Finances publiques L2

Cours de finances publiques L2 Semestre 3

  Les Finances publiques sont étudiés en deuxième année de licence de droit ou en AES. Les finances publiques concernent des flux financiers, ce qui entre et ce qui sort des caisses des comptables publics. S’ajoutent à cela des phénomènes plus complexes : l’avance de trésorerie, l’emprunt… pour aller à l’étude de toutes les ressources et charges des personnes publiques.

Les finances publiques concernent aussi des sommes finissant par abreuver des personnes privées (traitement des fonctionnaires, subventions aux associations).

Le cours de droit des finances publiques est aussi l’étude du lien entre ces phénomènes et le citoyen, qui est aussi contribuable. Certains contribuables ne sont pas citoyens (mineurs, étrangers…). Ce citoyen intervient au niveau de la recette puis en tant qu’usager au sens large du service public (redevance pour service rendu à un service public lorsqu’il paye un bus).

Le citoyen contribue et bénéficie à la fois. Les personnes publiques n’ont pas vocation à conserver l’argent. Le citoyen doit pouvoir décider par lui-même ou par ses représentants du montant de l’impôt et de l’affectation de la dépense.

 Il en a va de la démocratie sous son aspect financier. Il s’agit aussi de mettre un contrôle sous tous les organes qui sont acteurs des finances publiques. Le citoyen doit pouvoir directement ou indirectement contrôler que l’argent est bien employé.

Les thématiques abordées dans ce cours de finances publiques sont :  

Les principes budgétaires communautaires – La procédure budgétaire communautaire  – Le contentieux budgétaire communautaire – Le contenu du budget général de l’Union européenne – La libre administration et l’autonomie financière des collectivités territoriales – Les principes budgétaires des finances locales – Le contrôle des finances des collectivités territoriales : le contrôle de la légalité du budget local, le contrôle budgétaire, le contrôle juridictionnel des comptes, le contrôle de la gestion des ordonnateurs – La fiscalité directe locale : la taxe d’habitation, la taxe foncière, la taxe professionnelle – La fiscalité des entreprises : l’impôt sur les sociétés et des bénéfices industriels et commerciaux – La fiscalité du patrimoine : l’impôt de solidarité sur la fortune et les droits de mutation à titre gratuit – Le contrôle fiscal

 Question  : Qui sont les acteurs des finances publiques ?

 – L’Etat, en tant qu’entité politique et aussi en tant que regroupement d’administrations, est un acteur des finances publiques.

 – Les collectivités locales et leurs administrations (collectivité territoriale = lieu de légitimité infra étatique / collectivité locale = plus larges, regroupent des syndicats intercommunaux par ex.).

 – Les organismes de sécurité sociale, à la fois des administrations mais aussi des personnes privées qui gèrent de l’argent public.

 – On trouvera aussi des établissements publics, nationaux ou locaux.

 – L’Union européenne, entendue comme représentation politique et comme regroupement d’administrations.

 L’étude des finances publiques, c’est l’examen des relations entre ces institutions, en gardant toujours en tête les relations entre ces institutions et le citoyen. 3 types de relations :

– Qui ? C’est l’organisation des compétences (qui lève l’impôt, le fixe ? qui organise le recouvrement de la TIPP ?). – Quoi ? Quelles sont ces prérogatives ? – Comment ? Quelles sont les procédures qui commandent la mise en œuvre des recettes et des charges ? – Quels sont les contrôles qui viennent s’appliquer à ces procédures ? Ce droit pourrait être le droit public financier, ou droit des finances publiques.

 C’est tout ce qui entre dans le champ de compétences de la cour des comptes et de ses extensions que sont les chambres régionales des comptes. On parle de droit budgétaire, c’est le droit de l’autorisation de la recette et de la dépense. Le budget est un outil de prévision et d’autorisation, ce qui intervient en amont. Le droit budgétaire – politique – détermine qui fait ce budget. Face à ce droit budgétaire, on aurait un droit comptable – extrêmement technique – s’occupant de la recette et de la dépense. Il existe aussi le droit fiscal, droit du prélèvement de l’impôt – très politique -, mais définissant comment s’effectuent ces recettes, et étant donc aussi très technique.

 La difficulté de l’approche droit fiscal, comptable, budgétaire, vient du fait qu’elle intègre mal le phénomène fiscal dans les finances publiques. Il y aurait dans le phénomène fiscal ce qui relève de la cour des comptes ou non.

Au-delà de cette classification, la difficulté vient de la volonté de délimiter strictement la décision (le budget) et l’exécution (la comptabilité), le phénomène financier étant un phénomène complet (décision, puis mise en œuvre en passant par sa réalisation).

   Textes fondamentaux :

  • Cf. Code financier.
  • – La Constitution du 4 octobre 1958.
  • – La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen des 20 et 26 août 1789, art.
  • 12, 13, 14, 15.
  • – L’ordonnance du 14 septembre 1822.
  • – L’ordonnance du 31 mai 1838.
  • – Le décret du 31 mai 1862.
  • – Le décret du 19 juin 1956 (sous la IVème).
  • – L’ordonnance organique du 2 janvier 1959 (sa transcription sous la Vème).
  • – Loi organique du 1er août 2001.
  • – Le décret du 29 décembre 1962.

 Problématiques en finances publiques Qui ? Quoi ? Comment ? Le contexte influe aussi, ainsi que le droit organisant les finances publiques. Par ex. Dans quelle mesure le Gouvernement est-il susceptible de modifier l’acte fondamental qu’est le budget de l’Etat ?

 Plan 5 thèmes :

  • – Le phénomène financier
  • – L’administration financière
  • – La notion de compte (ordonnateurs et comptables)
  • – Les interférences entre finances publiques et champ institutionnel
  • – L’observation des évolutions récentes de ce phénomène financier

(prise en compte de la protection sociale, le développement des finances locales)

 

 CHAPITRE I – LE PHENOMENE FINANCIER 

  Objectif : -Le phénomène financier désigne bien des mouvements d’argent qui vont transiter par une caisse publique. Ce phénomène financier correspond bien à une réalité matérielle (mouvement de TVA, subvention accordée à une ONG). Ici, on étudie l’appréhension juridique de ce phénomène financier. 

 L’ampleur du phénomène financier sous un angle économique puis juridique. 

SECTION 1 : L’AMPLEUR DU PHENOMENE FINANCIER 

 2 objectifs :  

– Se familiariser avec les grandes masses décrites par la matière et encadrées par le droit des finances publiques (unité de compte, masse quantitative). 

 – Se familiariser avec les notions de ressources et de charges. La ressource est une notion financière plus que comptable qui permet d’intégrer le caractère non définitif des mouvements de caisse. 

 La charge est le pendant de cette ressource et aussi une notion financière plus comptable permettant d’intégrer le mouvement non définitif de certaines sorties de caisse. Un mouvement financier définitif est un mouvement qui, en principe, ne reviendra pas sur l’acte sauf annulation de l’acte. Ex. perception de l’impôt sur le revenu réglé à titre définitif n’ayant pas vocation à être remboursé sauf erreur. Un mouvement définitif est une dépense définitive (paiement des fonctionnaires). 

 Un mouvement temporaire ou non définitif est par exemple une avance (avance de l’Etat aux collectivités territoriales). 

 Il y a une émergence des notions de ressources et de charges issue des mouvements temporaires. 

§ 1 – Présentation des charges publiques 

 Ce sont toutes les dépenses définitives mais aussi ce que l’on appelle les dépenses de trésorerie. La dépense est le traitement, et il y a d’autres mouvements que sont les dépenses de trésorerie. Ce sont les mouvements n’influant sur le solde qu’à un moment donné (dépenses allant rentrer puis sortir ou inversement). La trésorerie n’a pas vocation à générer un mouvement définitif. Ex. typique : l’avance. Une avance donnera lieu à un remboursement. 

 – Il y a des dépenses strictes et des charges de trésoreries ayant vocation à être compensées par des rentrées en caisse. 

A) Approche quantitative de la dépense publique 

 Cette approche n’est pas que l’œuvre des juristes. L’approche quantitative se situe dans un cadre global étant l’explosion des sommes considérées. Ex. budgets deb la Restauration (1815-1930) tournaient autour de 800 Millions de F. Les derniers budgets en Francs tournaient autour de 2000 Milliards. Avec la conversion, on est aux alentours de 300 Milliards d’€. Il faut apporter une correction économique à ces chiffres bruts : l’inflation (1F de 1816 ne vaut pas 1F de 2000). Une correction politique, car les chiffres de 1816 ne décrivent pas l’Etat extrêmement complexe de 2000 intervenant dans de nombreux domaines. L’indicateur budgétaire est largement insuffisant à décrire le phénomène financier. 

 1) Les masses en présence et les indicateurs 

 L’indicateur essentiel pour quantifier le phénomène financier public est le PO/PIB (Prélèvement Obligatoire/Produit Intérieur Brut). Ex. PO/PIB = 0,45 = 45% 

 Un PO est un prélèvement non volontaire de nature fiscale ou non fiscale servant à financer les budgets publics ou privés (ex. TVA). 

 Le PIB est la somme de toutes les richesses produites sur le territoire national y compris par les acteurs économiques étrangers. 

 Le rapport PO/PIB indique toute la part de la richesse nationale confisquée, manipulée par les personnes publiques. Cette part de la richesse nationale est souvent et justement à tort assimilée à une confiscation. Cette assimilation date d’une mauvaise utilisation. Adolphe Wagner (1835-1917), économiste, a étudié la dépense publique et observe dès la fin du XIX siècle que les dépenses des Etats croissent plus vite que leur revenu national (PO/PIB augmentent). Chez Wagner, il ne s’agit pas d’établir une loi, mais « la loi de Wagner » est utilisée. Une loi empirique peut être infirmée. 

 À l’heure actuelle, le taux PO/PIB tourne autour de 50%. Le taux officiel de 2003 était de 43,8%. Suivant les sources, ce taux évolue. L’indicateur PO/PIB a été révisé à la fin des années 1990. Avec l’ancien indicateur, on serait à 47-48%. L’important est d’avoir un indicateur fiable sur une longue durée. 

 Le taux est monté jusqu’à 45% à la fin des années 1990 et tend à décroître. La décroissance du taux ne montre pas que le taux de prélèvements obligatoires diminue. Le prélèvement obligatoire est créateur de richesses. Cf. Jacques Généreux, Les vraies lois de l’économie : Le prélèvement obligatoire est une redistribution de richesses. Certaines dépenses publiques sont extrêmement productives : les dépenses d’éducation et de richesse (largement inférieures à la moyenne européenne). On trouve des débats sur l’efficacité comparée de cette dépense publique. Selon certains, la dépense publique rapportera plus si elle est confiée à des acteurs privés. Existent aussi les missions de service public. 

 Problème des comparaisons internationales : en France, 43,8%. Au Danemark, en Suède, on tourne aux alentours de 60-65%. Les Norvégiens, après les Suisses, sont les citoyens les plus riches d’Europe. Les Suédois sont aussi riches, et les Danois sont aussi dotés d’un fort pouvoir d’achat. PO/PIB n’est pas toujours un bon indicateur pour justifier d’une grande richesse des populations. Aux Etats-Unis, le rapport PO/PIB se situe aux alentours de 28%, au Mexique, 16%. 

 Le rapport PO/PIB ne fait que décrire une prise en charge par le politique de certaines activités, jugées ou évaluées comme des services publics ou activités d’intérêt général. L’assistance sociale est particulièrement développée dans les pays du Nord de l’Europe, moyennement développée dans les Pays d’Europe centrale, et beaucoup moins bien développée au Mexique. Le ratio PO/PIB ne traduit pas une richesse de la population mais la prise en charge de la collectivité de certaines activités. À 64%, on a plus d’activités prises en charges. 

 2) La ventilation de ces masses 

 Pour l’année 2003, en France, on constate que les 43,8% se ventilent comme suit : 

 – 16,5% concernent les dépenses de l’Etat à travers ses administrations. Ces dépenses, depuis la fin des années 1990 sont en baisse régulière. Cela indique que l’Etat restreint peut-être son champ d’intervention, qu’il fait moins bien ce qu’il faisait avant, qu’il fait avec moins d’argent ce qu’il faisait avant. Cela signifie que l’Etat transfère une partie de ses activités à d’autres acteurs. Ex. départementalisation de tout le réseau routier national (18,1% en 1997). 

 – 5,1% du PIB pour les dépenses des administrations locales, avec une tendance très nette à l’augmentation (3,1% à la fin des années 1970). Grandes lois décentralisation en 1982 et 1983. 

 – 21,8% du PIB pour les dépenses de sécurité sociale. Elles sont en constante augmentation depuis leur apparition. Elles correspondent à 4 assurances sociales (vieillesse, chômage, maladie, veuvage), augmentant dans leur périmètre d’intervention (on rembourse aussi les scanners). Le nombre de prestataires augmente (RMI). La CMU (Couverture Maladie Universelle) permet aux non cotisants de bénéficier d’une protection. 

 – 0,4% du PIB pour la contribution à l’Europe. Ce ratio est en diminution constante. 

 Les 16% au Mexique correspondent à l’activité de l’Etat (police, route, armée, tribunaux…). Les 28% des Etats-Unis amènent au même niveau d’intervention qu’en France. C’est la notion de prise en charge qui diffère et pas forcément sa qualité. La notion de prélèvement obligatoire n’intègre pas certaines sommes qui sont pourtant qualifiées de prélèvements privés obligatoires (ex. Assurance automobile). On comprend bien les prélèvements aux Urssaf (personnes privées). 

 La notion de PIB est extrêmement floue. Le PIB a été calculé au milieu des années 1960. L’indicateur est approximatif. Chaque année, on ajoute une variation du PIB. Ce qui est en dessous de la barre du ratio PO/PIB est flou. Pour des raisons d’annonce politique, on peut avoir tendance à surévaluer ou sous-évaluer son PIB. Quand la Livre s’est fortement appréciée au passage à l’€, le PIB a été réévalué. L’Allemagne et la France ont tendance à surévaluer l’augmentation de leur PIB, car depuis le traité de Maastricht, il y a un seuil maximum théorique de déficit public de 60% du PIB. Certains sous évaluent le PIB. On gagne alors quelques deniers qui n’iront pas à l’UE. 

B) Approche qualitative de la dépense publique 

 C’est une démarche qui vise à décrire les dépenses suivant leur type. 

 1) Une approche politique de la dépense publique 

 C’est l’étude de la répartition des sommes dans un budget de l’Etat. Pour les politistes, on peut distinguer des dépenses de régulation de l’ordre social et des dépenses d’intervention. Evidemment, les dépenses de régulation d’ordre social correspondent à un Etat gendarme. Les dépenses d’intervention à un Etat interventionniste. 

 a) Les dépenses de régulation de l’ordre social 

 – Les dépenses de régulation de l’ordre social : les dépenses pour la sécurité du citoyen, dite de sécurité extérieure (forces armées) ; les dépenses de sécurité intérieure.

 – Assurer la liberté et l’égalité : les dépenses de justice (cf. DDHC).

– La décision publique : les dépenses liées aux pouvoirs publics.

 

 – Le financement de ces activités : la collecte des impôts et le paiement des dépenses. Au XIX siècle, les dépenses de régulation de l’ordre social sont mises en valeur, et correspondent à une organisation administrative (Ministère des Finances, Ministère de la Guerre, Ministère des Pouvoirs Publics, Ministère de l’Intérieur, Ministère de la Justice). Globalement, le gros poste budgétaire est la guerre (un peu plus de 30% du budget). C’est le budget ordinaire, au long de la monarchie et du XIX siècle. Quand on part en guerre ou lors d’une invasion, on passe à un budget extraordinaire, autre document budgétaire. Au XIX siècle, 35% des dépenses vont à la défense, 26% à la justice et à l’administration. À cela s’ajoute un service de la dette de 25% du montant du budget ordinaire. Une fois que l’on a assumé ces dépenses armées, activités régaliennes, service de la dette, on remarque que 13 points de budget sont consacrés à autre chose que l’armée, ce qui permet de montrer la relative faiblesse de l’intervention de ces budgets. Ces dépenses sont des subventions économiques ou actions économiques. Au XIX siècle, cela signifie entretien des canaux, et donc entretien de l’activité économique (les biens transitent par les canaux). À côté de ces dépenses dites de régulation de l’ordre social, on trouve d’autres types de dépenses : les dépenses d’intervention proprement dites. 

 b) Les dépenses d’intervention 

 Elles visent à organiser le développement de la société. Cela peut prendre plusieurs formes. Dans ces dépenses d’intervention, on va commencer par placer les dépenses de type protection sociale, mais aussi toute une série de dépenses à vocation plus strictement économique. Il s’agit d’intervenir dans le développement de l’activité économique, des activités culturelles. 

 Ces dépenses d’intervention, contrairement à ce que l’on pense, ne sont pas du tout un phénomène récent (cf. Rome antique : théâtres, arènes). Colbert, au XVII siècle, commence à penser le rôle de l’Etat au-delà de la simple régulation. Il créé les forêts domaniales qui n’ont qu’un seul objectif : il s’agit de planter au XVII siècles les chênes servant à construire la marine de guerre du XVIII siècle. Il créé aussi les grandes manufactures d’Etat (Sèvres, Les Gobelins…). L’intervention se maintient au XIX siècle, et on constate qu’entre 10 et 15% des sommes ne sont pas des dépenses de régulation d’ordre social mais correspondent à des dépenses d’intervention. La société tend à être façonnée. Au XIX siècle, c’est beaucoup d’économie, moins de social. 

La grande période d’intervention est le XX siècle, et c’est avec la III République que va se développer l’interventionnisme dit social. Il s’agit de répondre aux aspirations des citoyens : l’aide aux vieillards, aux veuves, aux orphelins. À côté de cet interventionnisme social, le XIX siècle est aussi le développement de l’instruction publique. C’est sous la III République que sont adoptées les grandes lois relatives à l’instruction publique qui ne vont pas manquer de se traduire très rapidement dans les budgets. 

 À partir de la Seconde Guerre mondiale, et déjà dans l’entre deux-guerres, on assiste à une forme d’interventionnisme : l’interventionnisme économique recherchant une forme d’efficacité politique. En intervenant dans la vie économique, l’Etat va tenter d’être plus efficace dans son action ou dans la mise en œuvre de son programme d’action. Ex. Les nationalisations, politique de grands travaux d’infrastructures, constructions de chemins de fer (SNCF), politique de développements industriels automobiles (nationalisation des usines Renault, nationalisation sanction car production pour les Allemands). Si on observe à travers le budget de l’Etat le développement de l’interventionnisme, il faut citer : 

 Budget de l’Etat Ministères 1966 2002 Affaires étrangères 1,2% 1,36% Agr. Pêche 3,7% 1,92% Anciens Combattants 5,1% 1,36% Charges Communes 24,7% 19,39% Culture et communication 0,3% 0,98% Ecologie 0,29% Economie, finance, industrie 3,8% 5,42% Equipement, tourisme, mer 9% 7,66% (débudgétisation de dépenses d’équipements : une partie du budget sort de ce budget pour aller vers le départements; c’est un transfert, débudgétisations ascendantes ou descendantes). Intérieur 3,3% 7,18% Jeunesse, éducation nationale, recherche 17,4% 25,45% (regroupement de 3 postes…) Justice 0,7% 1,76% Outre-Mer 1,8% 0,4% (autonomie des collectivités territoriales) Services du Premier ministre 3,4% 0,58% Sport / 0,15% Travail, santé, solidarité 4,1% 12% = Budgets civils + Défense 22% 14% = Dépenses du budget général 

 On parle du périmètre de l’intervention de la dépense publique. Le périmètre d’intervention d’un budget désigne la matérialisation de l’action. Une dépense publique est une action mise en œuvre. 

 Pour les services du Premier ministre, il faut prendre en compte le périmètre. En 1966, les dépenses de la DGSE étaient globalisées au sein des services du Premier ministre, et ont été transférées aux armées. L’information passait avant par les services du Premier ministre. Les journaux officiels figuraient aussi dans le budget des services du Premier ministre. Très rapidement, ce sera un budget autonome. Le ministère de l’intérieur est aussi en charge de la décentralisation. La moitié de ses dépenses est transférée aux collectivités territoriales. La moitié du budget est décernée à ses dépenses. 

 Les charges communes : remboursement d’impôts, charges de la dette, budget des pouvoirs publics (du Parlement, de la présidence), pensions des fonctionnaires. La crise de l’intervention a lieu dans les années 1970-1980 (ou crise de l’interventionnisme). Cela désigne le fait qu’à partir du moment où une politique publique est prise en charge, son coût semble irrémédiablement porté à la charge des personnes publiques. Or, les demandes sociales se font plus présentes, et plus pressantes, ce qui conduit les personnes publiques à mettre en œuvre de nouvelles politiques publiques, et nous voilà entrés dans le cercle vicieux de la dépense publique. Plus l’Etat intervient, plus ça greffe son budget, plus les demandes sont fortes, plus l’Etat intervient… Le budget de la culture : on subventionne des activités culturelles, ou on créé des activités culturelles. Une fois que l’on a assumé les dépenses d’investissement, il faut bien mettre en œuvre la politique (embaucher des troupes, du personnel, prendre en charge les frais liés à l’entretien ou aux dépenses courantes…). La mise en œuvre d’une politique publique génère des dépenses d’investissements, puis des dépenses dites de fonctionnement au sein desquelles on distingue les dépenses de personnel et de fonctionnement courant (électricité…). L’effet indirect d’un investissement peut être énorme. 

 À vouloir ajouter les interventions les unes sur les autres, les pouvoirs publics au sens large sont arrivés à une situation qui est apparue comme une situation de crise. La matérialisation s’est observée comme la matérialisation du ratio PO/PIB (lorsque le ratio dépassait les 50%). On a alors commencé à penser que les pouvoirs publics devenaient tentaculaires, et que l’intervention devenait trop importante. Première solution évidente : supprimer les dépenses (une gendarmerie, un collège…), c’est-à-dire restreindre le périmètre d’intervention des dépenses publiques. Cette restriction n’est pas facile à mettre en oeuvre. On a commencé à envisager d’accroître l’efficacité de la dépense publique. C’est un concept générique qui existe depuis la Restauration (XIX siècle). On a commencé à créer des structures, comme la création en 1946 du comité d’évaluation du coût et du rendement des services publics. Dans les années 1960 va avoir lieu une grande révolution budgétaire que l’on a appelé la Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB). Le but était d’accroître l’efficacité de la dépense publique de la décision à la réalisation grâce à des indicateurs d’activité de l’administration. Il s’agit de permettre de maintenir un niveau d’intervention tout en baissant le montant des dépenses. 

 2) Un regard économique sur la dépense publique 

 Les économistes ont une approche plus quantitative. Ils vont réintroduire une démarche qualitative. Ils nous transmettent des classifications qui sont censées traduire une forme d’utilité de la dépense. Il s’agit de traduire une utilité économique, qui complète une utilité politiste. Cette classification repose bien sur une distinction : les dépenses d’investissement, les dépenses de fonctionnement et les dépenses de transfert. Les concepts eux-mêmes peuvent être ambigus : ici, approche économique, puis termes comptables.

 – Les dépenses de fonctionnement : c’est le budget de fonctionnement des services publics. Il s’agit d’une organisation ou d’une personne privée. Quand on observe de manière qualitative le budget, on peut le répartir en 2 selon les économistes :

 On a les dépenses de fonctionnement liées aux frais de personnels (salaires des agents de droit privé… ces dépenses sont sorties des dépenses de fonctionnement sur le plan juridique).

 À côté, on trouve les achats de biens et de services. Ces dépenses sont difficiles à comprimer. Le gain de productivité devrait normalement permettre aux agents quels qu’ils soient avec le même salaire d’être plus productifs et donc devraient permettre de maintenir le même périmètre d’intervention avec moins d’agents. Si la productivité peut jouer dans le cadre de gros services mono tâche (service d’établissement de l’assiette de l’impôt), cela ne pourra pas forcément permettre d’économiser un agent, ce service étant déconcentré. Le périmètre de l’intervention ne reste jamais constant. Les agents sont en permanence contraints de se former à de nouvelles techniques, à utiliser de nouveaux matériaux. On constate que leur accroissement de productivité est souvent lié à un apprentissage de nouvelles tâches. Les autres dépenses de fonctionnement : certains hommes politiques et certains économistes prétendent que la baisse du coût de dépenses de fonctionnement devraient représenter des gisements d’économie. Ex. la baisse du coût des télécommunications. Cela aurait dû se répercuter par une baisse des télécommunications filaires dans l’administration, mais il y a eu l’apparition d’Internet, des téléphones mobiles… Les dépenses de fonctionnement représentaient 20% du budget en 1948, 29,5% en 1977, 33,5% en 2002. Ex. multiplication par 10 du nombre d’étudiants entre 1960 et 2000.

 Les dépenses d’investissement sont de bonnes dépenses pour tous les économistes. C’est une dépense qui permet de générer de la productivité à moyen et long terme. C’est par exemple la construction d’une université, la construction d’un pont, d’un porte avion… Cette dépense est immédiatement injectée dans l’économie. En construisant une université, on fait fonctionner le BTP… Une dépense d’investissement va générer à moyen voire long terme le développement d’un secteur d’activité. Construire un pont relie deux zones géographiques, et développe les échanges entre ces zones. Ex. le tunnel sous la Manche. L’investissement peut être civil ou militaire. L’investissement peut prendre plusieurs formes matériellement. Cela signifie que l’investissement peut être directement pris en charge par une personne publique (quand l’Etat construit un porte avion, il prend en charge le montant total de l’investissement), mais il peut être pris en charge par plusieurs personnes différentes. La construction d’une autoroute peut être mise en œuvre par plusieurs entreprises, mais mise en charge par une collectivité territoriale. Dans le budget de nos personnes publiques, certaines dépenses apparaîtront comme des subventions (subventions d’investissement). L’ensemble de la dépense est mise en œuvre par l’Etat. Il peut aussi y avoir des investissements en capital (c’est le cas de l’Etat qui achète des actions d’entreprise et qui réalise un investissement en capital). 

 En 1972, les investissements de l’Etat représentaient 16% de la dépense, qui se répartissaient à égalité entre investissements civils et militaires. De nos jours, l’Etat investit 8% de ses dépenses ici encore réparties de manière homogène entre le civil et le militaire. 

 La charge publique est évaluée grâce au ratio PO/PIB. Les dépenses d’investissement viennent pallier l’incapacité des personnes privées à générer une infrastructure. Elle donne du travail, alimente le circuit économique, et développe l’activité économique dans une région donnée (ex. l’université forme des masses laborieuses) 

 c) Les dépenses de transfert 

 Ce sont des dépenses non consommées par la personne publique qui la met en œuvre (consommation au sens économique). Ex. la subvention. C’est une enveloppe attribuée par une personne publique (ou privée) à une autre personne publique ou privée et qui est affectée à une activité déterminée. Il y a des subventions d’investissement et des subventions de fonctionnement. Ex. « Ici, l’Etat investit pour votre avenir ». Le maître d’ouvrage est l’Etat, et toutes les collectivités ont intérêt à voir cette bretelle d’autoroute, cet équipement se réaliser. Elles subventionnent, et cette subvention au Ministère de l’Equipement sera classée parmi les dépenses de transfert des collectivités territoriales qui subventionnent l’Etat. C’est une dépense de transfert. Ces dépenses de transfert viennent combler des déficiences de financement propres. Le responsable d’une politique publique n’a pas forcément les moyens correspondant à la mise en œuvre de cette politique publique. Autre ex. le RMI est une dépense de la compétence des départements. Mis en œuvre par une loi de 1988. Ce RMI était auparavant supporté par l’Etat. Il s’agissait bien déjà d’une dépense de transfert. Juridiquement, ce n’était pas une subvention, mais économiquement, une subvention aux ménages les plus défavorisés. La gestion financière de cette subvention a été transférée, décentralisée juridiquement vers les départements, qui ont évidemment dit qu’ils ne pouvaient subventionner sans compensation. Les départements sont donc subventionnés par l’Etat. – Juridiquement, quand la somme quitte le budget de l’Etat vers les collectivités : c’est une subvention. – Quand elle quitte le département pour aller vers l’Etat, c’est une prestation. – Economiquement, les deux mouvements sont des subventions. Lire art. 1, 2, 3, 4, 5, 6 de la LOLF. 

§ 2 : Les ressources : le corollaire nécessaire aux charges 

 « La France est un pays très fertile, on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. » Clemenceau On fait un lien très clair entre une dépense et une recette. Sous la III République, mise en place de prestations (aide aux personnes…). Pour payer ces fonctionnaires, il faut lever les impôts. On voit le lien entre une dépense de fonctionnement de personnel et une recette fiscale : l’impôt. 

 Qu’est-ce qui compose cette ressource ?  

 La ressource est le concept englobant tous les flux financiers entrants, de manière définitive ou temporaire. Au sein des ressources, on distingue plusieurs éléments : – Tout d’abord, la ressource évidente est bien le revenu. Le revenu, c’est ce que l’on tire de la possession d’un bien ou de l’exercice d’une activité (fructus). Au niveau de la personne privée, on comprend ce que c’est (location d’un bien, ou activité). En ce qui concerne les personnes publiques, il existe une notion de revenu, car elles possèdent des biens et il leur est loisible de louer ces biens, ou de les exploiter, ou quand ces biens sont des biens de nature titre mobilier, de percevoir des dividendes. – La recette : d’un point de vue financier, comptable, c’est ce qui entre dans la caisse. D’un point de vue plus juridique, la recette devrait se définir comme l’ensemble des sommes perçues par une personne publique, à titre définitif. La recette incluse le revenu. C’est au sein des recettes que l’on va tenter de préciser ce qui serait un revenu et ce qui n’en serait pas. Du point de vue juridique, on a les recettes fiscales et les recettes non fiscales. Nos recettes non fiscales peuvent être composées d’une multitude de formes différentes. Le prélèvement obligatoire (PO) : la notion fait bien référence à l’ensemble des versements effectués sans contrepartie à destination d’une personne publique ou privée. La ressource est le concept le plus large, qui désigne tout ce qui entre à titre temporaire ou définitif. Si on enlève les ressources, les redevances, c’est-à-dire le prix du service, on obtient les prélèvements obligatoires (PO). Si on enlève des prélèvements obligatoires (PO), les recettes fiscales, on obtient les recettes non fiscales. Comment est-on passé de la recette à la ressource ? C’est le même mécanisme que pour passer de la dépense aux charges. Toute la difficulté d’exercice pour le pouvoir consiste à atteindre une forme d’efficacité dans les modes de financement de son action. C’est bien cette efficacité qui va commander de passer du revenu à l’impôt, puis de l’impôt aux ressources et de multiplier les ressources. 

A) Les recettes 

 Elles se subdivisent en recettes fiscales et non fiscales. 

 1) Les recettes non fiscales 

 Tout commence avec la monarchie. L’établissement de la monarchie capétienne et surtout cette donnée essentielle en finances publiques, la notion de domaine royal. C’est l’ensemble des biens qui appartiennent à la couronne. L’économie médiévale se construit sur le commerce des biens liés à la terre, que ce soit le grain ou le bois. Toutes ces sources d’argent sont bien liées à la terre qui est possédée par le Roi. Les revenus de ces biens entrent bien dans le Trésor de la couronne. On comprend la notion de revenus qui entre dans les caisses des agents royaux et qui viennent abonder le trésor de la couronne. L’actualité de ces revenus, des recettes non fiscales, ce sont bien les revenus ou locations tirées des biens immobiliers de l’Etat. Ces locations peuvent venir par exemple des personnes privées qui occupent les appartements de l’Etat, mais aussi des différentes administrations qui occupent des biens immobiliers de l’Etat. Ce revenu là est pertinent quand évidemment, c’est une administration qui ne dépend pas de l’Etat. Ici, ce flux est pertinent au niveau économique. On voit apparaître en recettes non fiscales, et plus précisément en produits et revenus du domaine de l’Etat, les sommes imputées aux administrations de l’Etat qui occupent des biens immobiliers ne leur appartenant pas en propre. Ex. quand le ministère des finances loue des bureaux qui lui appartiennent au Ministère de la culture. Ces sommes, dont on comprend bien intuitivement qu’elles ne quittent pas la poche de l’Etat, figurent en revenus des domaines. Ex. de revenu des domaines : le versement de l’ONF, qui exploite les forêts domaniales (domaine public) obtient des sommes qui appartiennent à l’Etat. Dans ces recettes non fiscales, on trouve d’autres éléments, dont les exploitations industrielles et commerciales et les établissements publics à caractère financier. Il s’agit ici des sommes versées par des entreprises industrielles, possédées par l’Etat. Ces sommes constituent des revenus, mais pour autant, elles sont très diverses. On va trouver les produits des participations de l’Etat. Un certain nombre d’entreprises publiques ont la forme de sociétés anonymes cotées en bourse (France Télécom). Elles versent des dividendes à la fin de l’année, qui constituent bien un revenu pour l’Etat, et plus précisement une recette non fiscale. On trouve aussi le produit des jeux exploités par la Française Des Jeux (FDJ), 1,8 miliards d’€ en 2006. On trouve aussi des produits financiers : le produit des contraventions et des amendes forfaitaires. Rappel de toutes ces recettes non fiscales dans la LOLF. Il existe des recettes non fiscales des collectivités territoriales. 

 On trouve un autre grand type de recettes non fiscales que sont les cotisations sociales. Elles forment une catégorie très particulière de prélèvements obligatoires, en ce sens qu’elles sont vraiment dénuées de liens, en théorie, avec la fiscalité, car en théorie nos cotisations sociales sont liées à une qualité de l’individu (fait d’être salarié) et que ces cotisations sociales vont ouvrir un droit à l’individu, un droit à prestations. La notion de contribution sociale est détachée de la fiscalité. Les juridictions s’attachent à maintenir cette distinction entre la fiscalité et les cotisations sociales. Le Conseil Constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer là dessus dans une décision du 20 janvier 1961 et la distinction était à peu près claire jusqu’à l’introduction de la contribution sociale généralisée (CSG). L’introduction de la CSG a été promue comme la création d’un impôt, mais cet impôt a été affecté aux organismes de sécurité sociale en 1991 et vient compenser financièrement l’universalisation des prestations sociales (CMU, RMI…). Un financement des cotisations a été engagé par l’impôt. Au niveau européen, on conteste la qualification d’imposition de toute nature de la CSG pour en faire une cotisation sociale. Dans ces recettes non fiscales, le dernier élément est la redevance. Elle entre bien dans cette notion de revenu. La redevance est le prix versé par un usager pour un service déterminé. Par ex. la redevance audiovisuelle qui malheureusement n’a pas juridiquement une redevance. La redevance audiovisuelle était une redevance au départ (payer pour la diffusion de services télévisés), mais est devenue très rapidement une taxe parafiscale. Elle est assimilable à un impôt, son régime est organisé par l’ordonnance du 2 janvier 1959, et offrait cette particularité d’être un impôt affecté à un établissement public industriel et commercial. La taxe parafiscale était un impôt par nature mais dont le produit était affecté à un établissement public industriel et commercial. Ces taxes ont été supprimées par la LOLF du 1er août 2001. Maintenant, la redevance audiovisuelle n’est plus une taxe parafiscale mais une imposition de toute nature. Ex. typique de redevance : le prix des cantines scolaires. Il s’agit bien du prix payé par l’usager d’un service public pour ce service public. Cette redevance entre bien dans le budget des collectivités concernées. C’est une recette non fiscale. La redevance n’est pas une prestation obligatoire. À ce titre, le montant des redevances n’entre pas dans la composition des prélèvements obligatoires. 

 2) Les recettes fiscales 

 Ici encore, on remonte à la monarchie. Avec le développement de la monarchie, les coûts générés augmentent et les simples revenus du domaine ne suffisent plus. On désignait ces revenus comme des revenus ordinaires. Le Roi va donc pour financer son action avoir recours à des revenus extraordinaires (non domaniales). Ces revenus extraordinaires sont aujourd’hui l’impôt. 

 Que sont ces revenus ? 

La noblesse s’affranchit de l’impôt par l’épée. Le clergé met en œuvre une autre forme de service par son essence (parce qu’il est spirituel), mais assez rapidement au moment où s’opère la distinction entre le temporel et le spirituel (XIII siècle), le clergé va consentir à verser des sommes au pouvoir. Ces sommes sont le don gratuit. Il marque le caractère consenti du don. C’est une somme non permanente. 

