Comment et pourquoi est née la juridiction administrative ?

La naissance et le développement de la juridiction administrative

L’existence de la juridiction administrative n’a rien d’évident et de naturelle. Plusieurs modèles alternatives sont là pour en attester. La juridiction administrative en France n’a pas été voulue, elle est le résultat d’une évoluions progressive voire hasardeuse. En d’autre terme l’existence d’une juridiction administrative est accidentelle et découle d’une configuration historique propre à la France. Il convient d’étudier les causes d’une telle juridiction avant de s’intéresser à la compétence qu’il lui a été progressivement reconnu.

L’existence de la juridiction administrative : Son existence en France et le fruit plus que du hasard d’un déterminisme historique et politique elle peut être conçue comme la conséquence, le reflet de la conception absolutiste du pouvoir caractérisant la France. C’est d’une part ce qui explique son apparition tardive et en apparence accidentelle et d’autre part sa spécificité et sa forme actuelle.

L’apparition d’une juridiction administrative L’ origine la plus lointaine provient de l’existence d’un pouvoir d’Etat fort lequel semble fondé et justifier la spécificité, l’exorbitance des litiges qui sont relatives à son activité. Seulement cette exorbitance n’a eu dans un premier temps qu’une traduction négative consistant seulement à exclure ses litiges de la compétence du juge ordinaire et à les remettre entre les mains de l’administration elle-même. Ce n’est que dans un second temps que s’opérera la distinction entre administration active et administration contentieuse par la création d’une véritable juridiction administrative permettant ainsi l’avènement d’un contentieux administratif mais dont l’existence demeure le reflet de cette puissance étatique.

1) La différenciation séculaire des litiges de la puissance publique

L’idée selon laquelle le contentieux suscité par l’administration serait à ce point différend, exorbitant du contentieux ordinaire semble mécaniquement apparaitre dès lors que l’administration dispose d’une puissance suffisante et que le pouvoir politique est suffisamment centralisé. Il est ainsi remarquable que l’ébauche d’un contentieux administratif apparait dans l’empire romain sous le règne d’Auguste. Tandis qu’il disparait de manière contremitente avec la disparition du pouvoir central durant le haut moyen Age c’est-à-dire du 5ème au 10ème siècle et qu’il réapparait à mesure que le pouvoir monarchique se réaffirme et se centralise à partir du 13ème siècle. Forcé de constater que si ces ébauches tendent à différencier les litiges administratives afin de les retirer à la compétence des juridictions ordinaires bien évidemment aucune d’entre elle ne sera soumis à une juridiction spécialisé d’où la difficulté de parler de contentieux administratif. Sous l’empire romain et du 13ème siècle en France l’exorbitante de ces litiges en laissent la connaissance à son auteur (prince et son conseil).

Dès le 13ème siècle et précisément sous le règne de Philippes lebel l’ensemble du royaume était régit par le monarque et à travers lui par les parlements qui étaient compétents pour trancher les litiges entre particulier, la cour des comptes qui surveillait et contrôlait le domaine des finances du royaume et par le conseil du roi. Le conseil du roi était un organe d’appuie dont le rôle était principalement de conseiller le roi dans son administration du royaume. Son rôle de conseil s’est naturellement étendu aux affaires contentieuses ressortissants a ce domaine que le roi traitait directement c’est ainsi qu’à partir du 16ème siècle la majeur partie des litiges administratives étaient traité par le roi en conseil d’Etat.

Le processus de centralisation ainsi entamé s’est rapidement étendu au niveau local bien sûr, la création des intendants au 15ème siècle qui était les représentants du roi au niveau local et disposant de large prérogative en est l’illustration. Il est d’ailleurs a noté que c’est parce que les parlements de provinces tentaient de s’immiscer dans les affaires publiques locales que louis XIII édicta en 1641 l’édit de saint germain en laye selon lequel « très express inhibition et défense de connaitre des affaires qui peuvent concerner l’administration et le gouvernent de celui-ci sont faites aux parlements. » on peut reconnaitre ici l’acte de naissance de la conception française du contentieux administratif caractérisé par sa filiation propre au pouvoir exécutif.

