L’enquête préliminaire

L’enquête préliminaire

  • L’enquête préliminaire est une enquête de police judiciaire qui a été créée par la pratique policière, les policiers souhaitant enquêter hors les cas de flagrance. C’est ‘une enquête par défaut. Les pouvoirs de l’enquête préliminaire sont définis aux articles 75 à 78 et suivants du code de procédure pénale.
  • L’enquête préliminaire peut être mise en œuvre pour toutes les infractions, soit par les forces de police, soit sur instruction du procureur de la République.
  • Si l’initiative vient de la police ou de la gendarmerie, l’officier de police judiciaire dirigeant l’enquête doit informer le Procureur de la République dès que des indices apparaissent à l’encontre d’une personne. Cette obligation est faite également pour toute enquête ouverte depuis plus de 6 mois, afin que le magistrat puisse apprécier des suites à donner à cette enquête.L’enquête préliminaire est possible pour toutes les infractions, quelle que soit leur nature, elle est également possible pour une infraction flagrante.

Section 1 – Histoire de l’enquête préliminaire

Cette enquête a une histoire sulfureuse. Elle s’est longtemps appelée « enquête officieuse ». En effet, est venu un moment où, au lendemain de la mise en vigueur du Code d’instruction criminelle, le droit des personnes inculpées grandissait. On a notamment permis le recours à un avocat en 1897. Cette amélioration de l’instruction a fait que l’on a tenté d’échapper à l’instruction. Les procureurs ont engagé des enquêtes qui permettaient à l’intéressé de n’avoir l’assistance de personne. C’est avec le Code de Procédure Pénale, 1er janvier 1959, que l’on a légalisé l’enquête officieuse qui est devenue l’enquête préliminaire.

Cette enquête était traditionnellement radicalement différente de l’enquête de flagrance qui commence avec la constatation de l’infraction. C’est une enquête qui vise à constater une infraction que l’on n’a fait que soupçonner. On cherche à en obtenir les preuves. Mais puisqu’on n’a que des soupçons, il est possible qu’ils soient injustifiés. En conséquence, le risque que cette enquête préliminaire soit totalement injustifiée est considérable.

Le Code de Procédure Pénale qui a légalisé cette enquête l’a fait en considérant que cette enquête excluait par principe tout recours à la contrainte. Après la mise en vigueur du Code de Procédure Pénale, ces analyses saines ont été remises en cause au prétexte notamment de la lutte contre la grande criminalité et contre le terrorisme.

Au moment de l’entrée en vigueur du Code de Procédure Pénale, seule l’enquête préliminaire était possible s’il n’y avait pas de flagrance . Il fallait le consentement de l’intéressé quoi qu’il se passe s’il n’y avait pas flagrance. Si le procureur de la république voulait avoir la possibilité de recourir à la contrainte, il fallait demander au juge d’instruction d’ouvrir une instruction pour obtenir une autorisation de la contrainte.

Si l’on ouvre une instruction, il va y avoir une série de garanties et notamment l’assistance d’un avocat. Le temps passant, cette instruction est apparue comme une procédure trop soucieuse de garantir les droits de la défense. Par des réformes successives, on a alors permis le recours à la contrainte au stade d’une simple enquête préliminaire. Le choix du procureur est donc remis en cause : la contrainte peut être obtenue par l’enquête préliminaire, au détriment de l’instruction.

On a évoqué le fait que moins de 5% des affaires nécessitaient l’intervention du juge d’instruction. Cela ne s’explique pas par le fait qu’ils sont inutiles, mais par le fait que la police a les mêmes pouvoirs. On peut maintenant recourir à la contrainte dans une simple enquête préliminaire. La personne soupçonnée n’a aucun droit qu’elle aurait durant une instruction.

Durant l’enquête préliminaire, il y a de plus en plus la possibilité de recourir à la contrainte, si ce recours à la contrainte a été autorisé par le juge des libertés et de la détention, juge judiciaire du siège. La présence de ce juge est souvent dénoncée comme étant la présence d’un simple alibi. Ce contrôle qu’il devrait effectuer, devrait être approfondi, par un magistrat ayant le temps de connaître le dossier. On n’a jamais donné au juge des libertés et de la détention les moyens d’effectuer un contrôle efficace.

Section 2 : La conduite de l’enquête préliminaire

Ce sont les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire qui peuvent conduire cette enquête, de leur propre initiative ou sur ordre du procureur qui la dirige toujours (article 12). En principe, au regard de l’enquête de flagrance, le rôle des procureurs est accru. Il n’y a plus ici cette évidence qui autorise que l’on donne une large initiative à l’officier de police judiciaire. On ne peut donc pas accorder autant de pouvoirs en matière d’initiative qu’en matière de flagrance.

Lorsque l’enquête est ouverte à la demande du procureur, on a la possibilité d’en fixer le délai, puisque ce n’est pas un délai butoir, pouvant donc être prorogé. Comment va-t- on informer le procureur si l’enquête a été ouverte à l’initiative de l’officier de police judiciaire ?