 Le 3ème ordre, le Tiers-Etat est évidemment assujetti à l’impôt de manière exorbitante. Au XIII et XIV siècle, les choses évoluent. Le monarque décide d’asseoir l’impôt par une forme de négociation avec les représentants de la population, les Etats Généraux. C’est de cette consultation des Etats Généraux que va naître un très grand principe du droit contemporain, le principe du consentement de l’impôt (à l’impôt = concept sociologique, pas de révolte contre le percepteur). À partir de là, le Roi va réunir régulièrement les Etats Généraux pour lever l’impôt qui est bien considéré comme un revenu extraordinaire. La monarchie devient absolue et les Etats Généraux ne sont pas réunis entre 1614 et 1789. À partir de là, difficultés financières de Louis XVI qui dans un accès de manque de lucidité convoque les Etats Généraux pour lever de nouveaux impôts, puis proclamation de l’Assemblée Nationale… 

Les représentants de la Nation adoptent un nouveau décret, celui du 17 juin 1789. Ce décret marque le consentement de l’impôt par l’Assemblée Nationale (repris à l’article 1 du titre V de la constitution du 3 septembre 1791). Le vote par les assemblées représentatives du budget de chacune des collectivités territoriales apparaît. Ce principe du consentement de l’impôt est présent à l’article 1 de la loi de finance de l’année 2003. 

Que sont les différentes recettes fiscales ? Il faut distinguer les impôts directs des impôts indirects.  

  

– Les impôts directs : l’impôt direct est l’impôt qui va mettre en relation le contribuable (celui qui supporte le poids économique de l’impôt) et l’administration fiscale. Un exemple typique d’impôt direct : l’impôt sur le revenu. Les impôts directs représentent théoriquement les impôts justes par essence. Il permet d’appréhender la capacité contributive directement là où elle se trouve. Cf. art. 13 et 14 de la déclaration. Très rapidement, la Révolution va mettre en place 4 impôts directs :

 – C’est la constituante qui va créer la contribution foncière sur les propriétés bâties, un impôts frappant la possession des biens.

– À l’époque, la richesse n’est pas seulement l’immeuble mais aussi les meubles. On créé une contribution foncière sur les propriétés non bâties (la possession de terres). – La constitution créé aussi la patente, due par les entreprises, aujourd’hui « taxe professionnelle ».

– Il y a aussi l’établissement de la célèbre contribution sur les portes et fenêtres. Elle est établie sur un élément objectif. Sans maison, n’en paye pas. Avec une petite maison, peu de portes, peu de fenêtres.

– Elles sont appelées les « 4 vieilles contributions ». En 1917, au moment de l’introduction de l’impôt sur le revenu, ces 4 vieilles ont été transférées aux collectivités territoriales. Elles étaient des impôts directs d’Etat et sont devenues des impôts directs locaux de collectivités territoriales. Impôts révolutionnaires à l’origine, elles sont des impôts directs dans un système où prédomine les impôts indirects. Il y a deux lois de transfert de l’impôt sur le revenu : 1914 et 1917. Ces deux lois viennent introduire l’impôt sur le revenu. Les ¾ des hommes valides sont sous les drapeaux, ou à l’usine. Le Gouvernement d’union nationale n’a pas accablé les Français avec un nouvel impôt de 1914 à 1917. À partir de 22, la loi est créée et introduite. Les 4 vieilles sont transférées aux collectivités locales, officiellement en 1914, juridiquement en 1917. – L’impôt sur le revenu : il constitue un impôt direct. Il s’inscrit dans un très large mouvement international de mise en place d’une imposition du revenu.

En Angleterre, on trouve l’income tax depuis 1791. Il s’agissait de lever un impôt efficace pour la Grande- Bretagne pour lutter contre la Révolution française. Dès sa création, l’impôt sur le revenu est vécu comme un impôt efficace. Il faut attendre un siècle, et 1891, pour que soit établis en Allemagne l’einkommen steuer. La nécessité de mettre en place cet impôt sur le revenu est vite ressentie. L’idée est double : il s’agit bien de dépasser la simple taxation de la possession des biens, défendue par les physiocrates (la seule richesse est la possession des biens selon eux), en élargissant l’assiette de l’impôt (ce sur quoi est assis l’impôt, sur quoi il porte) à la notion de revenu. Il y a aussi une notion de justice fiscale qui entre en compte : il s’agit d’imposer la richesse accumulée années après années par les citoyens, avant d’attendre qu’elle ne transforme en bien (c’est l’opposition entre le revenu et la propriété). Cela semble correspondre parfaitement avec ce qui est prescrit à l’article 13 de la DDHC (une répartition commune doit être établie entre les citoyens…). À partir des années 1840-1850, c’est cette gauche radicale qui porte le projet d’impôt sur le revenu, jusqu’à sa mise en ouvre par le ministre des finances Joseph Caillaux. Il y a la multiplication de la fiscalité directe avec de nombreux impôts venant frapper différents types de revenus (bénéfices industrielles et commerciaux, agricoles…). C’est après la 2GM que ces différents impôts sédulaires seront fusionnés en un impôt sur le revenu. Au début de la III République, Léon Say (ministre des finances) évoque devant la Chambre ce budget d’un milliard que l’on regrettera. En 1920, le budget se fixe à 5 milliards de F. Face à cette augmentation des dépenses, il a fallu voir « pousser de nouveaux impôts » (Clemenceau). L’impôt sur le revenu une fois établi se modernise. C’est après la 2GM que l’on assiste à un mouvement particulier de « personnalisation de l’impôt ». Ce mouvement vise à adapter l’imposition et donc les recettes fiscales à la situation des contribuables. On tente de passer d’une norme impersonnelle et abstraite à une norme qui va prendre en considération la réalité de la situation familiale du contribuable. On introduit le quotient familial. On multiplie les déductions et réductions d’impôts relatives aux charges de famille. L’idée étant bien de permettre une meilleure acceptation par le contribuable de la charge fiscale et donc de revenir, ou d’enrayer tout un mouvement de défiance à l’égard de la fiscalité (le poujadisme, du nom de Bernard Poujade, le défenseur des contribuables ; cf. Miguet aujourd’hui). Le montant global des recettes va mécaniquement baisser.

 

– Les impôts indirects : c’est l’impôt qui fait intervenir un tiers entre celui qui supporte le poids économique de l’impôt et celui qui perçoit l’impôt, celui qui va réellement remettre l’argent au percepteur sans en supporter le poids économique. On a le contribuable (celui qui supporte) et le redevable (celui qui va effectivement régler le montant de l’impôt aux services fiscaux), et le receveur (celui qui encaisse). Ex. la TVA : en payant ses cigarettes, on règle un prix TTC au buraliste comprenant le coût de la cigarette (HT) et la TVA que l’on règle au commerçant. Le commerçant garde le montant HT et reverse au Trésor Public (Direction Générale des Impôts) le montant de la TVA qu’il a collecté. La fiscalité française se construit largement sur les impôts indirects sous l’Ancien Régime. Une grande partie des recettes fiscales est constituée d’impôts indirects, d’où la réaction de l’Assemblée Nationale constituante qui établit des impôts plus justes, directs, mais plus lisibles par le contribuable. La révolution comprend rapidement que l’impôt indirect est plus indolore pour le contribuable, qui sont alors multipliés (ex. taxe sur les cartes à jouer, parfois poinçonnées pour preuve). Les impôts sont multipliés jusqu’à la reprise du système direct. Avec la 2GM, création de l’impôt indirect par excellence : la TVA. Elle apparaît par deux lois successives (1954 et 1955), elle frappe d’abord les transferts de biens avant d’être généralisée aux prestations de service. C’est un impôt à taux proportionnel : on paye l’impôt à proportion du prix HT, c’est un pourcentage du prix HT (19,6%). 

 Qu’est-ce qui justifie l’introduction de la TVA dans le système fiscal ? La volonté d’établir une recette fiscale extrêmement performante. C’est-à-dire qu’en frappant proportionnellement l’ensemble de la consommation des ménages, la TVA rapporte énormément. Elle devient la première recette fiscale de l’Etat. Les contribuables, même s’ils savent la payer, ne réalisent pas qu’ils le font, car les prix sont affichés TTC. Aux Etats-Unis, les prix sont affichés HT. Le système est indolore, on parle « d’anesthésie fiscale », le contribuable ne se rend pas compte. – La CSG (Contribution Sociale Généralisée), une nouvelle forme de fiscalité. À la fin des années 1980, il y a une dégradation très importante des comptes publics à tous les niveaux (comptes de l’Etat, comptes sociaux). Le Gouvernement de Michel Rocard décide d’introduire un nouvel impôt par la loi de finance pour 1991 : la CSG. Cette recette est affectée à différentes personnes morales, aux différentes caisses de prestations sociales (allocations familiales en particulier…). Cette CSG représente une nouvelle forme de fiscalité car elle est à la fois directe et indirecte, parce qu’elle est prélevée en partie directement auprès de certains contribuables (la CSG sur les bénéfices non commerciaux, c’est-à-dire les revenus des avocats et perçue directement par les avocats). La CSG sur les salaires est versée par l’employeur pour le compte du salarié. Cette fiscalité est hybride. La CSG offre un très gros intérêt par rapport à l’impôt sur le revenu car son assiette est beaucoup plus large : c’est un impôt non personnalisé, avec un taux proportionnel (alors que le taux est progressif par tranches pour l’impôt sur le revenu). La CSG apparaît alors comme une nouvelle forme d’impôts sur le revenu, car elle est assise sur l’ensemble des revenus, mais avec ce taux proportionnel et cette assiette très large, ce qui en fait un outil extrêmement performant. 

 3) Le problème de l’évaluation de ces recettes 

 Le phénomène du consentement de l’impôt impliquait que la représentation nationale disposait du droit de fixer le taux, l’assiette et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Le Parlement peut aussi fixer l’assiette, ce sur quoi est assis l’impôt, ce sur quoi il frappe : déterminer ou définir ce qu’est un revenu. La différence essentielle entre la dépense et la recette vient du fait qu’en ce qui concerne les dépenses, le Parlement fixe un plafond de dépense (pour les différents ministères). Pour les recettes, autant fiscales que non fiscales, le Parlement fixe les lois et c’est l’administration fiscale qui met en œuvre ces lois et procède au recouvrement des sommes. – Le Parlement fixe le cadre juridique. – L’administration fiscale procède au recouvrement de ces sommes, autant de dettes des citoyens contribuables. – Il s’agit de fixer un régime juridique. Ces recettes, fiscales ou non fiscales, sont évaluées dans le budget, en fonction du régime juridique en vigueur. On évalue le montant prévisionnel de la TVA, de l’impôt sur le revenu, de la TIPP. Le Parlement fixe un régime juridique et évalue par la loi de finance. 

 À partir du moment où l’on parle d’évaluation des recettes, on se trouve confrontés à une difficulté : quelle est la portée de cette évaluation ? Ce n’est pas un objectif à atteindre pour l’Administration. En cas de ralentissement de l’activité économique, la TVA entre moins facilement dans les caisses, et il y a une baisse des ressources fiscales. Si le montant des recettes était une obligation, l’administration fiscale devrait aller chercher les taxes en dépit de la contraction économique. Inversement, si la situation économique est bonne et que les Français se mette à acheter plus de voitures, on constate une augmentation des recettes de TVA, et l’évaluation initiale ne constitue pas un plafond au-delà duquel on ne peut aller. Si le ministère des finances, à travers la DGI, constate cela, continue à prélever.  Les prévisions du budget n’ont pas de valeur juridique impérative. On observe que cette évaluation est soumise à un aléa important. L’environnement économique est extrêmement important quant à ses conséquences sur les recettes en général. L’incidence de cette situation économique sur les recettes fiscales est différente suivant le type d’impôts. En ce qui concerne les impôts indirects, on observe une réaction très rapide aux évolutions de la conjoncture économique. Par ex. la TVA et la TIPP vont réagir extrêmement rapidement. Augmentation des prix des carburants – moins de consommation – moins de recettes avec la TIPP.  Avec la TVA, un ralentissement de la consommation des ménages se ressent en matière de recettes. En ce qui concerne les impôts directs en revanche, le décalage dans le temps est un peu plus grand : un délai est lié à la déclaration et au traitement des informations. 

 Impôt sur le revenu : – les revenus baissent en 2006 – ces revenus sont déclarés en 2007 – on constate une baisse dans la situation éco. en 2007 On met en place des outils comme des outils statistiques, de prévisions, de recettes fiscales à moyen terme. Il s’agit évidemment d’observer comment statistiquement sur des longues périodes évolue notre fiscalité afin d’adapter la prévision, l’évaluation des recettes à l’évolution de la conjoncture. Au XIX siècle, on recourait assez largement au mécanisme de l’abonnement. On considérait que les recettes étaient les mêmes d’une année sur l’autre. Au XIX siècle prédominaient des impôts de répartition, par opposition aux impôts de quotité. – Impôt de répartition : le pouvoir détermine le montant, il veut 100 millions. – Impôt dit de quotité : impôt caractérisé par un taux. Le système de l’abonnement n’est plus suffisant, il faut établir une évaluation. Le système du XIX siècle était un système de répartition que l’on pouvait évaluer au moyen de l’abonnement. À partir du moment où le système fiscal évolue et où les impôts de quotité évoluent, il faut changer le système fiscal. On introduit le système de la pénultième année (= l’avant dernière année). 

 En 1910, sans disposer des chiffres de l’administration fiscale de 1909, mais en ayant ceux de 1908, ce sont les chiffres de 1908 qui sont observés et évalués pour établir ceux de 1911, au moyen d’une projection. Par ex. augmentation de 3%… La limite est apparue en cas de régression de l’économie, comme dans les années 1930. On s’est demandé comment évalué les recettes fiscales. Dans les 30 Glorieuses, le système n’était pas non plus satisfaisant (les prévisions étaient trop basses). On a alors appliqué des outils statistiques à l’évaluation des recettes fiscales. Cela concourt avec le développement d’une administration statistique en France, l’INSEE, et le développement au sein du Ministère des finances d’une administration dédiée à l’évaluation : la direction de la prévision. 

 On en arrive à un système tentant de fixer l’évaluation des recettes à moyen terme. Cette évaluation des recettes à moyen terme va intégrer une notion très importante statistiquement : l’aléa. On sait ce qui va se passer à court terme, à moyen terme c’est flou. On introduit dans l’évaluation la notion de fourchette, avec un point haut (évaluation optimiste en matière de recettes) et un point bas (évaluation pessimiste). On opère cette évaluation à législation constante (l’assiette n’évolue pas, pas de nouvelles exonérations ; le taux de 19,6% n’évolue pas). 

 Depuis l’existence du ministère des finances, ce dernier dispose de tout un historique de l’évolution de la fiscalité par titres de fiscalité et par types d’activités. – Quand il s’agit d’évaluer les recettes, les services du ministère des finances vont procéder recette par recette à une prévision sur 3 années, en déterminant un point haut et un point bas. En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés : c’est un impôt direct sujet à d’énormes variations d’une année sur l’autre, liées aux bénéfices réalisés par les sociétés et aux décisions des entrepreneurs. On voit des écarts de 10 à 15% entre le point haut et la point bas, une forte variation de l’aléa dans les recettes. – En ce qui concerne la TVA, on observe que globalement, la TVA augmente de manière assez linéaire parce que même en cas de crise de la consommation des ménages, cette crise ne concerne pas l’ensemble de l’activité économique. La baisse de la consommation joue à la marge. La baisse de la consommation des ménages n’affecte pas tous les ménages. – En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, l’évaluation est très difficile à prévoir. Les revenus des acteurs économiques sont susceptibles de très fortes variations. Il y a ceux pour qui ça marche (le travail rapporte plus), et ceux pour qui ça ne marche pas. La variation de la situation du revenu du particulier est aussi sa situation familiale. – En ce qui concerne la TIPP, l’évaluation est délicate : elle dépend du comportement des automobilistes et de la consommation des produits pétroliers. L’évaluation des recettes de l’Etat est soumise à un fort aléa (10 à 15% d’évolution entre le point haut et le point bas). L’expérience montre que l’évolution à moyen terme permet de compenser les différents aléas. Si, à moyen terme, l’impôt sur le revenu évolue vers le point bas, la TIPP se stabilise, et la TVA évoluent vers le point haut. En fin de compte, l’évaluation des recettes fiscales de l’Etat en masse (en milliards d’€) est possible à court et à moyen terme. En revanche, il est beaucoup plus difficile d’évaluer l’évolution de chaque recette. L’évolution recette par recette est très difficile à opérer. 

4) Les prélèvements sur recette 

Elément particulier du droit financier, le prélèvement financier représente matériellement une recette pour une collectivité publique, par ex. une commune ou l’union européenne, mais c’est aussi un décaissement pour une autre (l’Etat). En fait, on a l’habitude de parler de recettes négatives. Matériellement, il existe des impôts (des recettes fiscales) qui sont prélevés auprès des contribuables pour le compte d’une collectivité par une autre autorité. Exemple, les impôts dits locaux (4 vieilles transférées en fiscalité locales) sont toujours perçus par les comptables du trésor – par l’Administration de l’Etat – mais pour le compte des collectivités territoriales, car ils sont ventilés entre la région, le département et la commune. Dans les avis d’imposition, il y a des frais de prélèvement. Une fois que la recette a intégré matériellement les caisses de l’Etat, il doit bien falloir que cette recette ressorte pour aller abonder les caisses des collectivités territoriales. Il s’agit bien de compter en négatif une recette qui sera versée à son bénéficiaire légal. On emploie donc la technique du prélèvement sur recette. Cette technique est intéressante et importante car elle permet de ne pas faire entrer dans la masse de celui qui collecte une somme dont il ne bénéficie pas. Le prélèvement sur recette permet bien de ne pas faire entrer dans la masse des recettes de l’Etat des sommes qui ne sont pas à sa disposition. Ensemble des recettes encaissées – Prélèvements sur recette ______________________ = Recette nette de l’Etat Est-ce que les recettes nettes des personnes publiques vont couvrir l’ensemble de leurs dépenses voire l’ensemble de leurs charges ? La réponse est négative, car depuis une trentaine d’années, les recettes des personnes publiques ne couvrent plus leurs dépenses ou leurs charges en période ordinaire. Malgré l’absence de guerre, on constate la multiplication des déficits publics depuis la fin des années 1970. 

B) L’emprunt et la dette publique 

1) L’emprunt 

L’emprunt est une réalité du pouvoir depuis qu’il existe. On trouve des traces d’emprunt dès le Moyen-Âge (banquiers italiens qui prêtaient au pouvoir). C’est ce phénomène qui pousse le pouvoir à financer par un appel à un tiers ce qu’il n’arrive pas à payer avec ses revenus ou avec ses recettes fiscales. Historiquement, sous l’Ancien Régime, la Couronne empruntait par le biais d’un réseau de nobles puissants que l’on appelait les financiers du royaume. C’étaient ces possédants terriens ayant d’immenses fortunes et qui étaient susceptibles quand la couronne manquait de liquidité de lui prêter de l’argent. Les financiers amassaient des sommes colossales en intérêts. On avait un financement privé de la Couronne. Avec la Révolution (jusqu’à Waterloo), les choses changent. Mollien (ministre des finances de Napoléon) créé la caisse de services par le décret du 16 juillet 1806. C’est un outil comptable qui vient centraliser l’ensemble des mouvements financiers opérés sur le territoire national. Cette centralisation réalise l’unité de caisse. À partir de Mollien (1806), on avait une trace écrite : on peut savoir ce que sont les besoins de trésorerie de la Nation, des comptes publics. Une fois par mois, il est capable d’établir le solde de tout ce qui est entré dans les caisses et de tout ce qui est sortir des caisses. Mollien constate régulièrement un besoin de trésorerie, qui vient du fait que le solde est négatif. Le pouvoir organise donc par l’arrêté du 26 mai 1814 une administration s’appelant le Mouvement Général des Fonds. Il a vocation à gérer la trésorerie de l’Etat. Son appellation désigne sa fonction : il observe qu’on effectue plus de recettes que de dépenses en Corse, et l’inverse dans l’Est (beaucoup de militaires établis pour se protéger contre les Prussiens) ou dans le Nord. Administrativement, l’organisation du phénomène financier nécessite de rationaliser la gestion des fonds publics. Très rapidement, l’Etat se déleste de cette mission auprès de la Banque de France, à l’origine une banque privée. La loi du 9 juin 1857 confie la manutention des fonds à la Banque de France. Elle organise les transferts matériels d’argent d’un point à un autre. On continue à avoir cette administration qu’est le mouvement général des fonds, mais qui ne fait que de l’organiser au niveau de la trésorerie de l’Etat. La Banque de France le fait matériellement. Le mouvement général des fonds ne fait que prescrire. Là-dessus se développent deux choses :

 – Le développement de la monnaie scripturale (traites, chèques, virements…) ce qui amoindrit le mouvement matériel des fonds,

 – Les techniques de l’information et de la communication (poste, télégraphe, téléphone, télex, Internet…).

On commence à pouvoir gérer la trésorerie de l’Etat uniquement de manière comptable. La loi du 30 août 1940 créé la Direction du Trésor, l’Administration change de nom. Depuis la IV et la V République, elle porte le fait qu’elle a été créé sous Vichy. La direction du trésor devient la direction générale du trésor et confie la gestion des emprunts à une agence que l’on appelle un service à compétence nationale (pas de personnalité morale, c’est un élément de l’Etat, une administration bénéficiant d’une compétence transversale). Ce service est l’agence France Trésor, créée par l’arrêté du 8 février 2001. Elle gère la trésorerie de l’Etat. 

a) Les différents besoins de financement 

Quand Mollien et les financiers du XIX siècle constataient un besoin de financement, on faisait appel à la Banque de France. À travers sa succursale locale (à Chambéry par ex.), la Banque de France prêtait des fonds au payeur local. La Banque de France se faisait rémunérer pour ces prêts.  Au XX siècle, le recours généralisé aux avances de la Banque de France était une source d’inflation. Très rapidement, les promoteurs de la transparence financière ont souhaité l’arrêt de ce recours à la Banque de France. Cela a fini par intégrer le système juridique : la loi du 4 août 1993 figure maintenant à l’article L 141-3 du C. Mon. Et Financier. L 141-3 interdit à la Banque de France d’autoriser des découverts. Elle ne peut pas autoriser de découverts ou tous types de crédits au Trésor Public. L’adoption de ce texte ne s’est pas faite toute seule, il y a eu une petite poussée du Droit européen : art. 101 du traité (Maastricht 1993) interdit à la BCE et aux différentes Banques Centrales des Etats membres par ricochets d’accorder tous types de découverts ou crédits aux institutions et organes publics de la communauté. Matériellement, l’Etat a des besoins de trésorerie, et juridiquement, on ne peut plus accéder aux découverts. Les différents besoins de trésorerie : – Le solde de trésorerie ou déficit de caisse : c’est l’observation du décalage entre le rythme de perceptions des recettes et le calendrier des dépenses. On a un rythme de consommation des crédits qui tourne autour de 8%/mois, soit 1/12ème. À l’inverse, les recettes ne rentrent pas à ce rythme (sauf recettes de TVA). La consommation des ménages n’est pas uniforme (Noël, vacances). Les impôts sur le revenu et impôts sur les sociétés sont réglés par tiers (trimestriellement). Les recettes de l’Etat entrent en mars, juin et septembre. On constate donc un déficit de caisse au moment du payement des fonctionnaires en janviers par ex., soit un solde de trésorerie. – Le solde budgétaire : il génère le déficit budgétaire. C’est le constat de ce que l’ensemble des recettes ne permet pas de couvrir l’ensemble des dépenses. Ce solde budgétaire est constaté en fin d’année, mais on fait bien la différence entre le solde budgétaire (qui constate une carence) et le solde de trésorerie (qui s’effectue au quotidien). Il faut financer ce déficit budgétaire, et il existe une autre cause à l’emprunt, c’est le besoin de financement lié à l’amortissement de la dette. Dans une dette il y a le capital et les intérêts, intérêts qui sont considérés comme une dépense de l’exercice ; le principal (le capital) n’est pas une dépense mais une ressource temporaire – l’emprunt – qui génère une charge temporaire : le remboursement de cet emprunt. Pour rembourser cet emprunt, on procède à son amortissement, c’est-à-dire rembourser le capital. Il peut s’effectuer à échéances, en une fonction… Or, dans la mesure où cet amortissement n’est pas considéré comme une dépense mais comme une charge, il va créer au moment où il intervient un besoin de trésorerie. Avec la multiplication du poids de la dette, ce besoin de trésorerie s’accroît d’année en année. On a des emprunts liés à un déficit budgétaire, et des emprunts liés au fait qu’on a 30 ans d’emprunts arrivant à échéance. En 2002 : 70 milliards de remboursements. Chaque année, l’agence France Trésor gère entre 100 et 140 milliards d’emprunts. C’est la gestion de la trésorerie de l’Etat.  

b) Les différentes personnes publiques  

Historiquement, parler de l’emprunt, et donc de la dette publique, c’est parler de l’Etat. Il n’y a pas que l’Etat qui emprunte. Les administrations publiques sont susceptibles d’emprunter. C’est bien ce que vise le traité de Maastricht à travers la notion de déficit des comptes publics. Il s’agit de ne pas se limiter à prendre en compte les déficits des comptes de l’Etat, et de comptabiliser l’ensemble des déficits de l’administration publique au sens large 

 Que sont ces administrations ? 

– Les administrations centrales : l’Etat (avec les 3 comptes susceptibles d’être déficitaires : le budget général, les comptes spéciaux du Trésor, les budgets annexes) ; les Organismes Divers d’Administration Centrale (ODAC) dont les comptes sont autonomes et qui ne sont pas exactement l’Etat ; plusieurs centaines d’établissements 19 publics bénéficiant de la personnalité morale, et donc de comptes autonomes mais sur lesquels l’Etat exerce une tutelle très forte (ex. CNRS). – Les administrations locales parmi lesquelles on compte les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

– Les comptes des organismes de sécurité sociale. Ce sont l’ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale (assurance chômage…).

 – Les comptes des organismes financés par ces régimes, mais pouvant eux-aussi recourir à l’emprunt (ex. les hôpitaux).

 – L’agence France Trésor ne gère que la dette de l’Etat au sens strict. Les autres organismes gèrent leurs emprunts. Au sens du traité de Maastricht, le solde des déficits publics est exprimé en milliards d’€uros :

 – Etat : -61,9 milliards d’€uros en 2003, -47milliards aujourd’hui, -35,7 en 2001. – Admin. Centrales : 4,6 milliards (solde bénéficiaire)

– Admin. Locales : 0,5 milliard

– Admin. de Sécurité Sociale : -10 milliards

 – Ensemble des admin. publiques : -66,6 milliards Si on rapport ce déficit au PIB, on est à un déficit de 4,2% du PIB en 2003, dont 3,9 points viennent du déficit de l’Etat. Budget de l’Etat : 250 milliards d’€. Pour 2003, la dette de l’Etat était établie à 800 milliards. La dette des ODAC était toujours en 2003 à 53,3 milliards. En ce qui concerne des administrations locales, 106 milliards. Pour la SS, 31 milliards. Pour un total de 996 milliards en 2003. Le déficit des organismes de Sécurité Sociale peut paraître important à 10 milliards, mais leur dette apparaît minime au regard de la dette de l’Etat. Les emprunts liés aux régimes de protection sociale sont des emprunts liés au solde de trésorerie. Ce sont des phénomènes conjoncturels. On constate des déficits et des excédants sur le long terme. L’emprunt de l’Etat vise à combler un déficit qui depuis quelques années est un déficit structurel. Il y a un solde de trésorerie, mais on a surtout un déficit budgétaire de l’Etat, entretenu par l’arrivée à échéance de la dette antérieure. Les emprunts de l’Etat couvrent des déficits structurels qui viennent d’une répétition de déficits budgétaires et de l’arrivée à terme de la dette publique qu’il faut rembourser. 

 2) Le financement de la dette 

 Quels sont les outils financiers mis en œuvre par l’Agence France Trésor pour couvrir ces montants ? 

 a) Les outils du financement 

 Au XIX siècle, on avait recours à l’emprunt perpétuel. C’était une dette viagère : les particuliers prêtaient à l’Etat sous forme de titres, des titres viagers. Le titre viager s’éteignait avec le possesseur du titre, ou alors on avait une dette perpétuelle qui consistait à prêter une somme d’argent sans jamais récupérer le capital, en échange du paiement d’un intérêt perpétuel. Avant 1914, une grande partie de la dette est une dette à très long terme. Là-dessus se développe l’inflation. On commence à constater l’inflation, qui se développe dramatiquement au XX siècle. Les dettes perpétuelles perdent complètement leur valeur, et sont quasiment éteintes aujourd’hui. Conséquemment, ces titres ne sont plus souscrits par les prêteurs, et l’Etat est donc contraint de moderniser ses emprunts, ses outils. Après la 2GM, se multiplient donc les avances monétaires de la Banque de France aujourd’hui interdites (depuis la loi de 1993), mais aussi les dépôts des correspondants 20 du Trésor (ayant l’obligation de ne jamais être à découverts : ils génèrent une ressource pour l’Etat). Il s’agit pour l’Etat d’obliger un certain nombre de personnes publiques (les établissements publics & les collectivités locales de l’époque) à déposer leurs sommes ou à maintenir leurs sommes sur le compte de l’Etat à la Banque de France. Or, comme ces personnes génèrent de la trésorerie, c’est autant de moins que l’Etat devra emprunter. Se développent les bonds du Trésor. À partir des années 1980, on entre dans une phase de désinflation, qui va permettre à nouveau de recourir à des emprunts à long terme, et parallèlement, on va mettre en place une politique de transparence et de sécurité de ces titres financiers. La crise de l’interventionnisme est une crise politique qui conduit les gouvernants à remettre en question le bien fondé de la participation de l’Etat à la vie sociale et économique. C’est donc un relatif désengagement de l’Etat qui prend plusieurs formes : au niveau du secteur public. On la constate en Grande-Bretagne (grandes privatisations), et aussi en France (à partir de 1986, on procède à une privatisation du secteur public au sens large). Les entreprises publiques deviennent SA. Cette crise de l’interventionnisme trouve essentiellement ses causes dans un aspect financier. En fait, en Angleterre et en France, les recettes publiques ne couvrent plus les dépenses. C’est bien ce recours massif à l’emprunt qui va quelque part guider vers un rétrécissement de la sphère de l’intervention. À partir du moment où l’insuffisance des recettes est constatée, il faut réviser la politique financière de l’Etat. À partir des années 1980, la ministère des finances, et plus particulièrement la Direction du Trésor, va moderniser les outils de financement des différents déficits. Quels sont ces outils ? On a 3 catégories d’outils permettant de financer les différents déficits : ¡ Les OAT (Obligations Assimilables du Trésor). Ce sont des titres financiers à long terme. Leur maturité (= échéance) est comprise entre 7 et 50 ans. La plupart des OAT sont à taux fixe. La procédure d’émission de ces emprunts à long terme est une procédure d’adjudication, le premier jeudi de chaque mois. Les intervenants du marché vont souscrire à ces OAT. L’adjudication permet de faire baisser le taux, car on met en concurrence les investisseurs financiers qui veulent souscrire ces Obligations Assimilables du Trésor. Les OAT permettent de financer les investissements. De la confiance des investisseurs dans les politiques budgétaires à long terme dépendra le coût du financement de nos investissements (le coût financier = le prix des intérêts). Ex. tunnel Lyon-Turin : coût est de 15 milliards d’€. Les Etats, les régions et l’Europe financent, mais personne au ministère des transports ne veut financer cet investissement avec des recettes. On va emprunter 15 milliards et les rembourser grâce à l’exploitation de ce tunnel ferroviaire. In fine, dans 50 ans, le capital emprunté sera remboursé (15 milliards) et aussi les intérêts (15 milliards). Le taux d’intérêt dépend évidemment de la confiance que les investisseurs placeront en la viabilité financière du projet. C’est la même chose pour l’Etat. Il existe des Etats qui peinent à rembourser leur dette (Argentine, Thaïlande, Mexique, Russie…). Ces Etats, quand ils doivent entreprendre des investissements sont soumis à des taux d’intérêts bien supérieurs à ceux connus pour honorer leur dette.

 – L’importance de ce crédit public, confiance des investisseurs, se manifeste dans le taux d’intérêt des emprunts à long terme. ¡ Les BTAN (Bonds du Trésor à intérêt ANnuel) : ce sont des outils de financement à moyen terme. Leur maturité est de 2 à 5 ans. Eux-aussi sont émis par adjudication, le troisième jeudi de chaque mois. Les BTAN permettent généralement de financer les déficits de trésorerie, mais on tente de financer le déficit public par ces BTAN. Pourquoi ? Le déficit public est la différence entre les recettes et les dépenses, et n’est pas censé être une situation structurelle. Il est censé représenter une situation conjoncturelle. En théorie, on devrait avoir des années à déficit, et puis retrouver des années à solde neutre… Tout cela devrait suivre le cycle économique qui préside au moment des recettes 21 fiscales. Le déficit, conjoncturel, devrait être remboursé à moyen terme, en attendant des années meilleures. En France, on est en déficit depuis 30 ans. Du fait d’une meilleure conjoncture, le Gouvernement Jospin avait réussi à faire baisser le montant du déficit public, il a bénéficié d’une meilleure conjoncture économique. Dans une conjoncture économique proche du Gouvernement Jospin, le Gouvernement Villepin a creusé le déficit public. Aux Etats-Unis par exemple, se succèdent des périodes de déficits et d’excédents budgétaires qui permettent d’opérer un lien très clair entre un déficit et un financement à moyen terme. ¡ Les BTF (Bonds du trésor à Taux Fixe et à intérêt précompté) : Les BTF sont par excellence les outils de financement du déficit de trésorerie. C’est grâce à ces BTF que l’on va financer l’écart constaté au quotidien entre le montant des recettes et des dépenses. Les BTF sont émis le lundi, par voie d’adjudication. Les BTF ont une échéance qui peut descendre jusqu’à 4 semaines (pas de maturité, car la période est trop courte). Au-delà, on emprunte. L’intérêt précompté signifie : on souscrit un BTF de 1000 qui sera remboursé dans 4 semaines à hauteur de 1000, mais on paye 998.  

b) Le montant de la dette publique  

Il est en constante augmentation en France depuis une trentaine d’années. Le ratio dette publique/PIB importe ici. Il nous permet de vérifier si la dette est dite « soutenable ». ¡ En France, la dette de l’Etat était en 1980 de 14,9% du PIB. ¡ En 2003, la dette de l’Etat représentait 51,3% du PIB. Si on étend ce concept à celui de la dette publique, on arrive à 63,7% du PIB en 2003. Maastricht pose 60% comme plafond. Que représente la charge de la dette ? En ce qui concerne uniquement les intérêts, elle représentait 4% du budget général (= les charges de l’Etat) dans les années 1980. On en est aujourd’hui à 15%, ce qui représente 39 milliards d’€ en 2005. Ce chiffre figure bien en dépense et représente à l’heure actuelle le second poste budgétaire derrière un regroupement très opportun « Education national, enseignement supérieur, recherche ».

 Est-ce que la dette publique est insoutenable ?

 – Certains pays européens développés soutiennent une dette publique qui dépasse les 100% de leur PIB, avec les intérêts afférents depuis plusieurs années (Italie, Belgique). Le critère de la soutenabilité ne semble pas évident.

