Histoire du droit des succession et de l’héritage

LES SOURCES ET L’ÉVOLUTION DU DROIT DES SUCCESSIONS

Le droit des successions actuel réalise, aujourd’hui, un compromis entre succession légale et volontaire et l’aboutissement d’une évolution progressive qui puise ses racines dans l’histoire. Cette évolution se décompose en plusieurs étapes :

  • le droit romain,

  • l’Ancien Droit,

  • le droit intermédiaire

  • le Code Civil

  • le droit contemporain


I. Le droit romain

Le droit romain connaissait à la fois la succession testamentaire et la succession ab intestat. La succession testamentaire prédominait et était régit par un principe de liberté.

La pater familias pouvait décider du sort de l’ensemble de ses biens et le léguer librement à la personne de son choix. La liberté qui lui était reconnue pouvant conduire à une exhérédation totale d’un proche parent, un garde fou lui fut imposé par le biais d’une action spécifique accordée au proche du défunt anormalement exhérédé. Cette action était une action en réduction qui leur permettait d’obtenir une part de la succession qui correspondait au quart de ce qu’ils auraient pu obtenir ab intestat d’où son nom de quart légitime.

A défaut de testament, la succession était dévolue sans considération d’âge ou de sexe au nom du principe d’égalité entre les héritiers. Cette dévolution était organisée sur la base des règles du droit romain issu des Novelles de Justinien et cette dévolution reposait sur la proximité du lien de parenté.

Le système de dévolution étant organisé entre 4 ordres différents :

  • les descendants

  • les ascendants

  • les collatéraux privilégiés (= frères et sœurs ou leur enfant s’ils sont morts) et les autres collatéraux (= cousins…).

  • le conjoint

L’articulation entre ces 4 ordres étaient régit par les principes suivants : l’ordre le plus proche était préféré aux autres, à l’intérieur de chaque ordre le parent le plus proche était préféré au plus éloigné, le conjoint venait en dernier qu’à défaut de représentant dans le dernier ordre. Mais un correctif était prévu pour prendre en compte la situation du conjoint : en effet en présence d’un héritier dans l’un de ces 4 ordres, le conjoint bénéficiait de la QUARTE du conjoint pauvre qui équivalait à un quart de la succession en pleine propriété. Le conjoint avait toujours une vocation subsidiaire.

II. L’Ancien droit

L’Ancien droit se caractérise par son absence d’uniformité liée à l’opposition entre les pays de droit écrit et les pays coutumier :

  • dans les pays de droit écrit (= pays du Sud) prédominait le principe de la dévolution testamentaire qui s’inscrivait dans la tradition romaine et garantissait le respect de la volonté du testateur.

  • dans les pays de coutume (= pays du Nord), l’inspiration germanique, la dévolution légale était prépondérante. La dévolution était prédominée par le souci de conserver les biens dans les familles. Le système se caractérisait par l’absence d’unité du patrimoine du défunt et un principe de dévolution qui était fonction de la nature du bien et de l’origine du bien. Il y avait ainsi un fractionnement de la succession qui était marqué par la distinction entre meuble et immeuble (= nature du bien). Le fractionnement était combiné dans certains cas à la prise en compte de l’origine :

les immeubles provenant de la famille et dénommés propres devaient être dévolus à la famille pour les 4/5ème. C’était la réserve des 4 quints qui revenait en principe aux descendants. A défaut de descendants, on faisait alors intervenir le critère de l’origine du bien et les biens devaient retourner aux ascendants et collatéraux qui les avaient légués. Les biens provenant de la lignée paternelle retournaient dans la lignée paternelle et idem du coté maternel.

les meubles et les acquêts (= biens acquis par le défunt) étaient quant à eux soumis au principe de la liberté testamentaire et suivaient une dévolution analogue à celle du droit romain c’est-à-dire qu’à défaut de testament ses biens étaient dévolus aux parents les plus proches.

L’enfant naturel quant à lui n’avait aucun droit successoral et ne pouvait prétendre qu’à des aliments. Le conjoint était pris en compte dans la succession et le droit coutumier lui attribuant une certaine part, une dote sur la succession du défunt.

III. Le droit intermédiaire, le droit révolutionnaire

Il réalise l’unification des règles applicables à l’ensemble du territoire et instaure un ordre social nouveau et égalitaire. La loi du 17 Nivôse an 2 (= 6 janvier 1994) consacre le principe d’unité de la succession, organise la dévolution successorale fondée sur la parentèle et limite la liberté testamentaire. Le principe d’unité de la succession est consacré par l’article 62 qui déclare que la loi ne reconnaît plus aucune différence dans la nature de biens ou leur origine pour régler la succession. Et qu’il n’y a plus lieu de distinguer s’il s’agit de biens meubles ou immeubles ou de biens propres ou acquêts.

  • le système de la parentèle est organisé autour de 4 ordres de succession : les descendants, les frères et sœurs du défunt et leurs descendants, les pères et mères et les autres collatéraux et ascendants.

  • la liberté testamentaire est limitée à une quotité minimale à savoir 1/10 de la succession en présence de parents en ligne directe et 1/6 en présence de collatéraux.

