Le contrôle de l’instruction par le juge de la mise en état

Le contrôle de l’instruction par le juge de la mise en état.

Il faut préciser que le juge de la mise en état est un magistrat de la Chambre devant laquelle l’affaire est portée. Le rôle du juge de la mise en état n’est pas d’instruire lui-même. Son rôle s’est accru. Il n’empêche que son rôle classique est de contrôler l’instruction qui est le fait des parties, principalement.

Pour exercer ce contrôle, le juge de la mise en état va pouvoir entendre les avocats des parties. Mais il va aussi pouvoir leur faire toute communication qui leur sera utile, leur faire préciser leur argumentation, au moyen de bulletins de liaison.

Le juge peut même entendre les parties et constater leur conciliation totale et partielle, et homologuer les consignations que celles-ci sont parvenues à trouver devant lui.

Il faut insister sur les pouvoirs considérables de contrôle et de direction de l’instruction qui ont été progressivement reconnus au juge de la mise en état.

Ses pouvoirs lui permettent aujourd’hui, de trancher les incidents, les exceptions, de discipliner l’instruction, de veiller à sa célérité et à sa loyauté.

1) Les pouvoirs de contrôle de la loyauté et de la célérité de l’instruction du juge de la mise en état.

Ces pouvoirs résultent en particulier de l’article 753 du Code de Procédure Civile. Il est précisé que le juge de la mise en état a mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement, à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces, selon l’article 763 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Cette disposition de principe s’accompagne de pouvoirs de sanction très impressionnants pour les avocats.

Le juge de la mise en état peut adresser des injonctions aux avocats, de procéder à des communications, à des échanges de conclusions et il peut assortir ces injonctions d’astreintes.

Surtout, ce qui fait la force du juge de la mise en état, c’est que c’est à lui de fixer le rythme de l’instruction, de la rapidité de l’instruction au vu de la complexité de l’affaire.

Cela ressort très clairement de l’article 764 du Code de Procédure Civile, « Le juge de la mise en état fixe au fur et à mesure les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il doit solliciter l’avis des avocats, mais n’est pas lié par leur avis. C’est le juge de la mise en état qui va fixer la date limite pour l’échange des conclusions.

Il a aussi le pouvoir de proroger le délai judiciaire. Il apprécie souverainement de le faire ou non.

C’est le juge de la mise en état qui va apprécier la suffisance de l’instruction, de la diligence des parties.

S’il estime la diligence suffisante, il va prononcer la clôture de l’instruction et renvoyer l’affaire à l’audience de jugement pour y être plaidée, selon l’article 779 alinéa 1er du Code de Procédure Civile.

Ce pouvoir est souverain et discrétionnaire. Il est seul maître de la durée de l’instruction.

Une seule limite s’impose au juge de la mise en état, c’est que la date qui va être retenue pour l’audience des plaidoiries devra être aussi proche que possible de la date de la clôture de l’instruction.

Par conséquent, il faut tâcher de retenir deux dates les plus proches possibles.

Le juge qu’il soit est tenu d’observer le respect du principe du contradictoire, autrement dit, il ferait entorse à ce principe supérieur s’il fixait des délais que les parties n’auraient pas loisir d’avancer leurs prétentions, selon l’article 16 du Code de Procédure Civile.

Si les parties n’accomplissent pas les diligences dans les délais fixés, la sanction variera selon que le défaut de diligence est le fait d’une seule partie ou partagée par les deux.

Si le défaut de diligence est le fait d’une seule partie, en ce cas, le juge va pouvoir ordonner la clôture de l’instruction à son égard. Il pourra le faire d’office ou à la demande de l’autre partie. Seule l’autre partie pourra encore conclure désormais.

Mais il ne faudrait pas qu’il en résulte une entorse à la contradiction. Mais si des autres conclusions sont versées, selon le principe du contradictoire, le juge de la mise en état rétractera cette ordonnance pour que la partie non diligente puisse répondre. Il en va de même pour une faute grave ou particulièrement justifiée selon l’article 780 du Code de Procédure Civile.

