Les libéralités : définition et conditions de formation

Définition et conditions de formation des libéralités

Le droit des libéralités, c’est une transmission mais il existe plusieurs phases :

  • immédiatement et définitivement: entre vif, c’est une donation.
  • transmission prévue à l’avance: pour qu’elle se réalise au jour du décès : le testament.

Approche chronologique :

  • Droit des libéralités pendant le vivant
  • Les conséquences du décès d’une personne sur la transmission du patrimoine : dévolution successorale
  • Pluralité d’héritiers et partage de la succession
  • Aspect d’anticipation du partage

Ce droit est lié à d’autres matières : droit de la famille, droit des obligations, droit des contrats spéciaux.

Modifications législatives récentes : loi du 3 décembre 2002 (entrée en vigueur au 1juillet 2002) et loi du 23 juin 2006 (entrée en vigueur au 1 janvier 2007).

Chapitre 1 : La notion de libéralités

Ce sont des actes juridiques. Il y a donc une volonté de produire des effets de droit.

2 sortes :

  • donation
  • legs (par testament)

Article 893 du Code civil issu de la loi du 23 juin 2006 : définition de la donation qui reprend les acquis. « La libéralité est l’acte par lequel une personne dispose par un acte gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profits d’une autre personne ».

C’est une transmission à titre gratuit.

Alinéa 2 de l’article 893 du Code civil : « Il ne peut être fait de libéralités que par donation ou disposition testamentaire ».

I : Elément intentionnel

Il faut l’intention de donner : animus donandi. Intention libérale, volonté de donner, de faire plaisir.

Cependant, faire plaisir diffère de l’intention qui n’est pas toujours pure.

On peut donner par pur altruisme. Mais on peut le faire de façon calculée.

On peut également avoir des donations passées par des mobiles complexes (intérêt et désir).

Si la volonté naît à cause d’un devoir moral, il y a une volonté altruiste et donc une libéralité.

Si la volonté se colore juridiquement alors il y n’y pas libéralité. Ce sont les cas où un donateur s’estime « obligé » de compenser un déséquilibre. En référence à l’obligation naturelle c’est-à-dire qu’il entend compenser un déséquilibre, exécuter un devoir de justice, de cause alors ce n’est pas une libéralité car il y le sentiment d’obligation.

Parfois cela est difficile à distinguer. La jurisprudence exclut parfois la qualification. Il faut retenir que dans ces hypothèses, il faut rester prudent. De même si deux personnes se font mutuellement une donation. Une donation n’est pas une simple contrepartie car l’opération serait alors un échange. Tout est question d’espèce : y-a-t-il connexité, dépendance, accessoire ? S’il y a indépendance, on a libéralité.

La donation rémunératoire récompense un service non rémunéré rendu gracieusement par le donataire au donateur. Y-a-t-il paiement d’un service ou intention libérale ? Ici, il faut que le service soit appréciable en argent et sensiblement d’une valeur également à celle du bien donné. C’est alors une donation rémunératoire non soumise au droit des libéralités car il y a plutôt paiement d’un service. A la différence si la valeur du bien est supérieure à la valeur du service, il y a alors intention libérale pour le surplus. De même si le service ne peut être évalué en argent alors la donation sera libérale. De même, à chaque fois que le deuxième élément manque c’est-à-dire l’élément matériel.

II : Elément matériel

Le disposant s’appauvrit et le gratifié s’enrichit. Elle crée un déséquilibre voulu en raison de la gratuité de l’opération qui est de l’essence même de la libéralité.

Le prêt à usage est gratuit. Le dépôt et le mandat peuvent être gratuits mais ce n’est pas toujours le cas. La libéralité est toujours gratuite.

Il transmet un droit de propriété sur une chose on peut également transmettre gratuitement un autre droit réel comme usufruit. Les servitudes peuvent être gratuites ou non mais on peut faire une libéralité. On peut envisager la donation d’un droit de créance si le créancier donne au débiteur. Cela est valable pour la remise de dette.

La transmission d’une valeur, d’un bien est ce qui va distinguer la libéralité des autres contrats à titre gratuit où le service est gratuit mais il n’y a pas transmission de la chose.

Les difficultés :

Il existe des actes correspondants à la libéralité : éléments intentionnel et matériel et pourtant, ce n’est pas une libéralité. Exemple: présent d’usage.

La bague de fiançailles: c’est un présent d’usage si il dépassé les capacités financières de celui qui offre.

Les cadeaux d’anniversaire : parfois dans la jurisprudence, on a des contrats et tout dépend des habitudes de la famille, en fonction des circonstances. S’il y a présent d’usage, il n’y a pas libéralité.

Section 2 : Les intérêts de la qualification

S’il y a libéralité, le régime applicable est le régime des actes à titre gratuit qui ont un régime différent.

La loi y est assez hostile pour 3 raisons :

Dès 1804, on a eu une volonté de protection des patrimoines familiaux car par la donation, on appauvrit le patrimoine des héritiers.

