Définition de l’œuvre et conditions de la protection

Définition et conditions de protection de l’œuvre protégée par le droit d’auteur?

Il porte sur l’œuvre elle-même, il s’agit d’une propriété incorporelle qui est l’œuvre de l’esprit. Pour qu’il existe un Droit d’auteur, il faut donc qu’il y ait une œuvre de l’esprit.

A :Définition de l’oeuvre

Dans une définition générale, l’œuvre est un travail, une activité et, par extension, le résultat de ce travail ou de cette activité. Au sens du Droit d’auteur, tout travail et tout produit du travail n’est pas une œuvre de l’esprit. La Cour de cassation a d’ailleurs apporté une affirmation à ce sujet avec l’arrêt Civ 1ére du 13/11/2008, “affaire Être et Avoir” : un professeur avait autorisé le fait que sa classe soit filmée sans rémunération en retour mais l’instituteur exigeait un Droit d’auteur sur ses cours. Pour la Cour de cassation, les propos filmés dans un documentaire ne sont pas en eux-mêmes l’objet d’un Droit d’auteur. En revanche, elle a estimé qu’en apposant le mot “paradis”, en lettres dorées, au dessus de la porte des toilettes de l’ancien dortoir des alcooliques d’un hôpital psychiatrique, l’artiste est bien l’auteur d’une œuvre protégée. Or, le photographe qui prend en photo cette œuvre porte atteinte au Droit d’auteur.

Le législateur n’a pas défini ce qu’était une œuvre de l’esprit ; l’article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ne le définit pas mais prévoit des exemples de ce qu’est l’œuvre de l’esprit.


Définition de l’œuvre protégé L’article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ne définit pas ce qu’est l’œuvre de l’esprit, mais l’article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que les dispositions du présent Code protègent les Droit d’auteur sur toutes les œuvres de l’esprit, quel qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou encore la destination. Certaines conditions doivent être remplies pour qualifier une œuvre d’esprit protégée.

B) Les conditions nécessaires de la protection de l’oeuvre

De prime abord, pour qu’une œuvre soit éligible à la protection du Droit d’auteur, l’œuvre doit être achevée ; c’est une condition de forme.

Ensuite, l’œuvre doit être originale ; c’est cette condition qui permet de distinguer ce qui est protégé de ce qui n’est pas protégé.


1) La forme de l’œuvre

L’œuvre doit être aboutie afin d’être protégée. Cette condition débouche sur le fait que l’on ne puisse copier une idée.

L’œuvre doit être aboutie afin d’être protégée. Cette condition débouche sur le fait que l’on ne puisse copier une idée.

Cette mise à l’écart des idées n’est pas formellement posée par le Code de la Propriété Intellectuelle ; c’est la jurisprudence qui l’a formulée dans un arrêt du 29 novembre 1960 rendu par la chambre commerciale. Cet arrêt visait à déterminer le sort des actions exercées par les auteurs d’un livre à l’encontre des éditeurs d’un autre livre dont ils prétendaient qu’ils avait repris leur idée.

En l’espèce, l’action exercée était une action en concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. A cette occasion, la Cour de cassation relève qu’un idée ou une méthode d’enseignement n’est pas susceptible en elle-même d’une appropriation privative. Autrement dit, il n’y pas de Droit d’auteur sur une idée mais il y a des moyens pour protéger une idée tout de même mais aucunement sur le fondement du Droit d’auteur.

=> Cet arrêt met en lumière le caractère inappropriable des idées. Un arrêt de 2003 rendu par première chambre civile a appliqué ce principe : la Cour de cassation a précisé que la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées et concepts mais uniquement la forme originale sous laquelle ils/elles sont exprimé(e)s.

Voici trois exemples de cette éviction du caractère appropriable d’une idée :

* aménagement d’un magasin : il ne peut être protégé par le Droit d’auteur (pas de Droit d’auteur = pas de contrefaçon

* règles d’un jeu-concours : c’est le cas d’action en contrefaçon exercée par l’ancienne rédactrice en chef de la rubrique beauté du magazine Marie-Claire car ce magazine avait organisé un jeu-concours en en poursuivant l’exploitation à l’initiative de cette rédactrice qui prétendait en être l’auteur => Or, les règles d’un concours, même si elles procèdent d’un choix arbitraire, ne peuvent pas, indépendamment de leur présentation originale, constituer en elles-mêmes une œuvre de l’esprit protégé par l’auteur.