Il se peut aussi que si à la suite du défaut de diligence, l’affaire est immédiatement en état d’être jugée, il pourra ordonner la clôture de l’instruction et renvoyer devant le Tribunal pour l’audience des plaidoiries.

Si l’inaction est commune aux deux parties, la solution sera différente. Le juge ne va plus ordonner la clôture de l’instruction mais la radiation de l’affaire. L’affaire sera supprimée du rôle de la juridiction et plus appelée à l’audience. Il est question de radiation et non pas de caducité.

Les parties pourront demander à ce que l’affaire soit réenrôlée, afin que l’affaire soit jugée, elles pourront demander à ce que le juge accomplisse son devoir de juger.

Cette décision de radiation est difficile pour les avocats car le juge envoiera une copie aux avocats et aux parties qui comprendront que les avocats ont manqué de diligence, selon l’article 781 du Code de Procédure Civile.

Il peut avec les parties fixer un calendrier pour les actes de l’instruction, les échanges de conclusions, pour permettre d’accélérer la procédure. Les parties pourront convenir d’un cycle resserré d’instructions. On espère qu’elle sera achevée plus rapidement. Naturellement, ce calendrier convenu va être sanctionné par le juge de la mise en état. Si les parties ne respectent pas le calendrier, le juge de la mise en état pourra aussi sanctionner le dépassement des délais.

Le contrôle du juge de la mise en état contrôle également la qualité de l’instruction. Il va pouvoir imposer aux parties, à leurs mandataires, leurs avocats, des diligences afin que la juridiction soit correctement éclairée, la plus complète possible. C’est ainsi qu’il appartient au juge de la mise en état de veiller à la bonne qualité de l’instruction. Ce rôle confère plusieurs attributions particulières au juge de la mise en état.

Selon l’article 753 du Code de Procédure Civile, les parties dans leurs écritures doivent développer tout moyen de fait et de droit.

Précisément, le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu. Plus généralement, il peut les inviter à fournir toute explication de fait ou de droit qui sont nécessaires à la solution du litige.

Autrement dit, le juge de la mise en état ne va pas se contenter de surveiller le calendrier de l’instruction, mais va exercer un contrôle approfondi sur les conclusions des parties, il a un pouvoir de correction pratiquement.

Tout cela se fait dans l’intérêt primordial du juge. Il ne s’agit pas tant de tenir la main aux parties que de rationaliser la tâche du juge qui devra trancher le conflit de prétentions.

L’article 768-1 du Code de Procédure Civile prévoit que le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige.

Autrement dit, le juge de la mise en état va pouvoir obtenir et pratiquement imposer un élargissement subjectif de l’instance dans le souci d’une bonne justice.

Enfin, le juge de la mise en état peut se faire communiquer toutes les pièces versées par les parties au débat. Le juge de la mise en état fera rapport à l’audience. Il pourra examiner de lui-même les différentes pièces et se forger une opinion plus éclairée.

2) Les pouvoirs de juridiction du juge de la mise en état.

Il s’est fait reconnaître de tels pouvoirs accessoires. C’est à ce dernier égard que l’évolution est la plus radicale. C’est ici que l’affirmation du juge de la mise en état est la plus importante et bouleverse la compréhension classique du procès.

Le juge de la mise en état a été reconnu ces pouvoirs pour accélérer le cours de l’instance. Il faut donc rationaliser celle-ci en faisant en sorte que la tâche de la juridiction du jugement soit limitée à trancher le principal, que toutes les questions accessoires aient déjà été réglées.

Autrement dit, tout le contentieux périphérique est à la charge du juge de la mise en état. Ce mouvement a trouvé son aboutissement dans le décret du 28 décembre 2005. Le juge de la mise en état peut trancher plusieurs sortes d’incidents. L’article 770 du Code de Procédure Civile indique que le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention, et à la production des pièces. Il exerce tous les pouvoirs nécessaires à ce sujet.

Le juge de la mise en état va se voir reconnaître les pouvoirs juridictionnels que cela implique. Il lui appartiendra de rendre une ordonnance en joignant la communication d’une pièce à la partie adverse, en joignant la production d’une autre pièce.