La protection du disposant contre lui-même et dans un mouvement de générosité et de regrets par la suite au détriment d’obligation.

Historiquement, volonté d’éviter le rétablissement des privilèges au nom de l’égalité.

Aucune de ces raisons ne sont réellement justifiées.

La loi n’interdit pas les libéralités mais freine ainsi l’article 893 du Code civil dispose que « il ne peut être fait de libéralités que par donation entre vifs ou testament ».

CHAPITRE 2 : LES CONDITIONS DE FORMATION DES LIBERALITES

C’est un acte juridique à titre gratuit.

Section 1 : Le consentement

C’est la volonté de s’appauvrir au profit du donataire. Il faut être sain d’esprit pour validité. A défaut, il y a nullité relative : article 901 du Code civil. C’est une nullité de protection du disposant et de sa famille. Donc elle peut être demandée par les successeurs du vivant ou après sa mort.

Par exemple, il y a altération des facultés mentales passagères soit non complètes ou non dues à la maladie, la drogue, l’hypnose, la sénilité. Elle doit être assez grave pour que le donataire ne soit plus lucide. Au jour du testament, si la personne est toujours son alcool alors le consentement n’est pas valable. De son côté, le donataire peut établir des périodes de lucidité.

Pour que la volonté soit prise en compte, elle doit être libre et éclairée c’est-à-dire non affectée par un vice de consentement. Dans la théorie générale des obligations, on a des vices donnant lieu à une nullité relative.

Pour l’erreur, la considération de la personne est déterminante car l’acte est intuitu personae. L’erreur sur la personne peut être admise, c’est une cause de nullité : identité sur la personne, qualité substantielle du bénéficiaire. Si le motif est déterminant, la nullité peut être admise.

Pour la violence, c’est la pression exercée sur le disposant. La violence physique est la menace d’une arme ou testament à main guidée. La violence morale n’est pas une menace physique mais une menace future de mauvais traitement. Si la violence est telle qu’elles contraignent, la libéralité non voulue alors il y a nullité.

En cas de dol, la jurisprudence apprécie pour savoir si les manœuvres sont ou non dolosive. Une manifestation excessive et exagérée non sincère n’est pas suffisante. Il faut des manœuvres frauduleuses : faire croire que la famille l’a abandonnée, réticences, captation… Annulation même si le dol émane d’un tiers (à la différence des contrats à titre onéreux). Le dol doit avoir été déterminant.

Section 2 : La capacité

Comme tout acte juridique, l’article 902 du Code civil dispose que « toutes les personnes peuvent disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament exceptées celles que la loi déclare incapables ».

I : Les incapacités de disposer

Elles affectent le disposant (auteur de la libéralité).

  1. Incapacités de jouissance

Elle prive l’incapable du droit de faire des libéralités même si il est assisté d’un tiers.

2 sortes:

générales: quelque soit le bénéficiaire, elles privent le bénéficiaire de la libéralité. Par exemple, le mineur ou majeur sous tutelle sauf exception légale étendues par la loi du 23 juin 2006.

Spéciales: pas de libéralité à certaines personnes. Spéciale quant aux personnes par exemple malades pour ceux qui l’ont assisté pendant sa maladie en raison du risque de pressions ou reconnaissance démesurée (médecin, chirurgien, pharmacien, ministre des cultes, personnel de maisons de retraites).

I : Incapacités d’exercice

Elle empêche l’incapable d’agir seul ou sans autorisation préalable ou assistance. Exemple: majeur sous curatelle.

II : Les incapacités de recevoir

Elles affectent le gratifié : donataire ou légataire.

III : Incapacités de jouissance

2 sortes:

générales: quelque soit le donataire. La plus importante est l’impossibilité de recevoir pour un gratifié inexistant. Pour les personnes futures, l’article 906 du Code civil prévoit qu’un enfant conçu peut être bénéficiaire s’il naît viable. L’enfant doit être conçu. Cette condition admet 3 exceptions légales:

article 1082 du Code civil: contrat de mariage ou un tiers peut disposer de tout ou partie des biens qu’il laissera à son décès « biens à venir » au profit des époux. Dans ce contrat, les tiers peuvent le faire au profit des époux ou des enfants à naître.

Article 1048 du Code civil et suivants: textes élargis par la loi de 2006. Les enfants à naître ne sont plus visés. Possibilité de faire des libéralités aux enfants à charge de les transmettre à leurs propres enfants nés ou à naître. Technique de substitution devenue les libéralités graduelles dans la loi de 2006. Cas aussi pour la personne sans enfant mais envers son frère ou sa sœur.

  • Article L132-8 du Code des assurances: assurance vie au profit des enfants nés ou à naître.

Spéciales: quant aux personnes. Elles sont les conséquences des capacités à disposer visées précédemment médecin, prêtre, infirmière…

IV : Incapacités d’exercice

Le gratifié ne peut recevoir seul assistance. Par exemple, la libéralité assortie d’une charge ou un majeur sous tutelle, le tuteur accepte car il est averti et donc peut surveiller l’utilisation de la donation. Si elle est gratifiée par une personne morale de droit public ou fondation ou association alors la capacité est limitée par une autorisation administrative en subordonnant à une utilisation conforme à la personne morale.