 – On a une difficulté à fixer le montant de cette dette. Pourquoi ? Car, dans le fond, si on voulait dresser un bilan de l’Etat de notre dette, il faudrait que l’on compare cette dette à la richesse qui comporte tous les actifs, tous les biens. Or, cette richesse comprend tous les biens dits immobilisés. Dans ces biens, on compte les actifs financiers, les actions qu’on est susceptibles de vendre pour apurer la dette, et aussi les actifs immobiliers (les personnes publiques ont un très grand nombre de biens immobiliers). Elle possède aussi un grand nombre de biens immobiliers à l’origine d’une partie de cette dette. Comment évaluer l’immobilisation ou la richesse que représente un viaduc, un canal ?…

 – Les chiffres de l’endettement ne tiennent pas compte de ce que l’on pourrait appeler la dette implicite, c’est-à-dire des créances quasi certaines nées sur l’Etat, par ex. les retraites des fonctionnaires. Faut-il intégrer les créances quasi certaines correspondant aux retraites des fonctionnaires ? Ce sur quoi est tout le monde d’accord, c’est que si l’endettement finance le fonctionnement des personnes publiques, alors il est une mauvaise chose. Parce qu’un endettement qui correspond au financement du fonctionnement signifie que nos prestations actuelles sont financées par les impôts des générations futures. 22 Inversement, si l’endettement finance des dépenses d’investissement, il ne s’agit pas forcément d’un mauvais endettement, car ce sont bien les ressources générées par cet investissement qui permettront d’en payer le coût (ex. le tunnel Lyon Turin). De cette analyse du financement de la dette découle une règle d’or : on ne finance par l’endettement à long terme que les investissements. Cette règle est d’autant plus intéressante qu’elle est formalisée dans certains pays (ex. Allemagne), et formalisée juridiquement en droit interne à l’article L 1612-4 du Code Général des Collectivités Territoriales. Cet art. impose un équilibre entre les sections investissement et fonctionnement du budget des collectivités territoriales. Que signifie ce principe d’équilibre appliqué aux collectivités territoriales ? Il signifie que toutes les dépenses afférentes à l’investissement peuvent être financées par l’emprunt. Les ressources des collectivités territoriales hors emprunt doivent financer intégralement la section de fonctionnement et évidemment l’excédent de ces ressources sur la section de fonctionnement permettra de financer l’investissement.  D’un côté, on a une formalisation du principe d’équilibre au sein du budget des collectivités territoriales, et une formalisation du côté de Maastricht avec le seuil des 60%. Afin de rentrer les clous du traité de Maastricht, il n’y a qu’une solution : baisser les dépenses, soit avoir une approche politique de la crise de l’interventionnisme. Le taux fixé par le traité de Maastricht ne vise pas à inciter les Etats à baisser leurs dépenses. Il s’agit de créer les conditions d’une harmonisation entre les politiques financières des Etats, et à lutter contre l’inflation dans la zone €. C’est un outil de politique économique et pas un outil d’adaptation des politiques publiques. Pour respecter ce ratio le traité laisse deux possibilités évidentes : baisser les dépenses et augmenter les recettes.  

SECTION 2 : L’ENCADREMENT DU PHENOMENE FINANCIER 

La question ici est de savoir comment est encadré le phénomène financier. Cela passe par la détermination d’un cadre juridique avant d’aborder un cadre administratif.  

§ 1 : Le cadre juridique 

Différentes normes viennent opérer cet encadrement. On distingue la valeur de la norme (loi, loi organique…) et sa signification de fond.  

A)   La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen des 20 et 26 août 1789 (DDHC) 

La DDHC a une valeur constitutionnelle, et mérite un traitement particulier car elle constitue le socle positif de notre droit public financier. Ce sont les art. 13, 14, 15 qui importent. Ils prévoient la contribution commune, sa nécessité et l’égalité des citoyens devant elle. Ils sont en lien très étroit avec l’article 12. La contribution commune permet de financer la force publique, c’est-à-dire au sens de 1789, les pouvoirs publics. De la déclaration découle le principe de nécessité de l’impôt, à la mise en œuvre des pouvoirs publics, à l’existence du corps social de protection (l’Etat), mais aussi le principe du consentement de l’impôt, et le principe du contrôle social des finances publiques (art. 15).  

B)   La Constitution du 4 octobre 1958 

Elle doit être séparée au niveau financier en 3 thèmes différents : ¡ Les concepts affirmés par la Constitution : l’article 34 de la constitution affirme la légalité de la matière financière. Tout ce qui concerne les finances publiques relève de la compétence de la représentation nationale. Ce principe affirmé très tôt reprend évidemment la Déclaration. On distingue 2 choses dans ce principe :  

  La détermination de l’impôt (assiette, taux, modalité de recouvrement) est de la compétence parlementaire. On revient au principe politique du consentement de l’impôt. À l’article 34, on retrouve exprimée une autre forme de la légalité de l’impôt.  

  C’est la loi de finance qui détermine les ressources et les charges de l’Etat. La Constitution attribue à la représentation nationale ce que sont les ressources et les charges de l’Etat. Pendant des années, les dépenses sociales (depuis 1946 et jusqu’au milieu des années 1990), les cotisations sociales finançaient les prestations sociales et ces prélèvements obligatoires n’étaient pas ni discutés, ni votés, ni contrôlés par le Parlement. Au début, les régimes de Sécurité Sociale étaient à peu près équilibrés. À partir des années 1970, on a commencé à constater un déséquilibre de la Sécurité Sociale (en raison de l’assurance chômage et de l’assurance maladie), qui a conduit à faire financer les déficits de ces régimes par des transferts financiers (= dépenses de transfert) depuis le budget général de l’Etat. Le législateur, devant la récurrence de ces transferts (dizaines de milliards de F), a estimé qu’il n’était pas normal qu’il comble des régimes sans avoir au moins un droit de regard sur ce qui devenait bien des dépenses publiques. Une forme d’application de l’article 15 de la Déclaration. La Loi constitutionnelle du 22 fév. 1996 est donc venue introduire un nouveau type de lois de la compétence du législateur, les lois dites de financement de la Sécurité Sociale (LFSS), ce qui modifie l’article 34. Depuis 1996, et la première LFSS de 1997, il est de la compétence de la loi de déterminer les conditions générales de l’équilibre financier de la Sécurité Sociale compte tenu des prévisions de recettes d’un côté et des objectifs de dépenses de l’autre. Le principe de la légalité du concept de libre administration des collectivités territoriales. Ce concept de libre administration découle de l’article 72 de la Constitution, cette libre administration qui devrait en matière de finances publiques conduire les collectivités territoriales à être autonomes financièrement (de ce que sont leurs ressources et leurs dépenses). Or, cette libre administration de l’article 72 se trouve limitée par l’article 34 nous disant que c’est la loi qui détermine les principes de libre administration. Une des expressions financières de cet encadrement est évidemment l’article L 1612-4 du Code général des collectivités territoriales qui prescrit le fameux principe d’équilibre des sections de fonctionnement et d’investissement. ¡ L’organisation des pouvoirs financiers du Parlement : elle découle de la Constitution (art. 39 et 40 de la Constitution).  

Ces articles posent deux types de normes :   

  Une première, qui vient organiser entre les chambres du Parlement la compétence financière, en accordant la priorité à l’Assemblée Nationale (art. 39). Depuis la réforme de 1996, ce sont aussi les LFSS qui sont soumises en premier lieu à l’Assemblée Nationale. Il s’agit bien ici d’opérer une forme de démocratie financière avec une application très ferme du principe du consentement de l’impôt. C’est bien le Parlement en tant qu’institution qui consent l’impôt, mais au sein du Parlement, c’est la chambre dite basse qui représente bien le corps social, la Nation. Ce principe de la priorité à la chambre basse date évidemment de la Restauration (le Sénat, ou chambre des pères, n’était pas du tout représentative car composée de pères nommés par le Roi). Cependant, si le Parlement est bien un acteur fondamental du Droit financier, la V République a profondément rationalisé les pouvoirs de ce Parlement. La Constitution de 1958 a confirmé que si l’initiative de la loi est bien une compétence partagée entre le Parlement et le 1er Ministre, en matière de Loi de Finances, on ne parle que de projet de loi. Cela signifie clairement que l’initiative en matière de loi de finance appartient au Gouvernement. Ici encore, il s’agit d’un principe extrêmement ancien. Comment s’exprime cette rationalisation : l’initiative appartient au 1er ministre, mais le droit d’amendement est considérablement réduit par la Constitution du 4 oct. 1958 et par son art. 40. Les propositions d’amendement qui diminuent une ressource ou augmentent une charge ne sont pas recevables. Cela signifie qu’elles ne seront même pas délibérées, mais considérées comme irrecevables par le président de l’Assemblée Nationale. Cela est 24 fait pour lutter contre la tentation démagogique du Parlement. Il est facile pour un député de proposer une baisse des impôts. ¡ La distinction entre les lois et les lois organiques : la Constitution renvoie à des lois organiques le soin d’organiser le régime des lois de finance et des lois de financement de la SS. La Constitution renvoie à une loi organique le soin de la conception, l’exécution et le contrôle du budget de l’Etat. La 1ère loi a été l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 (mise en route de la V République) La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finance organise la préparation, le contrôle du budget de l’Etat. Cette loi organique relative aux lois de finance est le prolongement de la Constitution venant encadrer la préparation, l’exécution et le contrôle du budget de l’Etat. Elle est absolument à distinguer des lois de finances (sorte de lois d’application). Cette loi organique s’effectue aussi en ce concerne les collectivités territoriales. La Constitution organique la répartition territoriale des compétences (art. 72 et 34). L’article 34 dispose qu’il est de la compétence du législateur « d’organiser la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences et leurs ressources. » L’article 34 pose le principe de la légalité de la libre administration des collectivités territoriales en ce qui concerne leurs finances. Cet article s’oppose à l’article 72 qui pose l’idée de la libre administration de ces collectivités territoriales. On a ici un encadrement de l’autonomie des collectivités territoriales. La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République renforce quelque part l’autonomie financière de nos collectivités territoriales. Loi organique n°2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales. Ce renvoi aux lois organiques a aussi été prévu en ce qui concerne le régime des finances sociales. Depuis 1946, et la généralisation de la Sécurité Sociale, l’Etat a été amené régulièrement à opérer des versements au budget ou aux finances sociales. Très rapidement, le législateur s’est ému que des versements financiers s’opéraient sans qu’il soit saisi, au moins, d’un débat. Dès 1979, on note une proposition de loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de SS. La loi a été adopté en 1987, mais déclarée inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 7 janvier 1988. Suite à cette volonté du Parlement d’avoir un regard sur ces versements opérés aux finances sociales (le contrôle démocratique sur l’attribution de sommes publiques), il y a inconstitutionnalité du contrôle, et une réforme constitutionnelle est adoptée (réforme du 22 février 1996 relative à la loi de financement de la SS). À partir de cette réforme de 1996, il est possible au Parlement d’opérer un contrôle des sommes affectées au régime de protection sociale. La Constitution renvoie à une précision du régime par une loi organique, logiquement le Parlement adopte une première loi organique dans la foulée de la réforme (loi organique du 22 juillet 1996 précisant le régime de la LFSS), et très récemment cette loi organique a été remplacée par la loi organique n°2005-881 du 2 août 2005. Cette loi organique est relative aux LFSS.  

C)   Les lois ordinaires et les lois de finance 

La Constitution et les lois organiques posent un cadre juridique. En fonction des répartitions de compétence, il appartient au législateur dans certains domaines ou au pouvoir réglementaire dans d’autres de mettre en action l’Administration a l’intérieur du cadre des finances. La mise en œuvre de politiques publiques s’opère par la loi ou par des décrets. L’article 34 précise l’existence d’une catégorie particulière de lois : les lois de finances, qui concernent donc l’encadrement juridique du budget de l’Etat et reprenant le principe du consentement de l’impôt exprimé dès la Révolution et la Restauration au sein de la loi de l’impôt (loi de finance de l’époque), sont complétées par les loi de financement de la SS, venant mettre en œuvre le budget des organismes de SS. 25 Ici, il convient donc de ne pas confondre la compétence législative qui est posée par l’article 34 et 37, et la forme particulière qui est susceptible d’être prise par cette compétence législative d’une loi de finances (loi de finance ou loi normale dite « ordinaire »).

– L’enjeu de la question réside évidemment dans les formes et procédures particulières imposées aux lois de finance (forme et procédure d’adoption).

– Il ne faut pas confondre LOLF, loi de finance et loi ordinaire :

 – LOLF = loi organique prévue par la Constitution et encadrant le régime juridique du budget. C’est un prolongement de la Constitution (il s’agissait de ne pas alourdir la Constitution d’article financiers). C’est un renvoi de la Constitution. Dans le prolongement de l’ordonnance, elle organise le régime de ce que l’on appelle les lois de finance.

– Lois de finance = lois annuelles qui précisent le budget de l’Etat. Du fait du dispositif de l’article 34, elles sont de la compétence du législateur. Ce ne sont pas des lois ordinaires.

 – Lois ordinaires = elles peuvent comprendre des dispositions financières.  

D)   La présentation des règles budgétaires et d’un principe budgétaire 

La présentation du droit des finances publiques faite couramment fait intervenir ou exhume différents principes budgétaires. Ces « principes budgétaires », ou règles budgétaires, sont assortis d’un grand nombre d’exceptions. La réalité de l’action en finances publiques privilégie les exceptions, et il n’y a pas lieu de parler de principes.  

 Dans une perspective globale d’observation du droit des finances publiques, il n’y a qu’un unique principe que l’on pourrait exhumer de l’ensemble des règles positives : c’est le principe de la clarté et de la sincérité des comptes publics à destination des représentants. Ce principe est d’autant plus valable qu’on peut l’observer de manière transversale à travers toutes les grandes codifications relatives aux finances publiques. Depuis la Révolution, en passant pas la codification du XIX siècle, jusqu’à aujourd’hui, on observe un grand principe sortant de ces textes : celui de la clarté. Charles Louis Gaston Audiffret, marquis, doit être considéré comme le grand codificateur du droit des finances publiques sous les monarchies censitaires. Il n’a cessé de revendiquer un seul principe pour son œuvre : l’ordre et la lumière. L’ordre et la lumière du système comptable est la clarté et la sincérité des comptes publics.  

C’est sous ce principe que l’on peut ranger ce que d’aucuns appellent des principes (en se trompant). Ces règles budgétaires sont :

 – L’annualité,

 – La règle de l’unité,

– La règle de l’universalité,

– La règle de la spécialité.

 Elles se sont vues adjoindre : – Une règle de l’équilibre, – Une règle de sincérité.  

c La règle de l’annualité budgétaire constitue incontestablement un des fondements du droit public financier. Cette règle que l’on trouve dans tous les grands textes budgétaires. On le trouve aussi bien au niveau des finances de l’Etat, quelques soient les époques, qu’au niveau des finances locales, et dans les finances dites sociales. On en trouve des traces dans les finances européennes.  

  Cette annualité budgétaire doit être comprise comme l’obligation du consentement annuel de l’impôt, exprimée tous les ans à travers l’article 1 de la loi de finance annuelle. Tous les ans, la loi de finance doit valider le consentement de l’impôt.  

  L’annualité budgétaire signifie que ce consentement annuel doit être préalable. Notre loi de finance doit être adoptée avant le 31 décembre minuit de l’année n-1 pour 26 être valable l’année n. Le projet de loi de finance pour 2007 doit être promulgué avant le 31 décembre 2006 en vertu du principe de l’annualité de l’impôt. Annualité budgétaire Manifestation juridique dans la loi de finance Caractère préalable du consentement de du consentement de l’impôt. On parle d’une contrainte juridique, alors que le terme fait référence à l’annualité budgétaire. Cela impose de discuter et de voter annuellement ce qui s’appelait originellement la loi de l’impôt puis loi de budget et loi de finance. Certains auteurs ont tenté de définir l’annualité budgétaire comme une règle qui emporterait des conséquences proprement budgétaires et non plus simplement fiscales. L’autorisation de dépenser n’est pas valable qu’un an ! La règle d’annualité doit être réduite à son acception originelle : la démocratie financière.

— L’unité budgétaire vise à la mise en œuvre d’une forme de clarté et d’une transparence des comtes publics. Cela signifie que l’on va porter à la connaissance de la représentation un document unique. Tous les mouvements financiers concernant une collectivité vont être décrits dans le même document appelé le budget. Le budget devait décrire tous les mouvements financiers. Il s’agissait là de mettre en œuvre un consentement éclairé. Du principe originel d’unité, on a un peu évolué. Les activités administratives, les mouvements, les prises en charge de l’activité publique se sont multipliés. Aujourd’hui, la multiplication de l’activité administrative à travers la multiplication des politiques publiques s’exprime à travers le budget de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics… Les AAI possèdent un budget propre représentant une partie de l’autorité de l’Etat. L’on peut citer également les budgets annexes représentant bien une autonomie financière d’une partie d’un service, d’une collectivité publique. L’unité, à l’origine, est un document financier unique qui présente à la connaissance de la représentation l’ensemble des mouvements financiers. On assiste à une multiplication des documents financiers qui concourent à assombrir cette notion, ou à l’obscurcir. L’unité doit être comprise dans son acception la plus large : il faut décrire l’ensemble des mouvements financiers décrits dans le budget, par forcément dans un seul document. Ce budget doit être soumis à une instance représentative.

  La règle d’universalité : l’universalité budgétaire décrit classiquement deux réalités financières à ne pas confondre.  

  La non contraction des recettes et des dépenses (ou règle du produit brut) : elle poursuit encore un objectif de clarté des comptes. Il s’agit de présenter l’ensemble des recettes et des dépenses qui concernent chaque opération réalisée par le budget de l’Etat. Ce n’est pas une évidence. Il s’agit de revenir sur une pratique, le produit net. Ce produit net opérait une compensation entre les recettes et les dépenses d’une même opération. Aujourd’hui, on veut tout voir. Ex. sous la Restauration, le produit des jeux de hasard, la loterie ne figurait que pour son produit net, c’est-à-dire qu’on ne faisait figurer dans les recettes de l’Etat que le montant du bénéfice des loteries, qui constituait une recette. Or, les parlementaires et aussi les administrateurs ont considéré que pour des raisons de clarté des comptes, il fallait présenter au sein du budget, l’ensemble des montants des produits de la loterie en recette et faire figurer en dépenses l’ensemble des coûts de la loterie (dont les gains versés aux gagnants). La règle du produit net permettait ne présenter que les 10 millions entrants, alors que le produit brut présente 60 millions de recettes, et 50 millions de dépenses. Ex. une statue en bronze avait été réalisée à partir des canons retirés des bateaux. Il a transmis à une fonderie les canons, et le ministère n’a payé que le coût de 27 la fonte des canons. Les parlementaires ont exigé que l’on facture à la fonderie la coût du bronze et qu’elle refacture l’ensemble de la prestation, incluant le coût du bronze.  

  La non affectation des recettes : elle signifie qu’en droit budgétaire, on n’opère pas de lien juridique entre une recette et une dépense. C’est la définition traditionnelle de la non affectation. Il faut restreindre cette règle de non affectation au niveau comptable. Toutes les sommes transitent par une caisse unique qui est la caisse de la personne morale concernée, avant d’en ressortir sous forme de dépense. Comment comprendre cette subtilité ? À l’origine, sous l’Ancien Régime, les impôts ou les différentes recettes abondaient une caisse. Chaque recette était perçue par un collecteur, et entrait dans la caisse. La dîme de Cahors entrait dans la caisse du receveur de la dîme de Cahors. Une fois que les sommes étaient entrées dans les caisses, elles étaient disponibles. À l’époque, on affectait à cette caisse une dépense. Quand le Roi commandait l’édification de fortifications à Cahors, il affectait cette dépense à la caisse qui contenait la dîme de Cahors. Sous l’AR, on avait bien une affectation d’une dépense à une recette par l’intermédiaire d’une caisse. Cette affectation offrait un intérêt pratique : on pouvait gérer précisément la trésorerie. Quand la caisse était vide, on ne pouvait plus ordonnancer de dépenses. Lorsqu’elle est pleine, on peut connaître caisse par caisse le solde de chaque caisse. Avec l’accroissement de la circulation de l’information financière, il devient possible d’opérer des liens comptables entre chaque caisse. On sait au niveau central que la caisse de la dîme de Cahors est excédentaire, mais que la caisse de la gabelle de Cahors est déficitaire. Le pouvoir central comprend où sont ses capacités et ses besoins de trésorerie. Il peut organiser des transferts de fonds entre les caisses déficitaires et les caisses excédentaires, au niveau national (par le jeu d’écriture de l’intendant national). On conserve le système d’affectation pendant tout l’AR. Progressivement, à la monnaie en numéraire se substitue la monnaie scripturale. On paye en chèques, virements, traites. Progressivement, la vitesse de circulation de l’information comptable permet d’unifier au sein d’une caisse centrale tous les mouvements financiers. On opère un regroupement financier au sein d’une caisse centrale. L’ordre juridique va pouvoir passer de l’affectation d’une recette à une caisse et d’une dépense à cette même caisse à ce que l’on appelle le principe de non affectation, où toutes les recettes vont comptablement converger vers une caisse unique (le compte unique de l’Etat) duquel vont comptablement sortir toutes les dépenses de la personne morale concernée. En ce qui concerne l’Etat, ce compte unique s’appelle le budget général de l’Etat, définit par l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier 1959 comme le compte unique des mouvements financiers de l’Etat. La non affectation signifie que l’on n’opère plus de mouvements sur une caisse. D’aucuns pensent qu’il s’agit de ne pas affecter une dépense à une recette, ce qui semble incorrect. On observe au quotidien que certaines recettes sont bien affectées par la loi à certaines dépenses (ex. la CSG est bien affectée aux caisses nationales d’allocations familiales, et elles visent bien à couvrir une dépense particulière des dépenses sociales).

c La règle de spécialité : c’est une règle de présentation des documents budgétaires. Le terme de spécialisation signifie une ventilation précise de la dépense publique. Pratiquement, cela signifie que nos dépenses vont être précisées dans leur montant, mais aussi dans leur affectation et que du degré de cette précision découlera la transparence des comptes publics. La spécialisation désigne la présentation originelle des documents budgétaires par ministères, au niveau de l’Etat. Progressivement, le Parlement réclame d’être mieux informé du détail de la dépense publique, et réclame donc une spécialisation accrue de ces documents. Le budget va être ventilé non seulement pas ministères mais aussi par titres comptables, c’est un détail d’approfondissement. Au sein de chaque titre, on spécialisera la dépense par chapitres, par articles… À l’heure actuelle, la nomenclature de la spécialisation a changé : les crédits sont spécialisés non plus par ministères, mais par missions, programmes, actions. La règle de la spécialité désigne en fait les modalités de la nomenclature budgétaire.  

  L’équilibre : cf. comptes des collectivités territoriales. Il n’est pas un principe univoque. En ce qui concerne l’Etat ou les collectivités locales, il ne signifie pas la même chose. L’équilibre est une notion centrale des finances publiques. 

  La sincérité : elle relève du principe de clarté des comptes publics. C’est une nécessité ancienne, mais dont la formalisation juridique s’opère à partir des années 1990 à travers des décisions du Conseil Constitutionnel, avant d’être repris dans la loi organique du 1er août 2001 (art. 29 à 32).  

§ 2 : Le cadre institutionnel 

Il fait intervenir beaucoup d’acteurs dans le processus financier. Il y a évidemment des instances représentatives (le Parlement dans ses deux chambres pour l’Etat ; les assemblées délibérantes (conseil régional, général, municipal) pour les collectivités territoriales ; les conseils d’administration pour les établissements publics) qui disposent de la représentativité en ce qui concerne les pouvoirs publics. Elles tirent leur légitimité de cette représentativité. Il y a une représentativité du personnel, des usagers, et des collectivités en ce qui concerne les établissements publics. À côté des assemblées délibérantes, l’autre acteur est l’exécutif. En ce qui concerne l’Etat, c’est le Gouvernement et l’ensemble de ses membres dont les ministres. Pour le conseil général, le président du CG et ses vice-présidents ; le maire et ses adjoints… Pour les établissements publics, il s’agit du directeur général ou du président de l’établissement. L’exécutif a pour vocation de mettre en oeuvre, y compris financièrement, les décisions de l’assemblée délibérante. Certains exécutifs peuvent être considérés comme représentatifs, du fait par exemple de mécanismes de responsabilité (du Gouvernement devant le Parlement). On trouve parallèlement des juridictions dont les rôles varient. Ex. cour des comptes (créée 1807) et les chambres régionales des comptes, instances locales, qui opèrent deux types de contrôle : – Contrôle de la régularité comptable et financière des opérations, – Contrôle de la gestion des politiques publiques. Depuis 1848, on a une Cour de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF), qui a pour vocation d’apprécier la responsabilité des acteurs non concernés par la Cour des comptes/chambres régionales des comptes. Ces différents acteurs apparaissent les uns à la suite des autres. Le modèle décrivant leurs interventions est appelé « les quatre temps alternés ».  

A)   Le cycle budgétaire : une « présentation » équilibrée des pouvoirs financiers 

Les 4 temps alternés constituent un idéal de description de ce que l’on voudrait voir dans le cycle budgétaire. Ils permettent de présenter une procédure d’élaboration, de mise en œuvre et de contrôle du budget qui réaliserait un équilibre entre les différents pouvoirs publics, et permettrait donc d’étayer une forme très élaborée de séparation des pouvoirs. Il s’agirait donc de montrer un équilibre entre le pouvoir exécutif d’un côté et le pouvoir législatif de l’autre.  

1)    Une présentation idéale du cycle budgétaire  

C’est avec la Restauration que naît le parlementarisme. On a alors commencé à tenter d’envisager un système faisant intervenir le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, en opérant une répartition des prérogatives financières entre eux. La difficulté vient de ce que cette répartition originelle des tâches s’est effectuée dans un contexte déterminé (monarchie censitaire et parlementarisme naissant) et évidemment ce contexte n’est pas resté stable pendant deux siècles, alors que le désir d’équilibre des pouvoirs, lui, est resté stable. On a : 29

– Une répartition des prérogatives financières

– Un désir de séparation des pouvoirs

 – L’image des « 4 temps alternés » entre les deux. Les 4 temps alternés font intervenir l’exécutif et le législatif : Direction du Budget Min. des finances Exécutif Prépare la loi Exécute de finance LFA Législatif Vote Contrôle Com. des finances Sans Constitution, les pouvoirs ne seraient pas séparés, et l’Etat ne serait pas démocratique. La présentation des 4 temps alternés justifie une séparation financière des pouvoirs, d’autant plus intéressante politiquement qu’elle est politiquement équilibrée, chaque acteur proposant une étape au suivant. L’exécutif doit pouvoir modifier ce qui a été voté, et le vote doit pouvoir réformer ce qui a préparé. Dès lors, les 4 temps alternés ne se combinent pas, mais sont alternés de plus en plus.  

2)    Une présentation trompeuse.  

Les 4 temps alternés se veulent une description non ancrée, universelle de la répartition des prérogatives financières. Or, quand on observe la pratique de ces 4 temps alternés, on constate que les choses sont légèrement différentes…  

a)    L’incidence de la parlementarisation du régime  

Si le parlementarisme naît sous la Restauration et se développe chaotiquement au XIX siècle, c’est à la fin du XIX et la III République que s’affirme la République. Parallèlement à cette affirmation, les III et IV Républiques représentent aussi l’aboutissement du parlementarisme. Cet aboutissement tend à une surreprésentation du Parlement dont le point d’orgue s’appelle le régime d’assemblée. Au sein du Parlement et de chaque chambre, se trouvent des commissions dont certaines sont permanentes. Parmi ces dernières, on trouve la commission des finances. Il y en a une à l’Assemblée Nationale et une au Sénat. Ces commissions sont composées de parlementaires ayant pour vocation d’étudier en commission, d’amender en commission pour le compte de leur chambre et de rapporter en séance les documents relevant de leur spécialité. Or, ces commissions vont prendre une importance démesurée sous la III mais surtout sous la IV République. Elles deviennent tellement importantes qu’on les qualifie de ministères des finances bis. La surreprésentativité des commissions permet de réformer le travail du ministère des finances et de le lier dans le cadre de l’exécution du budget. Dès lors, il n’est plus tellement nécessaire pour le Parlement de contrôler en fin d’exécution, puisque le Gouvernement docile n’a fait qu’exécuter. Le Gouvernement, du fait de sa responsabilité politique devant le Parlement, se sent complètement lié en ce qui concerne l’exécution du budget. La parlementarisation du régime et l’apothéose du régime d’assemblée conduisent à rendre flous ces 4 temps alternés.  

b)   L’Administration au coeur des finances publiques  

Sous les III et IV Républiques, on constate une forte prise en main des décisions financières par le politique. Parallèlement, on constate une focalisation du 30 politique sur cette même décision, qui le conduit à se désintéresser de l’action. Le politique va rester bloqué sur la discussion/négociation du chiffre inscrit dans le budget et se désintéresser de la signification pratique. La joute politique s’opère autour du chiffre inscrit dans le budget plus que de l’action pratique des sommes allouées à l’Administration. Une fois que le politique a débattu en séance, adopté un montant, l’Administration se retrouve complètement libre de dépenser cet argent dans la limite de la légalité de l’action publique. Cette légalité ne s’apprécie qu’au regard de l’intitulé de la dépense. Durant les III et IV Républiques, le Parlement débat sur le montant des dépenses de personnel du ministère des affaires étrangères, sans comprendre les actions administratives mises en œuvre par ces dépenses. Tout ceci se passe dans un contexte d’inflation, d’explosion du budget des dépenses publiques. Après la 1GM, les budgets se chiffrent en milliards de F. En 1919 est créée une administration chargée spécifiquement d’élaborer et de suivre l’exécution du budget pour le compte du ministère des Finances : c’est la Direction du Budget au sein du Ministère des Finances. Le phénomène financier devient tellement complexe à partir de 1919 qu’il faut le confier à des spécialistes dont la tâche va consister tantôt à préparer, tantôt à suivre l’exécution du document budgétaire. Cela signifie aussi que l’Administration érige face au Parlement et plus particulièrement face aux commissions des finances omnipotentes une administration d’experts en mesure de négocier d’égal à égal avec la représentation nationale. À force d’équilibrer les rapports

– les sommes s’accroissent, l’intervention publique se multiplie, l’Administration se complexifie

– le document budgétaire devient si technique et complexe que les Parlementaires perdent prise dessus. À la commission des finances, peu comprennent le budget de l’Etat et ses variations. Le système est déséquilibré dans l’autre sens. On en arrive à un système qui fait la part belle à l’administration des finances. L’Administration retrouve des marges de manoeuvre qui s’expriment en phase 3, au cours de l’exécution (cf. outils techniques). Au niveau de la V République, on se trouve avec une commission des finances forte politiquement et une Administration très forte pratiquement. La V République revalorise le pouvoir exécutif (on rééquilibre les pouvoirs), mais au niveau financier, ils étaient déjà rééquilibrés. La V République, rééquilibrant les institutions, opère financièrement une rationalisation des pouvoirs du Parlement (> on circonscrit les pouvoirs financiers du Parlement !). Cet encadrement du pouvoir prend plusieurs formes, la plus évidente étant un fort encadrement du droit d’amendement parlementaire en matière financière. Depuis 1958 et le système financier de l’ordonnance du 2 janvier 1959, on se retrouve face à un schéma des 4 temps alternés ne correspondant pas à la réalité…  

  On a une phase de préparation du budget (vaste phase de négociation entre administrations) qui oppose les différents ministères avec la Direction du Budget.  

  Puis, le document est arrêté par le Conseil des Ministres et présenté au Parlement (les pouvoirs du Parlement sont très encadrés).  

  Une fois le budget voté, l’Administration exécute ce budget, avec des marges de manoeuvres lui permettant de reprendre des libertés par rapport au document voté.  

  Enfin, le contrôle parlementaire est largement déficient, puisqu’il s’opère relativement tardivement et surtout dans l’indifférence générale.  

  Les 4 temps d’aujourd’hui sont une réalité politique sans résonance pratique !  

B)   La réalisation des 4 temps alternés  

À partir des années 1970, le Parlement prend conscience de ce que sa place n’est pas celle d’une instance représentative dans l’encadrement institutionnel du phénomène financier. Les parlementaires revendiquent une autre position en matière financière. Ces revendications s’expriment dans les années 1980, mais ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’on réunit une forme de consensus politique, mais aussi 31 administratif autour d’un nécessaire repositionnement du Parlement. Les parlementaires ne sont pas satisfaits de cette rationalisation des pouvoirs financiers, mais cette défaillance du Parlement est nuisible à la mise en œuvre de la dépense publique. On se retrouve dans cette situation paradoxale d’un Parlement qui revendique plus de pouvoirs face à l’exécutif et à l’Administration (bras armé de l’exécutif) et d’un exécutif qui adhère à cette revendication (il faut redonner du sens à l’action parlementaire). La grande sagesse des réformes proposées va être de parvenir à rééquilibrer le schéma des 4 temps alternés. L’intérêt de la réflexion qui mûrit dans les années 1990 est de rééquilibrer le schéma. La loi organique du 1er août 2001 réalise cet équilibre.  

1)    L’apport de la loi organique (LO, 01/08/01)  

L’apport de la loi organique est double :

 – Elle encadre juridiquement l’obligation d’information de la représentation nationale, ce qui concoure à une forme de sincérité et de transparence à l’égard des représentants de la Nation. L’exécutif prépare et informe (dans un contexte d’ouverture des administrations vis-à-vis des usagers). Dir. Budget Exécutif prépare et Exécute informe Discuter Législatif Amender Contrôle Voter Délibérer le projet Loi de réglement de loi de finance

– La direction du budget prépare et informe.

– Le pouvoir législatif discute, amende, vote : il délibère le projet de loi de finance. – La loi organique intègre le fait que le document délibéré et voté doit pouvoir être modifié en cours d’exécution. Le document budgétaire n’a pas de cadre intangible.

 – La loi organique met en œuvre, n’applique pas aveuglement.

 – La loi organique réintègre le contrôle parlementaire comme une phase extrêmement importante de la procédure budgétaire.

– La loi organique, appelé Loi de Finance de l’Année (LFA), est exécuté. Le contrôle prend la forme d’une autre loi : la « loi de règlement » (ou « loi de règlement du budget » à l’origine). On règle le budget. Pour revaloriser le contrôle, il fallait redonner du sens à la loi de règlement.

 – La loi organique, dans son art. 46 impose que la loi de règlement de l’année soit votée avant le 1er juin de l’année suivante. N – 1 N N + 1 2003 2004 Préparation Exécution Contrôle Vote Auparavant, le contrôle arrivait en n + 2, n + 3. Rapprocher le moment du contrôle avant le 1er juin de n + 1, c’est mettre en œuvre par les mêmes institutions politiques le contrôle du budget qu’elles ont préparé et voté. L’enjeu de ce rapprochement est double.  

2)    Un nouveau type de contrôle : le contrôle de délibération  

Le contrôle du budget n’intervient en phase de préparation et avant le vote de n + 2. En 2006, on discute le projet de 2007 avec le contrôle de 2005. Cela restaure le pouvoir du Parlement, car il peut influer sur des crédits en sachant sur quoi il fait (demander plus de crédits pour la justice, car l’année précédente, ce ministère a manqué d’argent). C’est ce que l’on peut appeler le « contrôle de délibération ». Le contrôle de délibération est mis en œuvre par la loi organique du 1er août 2001 et permet de favoriser la prise de décision par les instances délibérantes, en mettant à la disposition du décideur une information claire, sincère et surtout actuelle. Dans le fond s’opère une nouvelle présentation du cycle budgétaire. Influe sur les Gouvernements préparant le prochain budget Gouvernement prépare Parlement contrôle Parlement vote Gouvernement exécute Le nouveau schéma est équilibré, il ne survalorise pas le Parlement. C’est un schéma dynamique faisant que chaque étape du cycle budgétaire sert à quelque chose dans une perspective de préparation de l’avenir. Jusqu’à maintenant, le Gouvernement avait l’impression de préparer un document appliqué d’une façon ou d’une autre. Au moment du vote, on vote quelque chose qu’on pourra contrôler. Lors du contrôle, on contrôle dans le dessein de pouvoir renégocier les chiffres suivants.  

CHAPITRE II : 

PRESENTATION STATIQUE DES COMPTES DE L’ETAT 

Comment se transcrit la réalité administrative (dépenses, recettes, emprunts, dettes) ? Toutes ces réalités vont être transcrites dans un texte. Ce texte financier par excellence comporte donc des mots mais aussi des chiffres. Les mots composeront des articles de loi, et des comptes qui sont suite de chiffres. Ici, il convient de se demander à travers une présentation statique comment l’ordre juridique agence, organise, réglemente la réalité financière. Ici, présentation particulière des comptes de l’Etat au sein d’un document à valeur juridique très particulier qui est la loi de finance, à travers ses différents démembrements, à travers les comptes des ordonnateurs et des comptables publics.  

SECTION 1 : PRESENTATION D’UNE LOI DE FINANCE 

Art. 1 de la loi organique relative aux lois de finance prévoit qu’il existe plusieurs catégories de loi de finance :

 – Il existe une loi de finance de l’année discutée et votée avant le 31 décembre de l’année qu’elle désigne.

– Les lois de finance rectificatives (LFR) ne désignant pas une année, puisqu’elles viennent rectifier une loi de finance de l’année. On aura une ou plusieurs lois de finance rectificatives venant rectifier en cours d’année la loi de finance.

– La loi de règlement qui viendra clore l’année budgétaire et dont on sait qu’elle sera adoptée au mois de juin de l’année suivante qu’elle désigne. La loi de règlement 2007 sera adoptée en juin 2008.