Les exigences du Code de Procédure Pénale sont minimes : il doit rendre compte de l’enquête seulement au bout de 6 mois. Il devra éventuellement le faire auparavant si l’on identifie un suspect. Dès lors que, grâce au résultat de l’enquête, on identifie une personne comme pouvant être auteur de l’infraction, il faut en aviser le procureur. Dans un cas comme dans l’autre, ceci signifie que l’enquête préliminaire n’a aucune durée maximale , elle peut durer des semaines ou des mois. Cette absence de limitation dans le temps n’avait originellement aucun caractère de gravité, car il n’y avait pas de contrainte.

Dès lors que, par l’évolution législative, La possibilité de recourir à la contrainte est allée croissante, l’enquête préliminaire est devenue dangereuse, puisqu’il n’y a aucun contrôle d’un juge du siège, sauf du juge des libertés et de la détention dans certaines conditions et souvent sans les moyens matériels d’effectuer un véritable contrôle.

Section 3 : Les opérations conduites durant l’enquête préliminaire

Ce sont des opérations qui ont pour but de parvenir à la découverte de la vérité, à la constatation de l’infraction. Ces opérations sont de plusieurs types, si on fait un parallèle avec l’enquête de flagrance. On peut alors faire apparaître que, au cours de l’enquête préliminaire, certaines opérations vont être soumises au même régime juridique que l’enquête de flagrance. Certaines opérations vont être soumises à un régime spécifique. Il y a aussi une opération originale : l’opération d’infiltration.

  • 1. Les opérations soumises au même régime qu’en enquête de flagrance

L’officier de police judiciaire a un grand pouvoir d’appréciation. Il y a parfois des exceptions. En dépit de la possibilité de principe de recours à la contrainte, il se peut que l’officier de police judiciaire obtienne l’accord d’une autre personne.

Si les autorisations sont requises en dépit de la flagrance, elles seront exigées en enquêtes préliminaires. S’agissant des correspondances et des communiqués, cette interception n’est pas possible durant une enquête préliminaire. On a une exception quant à la criminalité organisée. Pour l’enquête préliminaire, il est prévu, à titre exceptionnel, que l’interception soit possible, et peut être autorisée en cas de criminalité organisée.

De la même manière on peut transposer tout ce que nous avons vu à propos de la garde à vue. Mais il est surprenant que le régime soit le même. Si l’officier de police judiciaire a le pouvoir de placer une personne en garde à vue de sa propre initiative, on pourrait justifier en considérant qu’il y a flagrance et donc pas de risque d’erreur. On peut être plus craintif à accorder ce pouvoir en cas d’enquête préliminaire car il n’y a pas de flagrance.

Pourtant, on a admis que le placement en garde à vue pouvait être décidé par l’officier de police judiciaire seul sans accord préalable du procureur. Il doit juste informer ce dernier du placement en garde à vue .

  • 2. Les opérations soumises à des régimes spéciaux

En principe, et parce que l’enquête préliminaire, par nature dans sa conception traditionnelle, n’autorise pas le recours à la contrainte, la perquisition domiciliaire ne peut intervenir qu’avec le consentement de l’intéressé . Ce consentement doit être donné par écrit. La contrepartie est que, si au cours d’une enquête préliminaire, un officier de police judiciaire vient pour effectuer une perquisition et que la personne n’accepte pas, l’officier de police judiciaire n’entre pas. En ce cas, le procureur pourrait demander l’ouverture d’une instruction. Aujourd’hui, de plus en plus on a voulu autoriser le recours à la contrainte, ce qui dispense d’ouvrir une instruction.

Il est donc possible, sur autorisation du juge des libertés et de la détention après ouverture d’une instruction, de procéder à une perquisition sans le consentement de l’intéressé. Cette autorisation du juge des libertés et de la détention d’avoir recours à la contrainte, peut être donnée en matière de crime. Cela est aussi possible pour tous les délits à condition que la peine encourue soit au moins égale à 5 ans.

Pour le reste, s’agissant du régime applicable aux perquisitions, transposer tout ce que l’on a vu quant aux flagrances.

  • 3. L’opération d’infiltration

Cette opération est propre à la criminalité organisée. On la retrouve à l’article 706-81 du Code de Procédure Pénale. Cette opération a un nom éloquent.Cela consacre le pouvoir, pour un officierde police judiciaire, de se faire passer auprès d’un suspect, comme un receleur, un auteur ou un complice d’une infraction, avec une identité d’emprunt si besoin. Le but est de suivre une opération.

Cela a une limite : cette infiltration ne doit pas inciter à la commission d’une infraction.

Le Code de Procédure Pénale autorise l’agent infiltré à commettre des infractions, mais des infractions qui seront justifiées par une autorisation de la loi. Cette opération d’infiltration a une durée maximum de 4 mois. Cette durée est renouvelable, et suppose l’autorisation non du juge des libertés et de la détention, mais du procureur de la république. Le Code précise qu’aucune condamnation ne pourra être prononcée uniquement sur les déclarations de l’agent infiltré.