Cette tradition française est celle de la puissance d’Etat ou celui-ci apparait comme sa propre fin. Tandis qu’au moyen Age la coercition était nécessairement attaché à la justice c’est-à-dire a une finalité transcendante et extérieur au pouvoir politique. Au moyen Age la finalité est la justification des pouvoir de commandement avec l’écriture et les textes de l’antiquité. L’avènement de l’ancien régime se manifeste par la consécration et le développement d’un pouvoir de commandement détaché, autonome de la justice. Le pouvoir politique et l’Etat qui en forme le support devient alors sa propre fin. C’est qu’on a pu appeler la raison d’Etat et il n’est pas étonnant de voir que la raison d’Etat se voit développer par jean Godin. Le pouvoir de commandement dont l’Etat dispose et donc exercé pour maintenir l’ordre et pour suivre l’intérêt supérieur du royaume. Et peut se faisant dans une certaine mesure méconnaitre et outre passé les droits des sujets.

La révolution française loin de rompre avec cette évolution là au contraire prolongé et légitimé en faisant de la nation la source du pouvoir politique et de l’Etat. Elle assoit la légitimité de ce dernier tout en conservant le caractère unitaire et donc absolue du pouvoir que l’Etat exerce. L’intérêt général demeurera ainsi différent et supérieur aux simples intérêts particuliers devant lesquels ils devront s’incliner. La révolution française et les expériences impériales poursuivront donc le mouvement initié sous l’ancien régime de séparation entre commandement et justice impliquant une autonomie du pouvoir exécutif et par conséquent une différenciation entre les litiges de droit commun et les litiges de la puissance publique.

Cette continuité est d’autant plus remarquable que la consécration de la séparation des pouvoirs aurait dû entrainer des conséquences relatives aux litiges de l’administration. En effet, alors qu’en toute logique la séparation des pouvoirs impliquent qu’un pouvoir ne puisse contrôler, se juger lui-même la puissance publique est restée à l’écart de ce paradigme. Cette situation s’explique vraisemblablement d’une part par le fait que les révolutionnaire se méfiaient des juges parce qu’ils avaient constatés qu’ils étaient pour une grande part de la stérilisation de l’ancien régime et d’autre part car souhaitant pour la plus part remodeler la société afin de trancher avec la société de l’ancien régime et bien il souhaite conserver intacte la puissance de l’Etat. Continuité de la puissance publique a inspiré un article de Georges Vedel.

C’est ainsi que l’article 13 de la loi du 24 et 24 aout 1792 qui affirme que les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparé des juridictions, les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelques manières que ce soit les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les administrations pour raison de leurs fonctions de même. Le décret du 16 fructidor an III rappel que défense itérative sont faites aux tribunaux de connaitre des actes d’administration de quelques espèces qu’il soit au peine de droit. è Continuité de droit administratif puisqu’elle ressemble à l’édit de saint germain, le même objet. (Numéro spéciaux RFDA 1990)

C’est alors qu’à pris naissance la théorie dite du ministre juge à partir du directoire qu’il consistait à soumettre les litiges relatives aux affaires publiques aux ministres matériellement compétent ou pour certaine affaire moins importante aux autorités locales déconcentrées. Si la matière litigieuse administrative est clairement différenciée des affaires communes il en résulte d’une profonde confusion entre administration active et administration contentieuse.

Ce système fut prolongé malgré les critiques de libéraux jusqu’au début de la IIIème république. Entre temps, les deux épisodes Imperio reprise ce système. Le consulat va être déterminant parce qu’il va jeter les bases de l’organisation modèle de la futur juridiction administrative mais sans s’écarter de la confusion entre administration active et contentieuse. Par son article 52 la constitution du 22 frimaire an VIII crée le conseil d’Etat lequel était chargé « de rédiger les projets de loi et les règlements de l’administration publique et de résoudre les difficulté qui s’élève en matière administratif sous légi du chef de l’Etat ».