– Les lois prévues à l’article 45 : loi de finance par assimilation prévue à l’article 45 qui vise à débloquer des situations de conflit entre les pouvoirs publics. 33 Toutes ces lois de finance sont des lois organiquement, elles sont adoptées par le Parlement en vertu de l’article 34 de la Constitution. Et elles se composent d’articles allant se suivre. Ex. la loi de finance 2003, adoptée avant le 31/12/2002, comptait 72 art. qui ont été modifiés, amendés ; la loi de finance de l’année comportait elle 136 articles. C’est un document important en terme de nombre d’articles, mais est aussi extrêmement volumineuse, car le Projet de Loi de Finance (PLF) 2003 était un document de 266 pages, là où la loi de finance de l’année (adoptée par le Parlement) occupait 44 pages de JO. La loi de finance renvoie à des annexes. À la fin de la suite d’art., on trouvera des annexes, des états annexés A, B, C… détaillant certaines dispositions de la loi de finance. La loi de finance autorisera par exemple l’Administration à recruter des fonctionnaires, selon un état annexé en fin de loi de finance. La loi de finance est accompagnée de documents d’informations à destination des parlementaires qui visent à éclairer le consentement des parlementaires en leur accordant une meilleure information. ATT. Ne pas confondre les documents annexes (les fascicules budgétaires) et les états annexés. Ces documents présentent un mètre linéaire sur une étagère. Toutes les problématiques qui tournent autour de la présentation des documents budgétaires visent à permettre un consentement éclairé des parlementaires.  

§ 1 : Budget ou loi de finance ? 

Etymologiquement, le terme de budget remonte au Moyen-Âge. Il est apparu en France et vient vraisemblablement du terme « bouge » qui désigne à l’époque une bourse. On parle aussi de la « bougette ». C’est l’effet dans lequel on place son argent. À l’époque, certains nobles de France ont réussi à franchir la Manche. Résultat, le terme « bougette » envahit l’Angleterre. Les Anglais se l’approprient, et changent le sens puisque « the budget » s’écarte de l’objet pour désigner de manière abstraite une enveloppe financière, un montant. Evidemment, le terme revient en France et devient « budget ».

Le budget recouvre 2 acceptions : 

 – Une signification commune, l’ensemble des recettes et des dépenses d’un particulier, d’une famille, d’un groupe, la somme dont on dispose ou dont dispose ce groupe. On parle communément d’établir un budget.

– Un sens financier, le terme de budget détermine bien l’ensemble des comptes prévisionnels et annuels des ressources et des charges de l’Etat, et autres collectivités et établissements publics. On va formaliser tout cela dans un ensemble de comptes. Un compte prévisionnel et annuel. L’article 16 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 apporte une prévision : « le budget est constitué par l’ensemble des comptes qui décrivent pour une année civile toutes les ressources et toutes les charges permanentes de l’Etat ». La définition juridique du budget intègre le sens commun et le précise. Juridiquement, le budget est un ensemble de comptes, comptes allant désigner au sens strict le compte de l’Etat, appelé « budget général » et les comptes de différentes entités qui dépendent de l’Etat, et bénéficiant d’une autonomie financière. Notre budget au sens large désigne bien autre chose. Le budget de l’Etat désigne aussi l’ensemble des budgets des ministères. On parle bien dans la presse du budget du ministère de la recherche, de l’agriculture… Le budget de l’Etat est un regroupement de tous ces budgets. Au sens juridique, le budget est observé différemment en différents comptes. Le budget décrit pour une année.  

A)   Un compte de prévision et d’autorisation  

Ici, la notion de description prend une signification juridique. Très rapidement, il ne s’agit plus de décrire mais d’accorder une valeur juridique à cette description : prévoir et autoriser. Sous l’Ancien Régime, le pouvoir met en place des documents financiers de référence. Ces documents permettent bien d’établir une orientation des décisions. On appelle ces documents des états de prévision. Les états de prévision de l’AR sont aussi appelés les états de prévoyance (fin de l’AR). Ce sont des comptes ayant une vocation prévisionnelle. Ils comportent des données chiffrées, que l’Administration a en charge d’exécuter. Ces états représentent l’origine des budgets modernes. Ces états de prévoyance, allant devenir des budgets, comportent deux types d’informations : – Une information relative à un montant (combien pourra-t-on dépenser ?) c’est à- dire la quantum. – Une affectation, c’est-à-dire un lien entre le chiffre et la matérialité du chiffre (une affectation à une dépense, ou la prévoyance d’une recette). Sous l’AR, ces états comportent un montant et une affectation. Combien on perçoit, et comment le dépense-t-on ? Sous la Restauration, le budget va acquérir formellement une signification juridique. Deux termes vont faire leur chemin : autoriser et prévoir. Ces termes ont une signification particulière du fait de la parlementarisation du régime politique. La parlementarisation permet l’autorisation et la prévision. Tant que le pouvoir est le pouvoir d’un seul (roi/empereur), l’Administration est placée face à une autorité unique auquel elle doit obéir. À partir du moment où l’on distingue celui qui prévoir, celui qui vote, celui qui exécute, celui qui contrôle, il faut qu’entre ces différents pouvoirs naisse une relation juridique. C’est la formalisation de cette relation financière à travers une loi particulière qui va conduire à lui accorder une valeur juridique qu’il faut définir (prévision – autorisation). Cette valeur juridique se trouve dans le décret du 31 mai 1862, allant poser clairement, enfin, la notion de budget. L’article 1er dispose que « le budget est l’acte par lequel sont prévus et autorisés les recettes et dépenses annuelles de l’Etat ou des autres services ». 

 Le budget est un acte juridique annuel. 

 Le décret du 19 juin 1956 fait intervenir une notion concurrente à celle de budget, la notion de « loi de finance ». Cette notion de loi de finance est employée par les milieux politiques et administratifs de la IV République. Son art. 1er dispose « le budget de l’Etat prévoit et autorise en la forme législative les charges et les ressources de l’Etat. Il est arrêté par le Parlement, dans la loi de finance. » Les 2 termes sont concurrents, mais en fait la loi de finance constitue bien la matérialisation juridique du phénomène financier qui comporte entre autre le budget (regroupement de différents comptes). Le budget est intégré dans la loi de finance, ayant pour vocation juridique de prévoir et d’autoriser. Elle permet à l’Administration d’exécuter la dépense. Le terme de loi de finance est repris en 1958 par la Constitution du 4 octobre (art. 34 par ex. « La loi de finance détermine les ressources et finance les charges de l’Etat ».) L’ordonnance organique du 2 janvier 1959 reprend à peu près cette idée : « les lois de finance déterminent la nature, le montant, et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat ». 

   Que déduit-on de cette suite de textes ? 

 – Le terme « déterminer » signifie « prévoir » et « autoriser ». – La loi de finance actuelle correspond donc bien à ce qu’étaient les budgets du XIX siècle. Il s’agit juste de désigner la formalisation juridique, la loi particulière qui met en œuvre cette détermination. 35 – L’article 1er de la loi organique de 2001 s’inscrit complètement dans cette logique, les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources de l’Etat. – La détermination signifie bien d’un côté un montant et de l’autre une affectation. 

 B) Un cadre annuel 

 Le budget est lié à une notion d’annualité. Que signifie ce cadre de l’annualité ? Le cadre de l’annualité budgétaire possède une signification très politique qui découlait directement des Etats généraux et de leurs pouvoirs financiers, c’est la notion de consentement de l’impôt. ATT. La loi de finance de l’année est le document juridique qui manifeste tous les ans le consentement juridique de l’impôt, et de manière préalable (votée avant le 31 décembre). Une fois qu’on a compris cette signification politique de l’annualité budgétaire, la difficulté vient de ce que les différents textes précisent que cette année sera l’année civile, et parfois que cette année s’appelle un exercice. On se demande que désigne l’année en matière de comptes, quelles seront les répercussions au niveau du compte du caractère annuel de l’autorisation. Comment compte-on l’annualité au niveau comptable ? On distingue deux façons d’aborder l’annualité au niveau comptable.  

1)    Le système de l’exercice  

On applique la technique de l’exercice quand on décide qu’un compte désignera bien toutes les opérations financières réalisées au titre d’une année précise. Ex. les dépenses et les recettes de l’exercice de l’année 1823 sont bien toutes les opérations financières (dépenses et recettes) prévues et autorisées par le budget 1823. Le système de l’exercice opère un lien direct entre ce qui autorisé et prévu par le budget et ce qui réalisé au titre de cette autorisation. Pratiquement, toutes les recettes prévues seront inscrites comptablement au titre de 1823, qu’elles soient réalisées en 1823-1824 ou en 1826. Ex. contentieux sur une recette. Un contribuable conteste un impôt. Même si l’impôt est prévu pour 1825, il sera affecté en 1823. Le budget 1823 autorise des dépenses, or ces dépenses pour des raisons pratiques peuvent ne pas être mises en œuvre en 1823 si elles sont payées concrètement en 1824-1825, elles seront imputées comptablement sur le budget 1823. Ce système de l’exercice offre un intérêt majeur : il consiste à permettre d’isoler de manière claire et précise ce qui a été fait et ce qui reste à faire, en vertu du budget. Le budget a déterminé des choses, et dans le fond, comme toutes les opérations exécutées au titre de cet objet sont réalisées ultérieurement, on sait ce qui a été fait au titre de ce budget. La compétence du système de l’exercice vient de ce que l’expérience montre qu’on ne parvient pas à exécuter complètement un budget. Ex. le budget de 1823 prévoit la construction d’un hôpital militaire. Les fonds sont accordés au service des armées, et à partir de là, les services des armées vont chercher un terrain, architecte, accepter le projet… L’exécution du budget 1823 peut prendre 3 ans ou beaucoup plus longtemps…  

2)    Le système de la gestion  

C’est le pendant du système de l’exercice. Il s’agit de prendre en compte au titre d’une année l’ensemble des mouvements financiers réalisés au cours de cette année. Cela signifie bien qu’en 1958, au cours de la gestion 1958, on inscrira au titre de 1958 toutes les dépenses, toutes les recettes et tous les mouvements de trésorerie effectués entre le 1er janvier et le 31 décembre 1958 (année civile).  

 Différence entre la gestion et l’exercice : une dépense mise en œuvre par une décision antérieure est inscrite postérieurement au titre d’une année postérieure. Ici, il y a un avantage. Techniquement, on est bien en mesure le 31 décembre de clore la gestion. Tout ce qui a été effectué avant le 31 décembre, c’est fini. On sera capable de dire que des opérations correspondent bien à des décisions de l’année, telles autres opérations correspondent à des décisions antérieures, et d’autres à des avances sur les années à venir. En 1958, on met en œuvre des décisions de la loi de finance 1957, des reliquats de 1954-1955, mais on va aussi mettre en œuvre par anticipation des décisions des années antérieures. Au 31, on clos les comptes et on présente au contrôle des documents à peu près clairs. L’inconvénient, c’est qu’évidemment, on est contraint à un travail de retraitement qui va consister à ventiler les comptes sur les différents exercices concernés. Si, on réalise en cours de gestion, qu’on réalise une dépense d’un exercice qui a été clos, juridiquement, on opère une dépense irrégulière. Si, au cours de la gestion 1958, le règlement de l’hôpital prescrit en 1955 est fait, or le compte 1955 a été clos par une loi de règlement en 1957. En 1958, on règle alors une dépense prescrite antérieurement. L’inconvénient vient de ce que tout d’un coup, on réalise qu’on est face à des dépenses sur exercice clos. Juridiquement, le système de la gestion implique de mettre en œuvre des mécanismes de correction comptable dans le temps. La gestion implique des systèmes de report de crédit, ou de réouverture d’exercices clos. Le système de la gestion est en vigueur en France depuis le décret du 14 novembre 1955 (cf. art. 28 loi organique 1er août 2001). On commence par opérer une adaptation de la gestion. Avec un système trop rigide qui consisterait à n’inscrire au titre de la gestion que les mouvements financiers effectués entre le 1er janvier et le 31 décembre, on allait amputer l’année d’une série d’opérations initiées et non terminées au 31 décembre. Ex. les fonctionnaires sont payés le 27 de chaque fois, ce qui permet de valider le service fait. On inscrit comptablement 2 millions de mouvements financier dans la comptabilité de l’Etat. Quand elle serait automatisée, cette inscription est lente (retraitements, modifications…). Le 27, le virement est financièrement effectué sur le comte des agents, et on continue à inscrire jusqu’au 4 janvier. Avec le système de la gestion, on devrait exclure toute une série d’opérations allant exclure l’année en cours.  

  Une opération de dépense n’est pas uniquement un virement bancaire ou un chèque. Juridiquement, une opération de dépense implique 4 phases :  

  La décision de dépense : un administrateur disposant d’une habilitation budgétaire procède à « l’engagement d’une dépense ». C’est la matérialisation de la décision de dépenser. Ex. un bon de commande ; l’ouverture d’un concours administratif. La dépense, bien qu’inéluctable, ne s’est pas traduite par un mouvement financier. 

   La liquidation de la dépense : c’est l’opération consistant à chiffrer exactement ce que va être le montant de la dépense. Ex. ne pas engager la paye de 43 fonctionnaires alors que 39 sont recrutés. C’est le lien entre le service fait et l’engagement. 

   L’ordonnancement : c’est l’émission d’une ordonnance de dépense (titre juridique) par l’ordonnateur, sachant que cette ordonnance de dépense constitue un titre de créances sur le Trésor Public. Elle est adressée au comptable public. 

   Le paiement : le comptable public, seul agent juridiquement habilité à manier des fonds, reçoit du seul agent juridiquement habilité à ordonnancer une dépense (l’ordonnateur) l’ordre de payer. Quelques contrôles sont opérés, puis effectue le virement/envoie un chèque/paye en liquide. En fonction de la complexité de la dépense incriminée, une application trop stricte du système de la gestion aboutirait à ce qu’on ne puisse plus engager de dépense après le mois de septembre. Un engagement de dépense met 1 mois, 1 mois et ½ pour aboutir à un paiement… 

 On ne doit plus pouvoir engager de dépense en novembre si l’on veut que toutes les dépenses soient inscrites dans la gestion. On met en œuvre une période complémentaire permettant juridiquement de rattacher des opérations financières à une année antérieure. 

 Remarques : 

 – Art. 1 loi organique 1er août 2001 : « les lois de finance déterminent pour un exercice le montant (…) ». Le budget fonctionne selon le système de l’exercice.

– Art. 28 : la comptabilité s’opère au titre de la gestion.

– Le budget est un compte.

– La comptabilité est la transcription de l’ensemble des entrées/sorties réalisées dans les caisses des comptables publics.

– En fin d’année, une série de retraitements sur la comptabilité est nécessaire pour voir sur quel exercice budgétaire il faut imputer les mouvements financiers opérés.

 – Les recettes et les dépenses ne coïncident pas forcément avec l’autorisation qui vient d’être donnée.

– Le comptable (TPG) effectue des retraitements. – Les avantages des deux systèmes, c’est qu’on préfère les avantages de l’exercice pour le budget et le système de la gestion pour l’avantage dans la comptabilité. 

§ 2 : Une loi au contenu circonscrit 

 Il s’agit ici d’opérer une distinction matérielle entre la loi ordinaire et la loi de finances, de justifier le fait que l’on distingue ces deux lois. L’article 34 de la constitution du 4 octobre 1958 fixe les règles, l’assiette, le taux, et le recouvrement des impositions de toute nature. La loi fixe l’impôt. Si la loi fixe les règles concernant l’impôt, une loi ordinaire peut le faire. Ce même article 34 précise que les lois de finances (cat. particulière) déterminent les ressources et les charges. Au sens large, les dispositions financières, c’est-à-dire des dispositions ayant un lien à un degré ou à un autre avec les finances publiques sont susceptibles d’être contenues autant dans des lois ordinaires que dans des lois de finances. Le champ financier n’est pas de la compétence exclusive des lois de finances. Pour autant, la loi de finance est avant tout un texte financier. Les lois de finances comportent des comptes, mais les lois de finances sont aussi susceptibles de contenir des mesures législatives (ordinaires au sens des articles, des dispositifs, susceptibles de venir modifier la législation en vigueur). Ex. La loi de finance peut contenir un article financier allant modifier le taux de l’impôt. 

 A) Un texte financier 

 Toute décision génère des répercussions financières. Peut-on intégrer n’importe quel type de disposition au sein des lois de finance. 

 1) Les dispositions devant figurer en loi de finance 

 – Le titre III de la loi organique s’intitule « du contenu et de la présentation des lois de finances ». On constate qu’au sein de ce contenu, il existe des dispositions qui ne peuvent figurer qu’en lois de finance (ex. l’autorisation de dépenser ou d’émettre des emprunts est une disposition du domaine des lois de finance). – Les garanties accordées par l’Etat aux opérations financières effectuées par certaines personnes morales doivent aussi figurer en lois de finance. Cf. art. 34. – La loi de finance doit comporter les dispositions proprement budgétaires. Tout ce qui attrait au budget et à l’autorisation de sa mise en œuvre doit figurer dans la loi de finance. 

 2) Les dispositions qui peuvent figurer en loi de finance 

 Ce sont principalement les dispositions susceptibles d’influer sur les recettes, mais qui ne sont donc pas du domaine exclusif des lois de finance. Essentiellement, c’est tout ce qui concerne la fiscalité mais n’appartient pas à son domaine exclusif. Le législateur peut décider d’introduire un nouvel impôt par une loi ordinaire. Pour des raisons d’harmonisation financière, on intègre traditionnellement les dispositions fiscales dans les lois de finances (de l’année, rectificatives ou de règlement). La loi de finance de l’année 2005 fixe le barème de l’impôt sur le revenu pour l’année 2006, dont on précise qu’il sera établi en 2007. Quand le Gouvernement veut modifier en cours d’année une disposition fiscale, il propose au Parlement de le faire dans une loi de finance. 

 3) Les dispositions qui ne doivent pas figurer au sein d’une loi de finance 

 Ce sont les « cavaliers budgétaires ». C’est une disposition en loi de finance, mais qui ne devrait pas y figurer. Pratique très ancienne au sens où les lois de budget de la III République étaient littéralement truffées de cavaliers budgétaires. C’étaient des articles qui venaient modifier le C. pén., C. civ., C. stés.. La pratique ne choquait pas sous la III République. Il n’existait aucun moyen juridique de s’opposer à leur présence. La difficulté venait évidemment de ces cavaliers introduits par voie parlementaire sous forme d’amendement. Avec l’apparition du CC, il y a du changement. Le Conseil Constitutionnel a utilisé le domaine de la loi de finance pour exclure juridiquement les cavaliers budgétaires. Ces cavaliers étaient traqués à partir de 1959, mais la réforme des modalités de saisine du Conseil Constitutionnel en 74 a permis d’accroître la lutte contre les cavaliers budgétaires. Le Conseil Constitutionnel a trouvé le renfort de l’opposition parlementaire qui ne se prive pas de signaler ces cavaliers. Ex. un cavalier budgétaire a été signalé dans la loi de finance pour 1992. Une décision du Conseil Constitutionnel du 30 déc. 1991 censure une disposition de la loi de finance qui permettaient aux services de la redevance audiovisuelle d’accéder aux fichiers de Canal +. La difficulté était que la loi était générale et prescrivait l’accès aux fichiers des chaînes non publiques (Canal + à l’époque). On compare le fichier des abonnés au fichier des contribuables. La CNIL s’était évidemment opposée à la transmission du fichier personnalisé. La loi de finance pour 1992 avait mis une procédure de recouvrement de l’impôt avec la possibilité d’aller consulter ces fichiers. Le Conseil Constitutionnel est intervenu en expliquant qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire. 

 B) Les différents comptes figurant au sein d’une loi de finance 

 Tous ces comptes composent au sens large le budget de l’Etat. À l’origine, il existait bien un budget de l’Etat, qui sous la restauration servait bien à décrire l’ensemble des mouvements financiers publics qui se déroulaient sur le territoire national (à l’époque, pas de collectivités territoriales : les dépenses des communes étaient intégrées dans le budget de l’Etat). On pouvait avoir une lecture de la règle de l’unité budgétaire signifiant qu’il n’y avait qu’un document budgétaire unique. Evidemment, certaines opérations financières vont être individualisées pour des raisons pratiques, dans des comptes particuliers, et c’est l’ensemble de ces comptes que l’on appelle le budget de l’Etat. Cf. loi de finance de l’année qui détaille l’ensemble de ces comptes. Ces comptes sont de 3 types : – Le budget général, compte le plus important en terme de volume. – Les budgets annexes. – Les comptes spéciaux du trésor (CST). 

 1) Le budget général et l’unité budgétaire 

 Le budget général constitue un idéal unitaire qui à l’origine comportait l’ensemble des recettes et des dépenses. C’est un compte qui permet d’autoriser et de prévoir ce que seront les mouvements financiers réalisés au titre de l’Etat.  De manière très large, le budget général définit des plafonds de dépense, détermine des évaluations de recette, et il regroupe toutes ces données de manière synthétique. Il s’agit bien ici de permettre un consentement éclairé des représentants de la Nation. En ce qui concerne les recettes, le budget général prévoit bien l’ensemble des recettes qui vont être perçues. Il prévoit le montant des prélèvements sur recette et détermine les recettes nettes de l’Etat. Le budget général renvoie à des états annexés à la loi de finance pour une ventilation par type de recette. En ce qui concerne les dépenses, le budget général va fixer par mission et par programme le montant des dépenses autorisées. La mission désigne une politique publique. Le programme, sous division, désigne la mise en œuvre de ces politiques publiques à travers des missions de service public. 

 2) Les budgets annexes et l’affectation 

 Les budgets annexes sont mentionnés à l’article 18 de la loi organique, mais il s’agit ici encore d’une pratique ancienne d’individualisation comptable d’une activité administrative. Il s’agit d’un cas très particulier qui permet de distinguer au sein du budget d’une personne publique, qui ne compose donc qu’une seule personne morale, des autonomies financières. Aujourd’hui, il ne subsiste que 3 budgets annexes : – Les monnaies et médailles, – L’aviation civile – Les JO. Les PTT ont fait l’objet jusqu’en 1990 d’un budget annexe. Un budget annexe est l’autonomisation financière d’une partie de l’Administration. C’est un morceau de l’Administration, généralement un service, auquel on accorde une individualisation des comptes. Ex. L’Administration des monnaies et médailles frappe la monnaie pour le compte de l’Etat, aujourd’hui pour la BCE, mais aussi pour certains gouvernements étrangers. ATT. – La loi de finance est adoptée selon une procédure particulière. On peut être amené à sortir ou intégrer certaines dispositions de cette loi. – La loi de finance, appelée communément le budget, est un temps fort politique. Il peut être tentant de surfer sur une vague (en ce moment le déficit), puis faire passer des amendements dans le sens plus libéral. On exclut certains de ces débats de la loi de finance. Cf. ufr-comete.u-paris10.fr Pourquoi isole-t-on une activité financière ? Parce qu’il est apparu que cette activité était de type industrielle ou commerciale, ce qui a entraîné deux types de réflexion : – une visant à accorder une autonomie financière et à établir une comptabilité industrielle et commerciale. On adopte une comptabilité plus proche du droit privé. Les budgets annexes sont détaillés en sections de fonctionnement et d’investissement. – une consistant à pouvoir affecter une recette à cette activités. Il s’agit d’affecter comptablement une recette à une activité correspondante. Ex. typique le budget annexe du JO, au sein duquel sont affectées les recettes liées au prix de vente du JO. Ce budget annexe prendra en charge les différentes dépenses afférentes à la production du JO. Le régime juridique de transfert financier entre le budget général et les budgets annexes est précisé par la Loi. Les budgets annexes sont des partitions des activités de l’Etat, alors que les budgets des établissements publics sont autonomes. Ainsi, les budgets des PTT sont devenus budgets annexes en 1923 ont été transformé en 2 40 personnes morales de droit public en 1990 (La Poste/France Télécom), pour constituer de fait des établissements publics industriels et commerciaux distincts.  

3)    Les Comptes Spéciaux du Trésor (CST)  

Les CST sont une individualisation comptable distincte du budget général pour autant contenue dans le budget de l’Etat. C’est un des comptes du budget de l’Etat. Les CST sont à la disposition de la Direction du Trésor. Ces comptes lui permettent d’effectuer les opérations non permanentes dites de trésorerie. Ils sont d’une création ancienne. Le pouvoir a autorisé la Direction du Trésor (alors Mouvement Général des Fonds) à tenir des comptes des entrées et sorties de caisse permettant le financement de la dette. Ces montants venant financer la dette, et plus largement les mouvements dits temporaires, sont extrêmement importants. Au sein d’une année, ils peuvent dépasser les montants du budget de l’Etat ! L’ordre de grandeur est celui du budget de l’Etat. Les CST ont dû être encadrés. L’idée est double : – Il s’agit évidemment d’assurer une forme de démocratie financière en permettant au Parlement de se prononcer, – Il s’agit d’accorder une autorisation limitée dans son montant. Cet encadrement s’effectue aux art. 19 à 24 de la loi organique. Sa principale caractéristique vient de ce que la loi de finance définit un solde et non pas un montant maximum de dépenses. 

   On a 4 catégories de CST, ce qui est un progrès car sous le régime de l’ordonnance organique de 1959, il y en avait 6. L’ordonnance améliorait le régime antérieur qui disposait d’une liste des CST, ayant été au nombre de plusieurs centaines sous la III République. La technique même du CST est une atteinte aux pouvoirs du Parlement et à la démocratie financière. On accorde beaucoup de liberté à la direction du trésor. La multiplication des comptes spéciaux du trésor accordait encore plus de marges de manoeuvres à la direction du trésor. Rapidement, dès que le régime juridique des CST a pu être fixé, les CST n’ont pu être ouverts que par une disposition en loi de finance. Il fallait évidemment le faire à un moment d’attention particulière des parlementaires à ce phénomène financier. 

   Définie à l’article 21, 1° de la loi organique de 2001, regroupant les comptes d’affectations spéciales. La Direction du Trésor va ouvrir un compte (ressource/charges + solde à la fin) par type d’activité de trésorerie au sein duquel on souhaite pour des raisons soit politiques, soit pratiques, opérer un lien très strict entre les ressources et les charges. Ex. le compte 902-24 est le compte d’affectation des produits de cession de titres, droits et parts de société. Pratiquement, c’est bien dans ce CST que vont être retracés les mouvements financiers liés aux opérations de privatisations. En recette, on voit les recettes des cessions (vente des sociétés), les recettes des sociétés, et en dépense le montant des dotations en capital aux entreprises à participation publique, les achats de titres… L’affectation comptable opère un lien politiquement entre la recette et la dépense. S’agissant de l’investissement temporaire, il faut avertir les représentants de la Nation. Le 902-15, « compte d’emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ». Il s’agit de la « redevance audiovisuelle », c’est-à-dire une des taxes parafiscales supprimée juridiquement par l’ordonnance du 1er août 2001, devenues maintenant des taxes affectées. Il y a une action de l’Etat derrière les politiques. 

   Les comptes dits de commerce de l’article 22-1 de la loi organique : s’agissant de CST, ce sont toujours des opérations temporaires. Ces comptes permettent de retracer certaines opérations industrielles et commerciales. On ne passe pas par des budgets annexes, car on ne souhaite pas individualiser financièrement l’activité, mais on souhaite juste individualiser financièrement le mouvement et définir un solde. Ce compte va retracer des mouvements très particuliers, par ex. les ventes d’armes. On cache le coût de production de certaines armes par ex. dans ce CST. En fin d’année, les mouvements sont gérés par le Trésor, sans que personne ne connaisse les précisions. Le Parlement n’est averti que d’un solde sur lequel il se prononce. 

   Les comptes d’opérations monétaires. Ces comptes sont précisés à l’article 23 de la loi organique, et ont une finalité particulière qu’est l’intégration et l’inscription financière des résultats liés aux écarts entre les cours des devises lors de la réalisation des opérations de l’Etat. Ces comptes ne sont pas forcément en voie d’extinction, mais leur nombre a diminué avec la création de l’€uro. 

   Les comptes de concours financiers, prévus à l’article 24 de la loi organique. Ces comptes permettent de retracer les mouvements entre les Etats, qu’il s’agisse d’avances de trésorerie ou de prêts. On a finalement : 1 budget général 3 budgets annexes Une dizaine de CST Leur détail n’est pas lié à leur importance. Un compte peut générer des mouvements financiers de plusieurs dizaines de milliards d’€, alors qu’au niveau de l’Etat, un sous budget d’un milliard d’€ sera bien plus détaillé. 

§ 3 : La forme des lois de finance 

 La loi de finance est encadrée au niveau de sa forme. Elle est définie à l’article 34 de la loi organique, mais il n’y a pas d’innovation. Elle reprend le dispositif de l’ordonnance de 1959. La loi de finance, qu’elle soit de l’année, rectificative ou de règlement, est plus ou moins toujours structurée de la même façon. Elle comporte toujours plus ou moins les mêmes informations et elle sera complétée du même type de document. Quelque soit le type de loi de finance, à l’exception notable des lois de l’article 45, elles comportent les mêmes données au moment de leur intervention. – S’agissant de la loi de finance de l’année, la forme et le contenu sont dirigés vers la détermination (prévision et autorisation). – S’agissant de la loi de finance rectificative, si la forme reste globalement la même et si les documents restent globalement les mêmes, ils sont orientés vers la modification en cours d’exercice du budget voté (ensemble des comptes). – S’agissant de la loi de règlement, forme et contenu sont globalement les mêmes, mais il s’agit ici de contrôler si l’exécution du budget s’est révélée conforme à l’autorisation. 

  La loi organique de 2001 insiste vraiment sur l’évaluation de l’action publique en loi de règlement. – On trouve tout cela aux articles 34, 35, 36 et 37 de la loi organique en ce qui concerne la forme. – Pour les documents budgétaires, on vise les art. 48 à 56. 

 A) Une loi en deux parties 

 1) Première partie : l’autorisation et l’équilibre 

 La première partie ne concerne pas les ressources ! La deuxième partie ne concerne pas les charges !  La première partie s’appelle « conditions générales de l’équilibre financier ». Dans cette première partie, il s’agit d’insister sur un phénomène majeur du droit budgétaire, c’est-à-dire le fameux équilibre. La première partie de la loi de finance vise à déterminer cet équilibre. Pour définir cet équilibre, il faut autant s’intéresser aux ressources qu’aux charges. Dans la première partie de la loi de finance, on distingue deux titres : – Les « dispositions relatives aux ressources », qui comporteront bien tout ce qui est susceptible d’interférer avec l’équilibre, et qui est inclus dans la mise en œuvre des ressources (ex. la modification du taux d’un impôt en cours sera dans cette 1ère partie). – Les dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges. Ce titre II comportera le fameux article d’équilibre. Cet art. d’équilibre compose généralement le seul art. du titre II. Il est divisé en 4 parties. Tout d’abord, l’article d’équilibre comporte un tableau d’équilibre. Le tableau d’équilibre : * définit les plafonds des charges, c’est-à-dire le plafond de l’ensemble des dépenses de l’Etat ; * évalue les recettes ; * déduit de la comparaison des charges et des recettes un montant de déficit (« le déficit budgétaire ») qui sera lui aussi un plafond à ne pas dépasser. 

   Si les recettes diminuent, le déficit augmente. Or, le montant du déficit est un plafond, il faudra alors baisser les dépenses du montant de la baisse des recettes. Sauf, à ce qu’intervienne une loi de finance rectificative venant corriger le montant du déficit, ou plafond du déficit autorisé. 

   En cours d’année, les recettes augmentent. A priori, deux solutions : soit on baisse le montant du déficit, soit on maintient le montant du déficit tout en dépensant plus. Problème, les dépenses sont plafonnées, on ne pourra donc dépenser plus qu’après l’adoption d’une loi de finance rectificative qui augmentera le plafond des dépenses.  

  C’est l’équilibre budgétaire entre les recettes, les dépenses et le déficit. Les plateaux de la balance ne sont pas soumis au même équilibre, car il y a des mouvements qui ne sont pas des évaluations, et des mouvements qui sont des plafonds. Types de comptes Ressources Dépenses Soldes Budget général Recettes fiscales bruts/dép Rec. fisc. nettes Rec. non fisc. Total P.S.R. Montants nets Budget général Budgets annexes CST 326 257 25 282 65 217 2 334 266 266 266 2 49 2 Déficit Recettes Dépenses 43 Solde général – 47 P.S.R : Prélèvements Sur Recettes. Le tableau d’équilibre transcrit les opérations définitives. Le tableau de financement retranscrit les opérations temporaires. Il s’agit bien ici d’informer et de permettre d’informer le parlement et de lui permettre de se prononcer sur ces opérations temporaires. Besoins de financement (en 2002) – Amortissement de la dette à long terme (remboursement) : 44 milliards – Amortissement de la dette à moyen terme : 40 – Déficit 47 – Total 131 Pendant l’année, la Direction du Trésor va devoir trouver 131 milliards d’euros. Elle va opérer ce financer avec des ressources de financement, qui sont : – Emissions à moyen terme et long terme 125 milliards – Dépôts des correspondants 5,5 – Variations et divers 0,5 131 Cet art. d’équilibre est fondamental au niveau des finances publiques. Tout converge au niveau de l’article d’équilibre. Limiter le nombre des emplois publics contribue à limiter le plafond budgétaire. Ce plafond est l’équivalent temps plein. Pour 2006, il était établi à 2 351 146 équivalent temps plein. La quatrième donnée fait suite à une modification de la loi organique du 1er août 2001, intervenue par la loi du 12 juillet 2005, qui est venue introduire un 10° à l’article 34- 1 de la loi organique de 2001 très important. Il permet au parlement de se prononcer a priori sur l’affectation d’éventuels surplus de recettes fiscales. Dans le cas où les recettes augmentent, le Parlement entend définir le cadre de l’affectation de ces recettes (réduction du déficit public, nouvelles marges de manoeuvre pour la dépense publique). Cette forme en deux parties et la répartition au sein de la première partie concerne autant les lois de finance de l’année que la ou les lois de finance rectificative(s). La loi de règlement, elle, ressemble à un article d’équilibre approfondi.  

4)    Deuxième partie de la loi de finance : spécialisations et mesures permanentes  

La deuxième partie de la loi de finance concerne les lois de finance de l’année et les lois de finance rectificatives. Elle vise à détailler l’autorisation budgétaire, ce qui n’a pas d’influence sur l’équilibre qui a été déterminé en première partie. Elle peut aussi intégrer des mesures dites permanentes, c’est-à-dire qui ne sont pas censées avoir d’influence sur l’équilibre. 

 On distingue deux titres : 

 1/ Les autorisations budgétaires, définies par missions. La mission constitue bien l’unité de spécialisation opératoire. La spécialisation est le détail de présentation à destination du vote des parlementaires. La spécialisation est l’unité permettant l’expression du consentement démocratique. On constate que l’unité de spécialisation est la mission. C’est bien sur les missions que va formellement porter l’autorisation de dépenses. Ces missions sont séparées en : – autorisation d’engagement – crédits de paiement L’unité de spécialisation est bien la mission dans laquelle on distingue ces deux points. Cela signifie que : – La Parlement consent la dépense. – C’est aussi l’unité opérationnelle transmise au Gouvernement. Logiquement, du point de vue de l’exécutif, c’est bien la mission qui détermine le cadre de l’autorisation budgétaire. En dessous de la mission, l’exécutif fait ce qu’il veut, la présentation n’est plus qu’indicative. Dans l’état B, ensemble des dépenses, on trouve un détail des sommes allouées à chaque mission. 

 2/ Les dispositions permanentes, généralement des règles relatives à l’information des parlementaires, à la présentation des lois de finance, par ex. si le Gouvernement souhaite proposer la présentation d’un rapport supplémentaire, la disposition sera contenue dans le 2ème titre de la 2ème partie de la loi de finance. Les états annexés : on a un état A qui détaille les voies et moyens (regroupe les évaluations de recettes) et l’état B qui répartit les crédits du budget général par mission, et un autre état qui répartit les plafonds d’emplois par ministères. Missions, programmes, actions, correspondent à des politiques publiques. Une fois que le plafond des emplois est défini, la ventilation s’opère de manière administrative et non pas fonctionnelle par missions. C’est une résistance administrative. 

 B) Les annexes 

 Il ne faut pas confondre les annexes (documents joints à la loi elle-même) avec les états annexés (tableaux détaillants en loi de finance certaines de ses dispositions). C’est le titre V de la loi organique de 2001 qui détaille ces documents devant être annexés à la loi de finance. Il y a différents types d’annexes. On distingue au sein de tous ces documents qu’ils sont destinés à l’information des parlementaires. C’est le type de l’information qu’ils contiennent qui permet de les distinguer. On distingue : – des rapports généraux, – des annexes qui constituent des explications de certaines parties du budget, – des annexes qui sont des documents d’information générale. 

