Article 16 de la Constitution : pouvoirs exceptionnels en période de crise

 L’atténuation de la protection des droits fondamentaux en période exceptionnelle

Lié à l’idée que l’intérêt général va parfois imposer un régime de circonstances exceptionnelles, et donc la protection des droits sera amoindrie.  Ainsi, la Constitution accorde au Président, par l’article 16, des pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave. Seul de Gaulle en avril 1961 y a eu recours pour briser le putsch des généraux à Alger. .

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§ 1 : L’article 16 de la Constitution de 1958

 « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire, ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des Assemblées, ainsi que du Conseil Constitutionnel »

Il s’agit d’un cas exceptionnel de suspension des garanties des droits et libertés. Cela car apparaissent des circonstances exceptionnelles qui impliquent une restriction des droits pour assurer aux pouvoirs publics constitutionnels dans les moindres délais les moyens d’accomplir leur mission. L’article 16 de la Constitution a pour origine le discours de Bayeux du 16 juin 1946.

Cet article a été utilisé une seule fois, par le Général de Gaulle en mai 1961 (putsch des généraux), et ce durant 5 mois. Il va instituer un tribunal militaire à compétence spéciale pour juger les crimes commis durant la Guerre d’Algérie. En 2008, on a décidé de maintenir 16 de la Constitution dans la Constitution. Cependant, des limites sont prévues dans le cadre de l’utilisation de 16 de la Constitution. Deux sortes :

  • Garanties de forme

Le Président de la République possède la compétence de recourir à l’article 16 de la Constitution, mais il doit consulter certaines autorités avant de mettre en œuvre ces pouvoirs exceptionnels. Il doit consulter le Premier Ministre, les présidents des assemblées, et le Conseil Constitutionnel. Les avis de ces 4 personnes sont consultatifs. Le fait de publier l’avis du Conseil Constitutionnel donne une certaine force tout de même.

Le Président de la République doit présenter un discours à la Nation sur l’utilisation de l’article 16 de la Constitution.

 

  • Garanties de fond

Les mesures exceptionnelles doivent avoir pour but le rétablissement du fonctionnement normal des pouvoirs publics. Le Président de la République va pouvoir intervenir dans tous les domaines pour atteindre ce but. Aucune révision n’est possible pendant l’application de 16 de la Constitution.

 

Le juge est mal à l’aise sur le contrôle de cette mesure. Le Conseil d’État refuse de contrôler certains actes pris en application de l’article 16.

Arrêt Conseil d’État, 1962, « Rubin de Servens » → La décision du Président de recourir à l’article 16 de la Constitution est un acte de gouvernement qui ne concerne que les rapports entre l’exécutif et le législatif, et donc c’est un acte insusceptible de Recours en Excès de Pouvoir devant le juge. Le juge administratif refuse de contrôler la durée de l’application de l’article 16 de la Constitution. Il le justifie en disant que « Le Président de la République a un pouvoir inconditionnel qui est illimité dans le temps ». Il ne contrôle pas non plus tous les actes pris par le Président de la République qui vont porter sur le domaine de la loi. Le Conseil Constitutionnel non plus n’est pas compétent, car ce sont des actes pris par le Président de la République, donc réglementaire.

Le juge administratif sera par contre compétent pour vérifier la décision de déclenchement de l’article 16 par rapport aux conditions de forme (que le Président de la République ait consulté les autorités). C’est un contrôle assez inutile. Il va contrôler également les décisions du chef de l’État prises dans l’exercice de l’article 16 de la Constitution et qui concernent le domaine réglementaire.

Cet article a fait l’objet d’une révision par la Loi Constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il est prévu qu’après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil Constitutionnel peut être saisit par le Président de l’Assemblée Nationale ou celui du Sénat, ou 60 députés ou sénateurs. Le Conseil Constitutionnel rend un avis qui est consultatif. Au terme d’un délai de 60 jours d’exercice, cette consultation a lieu de plein droit.

Pour l’article 16, le Conseil d’État a toujours maintenu la qualité d’acte de gouvernement, mais il a précisé dans l’Arrêt du Conseil d’État , 1969, « D’Oriano », que cela devait être amoindri, car il contrôlait une mesure qui relevait de l’article 16 de la Constitution et pour laquelle il n’est normalement pas compétent. Il énonce qu’il y a une limite aux circonstances exceptionnelles qui est celle de la reconnaissance des droits de la défense.

Sébastien Platon s’interroge sur l’efficacité de la révision et énonce qu’avec cette révision, le comité Balladur n’a proposé qu’un « toilettage de surface » de l’article 16 de la Constitution. Ce qu’il eut été correct d’accomplir aurait été d’instaurer non pas un avis consultatif du Conseil Constitutionnel à 30 et 60 jours, mais d’avis conforme du Conseil Constitutionnel. Cette proposition d’avis conforme serait venue contredire la Jurisprudence « Ruben de Servens » qui est toujours valable.

Il s’interroge aussi sur la question du cumul des lois portant circonstances exceptionnelles avec l’utilisation de l’article 16 de la Constitution. Il dit qu’en soi, puisque ce n’est pas précisé dans le texte, il est possible d’invoquer en même temps à la fois l’article 16 de la Constitution, l’état d’urgence, et l’état de siège.

§ 2 : Des lois spéciales en période de crise

A) L’état de siège

Fondé sur une législation du XIXe siècle, l’article 36 de la Constitution prévoit le transfert des pouvoirs de police à l’autorité militaire. L’état de siège peut être décrété en Conseil des ministres. Sa prolongation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement. Historiquement, l’état de siège n’a été activé en France qu’en période de guerre ouverte, au début des premier et second conflit mondiaux.

B) L’état d’urgence

L’état d’urgence n’est pas issu la Constitution, mais d’une loi de  1955 qui prévoit un renforcement des pouvoirs des forces de l’ordre. Cette disposition a été utilisée à plusieurs reprises, durant la guerre d’Algérie, puis en 1984 en Nouvelle-Calédonie, et en 2005 lors des émeutes dans les banlieues. L’état d’urgence se distingue donc de l’état de siège en ce qu’il maintient les pouvoirs de police dans les mains d’autorités civiles et pas militaires. Pour le reste, il octroie des pouvoirs plus étendus et permet des limitations plus fortes aux libertés civiles et politiques : liberté d’expression, de presse, de circulation, inviolabilité du domicile…