L’action possessoire

Les effets de la possession : l’action possessoire

Quand une personne possède un bien, elle peut protéger cette possession grâce à des actions possessoires.
Le juge saisi va protéger le possesseur sans avoir à se demander s’il est vraiment possesseur (titulaire ou non du droit réel). Il s’intéresse aux faits et cherche le trouble de la possession.

On peut donc protéger l’usurpateur (un voleur) même s’il n’est pas titulaire du droit réel. C’est le prix à payer pour exercer une protection rapide et efficace pour les cas où le possesseur est titulaire du droit réel.


§ 1 – domaine et régime des actions possessoires

A. Domaine

Art. 2282, al 1 du Code Civil: « La possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l’affecte ou la menace »
Depuis la loi du 9 juillet 1975, la détention est aussi défendue par les actions possessoires. Aux termes du nouvel article 2282, al 2 du Code Civil « la protection possessoire est pareillement accordée au détenteur contre tout autre que celui de qui il tient ses droits ».
Ex : locataire (détention précaire) troublé dans l’occupation des lieux loués : avant 1975 il devait s’en référer au propriétaire (jouissance paisible des lieux loués envers le locataire selon le contrat de bail) et le propriétaire utilisait les actions possessoires. Depuis 1975 les actions sont ouvertes au détenteur immobilier.

Il faut que l’auteur du trouble soit un tiers : le possesseur n’est pas protégé en cas d’inexécution contractuelle ou mauvaise exécution car cela fait l’objet d’une responsabilité contractuelle.
Ex : un propriétaire gêne son locataire dans la jouissance des lieux loués. Ce dernier ne peut exercer l’action possessoire en raison du contrat de bail qui le lie avec le propriétaire. Si un tiers gêne le possesseur ou le détenteur, ces derniers ont la possibilité d’exercer une action possessoire.


B. Régime général des différentes actions possessoires

C’est le juge du tribunal d’instance qui a la compétence exclusive en la matière.
Le juge du tribunal de grande instance répond aux questions qui portent sur la propriété et lors d’une relation contractuelle. Les actions possessoires se règlent par le NCPC par la règle du non-cumul du possessoire et du pétitoire (action en revendication du droit de propriété sur un immeuble) : lorsque le juge statue, sa décision ne vaut que pour la possession, elle ne vaut pas pour le fond du droit.

Mais si un procès s’ouvre concernant la titularité du droit réel correspondant, le juge n’aura pas tenir compte du juge du possessoire. La chose jugée au possessoire n’a pas autorité au pétitoire.
article 1966 du NCPC : « celui qui agit au fond n’est plus recevable à agir au possessoire ». Celui qui commence à agir au pétitoire a renoncé à agir par les actions simples du possessoire.



§ 2. Les règles particulières à chacune des actions possessoires.

A. la complainte.

1 – Conditions de l’action en complainte

Il faut démontrer :

Le trouble de fait est un acte matériel (passer dans un jardin sans droit, cueillir les fruits). C’est un acte concret et matériel. Le trouble de fait ne doit pas être violent.

Le trouble de droit est la manifestation d’une prétention contraire au droit du possesseur qui peut être contenu dans un acte juridique (sommation de ne plus payer les loyers dans les mains du possesseur, contestation de sa qualité de possesseur), ou peut résulter d’une négation en justice de la qualité de possesseur, des droits du détenteur (quitter l’immeuble où il habite, prétendre qu’une personne est locataire à la place de l’autre).

Que la possession ou la détention est paisible (article 2283 du Code civil). Ceci ne s’applique pas à la violence (refus de se faire justice soi-même en raison des actions possessoires).

Article 2264 du Code Civil : la possession doit durer au moins depuis un an.
La possession est un pouvoir de fait et doit attester d’une certaine stabilité du possesseur. On peut contester cette stabilité car la détention précaire repose sur un titre (il n’y a pas besoin du délai d’un an mais la loi n’a pas réaménagé les dispositions).


2 – Les effets de l’action en complainte

Le juge va mettre fin au trouble si les conditions sont remplies.

– Le trouble de fait : le juge va ordonner de ne plus utiliser l’immeuble possédé, de retirer les fruits.
– Le trouble de droit : le juge va affirmer que le possesseur troublé est bien le véritable possesseur mais préjuge pas du problème de titularité du droit réel correspondant.

Le juge met fin au trouble de fait ou de droit. Si le trouble a causé un préjudice au possesseur, le possesseur pourra demander des dommages et intérêts sur le fondement de l’article1382 du Code Civil à l’auteur du trouble.
Le possesseur peut agir sur le fondement de l’action possessoire en dehors de tout préjudice.


B. la dénonciation de nouvel œuvre

Autrefois, cette action était différente de la complainte mais aujourd’hui elle en est très proche. Concrètement, la complainte suppose que le trouble est actuel alors que la dénonciation de nouvel œuvre est ouverte en cas de trouble futur. Elle permet d’obtenir la suspension de travaux qui, s’ils avaient continués, constitueraient un trouble dans la possession. L’action ne peut être exercée qu’autant que les travaux énumérés sont en cours d’exécution et à la condition qu’ils ne causent pas encore un trouble.


C. L’action en réintégration

Cette action vise à protéger le possesseur ou détenteur contre les troubles les plus graves (violence) et contre les voies de fait (actes d’autorités arbitraires au moyen desquels on entend se faire justice soi-même).
La réintégration est donnée contre toute dépossession violente : acte agressif sur la personne ou sur le bien qui, mettant en mouvement le droit de légitime défense, pourrait troubler la paix publique. 2 éléments :
la dépossession doit empêcher le possesseur de reprendre l’usage de sa chose
la dépossession doit être violente ; elle suppose un acte agressif.

Ex : une personne dépouille le possesseur de l’immeuble et un obstacle persistant va l’empêcher de reprendre l’usage de son bien. L’auteur du trouble est soit un usurpateur, soit une personne qui peut prétendre à des droits (véritable propriétaire) mais peu importe car il n’y a pas de justice privée.
La gravité du trouble permet de ne pas tenir compte du délai d’un an se mais la possession doit être paisible pour être défendue selon l’article 2283 du Code Civil.