étroite de l’abus de fonctions.
  • La seconde école est défendue par la chambre civile qui retient une conception finaliste, elle prend en considération la raison pour laquelle le préposé a été engagé. Quelle était sa mission. Conception plus rigoureuse et revient à admettre moins souvent la responsabilité du commettant car rattachement plus difficile.
  • Résumé des 5 arrêts
  • 09/03/1960 (premier arrêt des chambres réunies), un préposé sans permis de conduire utilise le véhicule du commettant alors que celui-ci le lui à interdit, accident, la chambre criminelle à retenue la responsabilité du commettant, c’est le moyen de l’entreprise. Les chambres réunies décident que le fait d’avoir accès aux moyens du dommage pendant le temps de travail est insuffisant pour retenir la responsabilité du commettant. Chambre criminelle, motivation des chambres réunies pas très clair, désaccord persiste.
  • 10/06/1977 Assemblée plénière. Chauffeur utilise son véhicule de fonction en dehors de son temps de travail, accident. Le commettant n’est pas responsabilité du dommage causé par le préposé qui utilise sans autorisation et à des fins personnelles le véhicule qui lui est confié pour l’exercice de ses fonctions. La chambre criminelle résiste et dès lors que le dommage n’était pas causé par un véhicule utilisé par le préposé a des fins criminelles.
  • 17/06/1983 Assemblée plénière. Le commettant n’est pas responsable du dommage causé par le préposé, qui agissant sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé. Pour certains auteurs, pour qu’il y ai abus de fonctions trois conditions : absence d’autorisation, poursuite d’une fin étrangère aux fonctions, dépassement objectif des fonctions. Pour d’autres auteurs, seules les deux premières conditions étaient exigées. La troisième condition est remplie du fait que la deuxième l’est.
  • 17/11/1985 Assemblée plénière. Tranche en faveur de la seconde interprétation doctrinale. La troisième serait la condition de la seconde.
  • 19/05/1988 Assemblée plénière. Le commettant s’exonère de sa responsabilité si son préposé à agit 1) hors des fonctions auxquelles il était employé, 2) sans autorisation, 3) et à des fins étrangères à ses attributions. Trois critères : le préposé à agit en dehors de ses fonctions, sans autorisation, à des fins étrangères.
  • Conclusion : Après toute cette évolution, la Cour de cassation dans ce dernier arrêt (Cass., ass. plén., 19 mai 1988).a retenu que le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions (Cass., ass. plén., 19 mai 1988). Trois critères : le préposé à agit
    • en dehors de ses fonctions, hors lieu de travail, hors moyens fournis
    • sans autorisation,
    • à des fins étrangères. Critère finaliste de la chambre civile. Prise en compte du but de l’emploi du préposé. Comparaison entre le but de l’emploi du préposé et ses intentions. Il faut qu’il ait agit à des fins personnelles.
  • L’avant projet de loi de réforme de la responsabilité civile consacre ces critères : 1249 al 3 du code civil retiendra ces trois critères. En cas d’abus de fonction, seul le préposé est tenu responsable sur le fondement de l’article 1240, 1242 al 1 du code civil. Deux conditions, agit dans ses fonctions, ai commis une faute. Dans le cadre de la responsabilité des commettants du fait des préposés, il faudra une faute de ces derniers au sens de l’article 1240 du code civil (le gardien ne peut pas être gardien de la chose. 1242).

B – Le régime

Le préposé va t-il toujours être tenu sur la responsabilité du fait personnel ?

1°) une responsabilité de plein droit du commettant

Le commettant est responsable de plein droit et ne peut s’exonérer en rapportant la preuve de son absence de faute. Une exonération de responsabilité est possible uniquement s’il prouve que le dommage est dû à un cas de force majeure, dont les éléments constitutifs doivent être appréciés à l’égard du préposé

2°) La responsabilité personnelle du préposé

a°) le système posé par le Code civil.

  • On le sait, depuis l’arrêt du 19 mai 1988, le commettant s’exonère de sa responsabilité lorsque le salarié a agi hors de ses fonctions, sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions. Donc logiquement, dans cette situation, le salarié est personnellement responsable de ses actes.
  • Mais cette quid de la responsabilité du salarié qui agit dans le cadre de ses fonctions et commet une simple faute portant préjudice à un tiers ? Traditionnellement, la victime avait le choix d’agir soit contre le préposé seul, soit contre le commettant seul, soit contre les deux tenus in solidum. Le commettant qui avait indemnisé la victime pouvait ensuite exercer une action récursoire contre son préposé.

b°) L’évolution :

Ce système traditionnel a été mis en cause par la jurisprudence… peut-on parler d’immunité du préposé s’il commet une faute dans les limites de sa fonction ?

  • L’évolution s’est produite avec l’arrêt Costedoat Assemblée plénière 25/02/2000. au visa des anciens articles 1382 et 1384 al 5 du code civil, la Cour de cassation à énoncé dans un attendu de principe que n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui à agit sans excédé les limites de sa mission.
    • Autrement dit lorsque le préposé commet une faute mais qu’il est resté dans les limites de sa mission alors il n’est pas tenu, il n’est pas responsable. La personne tenue est le commettant. Cet arrêt à créé l’immunité de responsabilité du préposé.
    • Pourquoi ? car le commettant doit supporter les risques de son entreprise. Des lors que le préposé est dans sa mission, le commettant est seul tenu. L’année suivante, en 2001 l’assemblée plénière à limité l’immunité du préposé.
  • Arrêt Cousin, 14/12/2001. Dans cet arrêt elle énonce que, le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fut-ce sur l’ordre de son commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui ci. En cas d’infraction pénale intentionnelle, on est donc au-delà des limites de la mission du préposé en se fondant sur la gravité de l’acte commis. Une faut pénale intentionnelle exclue toute immunité du préposé).

Autrement dit, le préposé qui commet une infraction intentionnelle engage dans tous les cas sa propre responsabilité, même lorsqu’elle a été commise sur ordre du commettant (Ass. plén. 14 déc. 2001).

  • Par la suite cour de cassation a exclu toute immunité civile du préposé en cas d’infraction pénale non intentionnelle Crim 27/05/2014, dès lors que le préposé commet une faute pénale, il ne peut bénéficier d’aucune immunité. La seconde chambre civile semble avoir une notion plus restrictive de l’immunité, elle à retenue que la responsabilité du préposé pouvait être engagée lorsque le préjudice de la victime résulte d’une faute pénale ou d’une faute intentionnelle.

Conclusion: Le préposé n’engage plus sa responsabilité s’il a agi dans les limites de la mission impartie par son commettant (25 févr. 2000, Costedoat). Il bénéficie d’une immunité

TOUTEFOIS, le préposé ne bénéficie plus de cette immunité si :

  • le préposé condamné pour faute pénale intentionnelle,
  • le préposé ayant commis une faute pénale non intentionnelle qualifiée
  • le préposé ayant commis une faute intentionnelle.