L’arrêté du 5 nivôse an VIII précise que ces difficultés sont « les affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise au ministre » à la lecture de ces textes la cause serait entendue, le conseil d’Etat a été conçu pour s’approprier les compétences des ministres. Il devrait ainsi favoriser la naissance d’un contentieux administratif. D’ailleurs cette volonté du consulat de jeter les bases d’un appareil juridictionnel destiner à juger l’administration et confirmé par la création des conseils de préfecture par la loi du 28 pluviôse an VIII.

Compétent comme le conseil d’Etat pour connaitre des litiges de l’administration en premier ressort, ceci ne dispose que d’une compétence d’attribution qui portait à l’origine sur les contributions direct et aux travaux publics cette compétence avant d’être étendu dans les années 30 à certains litiges des collectivités territoriales et au contrat d’occupation du domaine public. Malgré cette ébauche de structure la confusion entre administration active et contentieuse va rester. Ces embryons de juridiction restent soumis au pouvoir exécutif. Tandis que le conseil d’Etat est présidé par le chef de l’Etat les conseils de préfecture le sont par le préfet. D’autre part si les conseil de préfecture bénéficie déjà de la justice déléguée ceci sont fortement limité par une compétence d’attribution étroite et surtout le conseil d’Etat demeure quant à lui soumis à la justice retenue. Le pouvoir de trancher les litiges appartient au chef de l’Etat. En outre, la liberté des conseils de préfecture n’est que de courte durée car le conseil d’Etat est compétent pour juger en appel les décisions de ces ordres. Enfin, la pratique du consulat et du premier empire ne parviendra pas à rompre avec le système du ministre juge. Ce constat révèle la difficulté conceptuelle persistante à distinguer l’administration active de l’administration contentieuse. Il y a une tentation d’étendre à l’administration contentieuse la hiérarchie propre à l’administration active.

Cela relève ainsi une double permanence, si la distinction du contentieux administrative par rapport au contentieux ordinaire fut constamment observé la maitrise de ce contentieux par le pouvoir qui en est le même à l’origine ne fut pas d’avantage démenti. Comme l’énonce Bernard Pacteau décrivant le passage de la révolution française et son absence de conséquence fasse au contentieux administratif « au nom d’un principe entre la justice et l’administration ont débouché sur leur confusion, Par crainte du juge administrateur on prenait le risque de l’administrateur juge »

consécration progressive d’une juridiction administra

La structure pré juridictionnel créée sous le consulat bien que demeurant dans un premier temps sans effet sur l’empire du pouvoir exécutif a néanmoins été perfectionné durant le 19ème siècle se rapprochant progressivement du système qu’on connait aujourd’hui. Ce processus commence par le développement d’un droit du contentieux administratif avant d’aboutir à la consécration d’une véritable juridiction administratif.

La première étape de ce processus résulte de décret du 2 février et 12 mars 1831, ils renforcèrent la dimension quasi juridictionnelle du traitement administratif en consacrant le principe de l’audience publique et en autorisant les avocats des parties à présenter des observations orales devant le conseil d’Etat. Sans bouleverser le système existant ces dispositions tendant à acclimater la forme du procès dans le cadre du traitement des litiges de la puissance publique.

Une deuxième étape fondamentale résulte du décret 2 novembre 1864, c’est le second empire (l’empire libéral), il s’agit donc du premier exemple de l’importance de la voie publique par le second empire à partir de 1860 à l’égard du contentieux administratif. Il procèdera à plusieurs réformes essentielles sans pour autant réaliser la réforme décisive qui aurait été en la consécration de la justice déléguée. Ce décret est important car en imposant dans son article 6 au ministre saisi d’une réclamation de statuer sur celle-ci et selon son article 7 dans un délai de 4 mois il consacre l’idée selon laquelle le silence de l’administration vaut rejet. En d’autre terme le pouvoir des ministres est désormais domestiqué ils ne peuvent plus faire échec au pouvoir contentieux par le seul silence puisqu’ils sont désormais contraint à la décision. L’administration active ne décide donc plus de manière discrétionnaire et exclusive de l’opportunité et de la destinée des réclamations. .

