Conflit entre la Constitution et les traités internationaux

Conflit entre la Constitution et les traités internationaux

Dans l’ordre juridique international, c’est-à-dire les rapports entre les états, le droit international a une supériorité sur les Constitutions des États. En revanche, dans l’ordre juridique interne français, la Constitution a une primauté sur les engagements internationaux et notamment les traités.

Cette suprématie est affirmée par le Conseil d’Etat dans un arrêt Sarran du 30 octobre 1998. Selon cet arrêt, la suprématie des engagements internationaux conféré par l’article 55 de la Constitution de 1958 «ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ». La jurisprudence va dans le même sens

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I- la teneur du problème

Place de la Constitution dans la hiérarchie des normes. A l’origine 2 idées :

  • il y aurait la primauté de l’ordre international sur l’ordre interne, parce que droit international repose sur le principe « pacta sunt cervanda » ( le respect de la parole de l’autre) un Etat ne peut en aucun cas aller à l’encontre d’un engagement international en se prévalant d’une norme de son droit interne. Se faisant l’Etat porterait atteinte au principe « pacta sunt cervanda » qui est la base du droit international.
  • Il y a primauté de la Constitution sur l’ordre international en application de deux articles de la constitution, article 53 et 54. Il en résulte que les engagements internationaux doivent être conformes à la Constitution, doivent faire l’objet d’une loi de ratification. Or la loi de ratification peut être soumise à un contrôle, lorsqu’un engagement international est contraire à la Constitution soit il n’est pas ratifié par la loi, soit en vue de la ratification la Constitution est révisée.

II- la solution du droit positif

forgée lentement et par étapes successives.

A) l’émergence de la solution : la jurisprudence Koné

Elle résulte d’un arrêt de l’Assemblée plénière du CE du 03/07/1996. En l’espèce devant le CE le requérant M. Koné s’est vu notifier un décret d’extradition. Il invoque l’annulation. Fondé sur un accord de coopération franco/malien. Or M. Koné invoquait que les dispositions de l’accord de coopération étaient contraires à la loi du 10/03/1927 qui prohibe l’extradition lorsqu’elle est demandée dans un but politique.

Le CE a déplacé la question de droit, il l’a abordé sous l’angle d’un conflit entre un traité et la Constitution française. Il aurait du faire un contrôle de conformité, et aurait du écarter ce décret d’extradition. le CE l’a placé sous l’angle d’un conflit entre un traité et la Constitution française. Il prononce la supériorité de la Constitution française sur un accord international. Quelle motivation ? il existerait un principe fondamental reconnu par les lois de la république qui consiste à refuser l’extradition lorsqu’elle est demandée dans un but politique. Donc nullité du décret d’extradition. résultat :

  • selon le CE un traité international doit être inférieur à la Constitution française.
  • Le CE accepte d’examiner à posteriori la validité constitutionnelle d’un traité.

Poser question de la hiérarchie entre la Constitution française et les traités internationaux.

B) l’affirmation de la solution : les jurisprudences Sarran et Fraisse :statut de la nouvelle Calédonie.

En droit public décision de l’Assemblée du CE 30/10/1998 affaire Sarran, Levacher et autres. CE a posé principe de la primauté de la Constitution sur les traités. Supériorité fondée sur l’article 55 de la Constitution.

En droit privé, Cour de Cassation Assemblée plénière 02/06/2000 arrêt Fraisse a également confirmé la supériorité de la Constitution sur les traités internationaux fondée sur un PGD.

Lors de l’accès à l’indépendance de la nouvelle Calédonie, accords de Nouméa ( entre gouvernement français et acteurs politiques calédoniens ) qui fixent le cadre dans lequel l’évolution institutionnelle dans la nouvelle Calédonie doit s’inscrire dans les 20 prochaines années. But : transférer les pouvoirs aux institutions locales par délégation. 1ère difficulté : Constitution 1958 ne prévoyait pas une telle délégation de pouvoir pour y remédier une loi constitutionnelle du 20/07/1998 a permis de modifier la Constitution française. Depuis cette loi, la Constitution contient un titre 13 intitulé « disposition transitoires à la Nouvelle Calédonie » avec l’article 76 (jurisprudence Sarran ) et 77 (jurisprudence Fraisse) .