* association de deux produits : exemple de l’association d’un parfum avec une peluche dans un coffret => Cour de cassation chambre commerciale 29 mars 2011 : la société Molinard ne peut prétendre avoir une protection de son idée d’associer dans un coffret une eau de parfum ou une senteur à une peluche. Le Code de la Propriété Intellectuelle prévoit à l’article L611-10 que les théories de science et les principes ne sont pas brevetables.

Certains auteurs se sont opposés aux règles exposées par la Cour de cassation mais soutiennent à l’inverse que les idées doivent être protégées par le Droit d’auteur ; la seule condition pour protéger une œuvre doit résider dans l’originalité : si une idée est originale elle doit être protégée par le Droit d’auteur car pour ces mêmes auteurs les idées ont déjà une valeur économique (existence d’un “marché des idées”).

En réalité, l’enjeu de la controverse est relativement limité car il existe des fondements de substitution permettant d’accorder des protections juridiques aux idées :

* L’action en concurrence déloyale : l’auteur en concurrence déloyale devra prouver l’existence d’une faute qui est le fait de s’être accaparé de manière déloyale l’idée formulée et que dans l’esprit du public un risque de confusion s’est installé en raison de la reprise de l’idée. L’ACD confère une protection moins grande que le Droit d’auteur.

* L’action en parasitisme : il s’agit de l’utilisation d’une valeur économique d’autrui, fruit d’un savoir-faire et d’un travail intellectuel, lorsque cette valeur n’est pas protégée par un droit spécifique. Pour la Cour de cassation, le parasitisme économique se définit comme étant l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Cette action en parasitisme est le prolongement de l’ACD car elle est fondée sur l’art 1382 également. Or, cette action peut intervenir y compris en présence de personnes non concurrentes sur un même marché. Par cette action, l’on peut obtenir une protection des idées alors même que le victime ne peut se prévaloir d’un droit privatif.

=> Par conséquent, le fait d’exclure la protection des idées du champ du Droit d’auteur, ne signifie pas que les idées ne peuvent pas faire l’objet de protection en droit ; cette protection est indirecte.


2) L’originalité de l’oeuvre
L’oeuvre doit être originale pour être protégée par le Droit d’auteur, on définit classiquement cette originalité comme étant l’expression de la personnalité de l’auteur. Une oeuvre est originale lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. C’est donc une notion subjective puisqu’elle suppose de déterminer l’apport de l’auteur par rapport aux oeuvres existantes. Elle se caractérise donc le plus souvent par l’expression d’un choix arbitraire dans la mesure ou l’oeuvre exprime le libre arbitre et le choix effectué par l’auteur.

3 exemples :

Est ce qu’un contacteur dont la face supérieure du capot présente un relief en forme de losange , est ce que ça exprime la personnalité de son auteur ? Non car d’après la cour de cassation cela n’exprime aucun effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, donc le capot ne peut pas être protégé. Arrêt du 9 mars 2010.

Est ce que de jolies ballerines portant une agréable semaine à picots , est ce original? Arrêt du 20 mars 2014 , la cour de cassation répond que l’ajout de semelles à picots s’inscrivant dans une tendance de la mode était insuffisant pour témoigner de l’empreinte de la personnalité de son auteur, donc pas de Droit d’auteur et donc pas de contrefaçon.

Le système de contrôle parental fondé sur une base de données. Principe du » rien sauf » pratiqué par une liste blanche et pas une liste noire. Cette liste blanche dénommée Guide Junior , la question était de savoir si cette liste d’adresses url était originale et par conséquent protégée? Réponse de la cour de cassation, OUI car ça reflétait des choix éditoriaux tout à fait personnels opérés au regard de la conformité des contenus donc Droit d’auteur qui est l’admission d’une action en contrefaçon a l’encontre de la société qui avait repris une grande partie des adresses figurant dans la base de données originales. Arrêt du 13 mai 2014.

Les juges du fond vont souverainement apprécier l’originalité. La cour de cassation contrôle la motivation de la cour d’appel et la définition de l’originalité.

Le critère de l’originalité permet d’opérer une distinction et de mettre à l’écart un certain nombre de créations intellectuelles, c’est le cas des copies mais aussi des créations reprenant des éléments du fond commun ainsi que des créations qui sont la simple expression d’un savoir-faire.

a) Les copies
L’originalité suppose que l’œuvre se distingue de celle qui la précède, celui qui reproduit une œuvre pré-existante ne peut être considéré comme un auteur. Il va porter atteinte à un droit d’autrui. Un copieur n’est pas forcément un contrefacteur car dès lors que l’œuvre n’est plus protégée par le Droit d’auteur on peut la copier , elle est de domaine public, il n’y aura pas de contrefaçon mais néanmoins pas de nouveau Droit d’auteur accordé au copiste.

