L’élaboration du règlement intérieur

L’élaboration du règlement intérieur

L’article L.1321-1 du code du travail indique que le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :

les mesures d’application en matière d’hygiène et de sécurité, notamment de certaines dispositions du code du travail qui sont nombreuses dans ce domaine et lorsque les risques le justifient : comment utiliser les équipements de travail, les équipements de protection… ces mesures doivent être adaptées à la nature des tâches

les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à la demande de l’employeur, à participer au rétablissement de la sécurité et de la santé des salariés lorsqu’elles sont compromises (dans des cas d’urgence, le Règlement Intérieur va prévoir selon quelles modalités l’employeur va appeler les salariés)

les règles relatives à la discipline et notamment la nature et l’échelle des sanctions que l’employeur peut prendre, si des fautes ont été commises par le salarié. D’autres dispositions du code du travail ajoutent que le règlement intérieur doit également énoncer les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés contenus dans le code du travail ou dans la convention collective applicable (on rappelle les droits de la défense lorsque le salarié a commis une faute et l’employeur encrage une sanction).

Il faut également que le règlement intérieur rappelle les dispositions du code du travail relatives au harcèlement moral et aux harcèlements sexuels.

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Le cours complet de Conflit et contentieux en droit du travail est divisé en plusieurs chapitres :

a) L’obligation d’élaborer un règlement intérieur

Obligation de l’employeur à partir de 20 salariés ; si l’entreprise comporte plusieurs établissements il y a plusieurs cas de figure :

Si aucun établissement n’atteint 20 salariés, l’employeur établit un règlement intérieur unique pour toute l’entreprise ; l’employeur doit s’assurer qu’aucun établissement ne comporte des particularités nécessitant des dispositions propres.

Si un ou plusieurs établissements atteignent 20 salariés, alors une procédure spécifique à chaque établissement doit être mise en œuvre. Cela n’interdit pas d’élaborer des règlements intérieurs identiques si leurs caractéristiques sont les mêmes. Il se peut aussi que plusieurs entreprises n’atteignent pas le seuil de 20 salariés mais constituent entre elles une UES ; dans ce cas, un règlement intérieur doit être mis en place au niveau de l’UES.

Un délai s’applique ici puisque le code du travail prévoit que lorsque l’entreprise est créée, un Règlement Intérieur doit être élaboré dans les trois mois. Pour l’administration du travail, cela signifie que si le seuil de 20 salariés a été franchi, continuellement pendant trois mois, l’employeur est obligé d’élaborer le règlement intérieur. L’administration considère néanmoins que l’obligation est remplie par l’employeur dès qu’il engage la procédure d’élaboration du règlement intérieur (au moment de la consultation des représentants du personnel). En effet, l’employeur devra solliciter l’avis du CHSCT et des délégués du personnel sur le projet de règlement intérieur. En revanche, la loi ne fixe pas de délai pour les entreprises anciennes et pour l’administration du travail, c’est alors un délai de six mois qui s’applique à compter du franchissement du seuil.

Le respect des ces obligations est placé sous le contrôle des inspecteurs du travail qui peuvent relever l’infraction consistant à ne pas avoir élaboré le règlement intérieur. L’inspecteur appartient à une administration et c’est la direction du travail et de l’emploi, qui est une composante du ministère du travail qui élabore des circulaires à destination des inspecteurs du travail. Ces circulaires ne constituent pas à proprement parler une source du droit, mais elles n’en sont pas mois une indication très importante sur les pratiques de l’administration.

Il se peut aussi qu’une entreprise ou un établissement ne comporte pas 20 salariés, mais envisage néanmoins d’élaborer un règlement intérieur (c’est assez rare en pratique). Ou l’entreprise comportant 20 salariés mais en comporte désormais moins, si l’employeur souhaite le modifier, il doit respecter toutes les règles légales concernant le règlement intérieur, s’agissant de son élaboration, comme de son contenu

La procédure d’élaboration est fixée par le code du travail, consultation des représentants du personnel sur le projet de règlement intérieur (première étape), une fois que les Institutions Représentatives du Personnel ont rendu leur avis, rédaction définitive par l’employeur du texte qui doit être affiché, communiqué à l’inspecteur du travail et aux Institutions Représentatives du Personnel.

b) Les adjonctions au règlement intérieur

Certains employeurs ont imaginé élaborer des règles applicables à l’ensemble du personnel par des notes de service ou des circulaires afin d’éviter la procédure d’élaboration du Règlement Intérieur (risque d’atteinte aux libertés).

