Histoire de la nationalité : du Code Napoléon au Code de la nationalité

Évolution historique du droit de la nationalité française

Cette évolution historique ne commence pas réellement avant 1789 car il est difficile de parler d’un droit de la nationalité française sous l’Ancien Régime.

—> Certes, l’Ancien Régime n’ignorait pas le terme de « nation » mais il ne lui donnait pas exactement notre sens actuel, d’Etat-nation.

—> De plus, ce n’est pas la nation qui était souveraine sous l’Ancien Régime, c’était le Roi et s’il y avait un lien entre le Roi et ses sujets, ce n’était pas un lien de nationalité.

La nationalité n’apparaît sur le terrain juridique qu’à partir de 1789 quand la nation se substitue au Roi comme souverain et quand la nationalité se substitue au lien personnel entre le Roi et ses sujets.

Très vite apparaît alors le concept de nationalité française pratiquement dans les années qui suivent 1789 et ce concept est consacré par le Code civil originel (1804) et souvent appelé Code Napoléon. Les premières dispositions réelles en matière de nationalité française figure dans le Code Napoléon.

Le XIXe sera sur le droit de la nationalité une période de très grand calme, au moins de très grand calme du législateur qui ne portera que des réformes ponctuelles aux dispositions du Code Napoléon.

Le XXe a été actif par la loi du 10 août 1927 et la promulgation de la Code de la nationalité française par l’ordonnance du 19 octobre 1945, suivi d’une loi très importante du 9 janvier 1973 et avec aussi des modifications très nombreuses et sans doute trop nombreuses depuis les années 80 du XXe siècle.

Section 1 : Le Code Napoléon

—> Etat originel du Code civil

Il désigne le Code civil, dans son état originel. Les dispositions du Code Napoléon ont été remarquées parce que c’était les premières du genre et parce qu’elle s’inspirait d’un esprit manifestement différent de celui de l’Ancien Régime.

—> S’agissant tout d’abord de l’attribution de la nationalité française dès la naissance :

C’est le droit dit du sang qui se voit reconnaître le rôle essentiel puisque est français depuis sa naissance celui qui naît d’un père français. Le critère essentiel de l’attribution de la nationalité française en 1804, c’est d’avoir un père français. Ce n’est pas la naissance en France qui donne la qualité de français, attribution par le sang et non par le sol. Cette disposition a beaucoup frappé d’autant que l’Ancien Régime donnait beaucoup plus d’importances au droit du sol dans la détermination des sujets du Roi de France.

En même temps, cette prééminence du droit du sang doit être bien comprise, il faut éviter un anachronisme dangereux, aujourd’hui quand on se réfère au droit du sang, quand on retient une conception ethnique de la nationalité, c’est une position assez fortement connotée à droite ou à l’extrême droite. Ce n’est pas la vision du Code napoléon, les rédacteurs n’ont pas eu une vision ethnique de la nationalité. Ils ont plutôt considéré que c’était un honneur d’être né d’un père français non pas parce que la nation française serait ethniquement supérieure aux autres nations mais parce qu’elle aurait été révolutionnairement ou idéologiquement supérieure aux autres nations puisque pour les enfants qui naissent au début du XIXe siècle, ils naissent de pères qui ont fait la Révolution : libérer la nation de ses chaînes. Il faut reconnaître que dans une certaine mesure c’est vrai, puisque dans une certaine mesure, il n’y a pas de nationalité française.

C’est une conception tout à fait autoritaire de la famille qui s’impose puisque la mère n’a aucun pouvoir d’attribution de sa propre nationalité à ses enfants. Seule la nationalité du père compte. D’ailleurs, la mère ne peut avoir d’autres nationalités que celle du père, du moins dans la famille légitime puisque le Code Napoléon prévoit aussi que la femme prend systématiquement la nationalité de son mari. Il y a là, une préférence très claire à la nationalité du mari et du père qu’il a encore sans doute tranché un peu avec l’Ancien Régime, l’Ancien Régime était moins ouvertement défavorable aux femmes. La Révolution, et peut être plus encore, la vision napoléonienne de la Révolution est très axée sur la prééminence du mari et du père.

—> Quant à l’acquisition de la nationalité en cours d’existence :

Le Code Napoléon est en retrait par rapport à la période proprement révolutionnaire et sans doute par rapport à la période de l’Ancien Régime (1780-1804), l’idée dominante, très idéologique, est qu’il fallait faciliter l’acquisition de la nationalité française aux étrangers, mais pas à n’importe quel étranger : étrangers qui partagent les idéaux de la Révolution française, il faut combattre les tyrans. Si les étrangers partageaient ce combat, il pouvait devenir très rapidement français. « Naturalisation » facilitée pour les amis de la Révolution.