IV. Le Code Civil

A l’issu de la codification, le principe d’unité de la succession est maintenu ainsi que l’idéologie égalitaire. Les règles de dévolution sont empruntées au droit romain et la dévolution s’opère selon la proximité du lien de parenté dans l’ordre suivant :

  • les descendants

  • les pères et mères et les collatéraux privilégiés (= frères et sœurs)

  • les ascendants ordinaires

  • collatéraux ordinaires

Le cercle de famille n’est plus illimité et le droit de succéder s’arrête au 12ème degré. Le sort, les droits du conjoint étant conditionnés par la présence d’héritiers dans les 4 ordres successifs se trouvent donc améliorés par cette limitation du droit d’accéder au 12 ème degré.

Quant aux enfants naturels, ils n’ont quant à eux que des droits très limités et amoindrit par rapport à ceux qui sont reconnus aux enfants issus du mariage. Leur vocation successorale est diminuée de moitié.

V. Le droit contemporain

Le droit contemporain des successions est caractérisé par une succession de réformes fragmentées avant une réforme d’ensemble de la matière réalisée au travers de 2 lois fondamentales :

  • l loi du 3 décembre 2001

  • l loi 23 juin 2006

1. Des réformes fragmentées

Les retouches apportées progressivement au droit des successions reflètent l’évolution de la famille contemporaine. Le cercle des parents appelé à la succession va être restreint et le seuil de successibilité va être ramené du 12ème degré au 6ème degré par une loi du 31 décembre 1917. Par ailleurs, prenant acte des transformations de la famille et notamment de la reconnaissance de l’importance donnée au couple et aux enfants, le législateur va être conduit à améliorer à la fois les droits du conjoint et les droits des enfants naturels.

  • S’agissant des droits du conjoint, il va se voir reconnaître des droits successoraux au travers de la loi du 9 mars 1891 puis de l’ordonnance du 23 décembre 1958 qui vont lui reconnaître implicitement la qualité d’héritier en supprimant l’obligation de demander la vérification de ses droits pour pouvoir appréhender la succession grâce à la saisine légale qui lui est reconnue.

  • S’agissant de l’enfant naturel, il se verra reconnaître la qualité d’héritier par une loi de 1896 et ses droits seront placés à égalité avec ceux de l’enfant légitime (= issu du mariage) lors de la réforme de la filiation de 1972. Cette loi va ainsi posée le principe d’égalité de statut entre les enfants légitimes et naturels, tout en édictant néanmoins en présence d’enfants adultérins un certains nombre de règles tendant à protéger la famille légitime. La loi de 1972 maintient une discrimination à l’égard de l’enfant adultérin, ses droits dans la succession ab intestat n’étant que de la moitié de ceux à quoi il aurait eu droit s’il avait été légitime dès lors qu’il était en concours avec le conjoint ou les enfants légitimes.

Ces retouches ponctuelles connaitront leur aboutissement avec les réformes d’ensemble accomplis par les lois de 2001 et 2006.

2. Les réformes d’ensemble

La volonté de modifier le droit des successions pour l’adapter aux nouvelles réalités économiques et sociales est apparue à partir des années 80. La famille s’est transformée et elle a continué progressivement à donner plus d’importance aux couples et aux enfants. Et plusieurs projets de réforme destinés à prendre en compte cette réalité vont être élaborés mais ces projets n’aboutiront jamais. Il faudra attendre la pression de l’opinion réclamant l’élargissement des droits du conjoint et la condamnation de la France par la CEDH dans l’arrêt MAZUREK pour avoir une législation qui limitait de façon discriminatoire les droits de l’enfant adultérin pour qu’enfin la législation successorale connaisse une première modification d’ensemble avec la loi du 3 décembre 2001. Cette loi améliore de façon significative la vocation successorale du conjoint survivant et met fin à la discrimination concernant les droits des enfants adultérins.

Cinq ans plus tard, c’est la loi du 23 juin 2006 qui bouleverse le droit des successions et des libéralités. Loi qui est le fruit de la prise en compte de deux séries de facteur :

  • en premier lieu, la prise en compte du vieillissement de la population, de l’allongement de la durée de vie et donc le fait que des retraités hériteront de retraités, la prise en compte aussi du conjoint survivant et l’augmentation des familles recomposées conduit le législateur à mettre en place une nouvelle stratégie de législation où on pourra cantonner ses droits, renoncer à ses droits voire sauter une génération.

  • en second lieu, la succession est envisagée, aujourd’hui, dans sa dimension économique comme un réel prolongement de la propriété. Et le législateur, dans sa loi de 2006, a pris le parti de donner au propriétaire les outils nécessaires pour aménager par avance sa succession que ce soit au moyen de pacte de famille ou de libéralité ou en mettant en place le mandat posthume.

D’un point de vue technique, la loi nouvelle marque le couronnement de la volonté individuelle, augmente le pouvoir d’anticipation successoral grâce à une réforme profonde des libéralités et marque aussi un recul certain de l’ordre public en matière successorale.

Plusieurs questions vont être étudiées :

  • Qui recueille le patrimoine du de cujus? C’est la question de la dévolution.

  • Comment le patrimoine est-il transmis à ceux qui sont appelés à l’accueillir? C’est la question de la transmission.

  • L’administration, la gestion de la Succession?

  • Déterminer les droits et les obligations du successeur, liquider la succession et partager.