1°) Les notes de services ou circulaires assimilables au règlement intérieur

Article L.1321-5 dispose que ces notes de service et circulaires sont considéra comme des adjonctions au règlement intérieur, elles sont donc soumises à la même procédure (avis, communication et affichage).

Cassation., crim., 27 juin 1990 ; à propos d’une note intitulés « consigne » imposait aux caissières de nettoyer leur caisse. La Cour a jugé que ces consignes interviennent dans le domaine de l’hygiène qui est réservé au règlement intérieur.

Autre exemple, CE, 29 décembre 1995 ; à propos d’une société de traitement de produits dangereux qui fixe, par une note des mesures de sécurité en prévoyant des astreintes dans un certain nombre d’hypothèses et notamment des absences de salariés, notamment incluant la grève. Le Conseil d’Etat a jugé que cette note est assimilable au règlement intérieur, il fallait donc que l’employeur passe par la procédure d’élaboration du règlement intérieur.

Cassation. soc., 1er juin 1994 ; à propos d’un hôtel qui, par une note de service, interdit à son personnel d’utiliser les places de parking situés à proximité de l’établissement. Un salarié est sanctionné et la chambre sociale annule la sanction (avertissement) puisque la noter intervenait dans le domaine du règlement intérieur et contenait une restriction à une liberté fondamentale.

Il y a un cas particulier : celui des consignes d’incendie (CE, 3 juin 1988) ; il y a une règlementation particulière qui oblige l’employeur à prendre ces consignes et à les communiquer à l’inspecteur du travail. Le Conseil d’Etat a estimé que bien que cela concerne la sécurité, cela ne relève pas du domaine du règlement intérieur car les consignes d’incendie sont un document à part régi par une autre procédure.

2°) Les notes de services ou circulaires non assimilables au règlement intérieur

Certaines notes n’ont qu’un caractère temporaire ou ne visent qu’une catégorie de salariés, elle de relève pas de la procédure du règlement intérieur. La note qui porte sur les dates de congés payés ou de fermeture annuelle de l’entreprise. La note remise au moment de l’embauche, de même la note qui se borne à préciser la tenue vestimentaire qui sera exigée.

CE, 12 novembre 1990 ; à propos d’une note dans laquelle l’employeur indique que les appels personnels venant de l’extérieur ne seront plus, sauf urgence passés à leur destinataires. Pour le Conseil d’E, cette note n’est pas une adjonction au règlement intérieur (pas soumis à la procédure du Règlement Intérieur).

L’employeur est tenu de respecter les libertés publiques ; il est interdit de demander un extrait de casier judiciaire si la nature de l’emploi ne le nécessite pas.

3°) Les codes de déontologie et les chartes du personnel

Il est tentant pour l’employeur d’utiliser la voie d’une charte ou d’un code de déontologie pour établir des règles qui vont s’appliquer à l’ensemble du personnel. Il est vrai que, bien souvent, l’objectif principal de l’employeur est de mobiliser les salariés autour d’un problème déontologique par ex. De recueillir leur adhésion, concrétisée dans un document à part, qui apparaît ainsi comme discuté, négocié avec le personnel. C’est même souvent un moyen pour l’employeur de modifier certains comportements et même de faire progresser la pratique professionnelle des salariés.

Ces documents risquent de porter atteinte à certaines libertés (secret des correspondances). Plusieurs auteurs ont critiqué ces pratiques en faisant valoir que c’était un moyen habile pour l’employeur de contourner les règles applicables au règlement intérieur. C’est pourquoi la jurisprudence et le code du travail ont assimilé à des Règlements Intérieurs ces codes et chartes dès lorsqu’ils comportent des dispositions générales dans les matières qui ressortent du règlement intérieur (notamment la discipline).