Sur ce terrain, le Code de Napoléon rend la naturalisation difficile, méfiance des étrangers.

—> Bilan du Code napoléon :

Le bilan de nationalité en matière du Code de Napoléon, si on le regarde avec anachronisme est assez négatif :

  • droit du sang,
  • prééminence du mari et du père,
  • trop grande rigueur en matière de naturalisation.

Les premiers pas du droit de la nationalité française sont vu très contestables.

Il faut surtout retenir du Code Napoléon, il donne pour la première fois des règles en matière de nationalité française, des règles qui sont claires et qui ont leurs cohérences dans le contexte de l’époque et du reste des règles qui seront dans la majorité des cas considérées au XIXe et même dans les pays étrangers comme une sorte de modèle en matière de nationalité.

En réalité, le vrai problème au XIXe pour la France est que ces règles vont s’avérer pour certaines d’entre elles, contraires à la situation réelle de la population française et finalement pour certaines d’entres elles contraires aux intérêts français bien compris.

—> Il y a une vraie inégalité des sexes car seul compte, le mari ou le père en 1804.

On se demande s’il s’agit vraiment d’une politique c’est-à-dire si le législateur de 1804 s’est réellement placé intellectuellement devant des choix. Pour lui, sur beaucoup de ces questions, le législateur de 1804 a pensé plutôt que la réponse était évidente : il était évident en 1804 pour le

législateur que naturellement la femme devait suivre la nationalité de son mari, il ne pense pas à la question d’égalité des sexes. Pour nous, c’est un choix politique car il y a deux politiques possibles c’està-dire égalité ou inégalité des sexes.

—> Enfin, est-ce que cette politique était conforme aux intérêts français ?

Notamment, la naturalisation difficile et la perte automatique de la nationalité française par la femme épousant un étranger étaient-elles conformes aux intérêts français ?

  • Concernant la naturalisation difficile :

On peut considérer qu’une telle politique n’est pas conforme aux intérêts d’un pays quand ce pays est en situation de baisse de la natalité ou quand ce pays fait l’objet d’une forte immigration parce que dans ce cas, le pays qui reçoit a plutôt intérêt à naturaliser assez facilement.

La France de 1804 est dans une situation démographique très ambigüe. Vers fin XVIIIème et début XIXème, la France est le pays le plus peuplé d’Europe après la Russie. La France est vue comme un royaume disposant d’une population relativement importante. Par conséquent ; le fait de rendre la naturalisation plus difficile n’est pas en soi considérée comme dangereux. Or, le législateur ne sait pas que la natalité en France a commencé à baisser au début du XVIIIème et cette baisse propre à la France va s’aggraver pendant tout le XIXème, au point qu’en 1914 la France est dépassée en population par l’Allemagne ou l’Italie.

Les dispositions sur la naturalisation vont s’avérer à la longue défavorable mais en 1804, ceci n’est pas évident que cela soit défavorable : ce caractère défavorable se verra avec l’avancée du XIXème. La France n’est ni un pays de forte immigration, ni d’émigration, les dispositions sur la naturalisation restent assez nettes.

  • Perte automatique de la nationalité pour la femme française :

Il en va autrement de la perte automatique de la nationalité française par la femme française épousant un étranger : mesure défavorable aux intérêts français. Pendant tout le XIXème, les femmes françaises épousant des étrangers vont donc perdre leur nationalité française.

Mais statistiquement, on s’aperçoit que la plupart de ces familles composées d’une femme française et d’un mari étranger sont restées en France car il y a eu une espèce de loi sociologique selon laquelle dans les mariages, le fait de s’enraciner dans le pays de la femme française est plus fort. S’est alors constitué au fil du temps, une catégorie de population en France particulière avec des familles de nationalité étrangère mais solidement et durablement installées en France et dont la nationalité de fait était vraisemblablement française : instauration d’un cas de divorce de la nationalité de fait et de droit causé par les dispositions du Code de Napoléon entrainant automatiquement la perte de la nationalité française.

Cette situation a été aperçue au cours du XIXème et la solution était de faire disparaitre ce cas de perte automatique en permettant à la mère de transmettre sa nationalité française ou la solution pouvait être aussi d’introduire dans l‘attribution de la nationalité française une dose de droit du sol en déclarant par exemple que les enfants nés en France de parents étrangers seraient français.

—> XIXe siècle :

Dans le courant du XIXème, par une loi du 7 février 1851 et par une loi de 1874, le législateur ouvre une porte au droit du sol, à coté du droit du sang, en décidant qu’est français dès la naissance :

  • l’enfant né d’un parent français
  • l’enfant né en France quand un de ses deux parents au moins est lui-même né en France dit la règle de « la double naissance ». Cette règle résous le problème d’une mère anciennement française et d’un père étranger.