 1) Les rapports ou documents généraux annexés 

 Ces rapports sont précisés à l’article 48 de la loi organique. On trouve le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Ce document permet aux parlementaires d’avoir un consentement éclairé. C’est ce rapport qui précise ce que sont les hypothèses économiques retenues pour la confection du projet de loi de finance. Elle définit dans un premier temps ce que sont les hypothèses économiques retenues. Lorsque le Conseil Constitutionnel appréciera la sincérité du PLF, il se reportera à ce rapport. Ce rapport définit les grandes orientations de la politique économique et budgétaire au regard des engagements européens. La France est contrainte par le traité de Maastricht sur au moins 2 points :  – La règle voulant que la France ne doit pas dépasser 3% de déficit public au regard du PIB. – Le seuil des 60% de la dette publique au regard du PIB. C’est dans le rapport de l’article 48 que le Gouvernement est censé préciser comment va évaluer sa politique financière afin de respecter ces différentes contraintes. À ce titre, il convient de lire année après année les conventions de ce rapport. Le rapport précise encore les objectifs des différentes politiques publiques. Ce sont des documents généraux. Il existe aussi des rapports annexés aux lois de finance rectificatives (art. 53 de la loi organique le prescrit). Ces rapports expliquent et détaillent les raisons des modifications apportées à la loi de finance de l’année. Pourquoi demander une nouvelle autorisation aux parlementaires ? Conjoncture économique, situation politique… 

 2) Les annexes explicatives : des bleus budgétaires au projet annuel de performance 

 Ces annexes explicatives sont prévues à l’article 51 de la loi organique. On les désigne sous le terme de bleu budgétaire, car les états de prévision de l’Ancien Régime étaient imprimés avec des couvertures bleues (ils sont bleus aujourd’hui). Les bleus sont les plus importants du budget. Ce sont des annexes explicatives ayant pour but d’informer les parlementaires de la ventilation des crédits sous la mission. Il s’agit bien d’une forme de spécialisation des crédits, mais uniquement à vocation d’information. Il y a un bleu par programme et au sein de ces bleus, les crédits sont ventilés par actions. Mission > programme > actions, et dans les bleus on voit cette spécialisation de programmes en actions. Au sein des actions, les crédits sont ventilés par titres comptables. On distingue les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Ces bleus, qui distinguent au sein des actions les différents titres comptables, sont des documents de prévision. Ce sont aussi des autorisations. Depuis la loi organique de 2001 et depuis la loi de finance pour 2006, ces bleus intègrent les fameux projets annuels de performance. Ces projets annuels de performance définissent des objectifs à chaque service administratif. Ces objectifs sont adjoints d’indicateurs qui permettront d’évaluer la capacité des services à accroître leur efficacité. Ces indicateurs sont théoriquement assez bien faits. Il y a des indicateurs qui sont tournés vers l’usager (satisfaction des usagers), d’autres vers le citoyen (soit celui qui contrôle, soit celui qui finance sans forcément s’en servir ; c’est la rentabilité du service, le coût du SP), et évidemment vers la quantification de l’activité (ex. services qui assurent la collecte de l’impôt, il y a différents types d’indicateurs, par ex. des indicateurs tournés vers l’usager, la disponibilité des services pour répondre au tél.), des indicateurs de qualité du service (le taux de contestation de l’établissement de l’impôt). Les projets annuels de performance vont assigner des objets aux services. Maintenant que les bleus contiennent des projets de performance, le parlementaire va être amené à se déplacer vers l’appréciation de ces PAP (Projet Annuel de Performance) d’autant plus que le degré de spécialisation des crédits est moindre relativement à ce qui se passait sous l’emprise de l’ordonnance organique du 2 février de 1959. L’information est censée être plus précise qualitativement.  

3)    Les annexes générales : les « jaunes »  

Ce sont des annexes générales prévues par les diverses lois et règlements. C’est l’article 51, 7° de la loi organique qui prévoit leur dépôt. Ici, il ne faut pas confondre le titre ou l’appellation annexe générale avec la réalité, puisque ces annexes portent sur des objets strictement définis. Il s’agit à la demande des parlementaires pour le Gouvernement de fournir un compte-rendu d’activité. Au sein de ce document, on peut citer l’exemple du « jaune » des agences de l’eau. Il existe en France des organisations qui régulent l’assainissement de l’eau, constituées sous forme d’établissements publics administratifs nationaux, disposant juridiquement d’un budget autonome avec les ressources affectées. Les parlementaires ont demandé à ce que leur soit rendu compte de l’activité matérielle et financière, ce qui a été fait à travers les jaunes. Les « oranges », peut-être une variété de jaune, sont des documents de politique transversale. Cela veut dire que les oranges vont en fait regrouper les informations relatives à des politiques qui impliquent plusieurs programmes, voire plusieurs ministères. Il existe un « orange » sécurité routière (implique la police nationale, gendarmerie, équipement…). Ce sont des documents d’information envers les parlementaires qui mettent en œuvre la sincérité et la transparence, sans lesquels les parlementaires ne peuvent se prononcer de manière optimale. 

SECTION 2 : LES DIFFERENTS TYPES DE COMPTES 

  Un compte est un ensemble de chiffres qui transcrit une réalité financière. Ces comptes vont permettre de désigner toutes les réalités financières. À chaque mouvement, on l’inscrit dans un type de compte. 

 On distingue largement  

 – Les comptes d’autorisation et de prévision (qui découlent directement du vote des parlementaires), c’est-à-dire les comptes des gestionnaires de crédits,

 – Les comptes des comptables publics qui eux retracent avant tout les mouvements financiers au sein des caisses publiques. Il s’agit de la réalité pratique des flux (ce qui entre, ce qui sort). Ex. d’une dépense du budget annexe des monnaies et médailles. Les parlementaires votent à travers le programme monnaies et médailles la possibilité de dépenser de l’argent public. Les parlementaires autorisent le directeur de la monnaie à entretenir l’hôtel de la monnaie à hauteur d’une telle somme. C’est une autorisation inscrite dans le compte particulier du budget annexe. Cette autorisation donnée au gestionnaire de crédit, qui est en fait un ordonnateur, permet de procéder à des engagements de dépense (ravalement par ex.). La dépense est liquidé, l’ordonnateur ordonne la dépense, le comptable public la paye. L’ordonnancement et le paiement est inscrit dans 3 comptes différents liés. 

Tous les actes juridiques sont inscrits dans des comptes différents. Tous ces comptes sont reliés les uns aux autres (secret de la partie double) : comptes des gestionnaires de crédits et des comptables publics. 

§ 1 : Les comptes des gestionnaires de crédits 

 La notion de gestionnaire de crédits est introduite à l’occasion de la réforme de 2001. Un gestionnaire de crédits est théoriquement quelqu’un susceptible de générer un mouvement financier. L’idée de la réforme de 2001 est de substituer à cette approche très financière, une approche managériale, en substituant au terme gestionnaire le terme ordonnateur. On ne sait pas qui est le gestionnaire de crédits. Il a les pouvoirs d’un ordonnateur, mais la liste des gestionnaires de crédits ne correspond pas à la liste des ordonnateurs juridiques (posée dans le décret du 29 décembre 1962) ! Comment se présentent les comptes des gestionnaires de crédits ? 

 A) Présentation des crédits budgétaires 

 Le budget est un compte ou un ensemble de comptes. Ces différents comptes manifestent bien juridiquement un phénomène qu’est la mise à disposition des crédits. Autrement dit, les parlementaires habilitent juridiquement les ordonnateurs à effectuer un type de dépense à destination d’une politique publique pour un montant déterminé. Il s’agit de la spécialisation par titre comptable au sein de chaque mission. 

 1) La spécialisation des crédits 

 C’est l’article 7 de la loi organique, qui à travers la notion de porter des autorisations budgétaires précise les différentes nomenclatures. La spécialisation des crédits budgétaires, dans la mesure où elle vise à l’information des parlementaires, a toujours tenté de se rapprocher des politiques publiques. Ainsi, les budgets des monarchies censitaires (sous la Restauration) étaient regroupés par Ministère. Dans le cadre d’un Etat libéral régalien, ces regroupements par ministères coïncidaient avec les politiques mises en oeuvre. 

 Sous la Restauration, le budget détaille les dépenses du ministère de la guerre, les dépenses de la dette, du min. de la justice, du min. des finances, et au sens large les dépenses des pouvoirs publics et évidemment, ce sont les politiques publiques mises en œuvre par le pouvoir. 

 Le Parlement intervient ici : il tente à travers la spécialisation de la nomenclature budgétaire d’obtenir une meilleure information sur l’autorisation qu’il prononce, et en exigeant une meilleure spécialisation des crédits, le Parlement cherche à accroître son pouvoir financier. Progressivement, les dépenses qui correspondaient à des ministères vont être spécialisées par titres, appelés des sections (investissement/fonctionnement). Puis, ces sections sont détaillées par titres comptables (personnel/transferts), puis par articles, puis par paragraphes… 

 Le degré de spécialisation des crédits devient tel que non seulement l’exécutif se trouve très encadré dans la mise en œuvre du budget, mais en plus le document budgétaire devient très figé. Chaque prise en charge d’une activité supplémentaire par un même service occasionne une augmentation de crédits très spécialisés au détriment de la cohérence de l’approche globale du budget. 

 Budget 1824

– Liste civile (emplois à la disposition du monarque) – Défense – Justice… (puis on demande plus de précisions)

* Fonctionnement – Dépenses de personnels (puis chapitres, puis articles) – Fonctionnement pur

* Investissement – Investissements par les personnes – Transferts à d’autres personnes Titres comptables Au sein de la répartition comptable, dans le titre personnels non titulaires on a des personnes aux fonctions différents (contractuels, espions, enquêteurs, fonctionnaires…). 

   La présentation par spécialisation des crédits (à l’origine par politiques publiques) a perdu le lien des politiques publiques à cause de l’accroissement des crédits. La nomenclature budgétaire, façon dont sont spécialisés les crédits budgétaires, est devenue une nomenclature d’action dès la Restauration. Il s’agissait de ventiler les sommes selon les politiques publiques assez sommaires (défense, dette, police, recouvrement de l’impôt…) 

 Double mouvement :  – Revendication des spécialisations accrues des crédits par les Parlementaires, ils voulaient plus de précisions, un budget de plus en plus spécialisé. – À partir de la III République, développement de l’action administrative au sein de structures administratives au budget spécialisé qui a assombri le lien entre le crédit budgétaire et l’action publique. Ex. Crédits du min. de l’intérieur qui traduisent un nombre bien supérieur d’actions que leur régime. On a une unité de spécialisation qui ne traduit plus les politiques publiques. Loi organique du 1er août 2001 veut faire concorder à nouveau les politiques publiques et la nomenclature budgétaire. Il s’agit de revenir à la simplicité originelle de la nomenclature budgétaire. Dans la mesure où un ministère assume des tâches pas forcément complémentaires (intérieur : décentralisation & police), on décide de distinguer en fonction de la réalité de l’action administrative, et on tente de faire coïncider la présentation budgétaire avec cette action administrative. Action 1 Action 2 Action n Programme Programme Mission Lorsqu’on fait usage d’une nomenclature fonctionnelle, administrativement une action est prise en charge par l’administration d’un ministère (ex. routes sont prises en charge par un ministère). Mais, il existe des missions interministérielles (ex. la sécurité faisant intervenir 2 programmes distincts dont le programme police nationale [min. de l’intérieur] et le programme gendarmerie [min. de la défense]). Les administrations sont toujours distinctes, les agents appartiennent toujours à des corps distincts. Budgétairement, le compte est le même : il s’agit de la mission sécurité intérieure n° x qui regroupe un programme, qui eux-mêmes portent un n°. Cette nomenclature budgétaire nouvelle se trouve à l’article 7 de la loi organique. 

   Le budget opère une relecture de l’organisation de l’Etat sous un angle fonctionnel (par opposition à l’approche organique, administrative, antérieure).  

 On opère la ventilation budgétaire de ces sommes. L’article 5 de la loi organique explique comment est ventilé la charge. La charge s’entendant au niveau juridique un programme. Les charges sont ventilées en titres, numérotées de 1 à 7 (cf. art. 5 de la loi organique). La nomenclature budgétaire par titres est une présentation budgétaire (cf. performance budgétaire sur Internet).  

4)    Les différents types de crédit budgétaire Bleu (= programme)  

Titre II : Personnel Titre III : Fonctionnement Titre IV : Dette Titre V : Investissement Titre VI : Intervention Le programme se décline budgétairement en un bleu (= un compte). Ce bleu ne coïncide pas avec une direction administrative, mais c’est un document budgétaire décliné en titres.  Ces titres ont-ils la même portée juridique ? Il existe une forme de droit commun du crédit budgétaire. Le droit commun du crédit budgétaire, le crédit le plus représenté dans les budgets est un crédit de fonctionnement qui permet par exemple de payer l’électricité. Ce droit commun se résume ainsi : mise à disposition d’un plafond à ne pas dépasser. Ce droit commun signifie bien que les parlementaires accordent à un ordonnateur le pouvoir discrétionnaire d’engager et d’ordonnancer les sommes en deçà ou en dessous d’une certaine limite. Il ne peut concerner l’ensemble des dépenses de l’Etat, car certaines dépenses ont un montant difficilement déterminable. Il existe des dépenses dont on ne conçoit pas qu’elles ne puissent pas être mises en oeuvre. Pour toutes ces dépenses, on va concevoir des exceptions au Droit commun, à la mise à disposition plafonnée. 

 a) Crédit ou dotation 

 À l’article 7 de la loi organique, on voit que la nomenclature budgétaire fait intervenir des crédits ou des dotations. – Les crédits sont dits limitatifs (cf. art 9 loi organique), et ce caractère limitatif des crédits signifie très explicitement qu’ils ne peuvent pas être dépassés. Certains crédits doivent pouvoir être dépassés. Art. 10 de la loi organique précise donc que certains crédits sont dits évaluatifs : par ex. les crédits relatifs aux charges de la dette ont évidemment un caractère évaluatif. Il s’agit de ne pas limiter ce qui apparaît comme une dépense obligatoire du fait d’une autorisation ou d’une mauvaise évaluation. La dette est prise en charge par des mouvements de trésorerie (principal dans l’article de financement, et les intérêts qui constituent une charge budgétaire). La charge des intérêts peut être affectée d’une forme d’aléa puisqu’une partie des intérêts dépend de taux variables. À la préparation du budget, on n’est pas en mesure de déterminer précisément ce que sera la charge des intérêts de la dette de l’année prochaine.

On a alors 2 solutions :  

– Surévaluer cette charge, en ménageant des marges de réserve, tout en bloquant les crédits budgétaires ne pouvant être dépensés ailleurs,

 – Utiliser de la manière la plus sincère et la plus précise le montant de cette charge, tout en introduisant de la souplesse du fait du caractère évaluatif des crédits. Au sein des crédits, on a une partition entre les crédits limitatifs et les crédits évaluatifs. Dans la mesure où ces crédits évaluatifs constituent une forme d’atteinte à l’autorisation de dépenser parlementaire, il convient de circonscrire ces crédits limitatifs. On introduit un autre type de crédit budgétaire : la dotation. On les isole donc de la liste des crédits déterminés par la loi. Cet outil n’est pas suffisant. Au-delà de la distinction crédit évaluatif/limitatif, on introduit des dotations. – La dotation est une nouveauté de la loi organique de la loi organique du 1er août 2001, mais ce n’est qu’une nouveauté sémantique. La dotation reprend en la précisant la notion de crédit provisionnel. C’est l’article 12 de la loi organique qui vient préciser le régime de ces dotations.

Il y a 2 types de dotations : 

 * Le premier type s’adresse aux dépenses accidentelles ou imprévisibles, comme par ex. les catastrophes naturelles. On créé une dotation (nomenclature budgétaire particulière) car on sait statistiquement que le risque existe. Au niveau budgétaire, on est capable depuis 2 siècles, de lisser et de dire que chaque année les catastrophes naturelles coûtent entre 300 et 800 millions d’€. Budgétairement, on sait que le risque existe, on est capable d’en évaluer un montant, mais on ne sait pas ce que seront les dépenses entraînées par la survenance du risque (lignes électriques, routes… la matérialité de la dépense). On constitue donc sous forme de provision une donnée budgétaire que l’on appelle une dotation dont le régime juridique permet évidemment de faire varier le montant assez rapidement, mais surtout cette dotation offre une caractéristique de ne pas être destinée à être prise en charge par une administration, mais à « abonder » d’autres programmes du budget de l’Etat. 

 Pratiquement, une dotation n’aboutira pas à une série de dépenses. Elle est transférée en cours d’année vers des différents programmes qui vont « assumer » la dépense liée aux catastrophes naturelles. 

 * Le second type de dotation vient opérer une provision budgétaire destinée à couvrir le risque lié aux difficultés d’évaluation ou de prévision de certaines dépenses. Il s’agit de crédits dont on ne veut pas qu’ils soient évaluatifs. On admet une difficulté de prévision. On créé une dotation en parallèle permettant d’abonder certains crédits limitatifs strictement précisés afin de pallier les difficultés d’évaluation (ex. dotation pour mesure générale en matière de rémunération). L’aléa en matière de rémunération des agents de l’Etat a une signification forte : 150 milliards d’€ de dépenses de personnel, si le risque est à 1%, on a 1,5 milliard d’aléa sur les dépenses de personnels. On constitue donc cette dotation pour mesure générale en matière de rémunération. En cas de difficulté en cours d’année, cette dotation permettra d’abonder les différents crédits du titre II (personnel) des programmes qui seront en difficulté financière. 

 b) Autorisation d’engagement ou crédit de payement 

 La distinction en autorisation d’engagement (AE) et en crédit de paiement (CP) est prévue à l’article 8 de la loi organique. Cette distinction se substitue à une distinction de l’ordonnance de 1959 qui distinguait autorisation de programme (AP) et crédit de payement (CP). À l’origine, il s’agit de ne pas enfermer les crédits budgétaires dans le cadre strict de l’exercice budgétaire. Pourquoi ? On conçoit que certaines dépenses nécessitent plusieurs années pour être mises en œuvre (ex. typique le porte avions) ; à l’origine, on opérait des programmations dont certaines pouvaient être militaires. À ces programmations, on adjoignait une autorisation budgétaire de programmation de la dépense. On appelait cette autorisation une AP (autorisation de programme). Cette Autorisation de ¨Programme a bien pour but de définir un montant qui correspond à l’ensemble de la dépense (le coût total du programme, du bâtiment, qui ne s’effectuera pas sur un seul exercice). L’autorisation d’un programme constitue bien l’enveloppe, et chaque année, on va ouvrir des crédits de payement qui permettront de mettre en œuvre ce programme progressivement. La difficulté de cette architecture entre Autorisation de ¨Programme et CP vient de ce que d’une année sur l’autre, on peut reporter l’inscription des crédits de payement. Pour le porte avions, AP de 100 millions, la construction s’effectue sur 5 ans et les Gouvernements n’inscrivent pas successivement 20 millions et le navire n’est jamais construit. La loi organique a souhaité reprendre cette distinction en précisant la signification. On ne parle plus d’ Autorisation de ¨Programme et CP mais d’Autorisation d’Engagement et de CP. Le glissement lexical est minime, mais important. La notion d’engagement est bien l’acte juridique qui fait naître une créance sur le trésor public. L’autorisation d’engagement, le montant qui est inscrit en AE, constitue bien le plafond de ce qui est susceptible d’être initié comme dépense. Inversement, le payement (acte comptable qui consiste à libérer le trésor de sa dette) découle directement de l’ordonnancement qui est bien l’ordre de payer par l’ordonnateur. Par extension, les crédits de payement (CP) constituent bien non seulement le plafond de ce qui est susceptible d’être payé par les comptables publics, mais en plus le plafond de ce qui est susceptible d’être ordonnancé par les ordonnateurs. Ex. construction d’une caserne ; recours à un architecte ; entrepreneurs construisent matériellement le bâtiment ; construction en plusieurs phases (fondations, gros oeuvre, finitions) ; affectations de personnes à l’entretien du bâtiment. La construction qui doit être budgétée par le min. intérieur va impliquer des dépenses d’investissement (titre V), de fonctionnement (titre III), et de gardiennage (titre II). Action – construction de la caserne 2003 2004 2005 2006 Titre V  AE 100 (90) (50) (10) CP 10 40 40 10 Titre II (crédit de personnel) AE = CP 5 10 10 Titre III (fonctionnement) AE = CP 2 5 10 Dépense 10 47 55 30 Publique C’est la distinction entre l’autorisation budgétaire et la réalité de la dépense publique. On a : – paiement – trésorerie.  

  Pourquoi passer de l’AP à AE ?  

  En définissant un plafond en terme d’autorisation d’engagement, on opère deux différences essentielles par rapport à l’AP. Tout d’abord, on opère une modification en terme de sincérité du budget, alors que les autorisation de programme du début de la V République ressemblaient à de vagues promesses de dépense. Seuls les crédits de paiement permettaient de déclencher la dépense avant 2001. En substituant à l’autorisation de programme l’autorisation d’engagement, on autorise bien l’ordonnateur à engager les dépenses à partir du moment où les crédits sont inscrits en autorisation d’engagement. 

   La notion de report de crédit apparaît. L’AE est reportable de droit pour sa partie non consommée. 

 B) Les Budgets Opérationnels de Programme (BOP) 

 On revient ici dans les comptes des ordonnateurs. Le BOP est bien l’unité financière d’exécution budgétaire. Elle découle d’une interprétation dans la mise en œuvre de la loi organique par la direction du budget. On sait que l’article 7 de la loi organique prévoit une architecture budgétaire faisant intervenir des missions au seins desquelles on distinguent différents programmes (cf. nomenclature budgétaire ; se ventile en missions, programmes, actions). Mission (10 milliards) Programme Action (600 millions) (2 milliards) Action – BOP Programme UO – « Services » Programme La loi organique prévoit une approche macroéconomique, ou macrobudgétaire. Ce budget a vocation à être exécuté au niveau micro et non macro, au niveau administratif, quotidien. Le cadre budgétaire de cette mise en œuvre doit donc correspondre à une ventilation, un détail, de l’action elle-même. Quelle est la nomenclature opérationnelle du budget ? Elle passe par des BOP.  

  Description du BOP    

  La réalité administrative et son budget : ici, il s’agit de faire converger un cadre macrobudgétaire (l’action) et une réalité dans la mise en œuvre de l’action administrative que l’on appelle l’Unité Opérationnelle (UO). L’UO constitue une entité de base de l’action administrative. Cette UO a vocation à gérer le plus efficacement la mise en œuvre de la dépense publique. Cela veut dire qu’elle n’est pas trop grosse, gère un budget maîtrisable, et n’est pas trop petite ce qui signifie que ce budget sera malléable. L’UO constitue un cadre théorique élémentaire de mise en œuvre administrative. L’UO correspond à un service et agit sous un double pilotage financier : – Elle est placée sous le pilotage financier du responsable de programme. Il y a une forme d’intermédiaire : – L’UO est aussi placée sous le pilotage du responsable du budget opérationnel de programme. Le BOP constitue donc une partition financière du programme. On ne sait pas à l’heure actuelle le lien entre BOP et action. Il n’y a pas d’obligation légale à ce qu’à un BOP corresponde à la mise en œuvre financière d’une action. L’action décrit pour le moment aux parlementaires ce que sont les programmes et le BOP correspond à la mise en œuvre financière de l’exécution des programmes. On en déduit que le BOP correspond à une unité de spécialisation administrative, là où l’action correspond à une unité de spécialisation de la nomenclature budgétaire. L’UO est théoriquement confiée à un ordonnateur qui n’est pas un ordonnateur principal, mais secondaire ou délégué. À l’heure actuelle, on compte à peu près 20 000 UO sur l’ensemble du territoire, et ces 20 000 UO sont regroupées dans à peu près 2000 BOP. Physiquement, une UO est une cellule administrative de base (ex. une DDE est susceptible de constituer une UO). Les UO sont regroupées en BOP (ex. la DDE est regroupée dans un BOP régional qui est « équipement régional »). D’où le fait qu’on a 20000 UO et des regroupements moindres (2000 BOP, qui sont des déclinaisons du programme « équipement routier » par ex.). 

   Modalités de mise en œuvre du BOP :  

Une fois que le cadre UO – BOP a été posé par la Direction du Budget (c’est elle qui a établi cette nomenclature), c’est-à-dire par le Ministère du Budget, on souhaite rétablir les responsables de programme dans un rôle de management. Il s’agit de revenir sur les pratiques antérieures trop administratives, qui faisaient de nos responsables administratifs non pas des managers, mais des engrenages d’un système financier reposant sur un ordre légal et réglementaire. On souhaite réintroduire ces responsables de programme comme des managers. Ce cadre est la nomenclature. Au sein de cette nomenclature, on retrouve une possibilité d’organisation du budget, et cette possibilité passe par la définition des UO et des BOP. Ce sont donc bien les « responsables de programmes » qui vont décider de ce que sont leurs budgets opérationnels de programme (BOP), c’est-à-dire s’ils vont être détaillés de manière géographique ou fonctionnelle. Ex. le programme équipement routier sera par exemple détaillé en BOP régionaux d’équipements routiers. Le responsable de programme opère de son propre chef la ventilation du crédit de son programme à destination des différents BOP. Il est important de noter que cette répartition des crédits au niveau des BOP est une notification et non pas une mise à disposition ! Juridiquement, les crédits restent disponibles au niveau du programme, et non au niveau du BOP. Pratiquement, il n’y a pas de droit à consommation au niveau du BOP. Le droit à consommation reste à niveau du programme. Certains BOP peuvent être géographiques, d’autres fonctionnels. Dans certains programmes, ex. gestion financière de l’Etat, on pourra décider qu’un BOP correspondra à la gestion immobilière du programme. Au ministère des finances, il y aura un BOP s’appelant Gestion Immobilière, et c’est ce BOP qui se verra attribuer les crédits pour la construction/location des immeubles du programme. On peut avoir les deux types de 53 BOP dans le même programme. Ainsi, des BOP régionaux pour la gestion des frais de fonctionnement. Matériellement, au niveau du BOP, après la procédure de notification des crédits, on retrouve une ventilation des crédits suivant la nomenclature budgétaire classique. On retrouve au sein du BOP : – des crédits de personnel, – des crédits de fonctionnement, BUDGET – des crédits d’investissements, – des crédits correspondant à des transferts. Au niveau du BOP, on retrouve bien un budget ! On retrouve un plafonnement en termes d’effectifs, exprimé en équivalent temps plein (ETP) On retrouve aussi une déclinaison des objectifs du programme.  

  Finalité du BOP :   

  Décliner les objectifs au niveau opérationnel. À partir du moment où on a attribué des crédits à un niveau opérationnel, l’idée majeure de la loi organique consiste à pouvoir évaluer quelle est l’efficacité de cette dépense, et éventuellement de réorganiser cette dépense de sorte qu’elle soit plus efficace. Il est donc demandé de ventiler les indicateurs de performance au niveau des BOP, voire au niveau des UO. Cette ventilation des indicateurs, suivant le type de BOP auquel on a affaire, sera plus ou moins facile : – Si on a un BOP géographique, on n’a qu’à décliner les indicateurs nationaux au niveau géographique, en tenant compte de certaines spécificités (ex. en ce qui concerne la construction des routes, la ventilation se fera en terme de topographique). – Si on a une répartition fonctionnelle, il s’agira peut-être uniquement de fractionner les indicateurs. > Le BOP constitue bien une ventilation financière des politiques publiques. À partir de là, le responsable de BOP représente bien l’élément managérial de base dans la fonction publique. Pourquoi ? Il dispose : – D’un budget (au sens « enveloppe financière ») qu’est le BOP, – De services (cellules administratives) pour mettre en œuvre ce budget (les UO), – On lui astreint des objectifs d’efficacité (les indicateurs de performance). > Il s’agit de placer le gestionnaire public face à ses objectifs. C’est la nouvelle gestion managériale de la dépense publique. Où est la Révolution ? – Auparavant, les crédits étaient ventilés par ministères, par sections, titres, chapitres, articles. Ceci constituait une présentation budgétaire dite de moyens. On perdait avec cette présentation budgétaire les détails (au sein des fonctionnaires par ex.). L’idée de la substitution des nomenclatures est bien d’avoir transféré le ministère au niveau de la mission, d’avoir permis que ces missions soient éventuellement interministérielles, de les avoir détaillé en programmes, d’avoir permis qu’ils soient détaillés en BOP correspondant à une partie du personnel, du fonctionnel, de l’investissement. On passe d’une ventilation des crédits par moyens à une ventilation des crédits par objectifs. – L’autre idée est qu’à travers cette présentation en BOP, on se débarrasse définitivement du cloisonnement administratif. Pourquoi ? Nos UO pouvaient jusqu’à maintenant tout à fait budgétairement mettre en œuvre des crédits de plusieurs ministères. Jusqu’à maintenant, les crédits étaient ventilés en fonction des moyens des ministères, puis regroupés au niveau opérationnel. On avait un détail qui distinguait les crédits du Ministère de l’Intérieur et les crédits du Ministère de l’Ecologie. Or, certaines dépenses du Ministère de l’Ecologie étaient mises en œuvre par les préfectures 54 (constituant un outil de gestion dit déconcentré des crédits du Ministère de l’Intérieur). Les crédits étaient ventilés Intérieur, Ecologie, et tout cela était regroupé au niveau d’une préfecture. Le préfet accordait une subvention à une entreprise allant moderniser un incinérateur. Cela a entraîné une complication administrative. Au sein de la mission développement durable, on a isole une UO qui sera bien « subventions écologiques au niveau régional », et cette UO sera bien prise en charge par le responsable de BOP qui gérera financièrement cette dépense. Le responsable de BOP sera le préfet. > La notion de BOP et d’UO se débarrasse d’un organigramme et d’une administration par ministères de la dépense publique pour réintroduire un schéma financier correspondant à la réalité de l’action.  

  L’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques. Le BOP étant supposé être l’unité opératoire, c’est au niveau du BOP qu’on opère l’évaluation. Cette évaluation au niveau du BOP s’opère au niveau administratif. C’est le responsable de programme qui effectue ce travail d’évaluation de la performance de ses différents BOP. On constate : UO Au niveau de l’UO, on trouve : – Ordonnateur secondaire habilité : * engager des crédits, * ordonnancer des crédits Tutelle hiérarchique passant On introduit une tutelle gestionnaire par l’ordonnateur principal (Ministre) s’opérant par le responsable de BOP, légal et réglementaire qui est soumis à une tutelle du (ce qui est régulier comme dépenses) Responsable de programme management (ce qui est efficace comme dépenses) Au niveau de l’UO, on a ajouté à une suggestion de type légale et réglementaire du managérial. > La nouvelle déclinaison budgétaire vise bien à introduire jusqu’au niveau opérationnel cette approche managériale. L’intérêt du cadre macrobudgétaire pour les indicateurs est cette globalisation de l’action administrative. Difficultés : – Lorsqu’on détaille l’action administrative, on place l’indicateur à la merci d’un aléa. Un indicateur du type « nombre de km de routes construites » pour voir si le Ministère de l’Equipement travaille : l’indicateur est fiable au niveau national, mais au niveau local, il peut être soumis à des difficultés proprement locales, de type conjoncturel, par ex. des intempéries qui conduisent le responsable du BOP à focaliser son action sur certaines opérations au détriment d’autres (chute d’indicateurs à ce moment). – Le BOP est présenté comme étant l’unité de spécialisation administrative. Elle devient donc logiquement l’unité de gestion des crédits en termes de fongibilité. Fongibilité des crédits = idée selon laquelle au sein d’un budget, un responsable doit pouvoir réorganiser la ventilation ou la spécialisation pour s’adapter aux objectifs et aux contraintes qui pèsent sur son budget. Auparavant, on ne pouvait pas remplacer un chasse-neige par un ordinateur. C’était une ventilation par moyens. 55 L’idée de la fongibilité est que la répartition devient indicative et que le responsable de BOP peut réaffecter les crédits au sein de son BOP. Cette fongibilité est dite asymétrique. Le caractère asymétrique de la fongibilité s’apprécie au niveau des dépenses de personnel. Cela signifie que je peux décider des dépenses de personnels peuvent être réaffectées vers d’autres types de dépenses, mais la réciproque n’est pas vraie. Des dépenses qui ne sont pas des dépenses de personnel ne peuvent pas devenir des dépenses de personnel. BOP : équipement région Centre – Personnel : 100 95 – Fonctionnement : 50 X 53 – Investissement : 50 52 Tant que le responsable reste dans les crédits de son BOP, il peut ventiler les dépenses de personnel dans les dépenses de fonctionnement ou d’investissement. Il ne peut pas décider de ne pas acheter d’équipement pour embaucher du personnel. La justification juridique de la fongibilité asymétrique vient de la notion de ventilation des emplois. L’article d’équilibre contient une ventilation des emplois au niveau de la loi de finances qui sont ventilés au niveau des BOP. Si chaque gestionnaire augmente son nombre de personnels, l’autorisation budgétaire peut venir à être dépassée au niveau de l’Etat. D’où, le caractère asymétrique de la fongibilité des crédits. 

§ 2 : Les comptes des comptables : l’ordre et la lumière 

 Art. 27 à 31 de la loi organique précisent le régime juridique des comptes des comptables publics. Il ne s’agit pas des comptes des ordonnateurs (administrateur qui déclenche un payement). Les comptables publics sont ceux, qui, juridiquement sont les seuls habilités à effectuer des mouvements de caisse (recette ou dépense). Bien avant la loi organique, il a existé des comptables publics à partir de l’existence de l’argent public, c’est-à-dire pour faire entrer ces sommes matériellement dans ce qui était bien une caisse au sens physique du terme, un coffre. Pour schématiser, le comptable public dispose de la clef du coffre. La question est de savoir comment contrôler le comptable public ? Cela signifie : – Exercer une maîtrise sur son activité (piloter son activité, exercer un contrôle hiérarchique), – Être en mesure en permanence de vérifier que les mouvements qu’il opère sont réguliers, en obligeant le comptable à tenir une comptabilité. Matériellement, la comptabilité est une inscription avec des règles particulière de tous les mouvements opérés. 

   Le système comptable est un système d’ordre.  

 « L’ordre & la lumière » est une formule de Charles Louis Gaston d’Audiffrey (directeur de la comptabilité publique sous la Restauration). Dès la Restauration, on envisage que la comptabilité est un système de rigueur, faites de vérifications. 

   La comptabilité est un système de lumière, ce qui signifie que la comptabilité doit éclairer aux yeux des décideurs ce qu’est la réalité administrative. La comptabilité est donc un outil du pouvoir (en ce sens qu’elle permet à celui qui prescrit une action de voir comment elle est mise en oeuvre, exécutée, à travers sa matérialisation, mais aussi à travers son inscription comptable). La problématique consiste à trouver ce que seront les meilleures techniques pour faire cohabiter ces 2 impératifs d’ordre et de lumière.  

A) Les différents comptes d’exécution 

Il existe différents comptes d’exécution prévus aux art. 27 à 30. Art. 27 précise ce que sont ces différents comptes. On distingue : – Une comptabilité des recettes et des dépenses que la loi organique appelle comptabilité budgétaire. Ce sont bien les recettes/dépenses autorisées, évaluées, prévues par le budget. – Une comptabilité générale de l’Etat ou Compte Général de l’Etat (CGE), décrit comme une « comptabilité générale de l’ensemble de ces opérations ». FLUX FLUX Recettes Dépenses CGE CGAF Droit constaté Compte d’analyse des coûts Nouveauté de la loi organique de 2001 – Une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes. C’est une comptabilité analytique. Il s’agit d’analyser la « performance » de l’exécution du budget. Comment en est-on arrivé là ? 

