L’emprunt public

L’emprunt public

On trouve des traces d’emprunt dès le Moyen-Âge (banquiers italiens qui prêtaient au pouvoir). C’est ce phénomène qui pousse le pouvoir à financer par un appel à un tiers ce qu’il n’arrive pas à payer avec ses revenus ou avec ses recettes fiscales. Historiquement, sous l’Ancien Régime, la Couronne empruntait par le biais d’un réseau de nobles puissants que l’on appelait les financiers du royaume. C’étaient ces possédants terriens ayant d’immenses fortunes et qui étaient susceptibles quand la couronne manquait de liquidité de lui prêter de l’argent. Les financiers amassaient des sommes colossales en intérêts. On avait un financement privé de la Couronne. Avec la Révolution (jusqu’à Waterloo), les choses changent. Mollien (ministre des finances de Napoléon) créé la caisse de services par le décret du 16 juillet 1806. C’est un outil comptable qui vient centraliser l’ensemble des mouvements financiers opérés sur le territoire national. Cette centralisation réalise l’unité de caisse. À partir de Mollien (1806), on avait une trace écrite : on peut savoir ce que sont les besoins de trésorerie de la Nation, des comptes publics. Une fois par mois, il est capable d’établir le solde de tout ce qui est entré dans les caisses et de tout ce qui est sortir des caisses. Mollien constate régulièrement un besoin de trésorerie, qui vient du fait que le solde est négatif. Le pouvoir organise donc par l’arrêté du 26 mai 1814 une administration s’appelant le Mouvement Général des Fonds. Il a vocation à gérer la trésorerie de l’Etat. Son appellation désigne sa fonction : il observe qu’on effectue plus de recettes que de dépenses en Corse, et l’inverse dans l’Est (beaucoup de militaires établis pour se protéger contre les Prussiens) ou dans le Nord. Administrativement, l’organisation du phénomène financier nécessite de rationaliser la gestion des fonds publics. Très rapidement, l’Etat se déleste de cette mission auprès de la Banque de France, à l’origine une banque privée. La loi du 9 juin 1857 confie la manutention des fonds à la Banque de France. Elle organise les transferts matériels d’argent d’un point à un autre. On continue à avoir cette administration qu’est le mouvement général des fonds, mais qui ne fait que de l’organiser au niveau de la trésorerie de l’Etat. La Banque de France le fait matériellement. Le mouvement général des fonds ne fait que prescrire. Là-dessus se développent deux choses :

– Le développement de la monnaie scripturale (traites, chèques, virements…) ce qui amoindrit le mouvement matériel des fonds,

– Les techniques de l’information et de la communication (poste, télégraphe, téléphone, télex, Internet…).

On commence à pouvoir gérer la trésorerie de l’Etat uniquement de manière comptable. La loi du 30 août 1940 créé la Direction du Trésor, l’Administration change de nom. Depuis la IV et la V République, elle porte le fait qu’elle a été créé sous Vichy. La direction du trésor devient la direction générale du trésor et confie la gestion des emprunts à une agence que l’on appelle un service à compétence nationale (pas de personnalité morale, c’est un élément de l’Etat, une administration bénéficiant d’une compétence transversale). Ce service est l’agence France Trésor, créée par l’arrêté du 8 février 2001. Elle gère la trésorerie de l’Etat.