Ce n’est qu’une dose du droit du sol car selon ce droit, l’enfant né en France est français. Mais la naissance en France n’est jamais suffisante à elle seule pour donner la nationalité française, il faut toujours un autre élément.

Le législateur du XIXème préfère régler le problème sur le terrain de l’attribution de la nationalité plutôt que sur le terrain de la perte de la nationalité française par la femme car une autre solution aurait pu être que la femme ne perde pas sa nationalité si elle se marie à un étranger : remise en cause de la hiérarchie mari —> femme.

Cette remise en cause de l‘égalité des sexes ne viendra qu’au XXème avec la loi du 10 aout 1927.

Section 2 : La Loi du 10 Aout 1927

Cette loi est particulière : le contenu final ne correspond pas au projet initial car entre temps, les travaux parlementaires ont modifié le projet initial qui l’a fait changer de physionomie.

—> L’esprit au départ du projet déposé par le gouvernement :

Période dite de l’entre deux guerres et le gouvernement français tient à tirer les conséquences d’une déception des pouvoirs publics quant au comportement des naturalisés français pendant la Première Guerre Mondiale. Il y a eu une sorte de polémique à l’époque sur le comportement au combat de naturalisés récents originaire des Empires Centraux (Hongroie…) qui se serait révélé dans certains cas déloyal ou insuffisamment dévoué à la cause française.

Il est impossible de savoir si cela est vrai mais le projet de rendre la naturalisation plus difficile du fait du doute du sérieux des naturalisations d’avant 1914, germe dans l’esprit du gouvernement et c’est l’origine première de la future loi de 1927.

—> Les travaux parlementaires sont importants sous la IIIe République :

Pendant ces travaux, on s’aperçoit que les parlementaires prennent conscience que la situation démographique de la France est devenue catastrophique : baisse de la natalité continue depuis la fin du XVIIIème, grosse perte pendant la guerre de 1914 et du fait de cette situation démographique, il devient alors absurde de rendre la naturalisation encore plus difficile. Les parlementaires et le gouvernement réécrivent alors le projet de telle sorte que la loi votée et promulguée le 10 aout 1927 est une loi libérale en matière de nationalité alors qu’elle avait été conçue pour être une loi rigoureuse. C’est une loi libérale parce que la situation démographique de la France apparait dangereuse : il faut changer de cap.

—> Cette loi ne modifie pas significativement l’attribution de la nationalité française.

—> Elle se refuse à rendre la naturalisation plus sévère et même elle l’assouplit un peu.

—> Quant au mariage de la femme française, il n’a plus d’effet automatique sur la nationalité de celle-ci. Cette dernière réforme a fait le plus parler d’elle car la loi de 1927 émancipait la nationalité de la femme par rapport à celle du mari.

Ce serait sans doute un anachronisme de considérer que la loi de 1927 aurait été particulièrement sensible au thème de l’égalité des sexes qui n’est pas encore un thème vraiment mobilisateur malgré les efforts de celle dite à l’époque « les suffragettes » c’est-à-dire les femmes qui luttaient pour avoir le droit de vote. Cette loi de 1927 n’est pas une loi féministe mais une loi inspirée par la démographie : le législateur s’est rendu compte que les femmes françaises épousant un étranger restaient le plus souvent en France.

Après 1927 :

  • la crise économique mondiale commence en 1929,
  • les années 30 sont difficiles, –le régime de Vichy, la libération de Vichy…

Section 3 : Le Code de la Nationalité Française

Code issu de la période la libération et d’une ordonnance du 19 octobre 1945.

L’idéologie du régime de Vichy, sans être absolument ouvertement raciste, était xénophobe et

antisémite et bien entendu, ces 2 éléments ont eu un effet sur le droit de la nationalité française. L’idée de Vichy est que les naturalisations depuis 1927 ont été trop faciles : on les accorde trop facilement. La conséquence de cette analyse est redoutable car le gouvernement de Vichy décide de remettre en cause les naturalisations prononcées depuis 1927.

Une commission est instituée et elle a pour mission de reprendre tous les dossiers et de proposer : soit la confirmation de la naturalisation, soit son annulation.

Les personnes ainsi exposées à la perte de la nationalité française étaient aussi exposée à la persécution nazie. La commission travailla jusqu’à l’extrême fin de l’occupation. La question des naturalisations a été une question cruciale. Sur le reste, Vichy n’a pas fait grand-chose, faute de temps.

Lors de la Libération 1944-1945et la Restauration de la république : l’idée du gouvernement de

l’époque est qu’il faut changer de calibre en la matière de droit de la nationalité française. Il faut passer à une époque différente et il faut élaborer un vrai Code de la nationalité française complet, exhaustif et scientifique.