  • 1) article 76 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil d’Etat

article 76 prévoyait que la population de la nouvelle Calédonie devait se prononcer sur les accord de Nouméa , élection consultative pour établir liste des électeurs article 76 renvoie à une loi référendaire du 09/11/1988.

Article 2 de cette loi : « participent au scrutin seules les personnes établies en nouvelle Calédonie avant le 06/11/1988 ». Article 76 prévoit que pour l’organisation des élections un décret en CE doit intervenir 20/08/1998 le CE a pris le décret pour fixer l’organisation des élections. Il reprend article 2 du référendaire et prévoit une condition de domiciliation sur territoire de la Nouvelle Calédonie. Annulation de ce décret est demandé devant le CE, prétendent que la condition de domiciliation est incompatible avec le pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu’avec l’article 14 de la CEDH et article 3 du protocole additionnel 1 de la CEDH.

Conflit entre un décret et un accord international. Or les requérants sont partis de la considération que le décret est pris en application de l’article 76 de la Constitution. Etant visé par la Constitution, il aurait une valeur constitutionnelle. Le conflit oppose indirectement un texte interne à valeur constitutionnelle et des accords et conventions internationaux (d’après requérants la Constitution aurait une valeur supérieure)

Le CE considère que la suprématie conférée par l’article 55 de la Constitution aux engagements internationaux ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle.

1er apport : confirmation de la solution Koné,

2ème apport : CE fonde sa solution sur l’article 55 de la Constitution qui prononce la supériorité de l’ordre international sur l’ordre interne mais cet article 55 ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle.

  • 2) article 77 de la Constitution et jurisprudence de la Cour de Cassation

une fois la consultation électorale organisée, une loi organique doit intervenir pour préciser les modalités de transfert et les règles relatives à la citoyenneté et au régime électoral. 19/03/1999 loi votée article 188 de la loi réduit le corps électoral aux assemblées locales de la Nouvelle Calédonie.

Melle Fraisse se voit refuser son inscription sur les listes électorales elle saisit le tribunal de Nouméa et prétend que la loi organique de 1999 serait incompatible avec le pacte international, l’article 3 du protocole additionnel 1 de la CEDH et le traité de Rome. Question : la loi organique est elle supérieure à la Constitution française ? pourvoi devant Cour de Cassation elle se rallie à la position du CE, elle précise que la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s’appliquent pas dans l’ordre interne aux dispositions de valeur constitutionnelle. Elle se réfère au principe de la primauté de la Constitution sur les accords internationaux.

Mais la Cour de Cassation précise au préalable qu’en l’espèce la question ne s’inscrit pas dans le cadre communautaire.

  • 3) la comparaison des deux jurisprudences

Elles se rapprochent sur un point et se séparent sur un autre tout en laissant incertain un troisième.

  • CE et Cour de Cassation se rejoignent sur la solution c’est à dire les dispositions de valeur ou nature constitutionnelle sont par nature supérieure aux traités qu’ils soient antérieur ou postérieur à la Constitution.
  • CE et Cour de Cassation se séparent quant au visa et au fondement de leur solution. Sarran, CE statut au visa de l’article 55 de la Constitution, Fraisse, Cour de Cassation vise aucun texte elle se réfère à un principe de primauté dans un PGD.
    Solution Cour de Cassation a une portée plus large que solution CE, parce qu’elle laisse entendre qu’il y a plusieurs situations dans lesquelles le traité international peut s’effacer devant la Constitution. Malgré cette différence de motivation les deux juridictions reconnaissent le droit de contrôler a posteriori la constitutionnalité des engagements internationaux.

  • 4) les incertitudes suite à ces jurisprudences
  • 1ère question

comment concilier ces jurisprudences avec celle du Conseil constitutionnel. D’abord le conseil constitutionnel ne vérifie pas la constitutionnalité des traités déjà entrés en vigueur. Ensuite le conseil constitutionnel considère que les lois organiques ne font pas partie du bloc de constitutionnalité. Or la position du CE et Cour de Cassation revient à faire le contraire car toutes les lois organiques ont une valeur constitutionnelle car elles complètent ou précisent la Constitution. Ils acceptent aussi de faire contrôle de constitutionnalité des traités déjà en vigueur.

