Répartition de compétence entre juridiction administrative et civile

Les fondement de la répartition de compétence du juge administratif vis-à-vis du juge judiciaire

Question : quels sont les mécanismes visant à régler les conflits de compétence entre deux ordres de juridiction ?

— Considérations importantes :

— 1/ D’un point de vue pratique. Le justiciable peut se tromper. Son droit au juge peut se trouver affecté par l’incertitude du juge. Mais dans 99% des cas, le doute sur la compétence du juge n’existe pas.

— 2/ Mais derrière tout cela, il y a aussi une donne politique considérable (mise à l’écart du juge véritable, judiciaire, consacré par la constitution, de tout le contentieux de l’administration).

— Ce ne sont pas des rapports entre deux juridiction, mais des rapports de deux forces politiques (le judiciaire et l’administratif).

Les règles de répartition de compétence ont un fondement politique. Son texte fondateur est un texte d’organisation et de séparation des pouvoirs dans le cadre de la juridiction française.

Pour pallier l’absence de dispositions textuelles, le juge constitutionnel a reconnu des principes de répartition des compétences qui permettent d’établir un « noyau dur » de la compétence du juge administratif. Ils s’articulent autour du principe fondamental reconnu par
les lois de la République (PFRLR) qu’est le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.

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  • &1er: La répartition des compétences appartient au législateur

A) Avant 1958

— Le domaine de la loi était illimité : elle avait naturellement vocation à intervenir dans ce domaine. Avant 1958, tous les textes qui ont redistribué compétence dans les deux ordres de juridiction (exemple les accidents causés par des véhicules de l’administration) sont des lois. On l’a fait par la loi dans les deux sens : qu’il s’agisse d’élargir la compétence du juge administratif ou du juge judiciaire.

B) Depuis 1958

— La constitution de 1958 donne à la loi un domaine limitatif. Lorsqu’on parcourt cette liste, on ne voit aucune attribution de compétence à la loi pour la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Il y a donc à priori une compétence réglementaire pour la répartition de la compétence.

Il y a donc une rupture historique avec ce qui se passait avant 1958 !

Mais la jurisprudence a confirmé la compétence du législateur, que l’on ressentait comme une nécessité.

— Après 1958, comme avant 1958, le pouvoir de la répartition des compétences appartient au législateur.

Sur quelles bases légales ?

— 1/ On retient une disposition de l’article 34 de la constitution selon laquelle « la loi fixe les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction.

— La création, qu’est-ce que c’est ? à C’est n’est pas seulement la création initiale. La création c’est bien sur l’apparition, mais c’est aussi l’évolution et les modifications de toutes les règles constitutives de la catégorie.

Arrêt du 30 mai 1962. « La loi fixe les règles des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Par application de ce principe, « c’est au législateur qu’il appartient de fixer les limites et compétences des tribunaux.

Le juge considère que le droit d’être jugé serait une liberté individuelle, une liberté publique. Lorsqu’on définit les règles de compétences entre les deux ordres de juridiction, on toucherait aux garanties d’exercice de cette liberté publique.

Par ce raisonnement, la solution est la même qu’avant 1958.

C) Le rôle supplétif de la jurisprudence

Mais lorsque la loi n’intervient pas, la place pour la jurisprudence demeure. La jurisprudence, sur la base de quelques textes, a élaborée des règles de répartition des compétences : les blocs de compétences ; qui n’ont pas de consécration dans la loi, mais qui sont la détermination par la jurisprudence des règles répartitrices de compétence entre les deux ordres de juridiction.

Exemple : le Tribunal des conflits décida

  • &2 : Limites constitutionnelles à la compétence du législateur

Le Conseil constitutionnel a établi des règles de répartition des compétences entre les juges administratifs et judiciaires. Il a d’abord reconnu l’indépendance de la juridiction administrative : CC, 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs. Ce n’est qu’ensuite que le Conseil constitutionnel a reconnu comme étant un PFRLR la compétence et de ce fait l’existence de la juridiction administrative : CC, 23 janvier 1987, loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrenc

— Les limites sont donc venues de la jurisprudence du conseil constitutionnel. Celui-ci procéda en deux temps.

A) Silence de l’article 34 de la constitution

– L’absence de fondement constitutionnel exprès de juge administratif.La Constitution mentionne à trois reprises la juridiction administrative : dans l’aliéna 2 de l’article 37 relatif à la procédure de délégalisation, l’article 38 relatif à l’avis du Conseil d’Etat sur les projets d’ordonnance et l’article 39 relatif à l’avis du Conseil d’Etat sur les projets de loi. Elle ne précise pas les contours de la compétence du juge administratif. A l’inverse dans l’article 66, la Constitution reconnaît un domaine de compétence au juge judiciaire comme gardien de la liberté individuelle.
– Une reconnaissance constitutionnelle du juge judiciaire Article 66 de la Constitution « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

B) La décision du conseil constitutionnel de 1980

Cf. : Conseil constitutionnel, 22 juillet 1980

— Le conseil constitutionnel était saisi de validations législatives. Il s’agissait de revenir sur la décision d’un juge pour anticiper sur une décision que l’on pense d’annulation pour rendre inaccessible un acte que le juge voudrait annuler.

Cette pratique est fréquente. Mais on évitait de saisir le conseil constitutionnel. Pour la première fois, le conseil constitutionnel est saisi de la validité d’une loi de validation ! Il est saisi « au nom de la séparation des pouvoirs (articles 16 de la CEDH) ».

— Il est reproché au législateur de se comporter en tant que juge d’appel : il y a confusion des pouvoirs, son action est inconstitutionnelle.

Réponse : « Il résulte de l’article 64 de la constitution, en ce qui concerne l’autorité judiciaire, et, des PFRLR en ce qui concerne la juridiction administrative, ainsi que du caractère spécifique de leur fonction, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement ».

C) La décision du conseil constitutionnel de 1987

Décision du 23 janvier 1987

— La compétence de la juridiction administrative est réservée à un domaine particulier : le domaine de la réformation et l’annulation des actes administratifs unilatéraux. Dans ce domaine là, le législateur trouve une limite constitutionnelle à une attribution de compétence.

Conclusion :

L’enjeu de ce débat est la détermination du juge compétant. C’est important, d’autant plus qu’il n’existe pas de mécanisme de régulation, de sorte que le justiciable peut hésiter sur le juge compétant. Mais cette question de compétence emporte des enjeux importants.

Le droit administratif n’est pas le droit privé. C’est un autre droit, un droit jurisprudentiel. A priori, l’attribution de compétence va commander l’application du droit applicable : la compétence précède le fond. Il arrive, certes, que le juge administratif applique le droit privé, quelques fois à la lettre (en visant les dispositions du code civil : exemple pour l’arbitrage).

Il arrive aussi que le juge administratif, applique des principes du droit privé (exemple pour les grossesses des femmes qui travaillent).

Symétriquement, le juge judiciaire applique parfois le droit administratif. C’est d’autant plus intéressant que le juge administratif n’a pas beaucoup de mérite à appliquer le droit privé (le droit privé est écrit). Quand le juge judiciaire veut appliquer le droit administratif, il doit appliquer un droit écrit. Le juge l’a fait pour les dommages causé à des tiers (Dans l’arrêt GIRY, la Cour de Cassation a posé le principe que le juge judiciaire a le pouvoir et le devoir de se référer aux règles du droit public, donc des opérations de police judiciaire).

Voici la liste des liens relatifs au contentieux administratif