L’essentiel du contentieux concerne en premier lieu des salariés sanctionnés sur la base de ces chartes et qui contestent leur sanction. Il arrive parfois qu’un inspecteur du travail exige le retrait de ces dispositions. La Cour de cassation a apporté une précision importante ; il se peut qu’un code de déontologie ou une charte ne fasse que rappeler des obligations préexistantes en précisant leurs modalités d’application par exemple. Dans ce cas, il n’y a pas de modification du règlement intérieur.

c) Les sanctions

1 °) Les sanctions spécifiques à la réglementation du règlement intérieur

Article R.1323-1 du code du travail prévoit les sanctions pénales (contraventionnelles). Ces sanctions sont envisageables si :

il n’y a pas de règlement intérieur pour une entreprise de plus de 20 salariés, une fois passé les délais

le règlement intérieur a été adopté mais sans respecter la procédure d’élaboration (consultation des Institutions Représentatives du Personnel)

le règlement intérieur a été adopté de manière régulière mais il comporte une clause illégale selon l’inspecteur du travail (si c’est un Conseil des Prud’hommes qui a estimé que la clause était illégale, par exemple en annulant une sanction disciplinaire, dans ce cas l’inspecteur du travail ne peut pas relever l’infraction tant qu’il n’a pas constaté lui même l’illégalité)

le règlement intérieur n’a pas été affiche

il n’est pas rédigé en français

2 °) Le délit d’entrave

Il s’agit de sanctionner le non respect par l’employeur de son obligation de consulter les représentants du personnel au cours de la procédure d’élaboration du Règlement Intérieur. L’article L.2228-1 réprime l’entrave à la constitution des Institutions Représentatives du Personnel, à leur fonctionnement régulier ; un an d’emprisonnement et 3750 euros. SI c’est une personne morale qui a commis l’infraction, l’amende est multipliée par 5 et par 10 en cas de récidive.

Les parties lésées sont en droit d’obtenir des Dommages et Intérêts, les tribunaux se montrent peu généreux dans ce domaine et les constitutions de parties civiles ne sont pas fréquentes de la part de salariés de l’entreprise. Ceci dit, il ne faut pas oublier que le syndicat peut agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. L’entrave aux fonctions de représentants du personnel est lui-même générateur du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, le syndicat peut donc agir ou se constituer partie civile.

3 °) L’inopposabilité au salarié

En principe, le Règlement Intérieur s’applique à tous les salariés de l’entreprise. Mais il y a des cas particuliers, et notamment les salariés employés par des entreprises extérieures. Par exemple, les travailleurs intérimaires dont l’employeur de droit est l’entreprise de travail temporaire. Les intérimaires sont soumis au Règlement Intérieur concernant l’hygiène et la sécurité, mais pour la discipline, ils restent subordonnés à leur employeur de droit, et le règlement intérieur ne leur est pas applicable en ce qui concerne l’échelle des sanctions qui peuvent être prises.

En revanche, s’il n’y a pas de règlement intérieur, l’employeur ne peut pas s’en prévaloir sauf qu’en réalité le contentieux concerne deux types de cas :

L’employeur a élaboré un règlement intérieur mais n’a pas respecté l’une de ses obligations dont l’exécution conditionne l’entrée en vigueur du règlement intérieur ; par exemple défaut d’affichage, dans ce cas, le salarié peut prétendre que le Règlement Intérieur ne lui est pas opposable mais la Cour de cassation admet néanmoins l’employeur à prouver que le salarié avait connaissance du règlement intérieur malgré le défaut d’affichage.

Le règlement intérieur comporte des dispositions qui ne devraient pas y figurer ; la Cour de cassation distingue parmi ces clauses d’une part, les clauses qui imposent des obligations mais qui ne relèvent pas du domaine du Règlement Intérieur (cas classique : la clause de mobilité, clauses de non concurrence). D’autre, part, les clauses qui créent des droits aux salariés (indemnité de licenciement, prime…), ce n’est pas du domaine du Règlement Intérieur : la Cour de cassation admet que les salariés peuvent s’en prévaloir, elle analyse cela comme un engagement unilatéral de l’employeur. Seulement, ces engagements unilatéraux, pour la jurisprudence, sont traités comme des usages d’entreprise, ainsi, l’employeur dispose de la faculté d’y mettre fin de manière unilatérale, comme pour tout usage d’entreprise. En respectant un prévis et en informant les salariés concernés. Ainsi, le retrait de ces dispositions, n’est pas considéré comme une modification du Règlement Intérieur qui exigerait le respect de la procédure propre à la modification du Règlement Intérieur (consultation obligatoire des Institutions Représentatives du Personnel).

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