 1) Des comptes du royaume au compte de la Couronne : vers l’unité de caisse 

 Tout commence par le désir du pouvoir de contrôler les mouvements financiers. Dès l’origine, on sait que la richesse, c’est la Terre. À l’origine, il y a une production primaire. Le pouvoir va donc exiger que ces administrateurs tiennent un compte de ce qui est produit sur leurs terres. Charlemagne exige des fiches descriptives des productions de ces terres (grains, bois, gibier) appelées brevia exempla, mais on finit par les appeler fisc. Ces fiches détaillent la production brute, elles soustraient ce qui a été consommé ou donné comme salaire, et laisse apparaître un solde destiné à la Cour et au Roi. Dès l’origine, il y a cette volonté d’inscrire des mouvements. L’économie est en lieu et place, car tout cela se monétarise : de l’argent circule. À partir de là, ce sont bien des fonds qui vont entrer et sortir des caisses. Les entrées et sorties sont alors peu à peu comptabilisées. Dans un premier temps, les caisses sont spécialisées. Il existe donc un administrateur qui est chargé généralement du recouvrement d’une recette, du maniement des deniers, et c’est à lui qu’incomberont les dépenses affectées à cette caisse (cf. règle de la non affectation). Les dépenses sont affectées à une recette dès l’origine. L’intérêt de l’affectation, à l’origine, est double : – Il s’agit de limiter la dépense au montant contenu dans la caisse. – Tout se déroule au niveau local, ce qui évite les mouvements de fonds coûteux et périlleux. Rapidement, le pouvoir comprend que certains fonds stagnent dans des caisses, certaines dégageant un excédent, d’autres étant en déficit. Là où il y a de l’excédent, les 57 fonds stagnent ; là où il y a du déficit, l’administrateur fait des avances rémunérées. On comprend donc toute l’utilité pour le pouvoir d’opérer comptablement l’unification des caisses et à introduire une forme de « solidarité » entre les différentes caisses locales. L’unification des caisses correspond à une grande avancée en matière de gestion des fonds de l’Etat, unification passant par l’élaboration d’un système comptable. Pratiquement, l’unification des caisses est pensée par l’ordonnance du 28 décembre 1523, créant le Trésor de l’Epargne qui est une caisse centrale. Réellement, l’unification de caisse n’est toujours pas réalisée. C’est sous la Restauration que l’on commence à avoir une réelle unification des caisses, et l’on peut espérer que la loi organique de 2001 va finir de concrétiser cette unification des caisses 

 2) Du compte général de l’administration des finances au compte général de l’Etat 

 Le Trésor de l’Epargne devient progressivement le Trésor Public (caisse de l’Etat). Les impôts sont payés au Trésor Public, dans une comptabilité des recettes budgétaires. L’unification passe matériellement par le Trésor Public, réellement par le compte général. Ce compte général est appelé dès 1822 le Compte Général de l’Administration des finances. Il est tenu par le Ministère des Finances. La tâche du ministère des finances consiste à l’origine en la tenue de ces comptes. En 2001, ce compte est rebaptisé Compte Général de l’Etat (CGE) par la loi organique, il s’agit bien de montrer 2 choses : – À travers la notion de généralité, il s’agit de réaliser cette unité de caisse comptablement (tous les mouvements sont retranscrits dans un document), – À travers la personne du compte (c’est-à-dire l’Etat), on tente bien de convaincre l’ensemble des acteurs publics de l’Etat de l’utilité d’une comptabilité. Qui sont les acteurs ? – Le Parlement, un des destinataires d’un des retraitements du CGE. – L’ensemble des ordonnateurs qui grâce au CGE doit pouvoir être en mesure de connaître la réalité des opérations financières. 

B) Présentation de la technique comptable 

 Comment écrire en comptabilité ? Quel type d’opération inscrire ? 

 1) Comment inscrit-on les mouvements financiers 

   La partie double : 

 C’est l’obstination de tous les administrateurs, financiers, que l’on doit la mise en place de la partie double dans la comptabilité de l’Etat, et en particulier à Sully, Colbert, Necker, Audiffrey. Cette partie double vient de la comptabilité des marchands. Ils l’inventent dès le XV-XVI siècle. Quel est l’intérêt de la partie double ? Le solde est envoyé au niveau central qui se débrouille avec les différents comptes pour les agréger. C’est la partie simple, qui fonctionne très bien. Cela convient pour décrire des mouvements à peu près univoque/unilatéraux (en entrée, et en sortie). Pour les marchands ou pour l’Etat, les mouvements financiers ne vont pas dans un seul sens : ils peuvent s’opérer entre le teneur de la caisse et les acheteurs, des bénéficiaires et des débiteurs… ou entre les caisses. 

   L’idée de la partie double consiste bien à mettre en relation les comptes les uns avec les autres, au niveau des opérations qui y sont inscrites, et plus particulièrement au niveau du solde. 

 Cette prescription de tenue des comptes en partie double est évidemment prescrite par le décret du 29 déc. 1962 à l’article 52.    Les pièces justificatives : tout mouvement doit être justifié ! 

 La justification prend la forme d’actes juridiques s’agissant des engagements ou des ordonnancements. L’acte permet de vérifier la régularité en amont du paiement. C’est un acte d’engagement, un acte d’ordonnancement. En qui concerne les paiements, donc les mouvements financiers, le justificatif prendra plusieurs formes : – Soit il s’agira d’un bon à payer : les services le transmettent au comptable. – Soit un récépissé, un reçu. Un des problèmes majeurs consiste en l’unification de ces pièces justificatives. L’unification ne pourra être pratiquement imposée qu’en 1816. Avant 1816, le comptable envoyait un simple papier. À partir de 1816, des pièces justificatives communes apparaissent (talon, visa, reçu…).  

  La nomenclature comptable : C’est le pendant des pièces justificatives. À partir du moment où l’on tente d’unifier les procédures d’inscription, on va tenter d’unifier les modalités de cette inscription de ces pièces. La nomenclature comptable fonctionne suivant un système très particulier que l’on appelle la décimalisation. Chaque mouvement, chaque réalité pratique va être rangée dans des catégories de plus en plus fines de comptes qui prendront chacun un numéro de 1 à 9. 211 1 21 Corporelles 212 2 Immobilisations (d’un bien patrimonial par ex.) 22 213 3 23 Construction 4 5 6 7 8 9 Chaque type d’opération trouvera un numéro d’ordre comptable auquel se rattacher. L’ensemble de ces numéros est exposé au sein du Plan Comptable Général de l’Etat (PCGE). C’est la nomenclature comptable de l’Etat. Ces différences sont liées aux différences d’activités. Le 213 est commun au PCGE et au PCG. C’est le décret du 29 déc. 62 prescrit l’obligation de tenir les comptes de l’Etat conformément au PCGE. Pour autant, la comptabilité admet que toutes les activités de l’Etat ne correspondent pas forcément au PCGE (par. Les budgets annexes, activités de type industrielles et commerciales s’accommodent mal du PCGE, donc pour les budgets annexes, on appliquera le PCG, celui des entreprises). ATT. Ne pas confondre la nomenclature comptable et la description effectuée par le compte. Ainsi, les établissements publics administratifs tiennent une comptabilité autonome, mais qui correspond à la nomenclature du PCGE. À l’inverse, les EPIC tiennent une comptabilité autonome, mais qui est conforme au PCG des entreprises.  

5)    Qu’est-ce que l’on inscrit ?  

Ici, on se demande si l’on inscrit un mouvement ou si l’on inscrit la certitude d’un mouvement ?  

  La comptabilité de flux (ou la réalité des mouvements) : Cette comptabilité de flux est vraiment la comptabilité originelle. On inscrivait des mouvements (récolte opérée, les paiements du Trésorier Payer Général TPG), tout ce qui a été effectué (entrées, sorties). L’intérêt de cette comptabilité de flux consiste bien en l’établissement rapide des disponibilités. Comptablement, un solde peut être effectué. 59 Connaître cette disponibilité est doublement intéressant et répond à la problématique financière : – Cela permet de connaître les marges de manoeuvres financières, – Cela permet de vérifier l’honnêteté du caissier inopinément. La limite de cette comptabilité de flux est la complexité du système financier. Tant que le système est simple, et les mouvements peu nombreux, la comptabilité de flux suffit. À partir du moment où les choses se compliquent singulièrement (par ex. des opérations qui sont engagées bien avant leur paiement), la comptabilité de flux n’est plus suffisante. Pourquoi ? L’acte juridique d’engagement de dépense fait naître une créance. Or, cette créance n’est pas prise en compte par la comptabilité de flux. On dépasse alors cette comptabilité.  

  La comptabilité de droit constaté : L’article 30 de la loi organique prévoit que la comptabilité générale de l’Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. L’article 28, lui, prévoit que la comptabilité des recettes et des dépenses repose bien sur les encaissements et les paiements. Il s’agit de tenir compte des flux, des créances de l’Etat vis-à-vis de ses débiteurs, mais aussi des dettes de l’Etat vis-à-vis de ses créanciers. L’inscription se fait à partir du moment où le droit est constaté, c’est-à-dire que la créance ou la dette devient certaine ! Ce moment est l’ordonnancement ou l’engagement, suivant les cas. Le droit constaté est le flux + les créances + les dettes. La créance : à partir du moment où le rôle d’imposition est émis, l’Etat dispose d’une créance sur le contribuable. Pourtant, le flux n’est pas observé en recette, l’impôt n’est pas payé matériellement. Le CGE inscrit cette différence, mais que cette différence entre dans le cadre des créances de l’Etat. Idem pour la dette : l’ordonnancement est reçu, mais on inscrit la dépense au sein du CGE car elle est certaine, bien qu’elle n’est pas réalisée techniquement.  

CHAPITRE III : PRESENTATION DYNAMIQUE DU BUDGET : GOUVERNER, C’EST DEPENSER  

On étudie ici l’organisation des relations entre institutions (Parlement-Cour des comptes, Ministres des Finances-Premier Ministre…). On aborde ici un droit profondément politique. Le lien entre la dépense publique et la décision politique est vécu comme une expression du pouvoir, une constante, depuis très longtemps. Le lien très net est connu. On en trouve plusieurs expressions : – Masson (auteur de la Restauration) en 1822, écrit « gouverner et dépenser sont deux choses sinon identiques, du moins inséparables ».

– René Stourm, en 1896, dit « gouverner, c’est dépenser ». Il précise sa pensée « chaque département ministériel gouverne donc et dépense selon la mesure des crédits législatifs dont il dispose ».

– Gaston Jeze, en 1922, affirme : « le budget est essentiellement un acte politique ». On comprend que : – Le budget est un reflet des politiques publiques : le pouvoir s’exprime par la dépense, la traduction de cette dépense est le budget. Un budget, c’est la traduction chiffrée d’une politique publique. – La procédure budgétaire constitue un enjeu politique. La détermination des compétences de chaque acteur politique traduit la réalité de deux institutions. * Dans un régime parlementaire, on assistera à une revalorisation des pouvoirs financiers des assemblées. 60 * À l’inverse, quand il se présidentiel, on constate une rationalisation des pouvoirs financiers. Chaque institution de la république dispose d’une parcelle du pouvoir financier. Ce pouvoir s’exprime lors de différentes phases, et évident le moment principal de cette expression est la préparation au sens large du budget. 4 points d’intervention au sens large : – La préparation du budget (sens strict), c’est-à-dire la préparation du projet de loi de finances (PLF). – La discussion et le vote de la loi de finances, après présentation du projet par le Gouvernement au Parlement. > Ces 2 étapes (préparation + discussion) constituent l’élaboration de la loi de finances. – L’exécution de la loi de finances : elle est adoptée et exécutée. La loi, expression de la volonté générale, acte majeur des politiques publiques, est-elle susceptible d’adaptation par le pouvoir réglementaire ? Les ordonnateurs peuvent-ils la modifier ? – Le contrôle : cette idée évolue grandement du fait de la loi organique de 2001 et qui fait intervenir d’autres types de problématiques. Est-ce que le contrôle consiste en une vérification de la concordance entre la prévision et la réalisation, ou fait-il partie d’une chaîne de décisions allant jusqu’à la préparation des actes ultérieurs ? À l’origine, la répartition entre les différentes personnes détenant le pouvoir est assez sommaire : tout le pouvoir financier est centralisé autour de la personne du monarque. À l’origine, la procédure budgétaire avait peu d’importance. Tout dépendait du Roi. C’est à partir du moment où on a constaté un partage des pouvoirs financiers qu’il a fallu organiser et surtout équilibrer ces compétences financières. Ce partage s’est produit lors de la Révolution, et s’est poursuivi sous la Restauration et plus largement sous les monarchies censitaires. Il a connu une accélération avec l’affermissement de la République en 1875. L’article 45 de la Constitution de l’Assemblée Nationale VIII jette bien les bases d’une réparation équilibrée des compétences entre le législatif et l’exécutif (c’est la partition au sein du pouvoir) : – Une loi annuelle détermine les recettes et les dépenses : on a une compétence législative budgétaire. – Puis, le Gouvernement, les ministres, met en œuvre cette loi. À de nombreuses époques, il a été question de placer l’exécution du budget sous tutelle des assemblées (contrôleurs financiers viendraient vérifier que les ministres ne font que ce qui a été prescrit par la loi). À l’autre bout, on trouve la Constitution du 4 oct. 1958, qui reprend bien ces principes de la Constitution de l’Assemblée Nationale VIII, car l’article 20 dispose bien : « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » (pouvoir général réglementaire), mais l’article 34 prévoit que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat ». Au niveau juridique, on se pose la question de la coexistence de ces 2 principes, le premier étant du pouvoir exécutif, le deuxième du pouvoir législatif. Les problématiques sont du type de l’analyse du caractère parlementaire ou non du régime, en fonction de chaque domaine, de lieu de manifestation du pouvoir financier (en ce qui concerne préparation, discussion, vote, contrôle…). Quand l’exécutif prédomine chacune de ces étapes, sommes-nous sous un régime parlementaire ? Ces 4 étapes sont regroupées en 3.  

SECTION 1 : LA PROCEDURE D’ELABORATION DES LOIS DE FINANCES 

Préparation, discussion & vote.  

Tout part de l’article 39 de la Constitution du 4 oct. 1958 : les projets de loi de finances et les PLFSS sont soumis en premier lieu à l’Assemblée Nationale. Le fait de soumettre en premier lieu à l’Assemblée Nationale ces PLF suppose 2 choses distinctes : – L’initiative financière appartient au Gouvernement car ce sont des projets (et non des propositions). – La procédure de discussion accorde la prééminence à l’Assemblée Nationale. > Le Gouvernement prépare le PLF, puis le Parlement est saisi dans un second temps selon une procédure particulière. 

§ 1 : La préparation du PLF 

 S’il appartient à la responsabilité du Gouvernement de le préparer, cela n’est pas fait rapidement en quelques heures en Conseil des Ministres. La préparation du PLF représente 1 an de travail. Discuter le PLF 2007 en septembre 2006, les Administrations ont commencé à travailler à la préparation de ce PLF en septembre 2005. Pendant de nombreuses années, le projet de budget a été préparé par un petit bureau de la Direction Générale de la Comptabilité Publique, ce qui explique bien cette approche purement comptable du document. C’était préparé par des comptables, comme un compte prévisionnel, et cela prenait du temps. En nov. 1919, le bureau du Budget devient la Direction du Budget, qui est toujours en charge de la préparation et du suivi de l’exécution du budget. Tout cela sera officialisé par l’ordonnance de 59 et la loi organique de 2001 qui dispose à son art. 38 que « sous l’autorité du PM, le Ministre chargé des finances prépare les PLF qui sont délibérées en Conseil des Ministres. » Au sens large, c’est le ministre des finances qu’incombe cette tâche de préparation des PLF qui délègue la tâche au Ministre délégué au budget (porte parole du Gouvernement, Copé en ce moment). Il dispose de toute une série d’Administrations, dont la Direction du Budget (350 agents dont les 2/3 de catégorie A : 1/3 d’énarques, 1/3 de BAC +5 et 1/3 d’agents administratifs), qui est une Direction d’Etat major, au 7ème étage de Bercy ; et de la Direction Générale de la modernisation de l’Etat, qui s’occupe plutôt du volet performances de la gestion publique. On essaye de distinguer ici si le budget est un acte politique ou un acte administratif. La question est de savoir si le pouvoir politique a encore une prise sur l’organisation des finances de l’Etat. On essaye de distinguer 2 phases, et on se posera la question de savoir si le politique a encore une prise sur le document.  

A)   La préparation du PLF au sein des ministères 

Ici, on se situe bien organiquement parlant dans une phase administrative, c’est-à-dire que ce sont bien les Administrations qui vont élaborer les éléments qui vont composer le PLF, corollairement à la question que l’on se pose, on se demande si les politiques au sein de l’Administration (les ministres) peuvent intervenir. Cette préparation oppose 2 administrations : – Les administrations dépensières (au sens péjoratif), comme par ex. l’université, l’administration générale des routes – Les administrations financières et plus exactement la Direction du Budget, en tête. 

1) La préparation des budgets au coeur des administrations : 

   L’encadrement politique du travail administratif :  

 En début d’année se tient un séminaire gouvernemental sur la stratégie d’ensemble des finances publiques. Au sein de ce séminaire, le Gouvernement va définir ce que sont les grandes orientations financières de la préparation du budget de l’année suivante. 

Ce séminaire gouvernemental (nouveauté au niveau formel de la nouvelle préparation en mode loi organique prévu par lettre circulaire du Premier Ministre du 21 janvier 2005) d’une journée débouche sur la pratique ancienne des lettres de cadrage. La circulaire du Premier Ministre du 21 janvier 2005 précise les modalités de préparation du PLF. Les lettres de cadrage sont adressées par le Premier Ministre aux ministres et constituent un cadre financier concourant à délimiter les modalités de préparation du budget. On y trouve par ex. des informations relatives à l’augmentation prévue des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’investissement. On précisera dans ces lettres de cadrage l’augmentation ou la constance des dépenses de personnel. Il y a la volonté de mainmise du pouvoir politique sur la préparation du budget par les administrations. Cette lettre de cadrage est reçue par le ministre qui va répercuter cette lettre de cadrage à chacun des programmes concernés par sa politique publique. 

   La préparation des budgets au sein des administrations :  

 Il s’agit bien pour chaque administration de tenter de définir ses besoins, d’évaluer l’enveloppe qui lui est nécessaire pour mener sa tâche. On retrouve l’idée d’unité opérationnelle. Chaque UO, à partir de septembre, commence à évaluer ce que seront ses besoins au niveau de l’année suivante. Le procédé reste figé, sclérosé ! Chaque UO commence à envisager ce que sont ses besoins. On peut préciser ici qu’il est rare qu’une UO prévoit des baisses de crédit. Chaque UO commence à établir ses besoins, avec son responsable de BOP et va tenter de définir au sein du BOP un budget prévisionnel. On voit bien qu’il y a un moment très important : la rencontre entre la lettre de cadrage et la centralisation des BOP au niveau du programme. Elle se fait progressivement et intègre les lettres de cadrage. À partir de là s’établir un dialogue financier entre les responsables de programme, les responsables de BOP et les responsables d’UO. On assiste ici aux premières décisions, de type politique en ce qu’elle définissent bien l’action publique, mais qui sont prises par les administrations au niveau des BOP et des programmes. Ici, on note que le responsable de programme est généralement un directeur d’administration centrale, donc un agent technique, et qu’évidemment il devra demander au ministre de trancher quand il a des difficultés à faire entrer tous ces BOP dans son programme. Ces choix sont opérés par le responsable du programme, plus généralement par le responsable de programme sous la direction du ministre.  

  Les « perspectives » du Ministère du Budget En ce qui concerne la préparation de leur budget par les administrations, elle est définie par un cloisonnement vertical, dans le cadre d’une politique publique déterminée. Politique publique Mission Programme Programme BOP BOP BOP BOP BOP BOP Cloisonnement vertical du budget Chacun est conduit à s’intéresser à son travail. Parallèlement, la Direction du Budget a pour travail d’opérer une approche dite horizontale du budget. La Direction du Budget a pour mission de rapprocher les budgets des différentes missions et de faire coïncider la somme des différentes missions avec le cadre macroéconomique défini dans les lettres de cadrage. En préparant verticalement, on perd le lien avec ce qui se passe à côté, et on prend le risque que chaque ministre (en se ménageant des marges de manoeuvre) que chacun grapille de l’argent publique : le déficit public augmente. Or, la lettre de cadrage a non seulement déterminé des enveloppes de dépenses, mais aussi une idée du déficit tolérable. La lettre de cadrage précise que le déficit restera constant. On qualifie ce rôle d’approche horizontale du budget. La Direction du Budget va bien préparer de son côté ce que l’on appelle des perspectives budgétaires (horizontalement) :  

– D’un côté, la Direction du Budget entre en contact avec les administrations, pour sonder les besoins des responsables de programme, de BOP…  

– De l’autre côté, elle entre en contact avec les experts financiers du Ministère des Finances,  

* la Direction de la prévision ayant pour but de déterminer le cadre [macroéconomique] de l’évolution économique (inflation, croissance mondiale, cours du pétrole…),  

* puis la Direction Générale des Impôts qui va évaluer le montant des recettes au regard des prévisions économiques. 

   La Direction du Budget évalue les recettes et les dépenses avec pour objectif de ne pas dépasser le déficit : elle prépare en réalité l’article d’équilibre. Il compose le socle élémentaire du budget de l’Etat. 

2) Des conférences budgétaires aux réunions de budgétisation 

 Les responsables de programme ont préparés leurs budgets prévisionnels de programme, et en face de ces responsables de programme, on trouve la Direction du Budget (qui a préparé un budget prévisionnel de l’Etat) : à partir de là, d’intenses négociations débutent. Elles ont lieu dans un cadre très particulier que l’on appelait les conférences budgétaires (au printemps et à la fin de l’hiver). Elles permettent bien d’organiser formellement des rencontres entre les responsables de programme et les agents de la Direction du Budget qui sont eux-mêmes responsables de ces programmes au sein de la Direction du Budget (ex. le directeur général des routes, et des agents de la Direction Générale du Budget qui suivent ces tâches pour le compte de la Direction du Budget). Au cours de ces conférences budgétaires, chaque responsable de programme va justifier de ses crédits face à une Direction du Budget qui tente de les prendre en défaut pour faire baisser ces crédits, et trouver des marges de manoeuvre financières. Le ministère de la justice verse des aides aux CARPA (mouvements de fonds des avocats), ces subventions étaient telles que ces caisses étaient à la tête d’une grosse trésorerie. Ils ont diminué dans le temps. C’est un travail en conférence budgétaire de faire pour la Direction du Budget prendre conscience au ministère de la justice de ce que leurs besoins ne sont pas forcément mobilisés aux bons endroits. Ces conférences budgétaires ont changé de nom, et on parle maintenant de réunion de budgétisation (circulaire du 21 janvier 2005 a changé ce nom). Ces réunions de budgétisation manifestent le pouvoir de transaction de l’Administration. Dans les années 1960, pour l’Administration, un bon budget est un document préparé, finalisé, à l’issue des conférences budgétaires. Autrement dit, pour les responsables d’administration de l’époque, un bon budget est un budget négocié entre administrateurs. La seule contrainte est macroéconomique : les lettres de cadrage. Autant cette approche du bon budget était viable dans les années 50, 60, 70 dans le cadre des Trente Glorieuses, parce que la croissance était telle qu’il s’agissait de répartir des augmentations de crédits. La contrainte financière n’était pas forte. Il était loisible de répartir cette croissance entre les ministères qui s’en satisfaisaient. À partir des années 1980, la crise économique s’installe, et la contrainte financière sur le budget devient plus forte. Il va donc falloir au mieux stabiliser les budgets, au pire les amputer. C’est ici que le pouvoir administratif trouve ses limites. Autant l’Administration peut se mettre d’accord sur une augmentation, autant il lui est difficile de se mettre d’accord sur des diminutions.  

B)   La finalisation du PLF au niveau du Gouvernement 

On comprend ici qu’on en est au stade où les réunions de budgétisation ont donné lieu à la rédaction de documents que l’on appelle des documents de restitution. Ces documents sont remis au Gouvernement qui va devoir trancher. On comprend bien que la décision est typiquement politique : – Elle est politique au sens organique : la décision est prise par un être politique (ministre, et surtout PM), – Elle est politique au sens matériel, car il s’agit de décider si oui ou non on mettre en œuvre des politiques publiques (et d’opérer des choix entre les politiques publiques). On se situe dans le cas où les dossiers de restitution n’ont jamais abouti à un accord. 

1) Les arbitrages ou réunions de restitution 

 Les projets de budget sont donc inclus au niveau des programmes sont donc intégrés aux dossiers de restitution. Des sous projets de performance sont adjoints au documents de restitutions. Les responsables de programmes ne cadrent jamais avec le contenu des lettres de cadrage. Les besoins sont supérieurs à la lettre de cadrage, et il faut arbitrer. On en est au stade où le ministre refuse d’arbitrer : il estime que les routes et l’aviation civile expriment des besoins raisonnables et qu’il faut leur donner satisfaction. Face à cette demande de besoin, la Direction du Budget met en avant ce que l’on appelle une menace (c’est-à-dire une menace sur l’article d’équilibre). Il faut augmenter le déficit dans ce cas. L’ensemble des besoins exprimés fait peser un risque sur le déficit. On demande au Premier Ministre d’arbitrer : il devra choisir entre augmenter le déficit, et augmenter les crédits des ministères (ex. choisir entre construire un tribunal et une prison). L’administration a-t-elle une chance d’arriver au terme du conflit. Au début des années 1990, le ministère de l’équipement présente 2 chantiers de travaux souterrains à Paris. D’un côté, la RATP prévoit la création de la ligne dite Meteor (14), et de l’autre côté, la SNCF prévoit l’extension de la ligne E du RER dite Eole. Il faut choisir entre les 2. Le ministre a été incapable de trancher, car il s’agissait de trancher entre 2 établissements publics aussi puissants l’un que l’autre. Le ministre incapable de trancher est remonté à l’arbitrage du Premier Ministre (Rocard). Rocard a tranché, et les 2 chantiers ont été faits. Aller à l’arbitrage n’est pas toujours au détriment des ministères dépensiers. Il y a un problème de terminologie. Jusqu’à maintenant, ces arbitrages étaient appelés arbitrages pour faire référence au fait que les Administrations n’étaient pas d’accords entre elles. En parlant de réunions de restitution, on fait référence à la restitution des crédits. 

2) Les lettres de plafond 

 Au cours de ces réunions de restitution, le Gouvernement va trancher : il arbitre. Les administrations, averties de ces arbitrages, vont intégrer rapidement la décision politique dans leurs enveloppes, leurs projets de budget. Puis, cela est retransmis aux services de Bercy, informant le PM. Au début de l’été, le Premier Ministre fait parvenir à chacun des ministres/chacun des responsables des missions, ce que l’on appelle une lettre plafond. Cette lettre plafond concerne au sens large les orientations de la politique budgétaire. Elle arrête définitivement les grandes masses des différents budgets, en distinguant les autorisations d’engagement et les crédits de payement. Cette distinction autorisations d’engagement/crédits de payement s’effectue au sein de la nomenclature de la loi organique, c’est-à-dire au sein des missions et des programmes. En juin, le budget est réglé au niveau gouvernemental. Mais, là-dessus, il y a toujours un responsable de mission qui n’a pas obtenu satisfaction. En fonction de son influence, il peut essayer un surarbitrage du PR (procédure officieuse). Pratiquement, en août, le PR rappelle aux Français que « la justice est une priorité nationale », ce qui veut dire aux gens de la direction du budget de revoir le budget du ministère de la justice. Tout le monde se défend de ce surbitrage, car le ministre reste dans le cadre de la politique définie par le Gouvernement. Il n’est pas régulier de la part d’un ministre de doubler le Premier Ministre pour se faire accorder des crédits par le PR. Le Premier Ministre explique qu’il n’y en a pas, car il dit qu’il a la main sur la politique de la Nation. Les lettres de fond constituent le cadre politique dans lequel il va falloir faire entrer ou maintenir les bleus, c’est-à-dire le budget de chacun des programmes. Ces lettres sont la décision politique venant encadrer les bleus. À partir de là, les responsables des programmes connaissent les montants qui vont leur être attribués et vont finaliser leur budget, c’est-à-dire qu’ils vont à la marge, finaliser cette ventilation des crédits de leurs programmes en actions. Tout ceci s’opère au sein de réunions de répartition. À l’issue de ces réunions de répartition, on a des bleus budgétaires par programmes, qui sont finalisés. Puisqu’on dispose de l’ensemble des documents budgétaires, on peut saisir l’Assemblée, mais on transmet au CE au préalable pour avis les différentes dispositions allant constituer le Projet de Loi de Finances (PLF). On ne lui transmet pas les bleus, mais les dispositions juridiques (fiscales, relatives au contrôle du budget…). 

 Le CE a prononcé son avis sur la légalité, puis le Conseil Constitutionnel va étudier la constitutionnalité. Le PLF est prêt mi septembre. Il va être déposé sur le bureau du président de l’Assemblée Nationale. 

§ 2 : L’intervention du Parlement 

 Au niveau financier, la loi de finances est l’enjeu majeur des parlementaires. Le texte doit être voté par le Parlement. On trouve ici une limite entre le Droit constitutionnel et les finances publiques. L’article 28 de la Constitution du 4 oct. 1958 organise une session unique (modification en 95), au cours de laquelle AN et Sénat se réunissent de plein droit. Les 2 chambres débattent le PLF, l’amendent éventuellement, et enfin le votent. Il n’existe pas qu’un unique vote de la loi de finances. L’ensemble de la procédure devant le Parlement fait intervenir plus d’une centaine de votes différents, en commission et en session. À un moment, on aura un vote sur l’ensemble du PLF. Le PLF constitue un texte majeur, mais pourtant sous la V République, le débat budgétaire ne suscite pas l’enthousiasme. Edgar Faure dit que pour qualifier le budget, on peut parler de « litanie [énumération longue et ennuyeuse], léthargie [sommeil profond, anormal], et liturgie [ensemble de règles fixant le culte] ». C’est la règle des 3 L. Il désigne bien cette procédure budgétaire qui est quasiment cultuelle dans son esprit, qui repose sur un mythe, longue et ennuyeuse, et qui endort les parlementaires. On a ici un paradoxe : face à un axe financier majeur devant susciter l’intérêt du Parlement, on ne trouve pas d’intérêt. Sous les III et IV Républiques, la discussion du budget était le temps fort de la vie politique. Les orateurs les plus brillants se succédaient à la tribune, les débats étaient passionnés, les amendements étaient pertinents, et la vigueur démocratique présentait juste un inconvénient : les budgets n’étaient pas toujours adoptés le 31 décembre, tant la discussion était passionnée. Les pratiques : – La première pratique a consisté certaines années, à bloquer l’horloge de l’Assemblée Nationale le 31 décembre. On sent qu’un consensus va s’établir. Pour ne pas refreiner la vigueur démocratique, une main discrète allait bloquer l’horloge. Le budget était adopté à 4h du matin, mais à 23h30 juridiquement. – De temps en temps, le budget n’était pas à portée, le Parlement n’était pas mûr pour soutenir le Gouvernement, et on recourait à des expédients budgétaires : il est de 2 types. * Recouvrer les impôts. * Le Parlement autorisait le Gouvernement à engager des dépenses à hauteur du douzième du budget de l’exercice précédent pour le mois de janvier. C’est une loi des douzièmes.  Deuxième caractéristique de cette vigueur parlementaire : les Gouvernements tombent à ce moment là. C’est une discussion à très haut risque. Les gouvernements de coalition présentent leur PLF. Si l’opposition des parlementaires se manifeste un peu trop fortement à l’égard de ce budget, le Gouvernement présente sa démission. Du coup, du débat budgétaire, on passe à un débat politique, et le Parlement doit renommer un Conseil des Ministres, et donc consacre l’automne à des discussions politiques plutôt qu’à des discussions financières. Le budget ne sera pas adopté le 31 décembre. On aura recours aux douzièmes… Cette vigueur du débat parlementaire sous les III et IV République n’était pas satisfaisante pour des financiers. On a donc opéré une rationalisation du parlementarisme, lorsqu’on a institué la Veme République. Cette rationalisation a permis de fortifier, ou d’asseoir le place du Gouvernement face au Parlement, mais cette rationalisation a encadré très fortement la procédure budgétaire, pour faire en sorte que notre budget, notre PLF ait été discuté, délibéré et voté avant le 31 décembre, quelque soit les répercussions devant le Parlement. Les problématiques susceptibles d’intervenir sont de 2 types : d’un côté, on a l’expression de la démocratie financière faisant intervenir l’article 14 de la DDHC, mais aussi le problème crucial de la continuité de l’Etat. Une mise en balance doit être opérée lorsqu’on se pose ces questions d’encadrement de la procédure budgétaire.  

A)   Le déroulement de la procédure budgétaire devant le Parlement 

Tout découle de l’article 47 de la Constitution. Cet art. vient encadrer très précisément cette procédure. Cet encadrement fait intervenir 2 données majeures : – Les délais sont très précis, – L’urgence est de droit. 

   Les délais encadrant la délibération :  

 Globalement, on est bien confronté à un délai de 70 jours. Le budget doit être discuté, amendé, délibéré dans ce délai. Dans la mesure où on précise ce délai de 70 jours, avant le 31 décembre. Le délai de 70 part du 1er mardi d’octobre. Au pire, le budget est déposé le 1er mardi d’octobre, et sera adopté le 16/12, 70 jours plus tard. Cela découle de l’article 39 de la loi organique, auquel l’article 47 de la Constitution renvoie expressément. Cette rationalisation de la procédure est un fait constitutionnel, précisé par la loi organique. l’Assemblée Nationale dispose de 40 jours, le Sénat de 20 jours. Il y a 10 jours accordés à l’accord des 2 chambres. Ces différents délais sont susceptibles d’être interprétés lâchement. Le Conseil Constitutionnel a interprété lâchement ces 70 jours. Dès les premières lois de finances (pour 61 et pour 62), l’adoption a été formalisée le 71ème jour. Le Conseil Constitutionnel a admis dès le début que le délai formait un cadre qui devait permettre d’exercer un contrôle parlementaire du budget. L’essentiel étant de faire adopter ce budget avant le 31 décembre. Le Gouvernement dépose de manière anticipée le PLF sur le bureau du président de l’Assemblée Nationale. Le texte prévoit au plus tard le 1er mardi d’octobre. On observe que le PLF est généralement déposé aux alentours du 15 septembre. Le Conseil des Ministres présente le texte, à l’issue du Conseil des Ministres de rentrée. Cette marge de manoeuvre a mené à des contentieux : CC, 30 juillet 1986, a validé cette pratique du délai supplémentaire, en précisant que ce dépassement du délai ne doit pas avoir pour conséquence de réduire le délai imparti au Sénat. Si ces 70 jours sont interprétés de manière lâche, il faut faire en sorte que ça ne soit pas à l’avantage des parlementaires qui passeraient à 50 jours. Le texte même de la Constitution a prévu une possibilité de réduire le délai du Sénat à 15 jours. Comme la Constitution prévoit cette réduction, le Conseil Constitutionnel a cru bon de prévoir que cela ne signifiait pas que l’interprétation lâche des 70 jours devait se faire au détriment du Sénat. L’important, dans cette procédure et dans ces délais, consiste bien à maintenir la continuité de l’Etat, et cette possibilité de délibération par les représentants de la Nation. Ici encore, il a fallu organiser au-delà du délai une sanction. Cette sanction est politiquement très forte, et vient du fait qu’en gros : si une chambre ne respecte pas ses délais, le Gouvernement est susceptible de transmettre à l’autre chambre le texte qu’il a présenté ! Si les parlementaires dépassent le délai, c’est le PLF d’origine qui est transmis au Sénat. Si le Sénat ne respecte pas les délais, c’est le PLF avec les amendements des députés qui est adopté. La chambre qui ne respecte pas les délais perd son pouvoir d’amendement théoriquement. Cela reste théorique, dans la mesure où le Gouvernement peut reprendre à son compte certains amendements. Dans les délais, on a un encadrement très strict de l’intervention du Parlement. 