Parfois hypothèses d’oeuvres dont on ne sais pas si elles sont des copies ou des originales, c’est le cas d’une oeuvre qui emprunte et détourne certaines scènes d’un autre roman par exemple. La cour de cassation s’est prononcée sur l’oeuvre de la bicyclette bleue qui reprenait Autant en emporte le Vent. Elle a estimée que la CA devait vérifier si par leur composition ou leur expression , les scènes et dialogue d’autant en emporte le vent et de la bicyclette bleue qui décrivent et mettent en oeuvre des rapports comparables entre les personnages ne comportent pas des ressemblances telles que dans le second romain ces épisodes constituent des reproductions ou adaptations du premier. Elle casse l’arrêt, et si c’est le cas et seulement si la contrefaçon sera caractérisée mais la simple reprise en elle même de personnages communs ne caractérise pas la contrefaçon. Arrêt du 4 février 1992.

b) Les éléments du fond commun
L’originalité n’est pas caractérisée en présence d’oeuvres qui reprennent des éléments du fond commun c’est à dire qui relèvent du domaine public

c) Le savoir-faire

Une oeuvre n’est pas originale lorsqu’elle se borne à reproduire un savoir-faire, ex : une recette de cuisine, la méthode d’ouverture d’une porte d’un serrurier ou la fragrance d’un parfum. Cette question a donné lieu à un contentieux assez important en matière de parfum car la cour de cassation de manière constante écarte les fragrance de parfum du domaine du Droit d’auteur car elle considère qu’elle ne procède que de la simple mise en oeuvre d’un savoir faire et qu’elle ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection du Droit d’auteur. Arrêt du 22 Janvier 2009.

Ce qui justifie cette mise à l’écart du savoir-faire c’est qu’il ne s’agit que d’une méthode accessible à tous ce qui n’exprime donc pas l’empreinte d’une personnalité.

L’originalité ce n’est pas pour autant la nouveauté, c’est un des traits distinctifs entre les brevets et le Droit d’auteur. Le fait que 2 peintres peignent l’un après l’autre sans concertation le même site sous le même éclairage dans des conditions identiques n’interdit pas à ces deux oeuvres d’être originales. Alors pourtant que la seconde peinture ne sera pas nouvelle. La cour de cassation est vigilante sur ce point et rappelle aux juges du fond que la notion d’invention nouvelle est étrangère au Droit d’auteur.

Critère de l’originalité pas propre au droit français , on le retrouve dans les conventions internationales et en droit de l’UE.

Le mérite n’est pas une condition de l’originalité , c’est un critère extrêmement large donc solutions imprévisibles, les sociétés ont des difficultés à déterminer si elles portent atteinte au droit d’autrui. Une CA a jugé qu’une boite à oeufs de par sa structure et de sa forme indissociable de l’effet technique recherché était originale.
L’arrêt Magil du 6 avril 1995 de la CJUE a jugé qu’une grille de programme télé était originale.
Donc la controverse tient à la fois à son incertitude et à des applications parfois extrêmement large et parfois outrageusement restrictives. Comment justifier qu’on protège une grille télé et pas un parfum ?



  1. B) Les conditions indifférentes

Elles sont évoquées par le CPI. L’œuvre originale protégée par le Droit d’auteur ne suppose la réalisation d’aucune formalités, ni d’aucune autres conditions de fond ; il suffit que l’œuvre soit originale et qu’elle s’exprime à travers une forme aboutie ; tout le reste est indifférent.

1/ La non-exigence de formalités

Le législateur ne subordonne pas la protection du Droit d’auteur à l’exigence d’une formalité (dépôt légal par exemple). Le Code de la Propriété Intellectuelle ne l’exige pas : art L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que le Droit d’auteur appartient à l’auteur du seul fait de sa création ; c’est la création qui suffit à faire naître le Droit d’auteur.

En réalité, il suffit que l’œuvre soit créée, mais il n’est pas nécessaire que l’œuvre ait été divulguée pour être protégée. Selon l’article L111-2 du CPI, l’œuvre est réputée créée indépendamment de toutes divulgations publiques du seul fait de sa réalisation, même inachevée.