  • la 2nd question

quelle est l’étendue exacte des deux solutions ? Par ordre international faut il également entendre ordre communautaire. La Constitution serait elle supérieure aux droits communautaire originaire ou dérivé ?

a) la teneur de la question

Aujourd’hui de plus en plus les conventions européennes véhiculent des principes et droits fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, aux droits humanitaires. Peuvent elles être contraire à la constitution ou non ?

Si on estime qu’elles doivent être conformes à la Constitution, ces conventions européennes seraient condamnées dès lors qu’une seule de leur disposition contredise la Constitution. Cette solution irait à l’encontre de la CJCE car elle a une définition précise de l’ordre communautaire, 3 décision confirment la supériorité de l’ordre :

  • 05/02/1963 « la communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les membres ont limité leur droit souverain »
  • 15/07/1964 « issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait se voir judiciairement opposé à un texte interne quel qu’il soit »
  • 17/12/1970 sa jurisprudence s’applique même en présence d’un texte constitutionnel donc le droit communautaire est supérieur aux constitutions internes des différents états membres.

b) la réponse du CE et de la Cour de Cassation

cette réponse semble ne pas réserver le même sort au droit communautaire, le CE donne une réponse très générale (1) , et la Cour de Cassation donne une réponse très spécifique (2).

  • (1), de manière générale les auteurs estiment que la solution de l’affaire Sarran inclut l’ordre international et l’ordre communautaire parce que le CE emploie une formule large sans faire de distinction quant à la source des traités.
  • (2) Dans l’arrêt Fraisse, la Cour de Cassation semble réservée un sort spécifique au droit communautaire, avant de poser sa solution la Cour précise au préalable la question n’entre pas dans le champs d’application du droit communautaire. A contrario si la solution entre dans le champ d’application du droit communautaire elle serait différente. Cela signifierait que si une disposition communautaire contredit la Constitution française la disposition communautaire l’emporterait. La Cour de Cassation refuserait de faire un contrôle de constitutionnalité sur le droit communautaire.
  • La position du Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’adoption de la Constitution de l’UE, le Conseil constitutionnel a été saisi :
  • Les éléments de réponse : décision du 10/06/2004 le Conseil constitutionnel a refusé de contrôler la constitutionnalité d’une loi de transposition d’une directive européenne, le conseil précise que la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne peut être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire à la Constitution.

Le droit communautaire ne peut faire l’objet d’une contrôle de constitutionnalité sauf qu’en une disposition communautaire est expressément contraire à la Constitution il faut modifier la Constitution pour adopter la disposition communautaire.

Décision 10/11/2004, le Conseil constitutionnel réitère sa position à l’occasion de la Constitution de l’UE, deux lois constitutionnelles sont intervenues du 1er/03/2005 elles ont modifié le titre 15 de la Constitution « des communautés européennes et de l’UE » il contient article 88-1 et suivant l’ordre international visé par l’article 85, l’ordre communautaire visé par article 88-1.

Le conseil saisi pour savoir si il fallait réviser la Constitution ou pas ? il précise alors que le droit communautaire prime la Constitution sur le fondement de l’article 88-1 de la Constitution.

Principe de la supériorité du droit communautaire sur la Constitution sur le fondement de l’article 88-1, terrain d’autonomie pour l’ordre communautaire.

Exception : conseil constitutionnel affirme la supériorité de la Constitution lorsqu’une disposition communautaire est expressément contraire à la Constitution. Dans ce cas la seule voie possible est la modification de la Constitution.

  • La porté de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, quelle répercussion sur la jurisprudence du CE et de la Cour de Cassation ?

CE 05/01/05 prononcé sur la supériorité de la Constitution sur l’ordre international de façon générale sans distinguer l’ordre international et l’ordre communautaire sur le fondement de l’article 55 de la Constitution.

Aujourd’hui quelle sera la position de la Cour de Cassation ? elle irait plutôt dans le sens du Conseil constitutionnel.

Aujourd’hui en dépit de toutes ces jurisprudences récentes, la hiérarchie des normes reste encore ouverte. Tenter de trouver un agencement une cohérence entre toutes les solutions pour tenter d’établir la hiérarchie.

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