   L’examen du PLF :  

 L’examen du PLF se déroule en plusieurs phases. L’article 39 de la loi organique précise la manière dont se déroule le PLF au sein du Parlement. En ce qui concerne l’AN, on a tout d’abord un examen en commission. L’examen en commission est à distinguer selon qu’il s’agit de l’examen de la commission des finances ou dans les autres commissions permanentes. En commission des finances, on nomme un rapporteur général, qui va donc se prononcer sur l’ensemble du PLF. Le rapporteur général rédige donc un rapport en 3 tomes. Le tome 1er est consacré à l’analyse globale du budget. Le tome 2 est consacré à la 1ère partie du PLF. Le tome 3 est consacré logiquement à la 2ème partie du PLF. Le rapporteur général se focalise sur le texte de la loi de finances. Des rapporteurs spéciaux de la commission des finances examinent la loi de finances. La loi organique, art. 57, leur accorde des pouvoirs d’investigation sur pièce et sur place, ainsi qu’un droit de communication de tous les droits financiers. On a 34 rapporteurs spéciaux. Ils se penchent sur les bleus budgétaires, sur les crédits de chaque programme. Les rapporteurs spéciaux peuvent aller dans les ministères, ou au ministère des finances pour voir comment a été préparé le budget et de voir si certains ministères ont des besoins. Les rapporteurs spéciaux peuvent adresser au ministre des questions écrites avant le 10 juillet. La Cour des comptes rend son analyse sur le budget de l’année n–1 au mois de juin. Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances lisent dans ces rapports ce qui les concerne. Les rapporteurs spéciaux se prononcent par missions. Le rapporteur général se prononce par budget. En commission des finances, on propose des amendements. Il y a une cinquantaine d’heures qui est consacrée à l’étude du PLF à l’AN, et quasiment autant au niveau du Sénat. À côté de cette commission des finances, il existe des commissions permanentes. Les commissions permanentes vont désigner des rapporteurs pour avis, qui vont se prononcer sur les parties des missions qui les concernent. Une fois que les commissions se sont prononcées, le projet est renvoyé en séance, et en séance, la procédure est très particulière. On procède d’abord ici encore à une discussion générale. Au cours de cette discussion générale, le ministre des finances va intervenir, puis le rapporteur général de la commission des finances, puis les rapporteurs de chaque parti interviennent. On procède ensuite à une discussion article par article, des articles de la première partie. Le vote sera un vote d’ensemble sur la première partie du PLF. Ensuite, on aborde la 2ème partie, où l’on a les crédits des missions ainsi que des dispositions permanentes. On distingue dans la 2ème partie la discussion par mission, qui fera intervenir le rapporteur spécial, et les différents parlementaires (président de 68 groupes), et d’un autre côté les autres dispositions qui vont être discutées article par article. À la fin, on procède à un vote d’ensemble sur le projet de loi de finances. 

   La navette parlementaire :  

 L’article 40 de la loi organique prévoit que le PLF est examiné selon la procédure d’urgence. Cela signifie que la procédure d’urgence vient contraindre la navette parlementaire, et qui est prévue à l’article 45 de la constitution du 4 oct. 1958. Cette procédure permet au Premier Ministre de convoquer une commission mixte paritaire à l’issue de la première lecture. Cette commission mixte paritaire ayant pour but de trouver un accord entre les 2 chambres va tenter d’établir un compromis sur les dispositions restantes en discussion. Le Conseil Constitutionnel a précisé dans sa décision du 28 déc. 1976 pour une loi de finance rectificative que ces dispositions restantes en discussion sont celles qui n’ont pas été adoptées dans les 2 assemblées. La commission mixte paritaire va donc avoir à se prononcer en fait sur les amendements du Sénat et/ou les amendements AN qui auraient été rejetés par le Sénat. La commission mixte paritaire (CMP) dispose théoriquement de 10 jours, ce qui est assez rapide. Ici, – Soit la CMP arrive à un compromis et soumet au vote son texte aux 2 chambres. – Soit elle ne parvient pas à un compromis, et dans les 2 cas, (compromis ou pas) le dernier mot reviendra à l’Assemblée Nationale. À la fin du délai, si les parlementaires ne parviennent pas à s’accorder sur leurs amendements, le Premier Ministre saisira l’Assemblée Nationale. L’encadrement en termes de délai, et de recours à l’urgence, permet une mise en forme de la continuité de l’Etat. Tout cela assure que l’acte financier soit adopté avant le 31 décembre.  

B)   La mise en œuvre de la démocratie financière 

C’est l’autre point majeur concerné par l’intervention du Parlement. Cette mise en œuvre de la démocratie financière vise à répondre de l’impératif de l’article 14 de la DDHC. Cette mise en œuvre passe par plusieurs points.  

  La priorité accordée à l’Assemblée Nationale : Depuis la Restauration, on a un Parlement formalisé en 2 chambres (chambre des députés + Sénat). On retient qu’on a une chambre basse et une chambre haute. La mise en place du parlementarisme s’accompagne d’une priorité accordée à ce qui s’appelle à l’époque la chambre basse. On constate dès la charte constitutionnelle du 4 juin 1814, dont l’article 17 dispose « la proposition de la loi est portée au gré du Roi à la chambre des pères ou à celle des députés, excepté la loi de l’impôt qui doit être adressé d’abord à la chambre des députés », que la priorité est accordée à la chambre des députés en ce qui concerne la loi de l’impôt. 2 idées fondamentales : – la priorité à la chambre des députés, – et la notion de la loi de l’impôt. Pour expliquer cette loi, il faut dire que c’est la première forme du budget, de la loi de budget. Ensuite, en tant que juriste, il faut analyser cela en utilisant des normes juridiques. Il s’agit ici de la DDHC qui prescrit le consentement de l’impôt. Voilà comment naît le principe de l’autorisation budgétaire donnée aux parlementaires. Il y a un lien entre consentir l’impôt et voter le budget public. Le lien se fait instantanément : à l’époque loi de l’impôt = budget. Dès l’introduction du parlementarisme, la priorité financière donnée à l’AN, chambre représentant la Nation. Cette priorité se retrouve dans les constitutions successives dont celle de la V République, à l’article 39 (« Les projets de loi de finance et de financement de la Sécurité Sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée Nationale »).  

  L’article 39 constitue une transposition de l’article 14 de la DDHC.  

  Le fait que le PLF soit déposé en premier lieu devant l’AN, justifié du fait de son caractère représentatif, induit des conséquences en termes de délai. l’Assemblée Nationale dispose de 40 jours pour étudier, discuter, et voter le PLF, alors que le Sénat n’a que 20 jours. On pourrait analyser cette différence de délai comme une faveur, ou une marque, de la priorité de l’Assemblée Nationale. Sa primauté lui donnerait un délai double. On peut aussi penser qu’il s’agit de tenir compte du fait qu’à partir du moment où le PLF est en discussion devant l’AN, les documents budgétaires existent et son accessibles de fait à la chambre haute. On accorde donc 40 jours à l’Assemblée Nationale pour qu’elle dispose du temps d’analyse, sachant que pendant ces 40 jours, les membres de la commission des finances du Sénat commencent déjà à étudier le texte. Ils ont en fait 60 jours : 40 pour l’étude du PLF, et 20 pour l’étude du PLF avec ses amendements. 

   Le pouvoir d’amendement : 

 Le pouvoir d’amendement des parlementaires exprime un rapport entre les institutions. Ce droit accordé aux représentants de modifier un texte exprimé par l’exécutif exprime ce rapport et est régi par la Constitution. L’article 44 de la Constitution pose le principe de ce droit d’amendement : « les membres du Parlement et du Gouvernement ont le droit d’amendement ». Ils en disposent concourremment. Exception : art. 40 de la Constitution du 4 oct. 58. « (…) diminution des ressources publiques ou aggravation des charges publiques ». 

   La notion de recevabilité financière : elle implique le fait qu’au droit d’amendement, ce droit est soumis à des conditions. Il y a un contrôle de cette recevabilité. 

L’amendement est présenté en commission ou en séance, et il appartient au Président de la chambre (AN ou Sénat) d’apprécier souverainement la recevabilité de l’amendement. Si le président constate une irrecevabilité, l’amendement n’est même pas distribué. Le parlementaire a transmis par écrit sa proposition d’amendement, celle-ci est observée, n’est pas recevable ; puis le président dit que l’amendement n’est pas recevable. Personne ne connaît le contenu de l’amendement, et il n’y a aucune justification à fournir à cette recevabilité. La recevabilité est une sanction extrêmement efficace. 

   Sur le fond, les parlementaires ne peuvent pas aggraver une charge ou diminuer une ressource. 

Cela semble une restriction très forte au droit d’amendement. En théorie, tout ce que peuvent faire les parlementaires, c’est proposer de restreindre une dépense ou d’augmenter un impôt. Cette logique repose sur l’idée qu’il est nécessaire de mettre fin à la démagogie des parlementaires. Sous l’emprise de l’ordonnance de 1959, le régime des droits d’amendement s’est un peu précisé, et le Conseil Constitutionnel a validé la pratique dite des « compensations ». Elle implique d’un parlementaire peut proposer une hausse de dépenses s’il gage cette hausse sur une baisse d’un crédit dans une proportion égale. C’est la même chose en matière de recettes : on peut baisser d’un point la TVA, si on augmente une recette correspondant à un montant égal. Finalement, d’une pratique apparemment très stricte, on en arrive à une application moins stricte, puisqu’a priori, le pouvoir des parlementaires était restreint. Le gage nuance cela. On finit par déclarer recevables les amendements qui proposaient une baisse de recettes (taux de TVA par ex. sur la restauration) gagée sur une hausse équivalente d’une autre recette. L’obligation juridique du gage peut être l’augmentation de toute autre recette dans des proportions correspondantes : la hausse préconisée n’a pas à être individualisée. L’article 40 de la Constitution, repris dans l’ordonnance de 59, a été précisé par la loi organique de 2001, qui apporte 2 types de précisions supplémentaires : 70 – Art. 47 : il faut interpréter la notion de charge au niveau de la mission. Si une charge est une mission, on comprend que les parlementaires ne peuvent pas créer une mission (cf. art. 40 Constitution). Les missions sont de la création exclusive du Gouvernement : elles correspondent beaucoup à des ministères. C’est donc logique. – Art. 47 : on ne peut pas aggraver les dépenses d’une mission (lecture de l’article 40), ce qui signifie qu’un amendement ne peut pas augmenter le montant des crédits d’une mission, et que donc le pouvoir de compensation s’exprime au sein de la mission. Les parlementaires peuvent demander par amendement des mouvements financiers entre les programmes. Tant que les crédits de la mission restent constants ou baissent, les amendements parlementaires sont recevables. > L’idée est que la spécialisation politique de l’intervention parlementaire s’exprime sur les politiques publiques (une mission est une politique publique à l’intérieur de laquelle les parlementaires interviennent. Le montant global est fixé par le PLF, à l’intérieur des politiques publiques, les parlementaires sont susceptibles de réorienter les crédits). Dans le rapport de forces entre institutions, le schéma est très précis. Les politiques publiques sont encadrées par le Gouvernement. Les parlementaires peuvent redéfinir financièrement le contenu de ces politiques publiques, mais pas le périmètre. La loi organique a apporté un autre type de précision. 

   Les nouvelles formes du débat : Nouveauté de la loi organique de 2001. Jusqu’à maintenant, le Parlement faisait vraiment office de guiche, auquel les administrations venaient demander plus d’argent. C’est « l’effet guichet » (comme devant les administrations sociales). Cet effet se traduisait à travers un dispositif de l’ordonnance de 59, art. 33 : il consistait en la distinction entre les services votés et les mesures nouvelles. 

   Les services votés représentaient le minimum de dotation budgétaire que le Gouvernement jugeait indispensable pour poursuivre l’action des services publics, telles qu’ils existaient l’année précédente. Un ministère disposait des services votés : c’étaient ceux de l’Assemblée Nationale dernier. Le Parlement, en se prononçant à la fois sur les services votés et les mesures nouvelles avaient pris l’habitude d’accorder par un vote global l’ensemble des services votés, et le Parlement ne discutait donc réellement que des mesures nouvelles. Autant dire que le Parlement ne discutait réellement que d’une minorité des crédits contenus dans le budget. 98 ou 99% du budget était constitué des services votés, reconduits en bloc année après année. N N+1 N+2 100 100 + 10 de mesures nouvelles 110 C’est un élément de très forte rigidité financière. Sous la pression des commissions des finances, on a introduit la pratique dite des « mesures nouvelles négatives ». Elles permettaient bien de diminuer des crédits budgétaires, mais en les justifiant par une diminution du périmètre de l’action publique. Services votés = minimum du nécessaire pour poursuivre l’action. Revenir sur les services votés revient à diminuer l’action correspondante. 

   Cette pratique était jugée trop rigide par tout le monde. La loi organique de 2001 a abolit cette notion de services votés et de mesures nouvelles, et a introduit un nouveau principe appelé la négociation au premier €uro. Il n’y a plus de services votés. Les parlementaires sont susceptibles de proposer la suppression d’un programme. Cette justification au premier €uro entre dans le cadre du droit d’amendement très strictement. Les parlementaires peuvent proposer une baisse de charge. Cette négociation au premier €uro permet la suppression d’une charge. Plus certainement, elle permet de faire peser une très forte pression sur les responsables de programme. 

 Cette pression s’exprime au moment du débat en commission. Les responsables de programmes se présentent devant la commission des finances, et vont devoir justifier de l’emploi de leurs crédits. Cette justification, si elle n’est pas jugée convaincante par les députés, est susceptible de générer une baisse des crédits. On a commencé à voir l’expression de cette violence au cours du vote du dernier budget et de ce budget. Les débats ont été assez virulents en commission des finances, au cours desquels les commissions plaçaient les Administrations devant leurs difficultés. Ces demandes « impertinentes » à l’égard des directeurs des administrations centrales mènent les responsables de programme à comprendre qu’une baisse interviendra dans les crédits attribués par les parlementaires. Il y a à l’inverse une relative inéquité dans cette mesure, car si le responsable de programme justifie l’utilisation des crédits et leur insuffisance, les parlementaires ne pourront proposer une augmentation des crédits. Si les parlementaires ne peuvent le faire, c’est le Gouvernement qui s’en charge (il dispose du droit d’amendement). Le Gouvernement peut amender son propre texte et proposer une augmentation de dépense. Il s’agit là incontestablement d’une revalorisation du rôle du Parlement.  

SECTION 2 : L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCE 

La loi de finance de l’année, ou la loi de finance rectificative, une fois adoptée, doit être exécutée. Il s’agit là évidemment du pouvoir exécutif du Gouvernement que de mettre en œuvre un texte législatif. Entre ce qui concerne les LFA et les LFR, on a cette mise en œuvre. Auparavant, et cela concerne aussi la loi de règlement, et toutes les catégories de loi de finances prévues à l’article 1 de la loi organique, cette loi de finance est déférée selon la procédure de l’article 61 de la Constitution devant le Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel apprécie si les dispositions qu’elle contient sont conformes. Les conditions de la saisine ont été élargies en 1974, et depuis 1974, à de rares exceptions près, toutes les lois de finance (de l’année, rectificatives, de règlement) ont été déférées. Depuis une trentaine d’années, on dispose d’une Jurisprudence assez importante permettant de bien préciser ce que sont les significations de nos termes budgétaires. Une fois la saisine opérée, les lois de finances quelles qu’elles soient sont promulguées. À partir de là, elles sont appliquées. Ce qui a été voté, ce sont des dispositions techniques (barème de l’impôt sur le revenu, assiette…), mais au niveau budgétaire, ce sont bien des crédits ventilés en missions, programmes, actions à titre indicatif. C’est l’approche macrobudgétaire, c’est à- dire des masses non exploitables par l’Administration. Il va donc falloir préciser comment se répartit cette masse dans une nomenclature beaucoup plus fine. C’est le passage de cette nomenclature parlementaire à une nomenclature administrative, à travers les BOP et les UO. Juridiquement, cette ventilation s’opère par des décrets de répartition. 1/ Une fois le budget voté, le Gouvernement adopte ces décrets de répartition. 2/ Ensuite, les responsables de programme, de BOP, d’UO, pour la gestion financière d’un côté, et les ordonnateurs (primaires, secondaires, délégués) au sens large pour ce qui concerne les procédures juridiques, mettent en œuvre le budget. Cela passe par l’accomplissement d’actes juridiques : actes d’engagements, ordonnancements, paiements. Mais, nos engagements, paiements, ordonnancements, sont circonscrits dans le cadre des BOP et des UO. Il convient d’adapter ce cadre d’exécution aux nouvelles situations. Cela signifie que le pouvoir réglementaire doit être en mesure de pouvoir modifier les mouvements de crédits. Pourquoi ? Les conditions de l’exécution ont changé, et qu’il faut augmenter les crédits par ex. 72 On organise juridiquement la possibilité pour le Gouvernement de modifier l’édifice voté par le Parlement ! La dépense, c’est le Parlement, or c’est le Gouvernement qui la met en oeuvre. Les décrets de répartition : Sous la IV République, le régime d’assemblée était si abouti que les commissions des finances étaient omnipotentes et avaient tous les pouvoirs. Une des expressions paradoxales de cette grande puissance des commissions des finances passe par ces décrets de répartition. À l’époque, elles étaient si puissantes, qu’elles ont confié la répartition des crédits (c’est-à-dire une tâche jugée très technique) au Gouvernement ! Avant la IV République, c’était le Parlement lui-même qui répartissait les crédits. Le Gouvernement peut mettre ensuite en œuvre cette procédure très technique, puisqu’il ne s’agit dans le fond que de transcrire dans des comptes ce qui a été déjà décidé par le Parlement. Pourtant, le Parlement conserve le pouvoir de vérification de ces décrets de répartition, de ce travail administratif sans intérêt. Cependant, cela aurait dû revenir au CE. Les commissions des finances émettaient donc un avis conforme sur ces décrets. À partir de l’ordonnance de 1959, le Parlement a perdu cette possibilité de vérifier les décrets de répartition. Evidemment, ce n’est pas une perte sèche. Du coup, le Gouvernement agit en situation de compétence liée. Cela signifie que la répartition des crédits par décrets doit impérativement correspondre à ce qui a été présenté aux parlementaires dans les bleus budgétaires, et intégrer évidemment les amendements adoptés. La loi organique reprend cet impératif à son art. 44. Les décrets de répartition ont acquis de longue date une valeur juridique et ne peuvent être modifiés que dans des conditions prévues par la loi organique. missions LEGISLATIF PLF Loi de finance De l’année programmes Rectificative EXECUTIF BOP BOP UO UO UO UO UO Des décrets de répartition viennent répartir cela en BOP et en UO. La question vient à partir du moment où, en restant dans ces limites, du pouvoir d’adaptation de l’exécutif dans cet édifice financier. Concrètement, à partir du 1er janvier, s’opère un grand nombre de modifications au niveau des BOP, des programmes, des missions, des UO. Ces modifications représentent théoriquement une atteinte au consentement de l’impôt, tel qu’il est entendu en 1814, et à son extension qu’est la définition des dépenses publiques. On modifie en effet par le biais réglementaire un texte de la compétence législative. On modifie une politique publique votée par le Parlement. Il y a une question de redéfinition d’une politique publique du pouvoir du Parlement. Il faut distinguer selon la nature des mouvements de crédits opérés par le pouvoir exécutif : – Il y a des mouvements de crédits techniques, dont l’atteinte n’est pas insurmontable. – Il existe des mouvements de crédits typiquement politiques, venant redéfinir le contenu des politiques publiques. Ils constituent une atteinte plus compliquée à justifier.  

§ 1 : Les mouvements de crédits techniques 

Ils visent à dépasser la règle de la non affectation des recettes. Cette règle technique incomberait que toutes les recettes du budget général soient attribuées à un compte de budget général et permettent de financer l’ensemble des dépenses. Ici, on 73 constate que même dans le budget général, il existe des affectations de recettes. Ces affectations de recettes prennent principalement 2 formes. Ce sont : – Les fonds de concours – Les rétablissements de crédits. 

 A) Les fonds de concours 

 Définis à l’article 17, 2°) de la loi organique, c’est une pratique ancienne.   

  Les dons (du vivant) et legs (après la mort) : ce sont des mutations à titre gratuit, un transfert de propriété sans compensation. Historiquement, c’est important, car c’est ce qui justifie les fonds de concours. Cette technique naît de cette volonté d’opérer des dons et legs à l’Etat. Il s’agit de garantir aux donateurs du début du XIX siècle que les sommes versées à l’Etat serviront bien à financer un orphelinat et non à acheter des armes, que leur volonté sera respectée. Elle conduit à créer des fonds de concours, pour éviter que juridiquement unité de caisse aidant, les sommes entrent dans le budget général sans être affectées. Cela va prendre d’autres significations pratiques.  

  L’affectation des subventions : Au-delà des dons et legs, on a compris qu’il existait au niveau du phénomène financier des dépenses de transfert, entre personnes publiques, ou vers des personnes physiques. Elles manifestent le fait que plusieurs personnes publiques peuvent intervenir dans le financement d’une activité d’intérêt général. Ex. construction d’une autoroute -> compétence nationale du ministère de l’équipement, mais plusieurs intérêts -> intérêt national permettant un désenclavement, ou régional de régions interconnectées (tourisme, transport, commerce), ou départemental, voire local. Toute une série de collectivités territoriales peuvent être intéressées à la réalisation d’un investissement qui doit être financé. Depuis 1982 et la décentralisation, les différentes collectivités territoriales intéressées à la réalisation d’une politique publique, en particulier d’un investissement, peuvent le ou les financer. Le maître d’ouvrage au niveau financier sera l’Etat, et des financeurs (les collectivités territoriales). Budgétairement, les sommes qui vont quitter les budgets des collectivités territoriales seront des subventions (d’investissement pour l’autoroute, par ex.). L’inscription de ces subventions dans le budget de l’Etat passe par un fonds de concours. Ce fonds de concours constitue une recette affectée (au ministère de l’équipement, et plus particulièrement au programme allant prendre en charge financièrement la construction de l’autoroute). Ces fonds de concours sont affectés au budget considéré : il en existe de toutes sortes (investissement en provenance des collectivités territoriales, mais aussi de l’UE (cf. PAC est inscrite dans le budget de l’Etat sous forme de fonds de concours)). L’intérêt de ces fonds de concours consiste à figer juridiquement la nature de la dépense. Cet argent là ira bien à la construction de l’autoroute. Le pouvoir d’intervention du Gouvernement au sujet de la mise en œuvre d’une loi est bien le pouvoir réglementaire. Il s’agit pour les ministres et le Gouvernement de mettre en œuvre le Budget, en opérant des mouvements techniques. Certaines sommes, sont les subventions viennent abonder un budget qui n’est pas le budget d’origine (budget des collectivités territoriales, budget européen). Cette entrée ne constitue pas une recette, mais une subvention offrant la particularité d’être affectée. Or, en théorie, tout ce qui entre dans le budget de l’Etat entre au titre de ressource et vient abonder une caisse unique. Les sommes qui entrent dans le budget de l’Etat ne sont pas affectables à une dépense particulière. Or, il y a une nécessité impérieuse de le faire, sinon les gens ne vont pas donner. En ce qui concerne les subventions, c’est la même chose. Il y a un impératif de pouvoir opérer cette affectation.  

  L’affectation des « redevances » : ce fonds de concours correspond au remboursement des services rendus par l’Etat. Il ne s’agit pas d’indemniser de manière unilatérale une dépense de l’Etat (pour une collectivité territoriale par ex.). Il s’agit ici de rémunérer une activité qui devrait être prise en charge par une personne morale, mais qui en réalité est effectuée pour son compte par l’Etat. Ex. typique : le recouvrement des impôts locaux pour le compte des collectivités territoriales. À l’origine, les impôts locaux étaient des impôts d’Etat (« les 4 vieilles »). En 1917, avec l’introduction de 74 l’impôt sur le revenu, ces 4 vieilles ont été progressivement transférées vers les collectivités (aujourd’hui territoriales). En 1982, avec la décentralisation, on a complètement officialisé ce transfert de fiscalité. On a un impôt d’Etat géré par l’Etat, puis par les collectivités territoriales, et l’officialisation de ce transfert. On a cette idée que cette fiscalité est une ressource propre des collectivités territoriales. Une fois que l’on dispose d’une ressource, on doit la calculer, envoyer l’avis d’imposition au contribuable, mettre en œuvre le recouvrement et éventuellement le contentieux (lié aux difficultés de calcul…). Autant, une commune comme Paris est capable de disposer d’un service fiscal/comptable lui permettant d’assumer ces tâches, mais des communes plus petites ne peuvent faire cela. La fiscalité locale est difficile à mettre en œuvre pour une petite commune. Or, le ministère des finances dispose des compétences nécessaires, pour 2 raisons. Il a en charge cette gestion de la fiscalité locale, et s’agissant d’une administration financière, elle dispose sur l’ensemble du territoire national, d’un réseau d’agents comptables, d’un réseau d’agents de vérification, et il lui est possible de mettre en œuvre cette fiscalité, à moindres coûts. Mais, ce n’est pas parce que cette mise en œuvre s’effectue à moindre coût qu’elle n’a pas de coût : cela s’effectue pour le compte des collectivités territoriales. On estime que sur l’impôt prélevé, une partie sera reversée au ministère des finances (au programme « gestion financière de l’Etat », sous forme d’un fonds de concours). Ce n’est pas ici une subvention, cette somme est versée au titre de frais de recouvrement de la fiscalité locale. Juridiquement, c’est un fonds de concours, qui correspond à ces frais de recouvrement. Cf. avis d’imposition local (en bas, une dernière ligne indique « frais de recouvrement »). Techniquement, c’est l’Etat qui met en œuvre ce recouvrement. Budgétairement, ces sommes sont inscrites du programme qui les a pris en charge, et viennent abonder ce programme. Pourquoi mettre en œuvre ces techniques de fonds de concours, sachant que ces sommes ont toujours été au sein des caisses de l’Etat ? Il s’agit d’informer de manière complète le Parlement sur la réalité des mouvements financiers. Il y a une volonté de transparence et de sincérité, de ce qui est la réalité du mouvement financier. On comprend que cette technique permet bien de préciser non seulement le montant de ce transfert mais aussi sa nature (ex. 100 Millions d’€ d’investissement pour les autoroutes). Cette information complète constitue en outre une forme de contrainte sur le pouvoir réglementaire, puisque le pouvoir réglementaire ne peut pas intervenir sur l’affectation de ces crédits.  

C)   Les rétablissements de crédits 

« Rétablir » signifie qu’il y a eu un mouvement (le crédit a déjà été établi), et pour une raison technique (par opposition à politique), on souhaite rétablir ce crédit. Sur 1000, il reste 900, et l’on souhaite rétablir 100 pour bénéficier de ces 1000. Il faut se défaire de cette règle de non affectation des recettes. On voit quels sont les motifs qui permettent d’opérer ces rétablissements de crédits. Prévus à l’article 17 de la loi organique, on en trouve vraiment 2 types :  

  La correction d’erreurs comptables : Ce n’est pas au gestionnaire de programme de faire les frais d’une erreur comptable. Le comptable s’est trompé, n’a pas inscrit une erreur. Les dépenses inscrites viennent s’imputer sur les budgets du programme et les sommes ne sont plus disponibles. Lorsqu’une somme est inscrite, les sommes ne sont plus disponibles juridiquement. Le comptable s’est en fait trompé : il n’y a jamais eu de dépense, personne n’a été payé. L’ordonnateur voit son budget amputé de cette somme. En appliquant de manière trop stricte le principe de la non affectation des recettes, une fois que l’erreur a été fait, on voit la somme réinscrite dans le budget général. Le ministère en question perd cette somme de son crédit. Donc, en cas d’erreur comptable, les crédits seront rétablis dans leur programme d’origine. 75 La difficulté se présente quotidiennement, et particulièrement au niveau des crédits de personnel. La paye des personnels est évidemment automatisée, elle intervient en fin de mois, et c’est une procédure lourde et complexe (calcul des prix). La difficulté pratique vient de ce qu’on a à peu près 2 millions de fonctionnaires, qui sont des êtres humains (mort, déplacement, démission). Ces incidents de la vie peuvent tout à fait ne pas être intégrés instantanément dans le processus de paye des agents. L’unité opérationnelle se voit affectée d’une erreur. Lorsque le comptable se fera rembourser par la famille du défunt, les sommes perçues rentrent dans sa caisse, mais budgétairement c’est un rétablissement dans le budget du programme d’origine/ou l’unité opérationnelle.  

  La notion de cession entre services de l’Etat : on peut opérer une facturation entre personnes morales. Ici, au sein des services de l’Etat, entre administrations, il peut s’opérer des fournitures de biens ou des prestations de services. Le ministère des finances possède de nombreux immeubles dans le centre de Paris. Budgétairement, l’Administration d’origine en assume l’entretien. Or, ce n’est pas elle qui en bénéficie. Ici, on se demande comment cette Administration d’origine va pouvoir « facturer » cette prestation à l’Administration de destination (sachant qu’il s’agit d’une même personne morale). On opérera ici par la technique des rétablissements de crédits. Ce n’est pas un fonds de concours. On inscrira une recette dans le budget du ministère des finances. 

§ 2 : Des mouvements politiques 

Il existe une marge de manœuvre dans la mise en œuvre du budget, dont la nature est politique. Il s’agit bien ici de prendre des décisions d’arbitrer sur la dépense publique. Du coup, le type de problématique « dans quelle mesure le pouvoir réglementaire est-il autorisé à modifier le budget qui est pourtant l’oeuvre des parlementaires ? » prend toute son ampleur. Evidemment, on constate que s’agissant d’un acte législatif extrêmement important, ce pouvoir de modification réglementaire existe. Il est évidemment non seulement précisé, mais aussi encadré. Il faut le justifier. Il existe, parce que l’on comprend bien que la prévision ne peut pas intégrer tous les aléas. Cette notion d’aléa est extrêmement importante. Les recettes sont indicatives, mais les dépenses constituaient des plafonds que les ordonnateurs ne peuvent pas juridiquement dépasser. Or, ici la notion d’aléa prend tout son sens. Il peut s’avérer nécessaire en cours d’exécution de dépasser certains plafonds. Ce dépassement des plafonds pourra être justifié de plusieurs façons. Ce sont ces justifications qui vont conduire à différentes techniques ou à distinguer ces différentes techniques de mouvements politiques. Comment s’opèrent ces dépassements en cours d’exercice et en fin d’exercice.  

A) Les corrections en cours d’exercice 

  Globalisation des crédits : c’est un concept qui vient redéfinir ou préciser la notion de spécialité des crédits. Sous l’emprise de l’ordonnance de 1959, les crédits étaient spécialisés, par ministères, par titres, chapitres, articles. Dorénavant, les crédits sont spécialisés en missions et programmes. Ce nouveau niveau de spécialisation opère de fait une globalisation des crédits au niveau du programme. Alors qu’avant, les crédits étaient plus précisément détaillés/répartis. Au niveau du programme, on gère des centaines de millions d’€, là où avant au niveau du chapitre on ne gérait que des millions. C’est ce mouvement que l’on appelle la globalisation. À cette remarque purement physique de la globalisation des crédits, on attribue en outre un comportement financier. Ce comportement financier est cette fameuse fongibilité asymétrique. La fongibilité est la substitution des dépenses. Elle est asymétrique car de l’investissement peut être remplacé par du fonctionnement, mais les dépenses de personnel ne peuvent être augmentées. On a un mouvement typiquement politique au niveau budgétaire. Le gestionnaire de crédit, de part cette globalisation du 76 crédit et avec la fongibilité, bénéficie d’une marge de manoeuvre extrêmement importante en cours d’exercice. Au niveau du programme, en cours d’exercice, on est libre dans la limite de la symétrie. La justification du caractère asymétrique de la fongibilité vient de ce que le Parlement se prononce sur le maximum des emplois (cf. art. d’équilibre).  

  Les techniques juridiques qui permettent de dépasser la fongibilité : la question est de savoir si le pouvoir réglementaire d’intervention sur le budget se limite à la fongibilité asymétrique. Il est possible pour le pouvoir réglementaire de dépasser le fongibilité asymétrique. C’est un pouvoir qui date de la Restauration. Il s’exerce de deux manières :  

  Tout d’abord, il existe une technique appelée les virements de crédits. Ils s’opèrent par décrets. Ils sont prévus à l’article 12, 1°) de la loi organique. Ils permettent de modifier les crédits entre les programmes d’un même ministère. Par virement, on bouge les crédits d’investissement vers le programme « investissement », au sein d’un même ministère (pas forcément au sein d’une même mission). Mission Programme Programme Programme Pers. Fonc. Invest. Invest Même ministère Décret de virement – 2% du montant des crédits ouverts – Fongibilité asymétrique Le décret de virement apparaît comme une forme d’opposition au pouvoir d’amendement parlementaire. Les parlementaires, dans le cadre de la mission, décident par amendement. Ce qu’ils décident est susceptible d’être modifié par décret. Le Parlement est limité par mission. Le Gouvernement intervient dans le ministère ! Les décrets de virement sont limités à 2% du montant des crédits ouverts. Si le programme compte 100 millions, on ne peut bouger par décret de virement que 2 millions. On est aussi limité par la fongibilité asymétrique. On ne peut pas opérer un virement depuis les crédits investissement d’un programme pour aller vers les crédits fonctionnement d’un programme. Il faut procéder à l’information de la commission des finances à chaque virement effectué, avant l’adoption du décret. 

 Cela permet de réaffecter des sommes en cours d’année, au sein du même ministère. On est limité par l’origine administrative du crédit. Parfois, des crédits doivent être bougés, entre un ministère et un autre ministère. 

   Les décrets de transferts, prévus à l’article 12, 2°) de la loi organique. Ils permettent de mettre en œuvre par la voie réglementaire des mouvements entre les ministères différents. On peut aussi aller d’un ministère à un autre ministère par des transferts. La limite est le type de l’action. On ne peut pas refaire le budget ! Ex. une action de formation entreprise de manière conjointe par l’université et le min. de l’agriculture. Lorsque le min. doit être supprimé, on transfert les crédits vers l’université qui prend en charge l’action. Si administrativement, les souhaits du Parlement ne sont pas respectés, vraisemblablement l’intention du Parlement est respectée : c’est la même action qui est prise en charge. 

   Les décrets d’avance : le décret d’avance permettent d’anticiper une loi de finance. Il s’agit en cas d’urgence (et uniquement) de pouvoir anticiper une dotation en attendant une ratification ultérieure par le Parlement. On limite le montant d’ouverture de ces crédits à 1% des crédits inscrits en loi de finances de l’année. Si l’on rapporte cela au montant global de 300 milliard, la somme est considérable. 

 S’agissant d’une atteinte manifeste au pouvoir des parlementaires, il faudra informer les commissions des finances, mais surtout s’agissant d’une atteinte au pouvoir du Parlement (le Gouvernement décide la dépense), non seulement on limite ce mouvement dans son volume (1%), mais on impose au Gouvernement de gager cette dépense sur des annulations de crédits correspondant au montant d’avance dans la prochaine loi de finances. L’idée est qu’en cas d’urgence, il faut que le Gouvernement puisse réagir très rapidement par décret. Pour autant, il ne doit pas porter atteinte à l’article d’équilibre, et il doit donc rétablir cet équilibre au niveau de la loi de finances rectificative, qui viendra ratifier le décret d’avance. 

B) Les corrections en fin d’exercice 

 Il faut comprendre le contexte : en fin d’exercice budgétaire, l’ordonnateur peut décider de ne pas dépenser tous les crédits mis à sa disposition. Il peut décider de décaler dans le temps une dépense (on anticipe une baisse), mais on peut aussi décider d’annuler purement et simplement une dépense devenue sans objet. 

   Les reports de crédit : 

 C’est une possibilité ouverte à l’ordonnateur de décaler d’un exercice à un autre exercice l’engagement d’une dépense (ex. achat de matériel informatique). Ici, la procédure du report de crédit s’opère par arrêté conjoint du ministre des finances et du ministre intéressé. Le report de crédit n’est pas possible en matière de personnel. Il ne s’agit pas d’économiser l’année en cours pour disposer d’autres agents par la suite… Le report de crédit touche principalement les autorisations d’engagement. Ce sont les autorisations globales d’effectuer un programme complété annuellement par des crédits de payement. Maintenant, au niveau des crédits de payement, le report de crédit sera limité. Il s’agit d’éviter des effets de retenue d’une année pour dépenser plus par la suite. En fait, la contrainte la plus forte sur les reports de crédits vient bien de sa forme. À partir du moment où le report est effectué par arrêté conjoint du ministre concerné et du ministre des finances, le report se négocie. La contrainte est le fait qu’il faut une négociation entre ces 2 ministres. 