L’article 786 du Code de Procédure Civile précise que le juge de la mise en état peut procéder aux jonctions et disjonctions d’instance. On comprend pourquoi à cet égard ses pouvoirs ne sont pas juridictionnels mais d’administration judiciaire.

L’article 769 du Code de Procédure Civile prévoit que le juge de la mise en état peut constater l’extinction de l’instance. Ce serait le cas si devant lui les parties s’étaient conciliées. Le juge de la mise en état pourra constater que le procès se trouve éteint par l’accord des parties.

Mais surtout, et c’est l’essentiel, le juge de la mise en état va être compétent et exclusivement compétent pour rendre cinq types de décisions.

Il sera exclusivement compétent pour rendre ces cinq types de décisions durant toute la durée de ses fonctions, autrement dit, jusqu’à son dessaisissement et pas au-delà.

C’est l’ouverture des débats à l’audience qui emportera ce dessaisissement. Mais si les parties ont déposé le dossier, le dessaisissement du juge de la mise en état dans cette hypothèse interviendra à la date fixée pour le dépôt de ces dossiers.

Ces cinq types de décisions sont envisagées à l’article 771 du Code de Procédure Civile.

1er type de décisions. Le juge de la mise en état statue sur les exceptions de procédure, soit les exceptions d’incompétence, connexité, litis pendans. Il statue aussi sur les incidents qui mettent fin à l’instance.

Par exemple, la caducité de l’assignation qui n’aurait pas été placée dans le délai de quatre mois, la préemption de l’instance par le manque de diligence des parties, par un dessaisissement.

Cette disposition est cruciale. Le texte de poursuivre « que les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement, à moins qu’il ne survienne ou soir révélé postérieurement au dessaisissement du juge. »

Il faut comprendre que cette compétence exclusive réalise une véritable concentration du contentieux accessoire entre les mains du juge de la mise en état.

Tout le contentieux périphérique ne pourra désormais être invoqué qu’au stade de l’instruction, et non plus possible de l’invoquer régulièrement au stade du jugement. Les exceptions de procédure devant être soulevées in limine litis doivent donc être soulevées devant le juge de la mise en état, sinon elles seraient irrecevables.

Le juge de la mise en état ne se borne plus à arbitrer, il a compétence exclusive pour un contentieux de la première importance.

Que recouvre exactement cette compétence exclusive ?

Le texte ne parle pas des fins de non-recevoir. Faut-il décider qu’elles doivent être soulevées devant le juge de la mise en état ou ultérieurement ?

Le régime qui leur est applicable est distinct. Mais ne pourrait-on pas les ranger dans un tel cas d’incidents d’instance ?

Or, la fin de non-recevoir va bien au-delà, car elle consomme le droit d’action et dépasse le cadre strict de l’instance. Il faut par conséquent admettre que les fins de non-recevoir échappent à la compétence exclusive du juge de la mise en état.

En retenant la solution contraire, il y aurait contradiction avec l’article 123 du Code de Procédure Civile qui dispose que les fins de non-recevoir peuvent être modifiées en tout état de cause.

Cette compétence exclusive du juge de la mise en état laisse de côté les fins de non-recevoir qui pourront être invoquées à l’audience de jugement.

C’est ce qui vient de rappeler la Cour de Cassation du 13 novembre 2006 dans un avis à la demande d’un juge, qu’au sens de l’article 771 du Code de Procédure Civile, les exceptions de procédure ne s’entendent pas avec les fins de non-recevoir.

Deuxième type de décisions. Le juge de la mise en état peut également allouer une provision pour le procès, c’est une provision ad litem.

C’est l’hypothèse où une partie veut ou doit engager un avocat mais n’a pas les ressources nécessaires.

Troisième type de décisions. Le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

C’est au titre du principal que l’on va allouer cette provision. Cette compétence empiète sur la compétence ordinaire du juge des référés.

Devant le Tribunal de grande instance, selon l’article 839 alinéa 2, le pouvoir appartient au juge de la mise en état. Il exclue la compétence ordinaire du juge des référés.