On retire les dispositions sur la nationalité du Code civil et on les intègre en les modifiant dans un code nouveau préparé par le ministère de la justice et qui est à la base d’une ordonnance du 19 octobre 1945 : on efface toute la législation de Vichy et on revient à la tradition républicaine.

L’idée d’élaboration d’un Code de la nationalité française est assez significative de l’époque de traiter la nationalité d’abord comme une question de droit public avant d’être une question touchant le droit de la personne et des familles.

Cette codification propre est ce qu’il y a de plus important dans l’ordonnance car pour ce qui est du fond, il n’y a pas grand changement dans le Code de 1945 par rapport au droit de la nationalité française de la fin de la 3ème République : le Code de 1945 n’a pas été particulièrement inventif.

Sur aucune des questions listées, il n‘y a de réel changement :

—> le droit du sang reste primordial car il suffit d’avoir un père français

—> pour le droit du sol, il faut une double naissance.

—> Pour l’acquisition de la nationalité française : naturalisation sont reconfirmées et on annule les annulations de Vichy.

—> On ne rend pas pour autant la naturalisation beaucoup plus facile qu’avant 1939 : on reste sur le dispositif de 1927. On maintient même des dispositions de 1804 qui frappaient les naturalisés récents de certaines incapacités temporaires comme le fait qu’un naturalisé ne pouvait devenir fonctionnaire français qu’au moins 5ans après sa naturalisation.

—> Pour le mariage, le code de 1945 n’est pas très bien inspiré : la loi de 1927 avait posé l’indépendance de la femme mais le code revient sur ce principe car selon lui, l’étrangère qui épouse un français devient automatiquement française mais on permet à l’intéressé de faire une déclaration contraire si elle ne veut pas devenir française.

Cette solution apparait équilibrée et cela laisse une grande place à la volonté de la femme. En fait, c’est un système partial car il favorise à tout les coups la nationalité française : absence de déclaration de la femme alors la femme est française. Cela peut se comprendre du point de vu démographique mais cela ne se comprend pas du fait de la volonté des femmes et surtout on revient à la conception selon laquelle le mariage a des effets sur la nationalité de la femme alors qu’il n’en a aucun sur la nationalité du mari.

—> Le père transmet la nationalité française à ses enfants quel que soit le lieu de naissance de ces enfants alors que la mère ne transmet la nationalité française à ses enfants que si l’enfant est de surcroit né en France : inégalité des sexes. Le père a une incapacité de transmission de la nationalité française qui reste plus forte.

Section 4 : La loi du 9 Janvier 1973

Cette loi est lune des plus belles lois de la deuxième moitié du XXème : cette loi a transposé en droit de la nationalité française, les évolutions profondes du droit de la personne et de la famille en donnant une signification nouvelle et plus forte au principe d’égalité et de liberté.

—> Pour le principe d’égalité de l’homme et de la femme, il est poussé dans toutes ces conséquences :

—> le mariage n’emporte plus aucun effet automatique sur la nationalité des conjoints, c’est-à-dire

de la femme.

—> le mariage avec un français permet au conjoint étranger de devenir français s’il le souhaite par déclaration mais avec l’innovation capitale que désormais, cette possibilité est offerte non seulement à la femme étrangère d’un mari français mais aussi au mari étranger d’une femme française : le mariage avec une française permet au mari étranger de devenir français.

La nationalité française de la femme a la même force et le même rayonnement que la nationalité française de l’homme.

—> La règle est dupliquée en matière de perte de la nationalité française car : la femme française qui épouse un étranger reste française sauf déclaration contraire de sa part et de même, le mari français qui épouse une étrangère reste français sauf déclaration contraire de sa part : symétrie absolue entre la situation du mari et celle de la femme.

—> Sur le terrain de l’attribution de la nationalité française, ce principe d’égalité est poussé aussi dans toutes ses conséquences car est français quel que soit son lieu de naissance, l’enfant d’un parent français au moins, que ce parent soit le père ou la mère (plus nécessaire que l’enfant soit né en France).

—> Pour le principe de liberté :

—> Le mariage emporte de conséquences sur la nationalité des conjoints que s’ils le veulent.

—> Ce principe se trouve aussi dans la disposition selon laquelle l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère n’entraine plus la perte automatique de la nationalité française.

Depuis 1973, il n’y a plus de frein vis-à-vis de la plurinationalité car ces principes de liberté et d’égalité auront pour conséquences l’augmentation des cas de plurinationalité.

La seule réserve sur cette loi de 1973 est qu’elle n’est pas allées jusqu’à supprimer les incapacités frappant les naturalisés récents, il faudra attendre 1983 pour que ces incapacités disparaissent mais cette loi fait entrer le droit de la nationalité française dans les principes d’égalité et de liberté.