   Les annulations de crédit : 

 Le ministre des finances poursuit un objectif de maintenir le cadre strict de l’équilibre défini par l’article d’équilibre. Or, en fin d’année, le ministre des finances constate que les budgets ont été légèrement dépassés à droite et à gauche. Les demandes de report de crédit constituent des tentatives intéressantes. Le ministre des finances tente de substituer au report des crédits des annulations de crédit définis à l’article 14 de la loi organique. Les crédits devenus sans objet peuvent être annulés par décret (pris sur rapport du min. chargé des finances). Au mois de décembre, les gestionnaires viennent négocier, et le ministre des finances, disent que les crédits sont sans objet. Tout l’enjeu est de savoir s’il faut signer un arrêté conjoint, et s’il faut annuler les crédits. On va plafonner le cumul du montant susceptible d’être annulé : 1,5% des crédits ouverts. Une dernière précision : prévu à l’article 14 de la loi organique, une pratique appelée la « régulation budgétaire » consiste pour le ministère des finances à bloquer des crédits qui appartiennent pourtant juridiquement au programme. Le ministère des finances ne libère en début d’année que 95% des crédits qui ont été votés. En juin, le ministère des finances avertit les responsables de programmes qu’ils peuvent bénéficier de 97% des crédits votés. En septembre, les responsables sont avertis qu’ils disposent de 99% des crédits votés. Ce pourcentage conservé dans les caisses de l’Etat s’appelle la régulation budgétaire. En fin d’année, les montants sont officiellement annulés. C’est un décret d’annulation qui vient valider en fin d’année cette pratique de la régulation budgétaire. Pourquoi opérer une régulation budgétaire ? Il s’agit évidemment de maintenir le cadre de l’équilibre budgétaire et financier défini par l’article d’équilibre. Le budget initial détermine, autorise, prévoit. Le pouvoir réglementaire met en œuvre la loi de finances (barème de l’impôt, dispositions relatives à la privatisation d’une entreprise), et l’Administration met en œuvre le budget (met en œuvre les dépenses). Au-delà de l’enjeu qu’est l’autorisation parlementaire de la dépense, l’Administration peut justifier de devoir adapter le budget aux nouvelles circonstances. Cette adaptation peut être technique (décret de répartition, fonds de concours, rétablissement de crédit). L’Administration peut aussi avoir besoin d’adapter les politiques publiques, et le législateur organique et celui de 59 avait prévu des décrets de virement et d’avance, décrets correspondant à un cas particulier nécessitant l’information de la commission des finances. 

§ 3 : Les lois de finances rectificatives 

 Le budget a été déterminé fin décembre de l’année n-1. Le compte a été exécuté en partie durant l’année n, et modifié de fait. Des crédits ont été annulés, d’autres gelés (régulation budgétaire), il y a eu des décrets ayant opéré des mouvements de crédit. Il convient de constater que le compte ne correspond plus à ce qui a été prévu. Ici, la question posée est celle de la portée de l’autorisation préalable, face à ces différents mouvements de crédit ayant dénaturé le budget originel. Cette autorisation préalable n’est pas un impératif catégorique au sens logique. Pour autant, peut-on se défaire de cette autorisation préalable, sans recourir à un nouveau consentement parlementaire. C’est ici que la notion de loi de finances rectificative intervient. Art. 1 de la loi organique relative aux lois de finances : « Ont le caractère de lois de finances les lois de finances de l’année (LFA) et les lois de finances rectificatives (LFR) ». Cette art. opère une assimilation entre les LFA et les LFR. Ce sont des lois de finances (comme les lois de l’article 45 de la Constitution et les lois de réglements). Cette assimilation signifie bien que les LFA et les LFR à un niveau différent ont vocation à déterminer : l’une de manière préalable autorise à l’exercice, l’autre (LFR) autorise de manière préalable en cours d’exercice. Il s’agit bien pour la LFR d’opérer des modifications, de rectifier en cours d’exercice l’autorisation parlementaire. Ici, on doit garder en tête cette idée : est-ce que cette autorisation demeure ou ne demeure pas préalable ? 

 Les LFR interviennent dans 3 cas différents. 

A) L’influence des circonstances politiques : changements et modifications de majorité 

 Si gouverner, c’est dépenser, on comprend bien qu’un changement de majorité ou une modification de majorité (remaniement ministériel dans la même tendance politique) vont justifier un infléchissement des politiques publiques. Or, cet infléchissement ou ce changement de politiques publiques passe évidemment par un nouveau budget. L’idéal serait de préparer et de discuter un nouveau budget, mais cette tâche est trop longue. Au-delà de cette limite, l’incertitude politique serait telle que les administrations seraient paralysées. On procède plutôt par la voie d’une loi de finances rectificative (LFR), qui ne refait pas le budget mais le rectifie. Dans les 25 dernières années, en 86, 88, 93, 95, 97, 2002, tous les 4 ans, pour des raisons politiques, il faut rectifier le budget adopté de manière préalable. L’utilité politique de la LFR est indéniable. Il y a des infléchissements à travers des mesures législatives (nouveaux impôts, augmentation du taux de la TVA). En cours d’exercice, la LFR pose un nouvel acte politique majeur en droit budgétaire. La difficulté pratique à laquelle pourrait être confronté à un gouvernement au niveau des caisses vides. Dilapider la fortune publique à la veille des élections (allocations pour les agriculteurs, salaires augmentés pour les fonctionnaires). Ce clientélisme a été pris en charge par le ministère des finances, qui met en place une forme de régulation de la dépense publique que l’on appelle la régulation républicaine. Chaque année électorale, et s’agissant d’élections nationales, il s’agit de geler prorata temporis : Avril 2002 (élections) : on a 4 mois avec le 1er gouvernement, puis 8 mois avec le deuxième. La direction du budget fait adopter une régulation républicaine 1/3 et 2/3. Il sera possible d’engager 1/3 des crédits avant l’élection, et que la Direction du Budget demande aux services de conserver dans leurs budgets 2/3 des engagements de crédits pour après l’élection. Dans le même ordre d’idée, on trouve que les changements de gouvernement, les remaniements ministériels peuvent tout à fait justifier l’adoption d’une loi de finances rectificatives. 

B) Les changements de conjoncture économique 

 Politiquement, on maintient la stabilité, mais la conjoncture économique évolue favorablement ou défavorablement. À partir de là, c’est l’équilibre financier qui est obsolète. Cet équilibre est défini dans la loi de finances de l’année. Il convient donc, dans un souci de sincérité budgétaire, de redéfinir l’équilibre financier. Cela implique de faire adopter aux parlementaires un nouvel article d’équilibre. Soit qu’il s’agisse de prévoir ou d’autoriser un montant supérieur de recettes, soit qu’il s’agisse au contraire de manifester une baisse de recettes quasiment certaine. En cas d’augmentation de recettes (consommation des ménages repart, plus de TVA…), un phénomène de cagnotte fiscale est susceptible d’apparaître. Que faire de l’excédent ? L’article 34, 10°), de la loi organique, issu d’une modification du 12 juillet 2005 de la LO 2001 dispose que ces éventuels excédents de recettes peuvent être « affectés » dès la loi de finance de l’année. La loi de finances de l’année déterminera par avance à quoi serviront ces produits supplémentaires. On en trouve une expression dans les dernières lois de finances de l’années prévoyant que les excédents de TVA iront à la baisse de la dette publique, et que les excédents de TIPP à la marge de manœuvre financière. La LFR ne viendra dans le fond que valider des orientations déjà déterminées, prédéterminées en loi de finances de l’année. En ce qui concerne une révision à la baisse des prévisions de recettes, elle génère financièrement un besoin de financement. Ce besoin de financement, juridiquement, passera soit par la hausse en loi de finances du montant du déficit, soit par le fait de baisser le montant des dépenses. Les recettes en fin d’année ne permettent pas généralement de récupérer les marges de manoeuvres perdues en cours d’année. Ici, en cas de révision à la baisse des recettes, on est contraint juridiquement de ce qu’est cet équilibre financier. Lorsque la conjoncture économique évolue, le Gouvernement doit présenter une LFR aux parlementaires, dans un souci de sincérité, et pour rectifier. En cas de baisse ou de mauvaise conjoncture, le Gouvernement prévoit des annulations de crédits, d’où l’utilité de la régulation (95% en début d’année, 97%…). Historiquement, on parle de collectif budgétaire, car toutes les modifications apportées au budget originel étaient bien regroupées dans une loi unique regroupant l’ensemble des dispositions modificatives. 

C) Avaliser des modifications opérées par le Gouvernement 

 Ici, on est à la limite de la catégorie comportant les LFA et les LFR. Jusque là, on voit qu’il s’agit pour le Gouvernement de s’adapter aux nouvelles circonstances politiques ou économiques pour déterminer l’évolution du budget en cours d’exercice. Ici, on change radicalement d’option, il ne s’agit plus de déterminer pour l’avenir mais de prendre en considération pour le Gouvernement des modifications déjà opérées. Le compte (le budget) a changé. 

Officiellement, en ce qui concerne les décrets d’avance, il convient bien de les ratifier. C’est par le biais d’une LFR que l’on ratifie ces décrets, gagés par des annulations de crédits correspondantes. À côté des décrets d’avance, il existe des mouvements de crédit qui peuvent justifier une LFR. Ces mouvements de crédits étaient prévus par la régulation budgétaire auparavant, avant la LO 2001. Elle était beaucoup plus officieuse. Le ministère des finances, via la Direction du budget, générait en cours d’exécution des marges de manœuvres budgétaires, c’est-à-dire qu’elle gelait budgétairement un montant des crédits qui étaient pourtant juridiquement à la disposition des ordonnateurs. L’ordonnateur engageait les crédits, et tout d’un coup le contrôleur financier de la Direction du Budget en charge du ministère avertissait l’ordonnateur qu’il n’y avait plus de crédits. L’ordonnateur, inquiet, était face à la régulation budgétaire. Cette forme de régulation budgétaire a été à juste titre condamnée par les ministres, furieux de se faire interdire par un fonctionnaire de dépenser de l’argent mis à leur disposition par les parlementaires, mais la Cour des comptes a elle aussi critiqué cette manoeuvre. Un des plus virulents étant Pierre Joxe, 1er président de la Cour des Comptes, mais aussi longtemps ministre à l’intérieur. Cette régulation se manifestait évidemment à l’occasion des LFR. La mise en œuvre de la nouvelle régulation de l’article 14 de la LO limite les surprises, puisque le curseur remonte progressivement en cours d’année (95, 97, 98, 99%). Il n’est pas rare de voir une LFR en décembre venant fixer définitivement le curseur. Evidemment, fixer les plafonds au mois de décembre pose des problèmes pratiques. Comment faire pour dépenser ce reliquat entre le 15 et le 31 décembre ? On ouvre la possibilité d’engager les dépenses autorisées par une LFR en décembre durant la période complémentaire (période du 1er au 30 janvier, où l’on peut engager des dépenses de l’exercice précédent). La forme des LFR : elle est la même que les LFA (2 parties, un art. d’équilibre).  

SECTION 3 : LE CONTROLE DE L’EXECUTION BUDGETAIRE 

Il y a une obligation pour le pouvoir de procéder au contrôle de l’exécution d Budget. Cela implique 2 idées : – Il s’agit d’un côté de vérifier que juridiquement, ce qui a été prévu a été dépensé régulièrement : c’est le respect de l’ordre juridico-comptable, de la légalité autant que de la régularité des crédits. – Il s’agit aussi de vérifier que les gestionnaires de crédits, nos administrateurs, ont bien mis en œuvre les politiques publiques pour lesquelles on leur a donné de l’argent. Ex. 1. On vérifie que les dépenses de personnel ont bien payé du personnel (légalité [rémunération au taux légal défini par le statut de la fonction publique] & régularité [rémunération d’un enseignant en tant que maître de conférences et non un proche du président de l’université] de la dépense). 

 2. Le personnel a mis en œuvre une politique publique. Si les maîtres de conférences et les présidents ont invité à la grève, il y a une faillite à la mission du SP. Il convient de vérifier la dépense a bien servi son objet. Ce contrôle de l’exécution du budget s’opère en 2 temps : – Il s’agit d’établir un compte définitif. Cet établissement d’un compte définitif est une pratique très ancienne. Sous l’Ancien Régime, on opposait l’état de prévision (= budget prévisionnel) à ce que l’on appelait à l’époque l’état au vrai. Pour les financiers de l’Ancien Régime, il faut distinguer entre ce que devait être la prévision et ce qu’a été la réalité de la dépense. L’état au vrai correspond bien à un compte définitif. – Il faut ici encore accorder une valeur légale à ce compte et lui donner force de Loi. Il s’agit bien ici de clore juridiquement l’exercice budgétaire. On procède par le biais d’une loi de finances, d’un type particulier appelé la loi de règlement. 

§ 1 : Etablir le compte définitif de l’Etat 

 On a en parallèle 2 types de comptes : – Un compte de prévision et d’autorisation. – Des comptes d’exécution (les comptes des comptables). La difficulté vient de la mise en relation de ces 2 familles de comptes. D’un côté la prévision, de l’autre côté l’exécution. 

A) L’enchevêtrement des comptes 

 Depuis l’Ancien Régime, c’est la mission de l’administration des finances que de mettre en relation les comptes de prévisions et d’autorisation et les comptes de gestion des comptables. Pour cela, les budgets sont adaptés de temps en temps aux nouvelles réalités. Aujourd’hui, la forme est la LFR. Parallèlement, l’exécution s’opère en continu. Originellement, c’est l’ordonnance du 14 sept. 1822 qui distingue 3 types de comptabilité : – Une comptabilité législative, – Une comptabilité judiciaire, – Une comptabilité administrative. Grâce à cette comptabilité, on comprend l’enchevêtrement de la prévision et de la gestion. 

   La comptabilité administrative : elle désigne ce qui se passe organiquement au sein des administrations. L’ordonnance du 14 sept. 1822 distingue au sein des comptabilités administratives 3 types différents de comptabilité : – La comptabilité des ordonnateurs (leurs comptes, ce qui est à leur disposition), correspondant aux BOP, UO d’aujourd’hui. – La comptabilité des comptables (agents comptables de la DGI, du Trésor), comptabilisant des dépenses et des recettes. Ce sont bien les comptes d’exécution. Tout ceci est centralisé par le ministère des finances au sein du Compte Général des finances (anciennement en 1822), devenu Compte Général de l’Administration des Finances, puis aujourd’hui Compte Général de l’Etat. Il agrège les comptes des ordonnateurs et les comptes des comptables. Ordonnance du 14 sept. 1822 Comptabilité administrative Ordonnateurs – BOP Comptables Dépenses / Recettes – Compte général des finances – Compte général de l’Administration – Compte général de l’Etat 

   La comptabilité judiciaire : elle est tenue par la Cour des comptes. Il s’agit d’opérer un rapprochement entre le compte général de l’Etat et les comptes des différents comptables.  

  La comptabilité législative : à l’époque, c’est la loi de l’impôt qui devient loi de budget puis loi de finances. C’est bien aussi à l’époque la loi de comptes, qui deviendra la loi de règlement. La comptabilité judiciaire est transmise au pouvoir législatif, ce qui lui permet d’opérer le contrôle d’une partie très précise de la comptabilité administrative qu’est la comptabilité des ordonnateurs. 

B) La vérification des comptes 

 En France, on vérifie les comptes depuis très longtemps. Au XIV siècle, une ordonnance de Philippe V dit Le Long de 1318 atteste de l’existence d’un corps de contrôle. Ce corps de contrôle se réunit dans ce que l’on appelle à l’époque des chambres des comptes. Il a pour vocation de vérifier les comptes qui sont produits. Cette vérification des comptes produits est gravée dans le marbre de la DDHC, à l’article 15 qui sanctuarise ce droit de vérification des comptes de l’administration (au sens de l’action de gérer la fortune publique). La difficulté vient de ce que cette vérification des comptes implique 2 types de contrôles : 

   Le contrôle de la validité des comptes : leur régularité presque juridique. Est-ce bien inscrit à la bonne place ? 

   La Cour des comptes opère aussi un contrôle de la qualité de l’administration (de la gestion des personnes publiques). Les choses sont-elles bien gérées ? Tout cela est inscrit à l’article L 111-1 et 3 du Code des juridictions financières qui modifie la loi du 16 septembre 1807 créant la Cour des comptes. La Cour des comptes, en ce qui concerne l’Etat, a bien pour vocation de vérifier la régularité des inscriptions comptables. 

 La compétence de la Cour des comptes a été étendue. En 1807, il ne s’agissait que de vérifier les comptes de l’Etat. Progressivement, on a contrôlé aussi les comptes des établissements publics (apparaissant plus ou moins avec la Restauration), puis des organismes de sécurité sociale en 1950, puis des entreprises publiques en 1976. En ce qui concerne ces institutions, il s’agit d’un contrôle obligatoire. Annuellement, les comptes de ces institutions sont transmis à la Cour qui opère leur vérification. On a ici cette phase juridictionnelle. Au-delà de ces contrôles obligatoires, la Cour des comptes s’est vue attribuer des contrôles facultatifs de certains comptes. Elle vérifie de manière facultative l’ensemble des personnes juridiques qui manient, gèrent des fonds publics (contrôle obligatoire) ou parapublics. Fonds parapublics : cela peut désigner indirectement des sommes qui sont Comptabilité judiciaire Cour des comptes Comptabilité législative – Loi de l’impôt – Loi de comptes 

 gérées par des personnes privées comme par ex. des organismes privés dont la majorité du capital est détenue par des personnes publiques, comme des associations bénéficiant de concours financiers d’origine publique (ces concours seraient considérés comme des dépenses de transferts et inscrites comme des subventions dans les comptes publics), des organismes d’intérêt général (téléthon faisant appel à la générosité publique), les organismes bénéficiant de concours de l’UE… Au-delà de cette vérification de la Cour et des chambres régionales de comptes, la loi organique de 2001 a intégré dans son dispositif à l’article 27 une obligation de sincérité des enregistrements comptables. Il s’agit de dépasser la simple notion de régularité. La sincérité signifie 2 choses : – Le comptable qui inscrit un chiffre ne doit pas s’abriter derrière les pièces justificatives pour justifier de la régularité de son enregistrement. – Il doit, en plus, enregistrer de manière sincère, c’est-à-dire se poser la question de la qualité de l’écriture comptable. Autrement dit, est-ce qu’en inscrivant ce chiffre, le comptable n’est-il pas en train d’aller au-delà de la réalité qui lui est produite ? Ex. l’achat d’un bien d’occasion. La réalité comptable de l’inscription correspond-elle à la valeur de l’objet ? Ex. le conservatoire du littoral, un établissement public, a vocation à acheter les terrains se situant sur le littoral pour les protéger contre les spéculateurs. L’achat se fait au prix du marché. À partir du moment où le bien intègre l’établissement public, il ne vaut plus rien objectivement. Il n’est plus constructible, cessible, cela devient du domaine public verrouillé. Le comptable inscrit 1 million d’€ en comptabilité, mais le terrain ne vaut plus rien. Il y a un problème de sincérité : le compte est-il sincère quand on fait apparaître dans les comptes de l’Etat un terrain qui ne vaut objectivement rien. Faut-il inscrire la valeur d’acquisition ou la valeur de marché ? Querelle entre comptables. La loi organique introduit la notion de sincérité, et il incombe à la Cour des comptes de vérifier cette sincérité des inscriptions comptables. Une fois que la Cour a procédé à la vérification de la régularité, qu’elle a examiné la sincérité, elle opère un certification des comptes. Cette certification est inscrite à l’article 58-5 de la loi organique, et est produite en loi de règlement. Il n’y en a pas eu encore matériellement. Cette notion de certification, conjuguée à la notion de sincérité, rapproche considérablement l’approche comptable de l’Etat de celle des entreprises. Les entreprises sont soumises pour une partie d’entre elles à l’obligation de faire certifier la régularité et la sincérité de leurs comptes par le commissaire aux comptes, qui n’est pas le comptable de l’entreprise. Le comptable fait les comptes à la fin de l’année, puis les présente au commissaire aux comptes. Cette nouveauté sincérité + certification rapproche du régime des entreprises. 

§ 2 : Le règlement définitif du budget 

 Expression traduisant une approche comptable de l’acte budgétaire, la notion de règlement définitif du budget ne semblait s’intéresser historiquement qu’à la régularité du compte. Elle évolue vers une approche de la qualité de l’exécution du budget, qualité de sa gestion, qui semble maintenant enfin correspondre aux prescriptions de l’article 15 de la Déclaration. Une partie de la doctrine n’a vu jusqu’à maintenant que la régularité de l’exécution budgétaire, et semble découvrir avec la LO 2001 la qualité de la gestion budgétaire. Depuis que le budget est budget, le pouvoir s’est toujours intéressé à la qualité de sa gestion. La qualité de la gestion ne donnant pas lieu à du contentieux, elle est ignorée par les juristes… 

A) La loi de règlement 

   Objet et valeur juridique de la loi de règlement :  

 On construit la loi de règlement à partir du « compte général de l’Etat » (appellation depuis 2001, auparavant « compte général de l’administration des finances »). Ce compte rapproche la comptabilité administrative dans ses deux branches « ordonnateurs » et « comptables », et permet de comparer le budget et la réalité de son exécution. 

 À l’origine, cette loi de règlement s’appelle « loi de compte » (en 1816, il y a une loi de comptes par ex.). Pratiquement, il s’agit pour cette loi de finaliser un compte. Progressivement, au-delà de la finalisation, il va bien s’agir de procéder au règlement définitif de ce compte, et la loi de compte devient une loi de règlement. LA loi de règlement permet de clore définitivement les comptes des ordonnateurs. On a en effet un budget prévisionnel, qui s’exécute et est modifié (loi de finances rectificative), mais ces lois ne font que mettre les comptes à la disposition des ordonnateurs. On vient clore le compte de l’ordonnateur avec la loi de règlement. À la fin de l’année, on voit ce qu’il avait l’autorisation de faire. La loi de règlement qui est un compte de clôture possède une valeur juridique particulière (auparavant loi de compte), qui a naturellement intégré la catégorie des lois de finances. On en trouve la manifestation à l’article 1 de la loi organique, qui distingue dans les lois de finances d’un côté la loi de finances de l’année et la loi de finances rectificative, et d’un autre côté la loi de règlement (2ème catégorie de loi de finances). Les 3 lois de finances différentes constituent des lois de finances, car elles ont pour vocation d’intégrer le compte des ordonnateurs. Pour autant, on voit bien que la loi de finances de l’année détermine évidemment ce compte. On peut maintenir cette idée de détermination pour la loi de finances rectificative. Mais, la loi de règlement, en ce qui concerne la détermination, arrive en bout de course. Elle ne détermine pas vraiment les recettes et les dépenses de l’Etat, mais vient valider et clore rétrospectivement ces dépenses et ces recettes. 

 Pour autant, la valeur juridique de ces 3 lois est la même : ce sont toutes les 3 des lois de finances (= leur régime juridique est prévu par la loi organique). 

   La triple vocation de la loi de règlement : La loi organique, en son art. 37, se démarque très peu du dispositif de l’article 35 de l’ordonnance de 1959, en ce qui concerne les lois de règlement. Si on lit cet art. 37 en ne se focalisant que sur les verbes, on observe que la loi de règlement constate, et qu’elle ratifie. Il s’agit bien de sa vocation comptable. Elle ratifie des mouvements. Elle vient établir définitivement le compte de clôture. Mais, il existe une nouveauté de cette loi de règlement, intégrée par la LO 2001. La loi de règlement va venir attester de la volonté des parlementaires d’affecter le résultat comptable de l’exercice. Elle constate, ratifie et affecte. 

   Constater l’exécution budgétaire : la loi de règlement vient clore l’exercice budgétaire, c’est-à-dire qu’elle arrête les montants définitifs autant en recettes qu’en dépenses, mais aussi en ressources et en charges. À quoi cela peut-il servir d’établir a posteriori ces montants définitifs ? C’est pour informer le Parlement. Cela atteste à quel point la réalité de l’action publique appartient au Gouvernement et à l’Administration. Le Parlement, en tant que représentation démocratique a pour vocation de contrôler ce que font le Gouvernement et son Administration. La loi de règlement en est une manifestation des plus criantes. 

 Pendant des années, le Parlement s’est complètement désintéressé de la loi de règlement. Tout l’enjeu bien compris de la loi organique consiste à réintroduire cette loi de règlement et à lui donner enfin matériellement et effectivement la place qu’elle a théoriquement (= contrôler l’exécution). On constate et on informe de ce qui s’est réellement passé. On intègre ici une notion : celle de sincérité des comptes. Il ne s’agit plus de la sincérité de l’inscription comptable sur la façon d’inscrire les choses, mais de la sincérité objective que l’on rapproche du concept de transparence des comptes. C’est une transparence de l’exécution, de la réalité de l’action, à l’égard des parlementaires, passe par une sincérité objective. La loi de règlement dit ce qui s’est réellement passé à l’€uro près. Alors que les autres comptes ne sont que des comptes de prévision, la loi de règlement devient enfin un compte de réalité, avec une approche de sincérité. 

 La loi de règlement présente les résultats généraux de l’exécution budgétaire sous forme de tableaux. On reprend les tableaux de la loi de finances de l’année, mais on a ici les chiffres d’exécution. On peut détailler la réalité des différentes recettes, la réalité des différentes dépenses. Cette réalité sera regroupée selon l’approche comptable traditionnelle (budget de l’Etat distingué en budget général, budget annexe, comptes spéciaux du Trésor). Cette notion de sincérité de la loi de règlement recouvre 2 choses :

 – Elle vient de ce que les chiffres présentés sont le fruit de la réalité.

 – Ces chiffres ont été certifiés par la Cour des comptes. > Les chiffres sont doublement sincères en loi de règlement. 

   Une loi de ratification : Ici, c’est l’article 37, 4°), de la loi organique qui vient préciser que la loi de règlement ratifie les modifications. Cette ratification opérée pour les décrets d’avance (crédits ouverts par décret sous réserve d’une ratification par la loi de finances à venir, qui peut être la loi de règlement) s’intègre dans un processus connu, mais la loi de règlement vient surtout ouvrir les crédits nécessaires à la régularisation des dépassements. Ici, il s’agit de ratifier des dépassements. On ratifie une liberté prise par l’exécutif au regard de la lettre de la loi de finances précédente (rectificative ou de l’année). La loi de finances permet d’accorder une couverture juridique à des procédures financières jusque-là irrégulières. La loi de finances particulière dite loi de règlement vient combler ces dépassements. La loi de règlement a un rôle de ratification, qui est le même que celui d’une loi de finances rectificative (pouvant aussi régulariser un dépassement). 

   L’affectation du résultat comptable : c’est le dispositif de l’article 37, 3°), de la loi organique, qui dispose que la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice. La distinction entre le bilan et le compte de résultat vient de la comptabilité des entreprises. Cette distinction n’existe pas dans les comptes de l’Etat avant 2001. On ne parle que de comptes d’exercice avant 2001 correspondant plus ou moins au résultat. Le résultat est ce que l’on constate en fin d’année, et qui concerne la différence entre les ressources et les charges. Ce peut être un bénéfice ou un déficit. Il en va de même pour une entreprise (chiffre d’affaires, charges, avec un résultat soit bénéficiaire, soit déficitaire). La notion est en lien avec l’exercice. L’approche est extrêmement restrictive d’un point de vue comptable. Dans le fond, la réalité de ce qu’est l’Etat aujourd’hui (pareil pour une entreprise) provient d’une accumulation des comptes des différents exercices précédents. L’Etat, aujourd’hui, sur une approche comptable, c’est des fonctionnaires, des bâtiments, des voitures… L’amphithéâtre, s’il n’a pas été construit ou rénové une année, appartient toujours à l’Etat. Le bâtiment de Bercy a été construit en 89. Depuis 89, il n’est plus dans le compte de résultat (= ce qui se passe en 2006). L’Etat possède toujours ce bâtiment. La valeur comptable de ce bâtiment n’est pas inscrite dans le résultat, mais dans le bilan. > Le compte de résultat traduit ce qui se passe pour une année déterminée. > Le bilan reprend l’ensemble de ce qui s’est passé pour l’Etat. Dans le bilan, on trouve tout ce qui mérite encore une inscription comptable. Ex. le bâtiment de Bercy a été construit sur d’anciens terrains du ministère des finances. On a supprimé la valeur des anciens bâtiments détruits. Ex. Le véhicule acheté il y a 3 ans figure au bilan de l’Etat. Le véhicule mis à la casse ne figure plus au bilan de l’Etat. On demande à la loi de règlement de se prononcer sur l’apurement du compte de résultat, qui est transféré et inscrit dans le bilan de l’Etat. C’est la première fois que juridiquement, on distingue un bilan et un compte de résultat dans les comptes de l’Etat. Or, ici encore, on remarque que les entreprises tiennent un compte de résultat et un bilan depuis le XIX siècle. On constate cette attraction très forte de la comptabilité des entreprises qui vient contaminer la comptabilité de l’Etat. Dans le fond, une fois que ce parallèle entre la comptabilité de l’Etat et la comptabilité d’une entreprise est constaté, la loi de règlement fait en ce qui concerne l’affectation du résultat comptable du Parlement une Assemblée Générale des actionnaires ! À la clôture du compte général de l’entreprise, l’entreprise fait une AG. 

B) La performance de l’action publique 

 La performance de l’action publique est un thème qui semble nouveau. Cette évaluation de la performance est loin d’être une nouveauté.

La performance de l’action publique passe par 2 choses différentes : 

– D’abord, il convient bien d’évaluer l’efficacité de l’outil de l’Administration.

 – Cette évaluation passe aussi par l’évaluation de la qualité des décisions. 

   L’évaluation des Administrations : C’est une préoccupation très ancienne du pouvoir. On peut noter que dès son origine, l’inspection des finances avait pour but au-delà de la vérification de la régularité comptable, d’évaluer la gestion des Administrations, c’est-à-dire leur capacité à mettre en œuvre le budget. Le Parlement, déjà sous la Restauration, s’est intéressé à la qualité de l’Administration. Cela prend des formes très sommaires (ex. qualité des chantiers navals). Dans cette action de l’évaluation de la performance de l’Administration, le Parlement a cherché rapidement une expertise. Cette expertise a été recherchée auprès de la Cour des comptes. Elle est devenue très officiellement avec l’article 47 de la Constitution du 4 oct. 1958 l’assistant du Parlement et du Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances. Assister le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances, c’est la vérification comptable et aussi aller au-delà de cette simple vérification. Dès son origine (1807), la Cour rend un rapport annuel au Chef de l’Etat sur l’exécution du budget. En 1832, le Parlement obtient la communication de ce rapport, qui va devenir public. Ce rapport public annuel de la Cour des comptes analyse bien l’efficacité des administrations (ex. on dénonce les bretelles d’autoroute non terminées, les acquisitions immobilières qui ne servent à rien). La Cour des comptes se prononce sur la gestion de son budget par un ministère. Il est intéressant de constater que la loi organique 2001 renforce les relations entre le Parlement et la Cour, puisque la Cour doit maintenant communiquer au Parlement les constatations et observations qu’elle adressait préalablement uniquement aux ministres. Ces constatations et observations résultent du contrôle des comptes qu’elle effectue. La Cour observe que certains éléments ne tournent pas forcément très rond. Ces communications sont aussi transmises au Parlement. Par le biais des commissions des finances ou des commissions d’enquête, le Parlement peut demander à la Cour des enquêtes particulières sur la gestion de certains services. Tout cela concourt à établir un contrôle de la réalité de l’efficacité de l’Administration.  

  L’évaluation des décisions des ordonnateurs : L’ordonnateur est celui qui est capable d’engager juridiquement des sommes publiques. L’ordonnateur est limité par les fonds mis à sa disposition. Il n’a pas à les dépasser. Il faut bien distinguer quand on parle de l’évaluation de l’ordonnateur du type d’évaluation. Il y a : 

   Une évaluation de la régularité de l’action de l’ordonnateur : elle consiste à établir si oui ou non l’ordonnateur est resté dans le cadre des crédits mis à sa disposition. Le premier qui va être intéressé à établir cette régularité est le comptable. Le comptable engage sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur la régularité de la dépense ! Il est le premier rempart. Pour permettre à l’ordonnateur de ne pas être entravé par un fonctionnaire, on lui accorde le droit de réquisition (art. 8 du décret du 1962). Cela permet d’exonérer la responsabilité du comptable. C’est ensuite l’ordonnateur qui endosse la responsabilité de la régularité financière (il dépasse sciemment ses crédits). Les répercussions sont à l’origine une responsabilité civile, c’est-à-dire que l’ordonnateur doit payer sur son argent. Elle est illusoire s’agissant de millions voir de milliards d’€. On a introduit une responsabilité pénale, qui est la forfaiture, jugée par la Haute Cour. Cela semblait disproportionné, parce que tout d’un coup, un responsable d’administration passait devant la Haute Cour parce qu’il lui manquait des crédits pour régler ses factures.  

La loi du 25 sept. 1948 créé la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF).  

C’est un organe associé à la Cour des comptes, qui a pour mission de veiller à la régularité des dépenses des ordonnateurs. Sa composition est mixte : à la fois des membres de la Cour des comptes, et des membres du CE (3 et 3). La CDBF a été instituée pour permettre une forme de continuité du contrôle des comptes, car le contrôle du compte reposant dans un premier temps sur le contrôle du temps peut être annulé du simple fait de la réquisition du comptable. Il fallait assurer une reprise de la décharge de responsabilité du comptable. On a un compte que l’on contrôle, celui-ci n’est pas juste, on poursuit le responsable (comptable public), mais ce dernier est dans certains cas réquisitionné par l’ordonnateur (décret 29 déc. 1962). C’est une forme de responsabilité hiérarchique : le comptable agit sur ordre. C’est une soupape en terme de responsabilité budgétaire. La CDBF vient combler ce vide. 

Les justiciables de cette CDBF : sont passibles de la CDBF toutes les personnes qui participent à un acte de gestion. Cela veut dire : les ordonnateurs, mais aussi dans certains cas des comptables (qui sont gestionnaires). En revanche, il existe une exception : les membres du Gouvernement et les élus des collectivités locales (= la classe politique) ne sont pas passibles de la CDBF quand ils agissent dans le cadre de leurs fonctions. La loi du 29 janvier 1993 est venue ouvrir les cas de saisine de la CDBF en ce qui concerne les problèmes de corruption. Les élus locaux sont susceptibles de passer devant la CDBF lorsqu’ils ont réquisitionné un comptable en vue de se faire accorder un profit à eux ou à un tiers si le profit est injustifié. Ils ont passible de condamnation pour refus du paiement d’une astreinte à la collectivité : il s’agit du cas où l’ordonnateur refuse de mettre en œuvre une décision prononcée comme étant une astreinte. 

 Les infractions sanctionnées devant la CDBF :  

– Les cas d’engagement de dépenses irréguliers, c’est-à-dire les cas dans lesquels un ordonnateur décide d’engager une dépense sans respecter les règles du Code des marchés publics… 

 – Ce sont les cas d’imputation irrégulière : dépenser sur des crédits de personnel des sommes qui ne sont pas du personnel ; les dépassements de crédits (sauf pour les ministres) ; les engagements de dépense par une personne non habilité (un secrétaire engage une dépense sans délégation de signature, sans être ordonnateur secondaire). 

 Les exemptions :  

 Soumis à un pouvoir hiérarchique, les fonctionnaires peuvent s’abriter derrière un ordre écrit et préalable de leurs supérieurs. Pratiquement, au mois de décembre, lors du défaut d’évaluation des crédits, on attend la loi de finances rectificative, et il faut pourtant payer des factures. Le responsable de l’UO alerte sa hiérarchie, et le ministre envoie une lettre enjoignant au gestionnaire de crédit de payer en dépassement. Du coup, l’ordonnateur secondaire règle la facture : on l’envoie devant la CDBF, devant laquelle il montre l’autorisation : tout s’arrange. 

 Cette soupape est la possibilité de couvrir le ministre : elle entre dans le champ de la responsabilité politique, mais génère le risque de l’encombrement du parafeur du ministre (trieur des documents à signer par le ministre). 

Les sanctions peuvent paraître assez dérisoires : des amendes de quelques centaines d’€. Elles sont cependant publiées, et dans l’Administration, cette publication est considérée comme infamante. 

 La loi organique relative aux lois de finances tente d’introduire une responsabilité managériale. Cette responsabilité passe par l’intégration dans les bleus budgétaires des indicateurs de performance. Les ordonnateurs sont censés prévoir les objectifs de l’Administration. Une fois le budget exécuté, les administrations rendent compte de leurs actions, les rapports annuels de performance (RAP) sont présentés au Parlement qui va bien pouvoir théoriquement apprécier la qualité de la gestion. On constate une pratique nouvelle ici : les commissions parlementaires convoquent les gestionnaires de crédit et leur demandent de s’expliquer sur leurs résultats. Si le gestionnaire est convaincant, le Parlement accepte ; si le fonctionnaire n’est pas convaincant, le Parlement peut sanctionner : baisser les crédits serait absurde, mais le Parlement peut attirer l’attention du Gouvernement sur la mauvaise qualité de la gestion et espérer par-là que le mauvais gestionnaire de crédit sera écarté.  

D’ici quelques années, on verra si les mauvais gestionnaires de crédit sont écartés. Cela fait 2 siècles que l’on butte sur le problème de la sanction des ordonnateurs. Ce n’est pas un problème de l’Etat ou des collectivités territoriales, mais un problème lié à la bureaucratie. Dans le privé, pour un mauvais gestionnaire, il lui est accordé une porte de sortie honorable. Au niveau intermédiaire, le renvoi se fait sans golden parachute