Section 3 : L’objet et la cause

I : L’objet

L’objet donné ou légué. Il doit être déterminé quant à sa nature et sa quantité. Il doit être licite en vertu de l’article 1128 du Code civil avec la condition de la chose dans le commerce.

Ne peuvent faire l’objet d’une libéralité :

biens du domaine public

biens de l’Etat

biens qui ne sont pas dans le domaine public

le corps humain sauf exception du don d’organe

Le sang et la cornée

II : La cause

La cause doit exister et être licite.

A : L’existence de la cause

Elle a deux aspects :

abstraite: c’est toujours la même pour une catégorie déterminée. C’est l’intention libérale. Il faut rechercher l’intention libérale pour vérifier la libéralité ou l’acte à titre gratuit.

concrète: variable d’une espèce à l’autre. Ce sont les mobiles de la personne : les mobiles déterminants à la différence des mobiles secondaires. Ils doivent exister et être constatés. Il faut aussi que la cause ne soit pas entachée d’erreur car en cas de fausse cause, il y a annulation.

B : La licéité de la cause

La cause doit être morale et licite: article 1133 du Code civil. Les tribunaux assurent une surveillance des libéralités.

Problème récurrent: la libéralité adultérine. Pendant longtemps, il était acquis qu’une telle attitude était contraire aux bonnes mœurs : la libéralité tombait. On a assisté à une crise des bonnes mœurs. La Cour de cassation a voulu se désengager à propos cette question : elle n’annule plus la libéralité adultérine comme contraire aux bonnes mœurs. On peut se demander si une telle libéralité est licite car elle encourage au manquement du devoir de fidélité ? Cette question n’a pas été tranchée par la jurisprudence. Plénière, 29 octobre 2004: donation adultérine d’un homme de 95 ans à une concubine adultère de 31 ans.

Il n’ y a pas de critère pour savoir si une libéralité est conforme aux bonnes mœurs.

CHAPITRE 2 : LES LIBERALITES AVEC CHARGES

Section 1 : La validité des charges

Dans le Code civil, on parle de charges ou de conditions.

2 textes:

article 900 du Code civil: « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui seront contraires aux lois ou aux mœurs seront réputées non écrites ». Si la charge n’a pas ces caractères, elle est valable. Les charges peuvent être viagères ou être stipulé pour un tiers (par exemple donation à charge de reverser une somme viagère à un enfant). La charge ne doit pas être immorale, contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public. La charge qui consiste à verser une somme à un chef d’entreprise est nulle. Le donataire conserve la donation sans avoir à remplir la charge illicite ou immorale. Le but est de dissuader les disposants d’insérer dans leur donation des charges immorales ou illicites. Cette solution n’est pas toujours adéquate. Le plus souvent, la charge était la cause de la libéralité : dans ce cas, depuis 1863, la jurisprudence estime que la libéralité sera annulée dans son ensemble.

article 900-1 du Code civil: règles spéciales aux clauses d’inaliénabilité qui peuvent être mises à la charge du gratifié. La clause d’inaliénabilité est la clause par laquelle le disposant interdit au gratifié d’aliéner le bien donné. Les clauses d’inaliénabilité sont valables à une double condition : elles doivent être temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime.

Section 2 : La révision des charges

I : La révision des charges en général

Les charges s’exécutent dans le temps. Avec le temps, elles peuvent s’avérer difficiles. Ce n’a pas toujours été l’intention du disposant. Le législateur est intervenu par la loi du 4 juillet 1984 afin d’envisager pour les cas exceptionnels où la charge devient trop lourde, une possibilité de révision judiciaire de la charge. Les conditions à remplir, c’est d’établir qu’il y eu un changement de circonstances. Il faut également démontrer que l’exécution de la charge est devenue « extrêmement difficile ou sérieusement dommageable » : ces cas sont exceptionnels. On a le droit d’agir qu’une seule fois, tous les 10 ans et au plus tôt 10 ans après la mort du disposant. Le demandeur doit prouver qu’il a fait de son mieux pendant ces 10 ans. Si le juge accueille cette demande, le juge peut réduire le montant de la charge. Il peut en modifier l’objet. Cette permission du juge ne sera que temporaire, elle reste toujours subordonnée aux conditions difficiles ou à la situation dommageable : si les conditions changent, des personnes intéressées pourraient imposer au bénéficiaire d’exécuter la charge initiale.

II : La révision de la clause d’inaliénabilité

L’article 900-1 prévoit une possibilité judiciaire de lever l’inaliénabilité soit on arrive à montrer que l’intérêt sérieux et légitime a disparu soit on arrive à démontrer qu’un intérêt supérieur exige de lever l’inaliénabilité. Ce sont des hypothèses exceptionnelles.