Le concours de qualification pour un même fait

CONCOURS DE QUALIFICATION POUR UN MÊME FAIT

Ici, nous avons une même action délictueuse non divisible qui tombesous le coup de deux qualifications qui ne sont pas incompatibles.

Exemple : un viol est commis dans un lieu public (viol et exhibition), une escroquerie est commise avec des faux, un homicide involontaire est causé par une faute qui constitue aussi une infraction autonome de manquement à une obligation de sécurité. Que va-t-on faire ?

A La solution de principe

C’est de ne retenir qu’une seule qualification, une seule infraction avec donc une seule déclaration de culpabilité et mes seules peines attachées à cette infraction.

Et cette solution de principe est mise en œuvre comme suit : on retient la plus haute qualification pénale de celles en concours et si les infractions en concours sont de gravité égale, la Jurisprudence a tendance à faire prévaloir « l’infraction fin » sur « l’infraction moyen ».

Cette solution de principe est parfois fondée en doctrine mais aussi par quelques arrêts anciens sur la règle non bis in idem. Mais la plupart des décisions se contentent d’affirmer qu’une seule action ne peut faire l’objet de qualifications distinctes et de peines séparées.

Ainsi le viol sera poursuivi mais non l’exhibition sexuelle, le délit d’acte de cruauté envers un animal sera poursuivi mais non la contravention de mise à mort d’un animal domestique.

B les solutions particulières

Ici, nos concours de qualification pour un même fait ne vont pas recevoir la même réponse.

Ils vont être analysés comme concours d’infractions, un concours d’infractions car on va retenir pour des raisons diverses plusieurs qualifications, plusieurs infractions. (On ne va pas au dessus de deux tout de même !).

On a créé pour décrire cette situation, la notion de« concours idéal » afin de la distinguer du concours réel. Un concours « idéal » d’infractions car, pour utiliser la formule de Merle et Vitu, on a un seul fait matériel, mais il y a concours idéal c’est à dire théorique de qualification: l’activité pénale dudélinquant présente différents aspects, différents noms, différents degré degravité.

  1. Pradel et Varinard préfèrent parler ici de cumul de qualifications et d’infractions) réservant la notion de concours de qualification aux cas où finalement une seule qualification est retenue ; c’est compliquer les choses car dans le code on parle de concours d’infractions pour les cas où plusieurs déclarations de culpabilité sont prononcées pour plusieurs infractions.

D et L eux utilisent la notion de concours idéal pour désigner à la fois le concours de qualification qui reçoit la solution classique une seule poursuite et la plus haute, et certaines des solutions particulières que nous allons voir.

Pour les autres cas, ils y voient des concours réels…alors que Merle et Vitu y voient eux des concours idéaux de qualification, traités selon le régime des concours réels.

Merle et Vitu emploient la notion de concours idéalpour les cas donnant lieu à plusieurs qualifications, c’est à dire pour désigner toutes les solutions particulières mais non pas les concours de qualification qui reçoivent la solution classique !

En réalité, on peut ne pas rentrer dans ces querelles et dire que certains casde concours de qualification vont donner lieu à con cours d’infraction et au plandu régime être traités comme les concours réels mais il semble cependantlogique comme le font Merle et Vitu de les appeler « concours idéal ».

Quelles sont ces situations ?

  • 1 Cas de pluralité d’intentions et d’intérêts protégés par des textes en concours.

On peut ici partir de ce qui apparaît aux yeux de certains comme un arrêtde principe,

L’arrêt Ben Haddadi du 3 mars 1960.

« Le fait de lancer une grenade dans un immeuble habité constituait non pas un crime unique dont la poursuite sous deux qualifications différentes serait contraire au vœu de la loi mais deux crimes simultanés (destruction par explosif et assassinat) commis par le même moyen mais caractérisés par des intentions coupables essentiellement différentes ».

La cour avait noté aussi au préalable que les deux crimes susceptibles d’être reprochés protégeaient des valeurs sociales essentiellement différentes la destruction par explosif, essentiellement établie en vue d’assurer la protection des propriétés et qu’il était constitué sans que nos auteur ait eu une intention homicide.

La même motivation se retrouve et explique les poursuites à la fois pour conduite en état d’ivresse et ivresse sur la voie publique, diffamation et violation du secret professionnel (19 oct. 1982 B 225).

Dans l’affaire du sang contaminé, il semble que ce soit au nom de la diversité des intérêts protégés que la cour de cassation ait admis les poursuites à la fois sur la qualification de tromperie et sur celle d’empoisonnement (Crim. 22 juin 1994). Idem pour la prise illégale d’intérêt et l’usurpation de fonction 21 fév. 2001 n° 46

Ou la corruption et l’abus de biens sociaux 27 oct. 1997 B 353

3° Les demandeurs sont sans intérêt à reprocher à la cour d’appel de les avoir déclarés coupables des mêmes faits sous lesualificationsq pénales de corruption et de complicité ou recel d’abus de biens sociaux – comportant au demeurant des éléments constitutifs différents – dès lors que, conformément aux articles 5 ancien et 132-3 nouveau du Code pénal, une seule peine a été prononcée (2).

Ou encore le détournement d’hélicoptère et la priseen otage du pilote (Crim.22 nov. 1983). Crime de guerre et crime contre l’humanité, (Crim. 20 déc. 1985 B407 et 25 nov. 1986 B353 Barbie) ; licenciement d’un salarié sans autorisation administrative et conseiller prud’homal (Crim.22avril 1986 B133).

Dans tous ces cas, on aura pluralité de déclaration de culpabilité et les mêmes règles en matière de peine que dans un concours réel d’infractions en cas d’unicité de procédure, c’est à dire une seule peine.

  • 2 Cas de pluralité de résultat diversement qualifiés.

Un fait unique a pu causer des blessures à plusieurs victimes mais le degré de gravité de leurs blessures est très différent. Or, les différentes infractions sont définies en fonction de ce « résultat ». Le même fait peut donc être lu comme des blessures involontaires n’entraînant pas d’Interruption de Travail Temporaire de plus de trois mois (R625-2) ou des blessures entraînant plus de trois mois d’Interruption de Travail Temporaire (222-19). Pour des raisons ici purement procédurales et tenant à l’action civile des victimes, on va poursuivre sous les deux qualifications alors pourtant qu’il n’a été commis qu’un seul acte au surplus involontaire. Il s’agit de préserver le droit à réparation pour les victimes, droit qu’elles ne peuvent exercer qu’à raison du dommage que leur a causé l’infraction.

Ici, toutes les qualifications vont être visées mais ce n’est pas exactement le régime du concours d’infractions qui s’applique, puisque seule la pénalité correspondant au délit va pouvoir être prononcée. Crim. 21 septembre 1999