Le créancier saisissant et le débiteur saisi

Procédures civiles d’exécution : Les conditions relatives aux personnes

Les voies d’exécutions opposent deux personnes principales: celle qui pratique la saisie (le créancier saisissant, le saisissant) (Section 1) et celle qui subit la saisie (le débiteur saisi, le saisi) (Section 2).

Section 1: Les créanciers saisissants

Tous les créanciers peuvent saisir les biens de leurs débiteurs s’ils en ont la capacité et le pouvoir (L91 Article 1 al.1)

1) La capacité du créancier saisissant

  1. A) La capacité requise

Capacité d’administrer: « Sauf disposition contraire, l’exercice d’une mesure d’exécution et d’une mesure conservatoire est considéré comme un acte d’administration sous réserve des dispositions du code civil relatives à la réception des deniers » (L91 Article 26) ainsi, la capacité d’administrer suffit pour pratiquer une saisie.

2 exceptions:

  • la saisie immobilière: la mise en œuvre d’une saisie immobilière est assimilable à un acte de disposition car le créancier s’engage à acquérir le bien mis aux enchères si celui-ci n’est pas adjugé, il doit donc avoir la capacité de disposer.
  • la réception des deniers: est exigée pour la réception des deniers la même capacité que pour aliéner un bien i.e. la capacité de disposer (Code Civil Article 1241).

Capacité d’ester en justice (non): la capacité d’ester en justice du créancier n’est pas requise puisque les procédures civiles d’exécution ont été déjudiciarisées.

Exceptions:

  • la déjudiciarisation n’est pas totale, les saisies devenant judiciaires lorsque des incidents surviennent au cours de leur exécution et alors la capacité d’ester en justice devient nécessaire.
  • la capacité d’ester en justice est toujours requise pour la saisie immobilière puisqu’elle reste judiciaire du début jusqu’à la fin.

  1. B) Les personnes capables

Le majeur de 18 ans a nécessairement la capacité de diligenter seul toutes les procédures civiles d’exécution puisqu’il est capable pour tous les actes de la vie civile.

Majeurs incapables:

  • majeur sous sauvegarde de justice: il a la capacité requise puisqu’il conserve l’exercice de ses droits.
  • majeur sous curatelle: il a la capacité requise puisque les voies d’exécution ne figurent pas parmi les actes pour lesquels l’assistance du curateur est requise.

Exception: le juge des tutelles peut prévoir expressément que l’assistance d’un curateur sera nécessaire pour la mise en œuvre des voies d’exécution.

  • majeur sous tutelle: il n’a pas la capacité, le tuteur doit donc mettre en œuvre la procédure de saisie.

Mineurs:

  • mineur émancipé de 16 à 18 ans: il a la capacité de saisir puisqu’il est capable, comme un majeur, d’effectuer tous les actes de la vie civile.
  • mineur non émancipé il n’a pas la capacité requise, les règles relatives à l’administration légale s’appliquent i.e. seul l’administrateur légal (parents) peut faire procéder à une saisie au nom et pour le compte du mineur.

2) Le pouvoir du créancier saisissant

Le créancier majeur et capable peut diligenter une procédure civile d’exécution et peut pour cela charger un mandataire de le représenter. Dans ce cas, le mandataire reçoit le pouvoir d’agir soit par une procuration (mandat général) soit par un mandat spécial. Le mandat spécial n’est pas nécessairement requis.

  • vLe représentant de l’incapable: il a nécessairement le pouvoir pour agir (cela découle des textes).
  • vLes époux: lorsque les créanciers sont mariés, si les époux ont une entière capacité pour saisir, leur régime matrimonial agit sur leur pouvoir.

Quel que soit le régime matrimonial, chaque époux peut pratiquer une saisie pour sauvegarder ses biens personnels.

De plus, les époux peuvent toujours se représenter mutuellement grâce au pouvoir que le régime matrimonial leur attribue au titre de la représentation conventionnelle ou judiciaire, dans le pire des cas (Article 217 et suivants Code Civil).

  • régimes séparatistes: chaque époux peut pratiquer une saisie pour la sauvegarde de ses biens.
  • régimes communautaires: chaque époux peut pratiquer seul une saisie pour la sauvegarde de ses biens propre mais également pratiquer seul une saisie pour la sauvegarde des biens communs.