La divulgation de l’œuvre n’est pas nécessaire pour emporter un Droit d’auteur. Le dépôt légal des œuvres ne conditionne pas la protection par le Droit d’auteur de manière différente elle a pour objet de garantir le droit du public à l’information en assurant la conservation des œuvres. Pour autant, les auteurs d’œuvres de l’esprit ont intérêt à réaliser des formalités.

2/ Aucune nécessité de conditions de fond supplémentaires de l’œuvre

L’article L112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que les dispositions du présent Code protègent les Droit d’auteur sur toutes les œuvres de l’esprit quel qu’en soit le genre, la forme d’expression et la destination. Ces conditions ne doivent pas être retenues par le juge pour faire obstacle à la reconnaissance d’une protection d’un Droit d’auteur.

a/ L’indifférence du genre

L’œuvre est protégée, qu’elle soit littéraire, artistique mais aussi à vocation commerciale. La vocation du Droit d’auteur est de protéger tout ce qui est original sans égard au genre de l’œuvre. Dès lors, les œuvres pornographiques, même si elles ne relèvent pas d’un genre noble, peuvent bénéficier d’un Droit d’auteur sous réserve qu’elles ne soient pas illicites =>Cass. Crim., 1999


b/ L’indifférence du mérite d’une œuvre

Il ne doit pas être pris en compte pour apprécier l’originalité de l’œuvre. C’est un critère indifférent à la protection du Droit d’auteur : c’est un critère subjectif.

Cela pose des difficultés car les juges du fond écartent parfois la protection du Droit d’auteur car ils ont estimé que l’œuvre était “ridicule”.

Des juges du fond, dans un arrêt de 86, ont refusé la protection du Droit d’auteur à un jeu audiovisuel “defender” pour défaut d’esthétisme. La Cour de cassation a jugé que la protection légale s’étend à toute œuvre procédant de la création d’une œuvre originale, peu importe l’absence d’esthétisme ou de mérite de l’œuvre.

En principe, le mérite ne doit pas être confondu avec l’originalité. Toute œuvre originale doit être protégée. Pour autant, dans certains hypothèses, des juges du fond vont se prononcer en fonction du mérite sous couvert de l’originalité ; dans ces hypothèses on pourra censurer les juges du fond mais pas toujours.


c/ L’indifférence de la destination de l’œuvre

C’est un principe avéré mais que l’on doit relativiser.

Le principe de l’indifférence de la destination :

Cela signifie que le juge ne doit pas opérer de distinctions selon que l’œuvre est présentée comme une œuvre d’art, qu’elle relève des arts apiquées ou bien qu’elle ait juste une vocation commerciale. Les œuvres dont la destination est industrielle sont protégées par le Droit d’auteur au même titre que les arts purs.

Théorie de l’unité de l’art : elle impose de traiter pareillement les œuvres relevant de l’art pur et celle des arts appliquées. Forgée au 18ème siècle, cette théorie avait pour but d’étendre la protection reconnue aux œuvres d’arts purs aux arts appliquées.

Cette théorie est passée en droit positif mais aujourd’hui elle parait désuète.

Limites à ce principe :

On les retrouve notamment dans les hypothèses dans lesquelles la destination de l’œuvre va néanmoins ressurgir pour neutraliser le Droit d’auteur ; à cet égard, il est inexact de dire que la destination est toujours indifférente à la protection du Droit d’auteur ; il en va de même pour les créations publiques à l’instar des décisions de justice, des sujets d’examen public ou encore des lois ne pouvant donner lieu à un Droit d’auteur.

Certaines créations considérées originales ne pourront donner prise au Droit d’auteur ce qui démontre la prise en compte de la destination pour la reconnaissance d’un Droit d’auteur.

Civ 1ère, 5/02/2002 : une action a été exercée par la Banque de France à l’encontre d’une revue de numismatique qui avait reproduit des billets de banque dans l’un de ses numéros ; dès lors, la Banque de France avait exigé des dommages-intérêts et l’annulation de la diffusion de ce numéro. L’arrêt de la CA avait écarté la protection des billets de banque sur le terrain de l’infraction de fausse monnaie en relevant la fonction de mode de paiement légal dévolu aux billets de banque émis et mis en circulation par la Banque de France, leur affectation à l’intérêt général et au service public des opérations concernées. C’est un exercice régalien qui est dévolu à la Banque de France et qui est incompatible avec la protection d’un Droit d’auteur. Pour la Cour de cassation, la Banque de France ne peut se prévaloir d’un Droit d’auteur ; compte tenu de la fonction des billets de banque, tout Droit d’auteur est exclu au profit de la Banque de France.