Toutefois les justices de droit administratives demeuraient retenue et donc sous la coupe de pouvoir exécutif. Signe d’un changement à venir l’article 89 de la constitution de 1848, crée le tribunal des conflits chargeait de déterminer l’ordre compétent pour juger les litiges dont la nature est incertain. Cette nouvelle institution qui puis est paritaire, ce substitue au conseil d’Etat et à travers le chef d’Etat pour résoudre les difficultés de compétence. Ce qui favorise bien sûr une certaine autonomie de la conception des litiges administratifs.

La loi du 3 mars 1849 consacre enfin la justice déléguée mais elle fut rapidement remise en cause par le second empire dont il faudra attendre sa chute pour qu’elle soit définitivement établit.

Le second empire a néanmoins prolongé le perfectionnement du contentieux administratif en dispensant notamment le REP du ministère d’avocat ainsi qu’en étendant au conseil de préfecture les avancés procédurales qui avait bénéficié au conseil d’Etat depuis la monarchie de juillet (2 décrets de 1831).

La justice déléguée fut définitivement consacré avec la chute du second empire par la loi du 24 mai 1872, elle établit que « le conseil d’Etat statut souverainement sur les recours en matière contentieuse et administrative et sur les demandes d’annulation pour REP formés contre les actes d’autorité administrative », la juridiction (possibilité de trancher le droit) appartient désormais au conseil d’Etat lui-même et non plus au chef de l’exécutif, le conseil d’Etat statut alors au nom du peuple français.

En consacrant l’autonomie du conseil d’Etat par rapport au pouvoir exécutif la loi du 24 mai 1872 sépare pour la première fois nettement l’administration active de l’administration contentieuse. Elle consacre ainsi l’existence d’une juridiction administrative et confirme l’existence d’un véritable contentieux administratif. Cette césure établit au sommet entre le pouvoir exécutif et le contentieux qu’il suscite privée alors de fondement la connaissance par l’administration par son contentieux en premier ressort. En d’autre terme l’apparition du ministre juge apparaissait comme une anomalie qu’il fallait supprimer. Il est d’ailleurs particulièrement remarquable qu’il a été réalisé par le conseil D’Etat lui-même mettant rapidement à profit son indépendance nouvellement acquise ARRET CADOT 13 DECEMBRE 1889.

Le dernier fragment liant l’administration active et l’administration contentieuse consistait en la présidence par le préfet des conseils de préfecture. Elle fut enfin supprimée quant à elle par le décret-loi du 6 septembre 1926.

CONCLUSION : à la lumière du légicentrisme l’existence d’une juridiction administrative peut être considéré comme le témoin d’une culture juridique caractérisée par la puissance de l’Etat c’est également cette autorité rattaché à la puissance publique qui explique le caractère en apparence hasardeuse ou au moins progressive de l’administration. Comme le souligné Dicey observant le droit administratif « il est aussi vrai de dire que cette branche du droit français que de la constitution anglaise qu’elle n’a pas été faite mais concédé », accédant d’un certain degré de centralisation et bénéficiant d’une légitimité suffisante la puissance de l’Etat et l’activité qu’elle suscite semble naturellement conçut comme exorbitante. Cette différence fonde ainsi la conviction en nécessité d’un traitement dérogatoire de la puissance publique. Cette conviction est d’ailleurs si forte en France qu’elle a justifiée durant plusieurs siècles l’exonération des litiges administratifs de tout traitement véritablement juridictionnel. La consécration d’une juridiction administrative si elle marque évidemment une étape importante n’en est pas moins une autre expression de cette conviction elle peut être conçut comme la puissance de l’Etat dans une société moderne garantissant les principes de l’Etat de droit mais n’aillant pas rompu avec l’idée d’un traitement nécessairement dérogatoire et en quelque sorte bien veillant de la puissance publique. Ce traitement ne serait plus être prodigué par l’administration elle-même mais il ne serait toujours pas l’être par le juge de l’administration commun. Il ne serait être prodiguer que par un organe singulier qui s’il est statutairement séparé du pouvoir exécutif n’en demeure pas moins ontologiquement conscient et respectueux de l’objet exorbitant qu’il est amener à juger. Puisqu’il y a une juridiction spéciale sa raison d’être est de juger des régimes spéciaux et de les juger en fonction de leurs spécificités.