  • a) Les différents besoins de financement

Quand Mollien et les financiers du XIX siècle constataient un besoin de financement, on faisait appel à la Banque de France. À travers sa succursale locale (à Chambéry par ex.), la Banque de France prêtait des fonds au payeur local. La Banque de France se faisait rémunérer pour ces prêts. Au XX siècle, le recours généralisé aux avances de la Banque de France était une source d’inflation. Très rapidement, les promoteurs de la transparence financière ont souhaité l’arrêt de ce recours à la Banque de France. Cela a fini par intégrer le système juridique : la loi du 4 août 1993 figure maintenant à l’article L 141-3 du C. Mon. Et Financier. L 141-3 interdit à la Banque de France d’autoriser des découverts. Elle ne peut pas autoriser de découverts ou tous types de crédits au Trésor Public. L’adoption de ce texte ne s’est pas faite toute seule, il y a eu une petite poussée du Droit européen : art. 101 du traité (Maastricht 1993) interdit à la BCE et aux différentes Banques Centrales des Etats membres par ricochets d’accorder tous types de découverts ou crédits aux institutions et organes publics de la communauté. Matériellement, l’Etat a des besoins de trésorerie, et juridiquement, on ne peut plus accéder aux découverts. Les différents besoins de trésorerie : – Le solde de trésorerie ou déficit de caisse : c’est l’observation du décalage entre le rythme de perceptions des recettes et le calendrier des dépenses. On a un rythme de consommation des crédits qui tourne autour de 8%/mois, soit 1/12ème. À l’inverse, les recettes ne rentrent pas à ce rythme (sauf recettes de TVA). La consommation des ménages n’est pas uniforme (Noël, vacances). Les impôts sur le revenu et impôts sur les sociétés sont réglés par tiers (trimestriellement). Les recettes de l’Etat entrent en mars, juin et septembre. On constate donc un déficit de caisse au moment du payement des fonctionnaires en janviers par ex., soit un solde de trésorerie. – Le solde budgétaire : il génère le déficit budgétaire. C’est le constat de ce que l’ensemble des recettes ne permet pas de couvrir l’ensemble des dépenses. Ce solde budgétaire est constaté en fin d’année, mais on fait bien la différence entre le solde budgétaire (qui constate une carence) et le solde de trésorerie (qui s’effectue au quotidien). Il faut financer ce déficit budgétaire, et il existe une autre cause à l’emprunt, c’est le besoin de financement lié à l’amortissement de la dette. Dans une dette il y a le capital et les intérêts, intérêts qui sont considérés comme une dépense de l’exercice ; le principal (le capital) n’est pas une dépense mais une ressource temporaire – l’emprunt – qui génère une charge temporaire : le remboursement de cet emprunt. Pour rembourser cet emprunt, on procède à son amortissement, c’est-à-dire rembourser le capital. Il peut s’effectuer à échéances, en une fonction… Or, dans la mesure où cet amortissement n’est pas considéré comme une dépense mais comme une charge, il va créer au moment où il intervient un besoin de trésorerie. Avec la multiplication du poids de la dette, ce besoin de trésorerie s’accroît d’année en année. On a des emprunts liés à un déficit budgétaire, et des emprunts liés au fait qu’on a 30 ans d’emprunts arrivant à échéance. En 2002 : 70 milliards de remboursements. Chaque année, l’agence France Trésor gère entre 100 et 140 milliards d’emprunts. C’est la gestion de la trésorerie de l’Etat.

  • b) Les différentes personnes publiques

Historiquement, parler de l’emprunt, et donc de la dette publique, c’est parler de l’Etat. Il n’y a pas que l’Etat qui emprunte. Les administrations publiques sont susceptibles d’emprunter. C’est bien ce que vise le traité de Maastricht à travers la notion de déficit des comptes publics. Il s’agit de ne pas se limiter à prendre en compte les déficits des comptes de l’Etat, et de comptabiliser l’ensemble des déficits de l’administration publique au sens large

Que sont ces administrations ?

– Les administrations centrales : l’Etat (avec les 3 comptes susceptibles d’être déficitaires : le budget général, les comptes spéciaux du Trésor, les budgets annexes) ; les Organismes Divers d’Administration Centrale (ODAC) dont les comptes sont autonomes et qui ne sont pas exactement l’Etat ; plusieurs centaines d’établissements 19 publics bénéficiant de la personnalité morale, et donc de comptes autonomes mais sur lesquels l’Etat exerce une tutelle très forte (ex. CNRS). – Les administrations locales parmi lesquelles on compte les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

– Les comptes des organismes de sécurité sociale. Ce sont l’ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale (assurance chômage…).

– Les comptes des organismes financés par ces régimes, mais pouvant eux-aussi recourir à l’emprunt (ex. les hôpitaux).

– L’agence France Trésor ne gère que la dette de l’Etat au sens strict. Les autres organismes gèrent leurs emprunts. Au sens du traité de Maastricht, le solde des déficits publics est exprimé en milliards d’€uros :

– Etat : -61,9 milliards d’€uros en 2003, -47milliards aujourd’hui, -35,7 en 2001. – Admin. Centrales : 4,6 milliards (solde bénéficiaire)

– Admin. Locales : 0,5 milliard

– Admin. de Sécurité Sociale : -10 milliards

– Ensemble des admin. publiques : -66,6 milliards Si on rapport ce déficit au PIB, on est à un déficit de 4,2% du PIB en 2003, dont 3,9 points viennent du déficit de l’Etat. Budget de l’Etat : 250 milliards d’€. Pour 2003, la dette de l’Etat était établie à 800 milliards. La dette des ODAC était toujours en 2003 à 53,3 milliards. En ce qui concerne des administrations locales, 106 milliards. Pour la SS, 31 milliards. Pour un total de 996 milliards en 2003. Le déficit des organismes de Sécurité Sociale peut paraître important à 10 milliards, mais leur dette apparaît minime au regard de la dette de l’Etat. Les emprunts liés aux régimes de protection sociale sont des emprunts liés au solde de trésorerie. Ce sont des phénomènes conjoncturels. On constate des déficits et des excédants sur le long terme. L’emprunt de l’Etat vise à combler un déficit qui depuis quelques années est un déficit structurel. Il y a un solde de trésorerie, mais on a surtout un déficit budgétaire de l’Etat, entretenu par l’arrivée à échéance de la dette antérieure. Les emprunts de l’Etat couvrent des déficits structurels qui viennent d’une répétition de déficits budgétaires et de l’arrivée à terme de la dette publique qu’il faut rembourser.