Cession ou de transmission de la créance par le créancier: l’ayant-cause peut pratiquer la mesure d’exécution que son auteur pouvait diligenter mais certaines formalités s’imposent:

  • ayant cause universel ou à titre universel (les héritiers i.e. sans testament ou les légataires i.e. par testament): il doit justifier de sa qualité en notifiant l’acte de décès de son auteur au débiteur. En outre, il doit lui adresser soit un acte de notoriété, dressé par le notaire en cas de succession légale i.e. de succession sans testament, soit le texte de la partie du testament contenant le legs en cas de succession testamentaire.
  • ayant cause particulier (cessionnaire ou légataire à titre particulier dans le cas du legs d’un bien déterminé): il doit prouver la transmission ou la cession.

le cessionnaire doit nécessairement respecter les conditions de la cession de créance (Code Civil Article 1690).

le légataire doit notifier la partie du testament contenant le legs particulier en sa faveur.

Subrogation: le pouvoir de saisir appartient à toute personne subrogée dans les droits du créancier.

Action oblique: les créanciers du créancier peuvent pratiquer une mesure d’exécution au nom de leur débiteur au titre de l’action oblique si la négligence du débiteur compromet leurs droits.

Section 2: Les débiteurs saisis

En principe, la saisie est diligentée contre le débiteur (1) mais il existe des exceptions (2).

1) Le principe: la mesure d’exécution diligenté contre le débiteur

En principe la saisie est diligentée contre le débiteur ou son ayant cause s’il est décédé. Des problèmes de capacité et de pouvoir se posent.

  1. A) La capacité

Débiteur majeur capable: la mesure d’exécution est directement pratiquée contre lui.

Débiteur incapable:

  • régime d’assistance (curatelle): la saisie est diligentée contre le débiteur lui-même mais le créancier doit obligatoirement faire intervenir le curateur.
  • régime de représentation (mineur non émancipé ou majeur sous tutelle): la saisie est dirigée contre le représentant légal (parents ou tuteur), le débiteur n’a pas à être mis en cause.

  1. B) Le pouvoir

Si le débiteur est engagé dans les liens du mariage, il faut composer avec les règles relatives au régime primaire et les règles propres aux régimes matrimoniaux.

Le régime primaire: il s’agit de l’ensemble des règles applicables à tous les époux quel que soit régime matrimonial, les époux sont tenus solidairement des dettes relatives à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants (Code Civil Article 220). Ainsi, les créanciers peuvent saisir tous les biens du couple (biens communs et biens propres de chaque époux) si la dette est relative à l’entretien du ménage ou à l’éducation des enfants.

Exception: la solidarité est écartée pour les dépenses manifestement excessives eu égard train vie ménage, les dépenses à tempérament et les emprunts personnels à un époux sauf petit emprunt relatif à de petites dépenses ménage. Lors la solidarité est écartée, la mesure ne peut être diligentée que contre l’époux ayant contracté la dette puisque l’autre époux n’est pas tenu.

Les règles propres aux régimes matrimoniaux:

  • régimes séparatistes: chaque époux est poursuivi par ses propres créanciers sur ses biens personnels.
  • régimes communautaires:
  • biens communs: en principe, les créanciers peuvent saisir les biens communs pendant le mariage.

Exception: fraude de l’un des époux à l’égard de l’autre.

  • biens propres: en principe, les biens propres d’un époux ne sont saisissables que par ses créanciers personnels.

Exception: dette ménagère (Code Civil Article 220 cf. supra.).

2) Les exceptions

La mesure d’exécution peut par exception être diligentée contre un tiers (A) et parfois aucune mesure d’exécution ne peut être diligentée contre le débiteur (B).

  1. A) La mesure d’exécution diligentée contre un tiers

En matière de saisie immobilière, le droit de suite du créancier hypothécaire lui permet de poursuivre la saisie de l’immeuble entre les mains d’un tiers détenteur.

En cas de saisie contre la caution réelle i.e. la personne qui a hypothéqué son immeuble pour garantir le paiement de la dette d’autrui. Dans ce cas, il ne s’agit pas véritablement d’une exception car la prétendue caution réelle s’est personnellement obligée sur son immeuble, c’est donc en vertu d’une obligation qui lui est personnelle que le créancier la poursuit.

  1. B) L’impossibilité de diligenter une mesure d’exécution contre le débiteur

«L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution. » (L91 Article 1 al.3) i.e. aucune mesure d’exécution ne peut être diligentée contre les personnes morales françaises de droit public (Etat, établissement, collectivités territoriales), les Etats étrangers, les chefs d’Etat et souverains étrangers et les agents diplomatiques.