Quatrième type de décision. Le juge de la mise en état peut ordonner toute autre mesure provisoire même conservatoire, à une exception près, les mesures conservatoires et les séquestres organisées par le juge de l’exécution. Ces mesures sont de la compétence exclusive et d’ordre public du juge de l’exécution.

Cinquième type de décision. Il peut ordonner même d’office, toute mesure d’instruction qui lui paraît utile.

L’article 772 du Code de Procédure Civile précise que le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Dès l’instant où il s’agit d’une décision juridictionnelle, il s’agit de savoir quelles voies de recours sont offertes aux parties. Ces voies de recours sont moins ouvertes qu’à l’ordinaire car la mission du juge de la mise en état est accessoire, et périphérique à la juridiction principale et il n’est pas bon de multiplier les mesures de temporisation.

L’opposition n’est pas ouverte contre la décision du juge de la mise en état.

En principe, ces décisions sont susceptibles que d’appel, ou de pourvoi en Cour de Cassation, et encore ces appel ou pourvoi ne seront possibles qu’avec le jugement sur le principal, selon l’article 776 du Code de Procédure Civile.

Ce même texte en son troisième alinéa réserve quelques exceptions.

Une difficulté vient de ce que le juge de la mise en état a des attributions extra-juridictionnelles, qui consistent en l’exercice de pouvoir d’administration judiciaire. Certaines décisions du juge de la mise en état ne consistent pas à trancher un litige accessoire, mais à administrer le service public de la justice, ce sont des mesures administratives, insusceptibles de recours juridictionnel.

La distinction est primordiale, mais peu claire. Il est parfois difficile de savoir si l’on sera devant une simple décision d’administration judiciaire ou une décision juridictionnelle.

Le juge de la mise en état peut réunir plusieurs instances ou les séparer pour qu’elles soient tranchées séparément. Ce sont de simples mesures d’administration judiciaire. On ne tranche pas le litige, mais on dit comment, administrativement, il sera réglé par la justice.

Par exemple, le juge de la mise en état peut rendre des ordonnances de clôture de l’instruction, renvoyer l’affaire devant la juridiction de jugement. S’agit-il d’administration ou de juridiction ?

Heureusement, le Code de Procédure Civile en son article 782 soumet ces ordonnances au rang de mesures d’administration judiciaire.

Cette solution est grave pour les parties qui ne peuvent contester le renvoi devant la juridiction de jugement.

Le juge de la mise en état peut l’établir à titre de sanction du défaut de diligence d’une partie. C’est une décision grave, qui doit être motivée, ce qui rapproche pourtant des décisions juridictionnelles.

Il reste, et c’est l’intérêt des mesures d’administration judiciaire, qu’elles peuvent être révoquées par le juge soit à la demande d’une partie, soit par le juge d’office.

La solution par conséquent instaure un minimum de protection pour les parties, mais n’est pas équivalente à l’ouverture d’une voie de recours. C’est une solution exceptionnelle alors que l’appel est une voie de recours ordinaire. L’article 784 du Code de Procédure Civile précise en effet que cette révocation ne peut intervenir que pour cause grave depuis qu’elle a été rendue. Il faut un fait nouveau grave pour que cette révocation intervienne. Il est précisé à ce sujet que la constitution d’avocat postérieurement à l’ordonnance de clôture ne constitue pas en soi une cause de révocation.

Cela serait trop facile pour le défendeur, ce serait un moyen dilatoire inadmissible. La révocation peut avoir lieu en cas d’intervention volontaire d’un tiers dans l’instance, encore faut-il qu’il y ait des nouveaux éléments dans l’instruction. L’ordonnance de clôture a une grande force de stabilité supérieure à l’ordonnance de jugement. Elle marque la fin de l’instruction et postérieurement à cette ordonnance, les parties sont irrecevables à conclure et ne peuvent plus échanger de nouvelles conclusions.

Il n’y a que quelques exceptions à cela, comme l’intervention volontaire d’un tiers à l’instance.

Également, il est possible de conclure sur les accessoires de la demande, les intérêts, jusqu’à l’ouverture des débats. Évidemment, s’il y a interruption d’instance par le décès d’une partie, par exemple, il faut autoriser ses successeurs à reprendre l’instance après la clôture de l’instruction.