L’erreur sur le droit en droit pénal

L’erreur sur le droit : article 122-3 du Code Pénal :

Il faut avoir connaissance de l’environnement, des circonstances dans lesquelles on agit pour commettre une faute intentionnelle. La connaissance est l’approche éclairée de la réalité (factuelle ou juridique).
– la connaissance du droit. Il y a une présomption universelle de connaissance de la loi. « nul n’est sensé ignorer la loi » Pendant assez longtemps, cette présomption a été absolue car elle ne supportait pas le preuve contraire cf. La défense sociale nouvelle, M. Ancel : la présomption est une fiction juridique ® position relativement soutenue, ce qui n’est plus le cas depuis 1994 : il est possible d’invoquer l’erreur sur le droit pour échapper à cette présomption de connaissance de la loi. cf. art. 122-3 Mais cette possibilité est quand même très restreinte car il faut prouver que la personne a commis une erreur invincible sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter donc dans la quasi-totalité des cas la présomption joue

Le rejet classique de l’erreur sur le droit comme cause d’irresponsabilité :

C’est ce qui a gouverné pendant des siècles, le rejet a d’abord été absolu puis remis en cause

  • jusqu’à une admission et une consécration dans le Code Pénal.
  • Le rejet absolu :
    1. Des fondements puissants :

α) Les fondements juridiques :

Il y en a plusieurs :

  • L’existence du principe de la légalité des incriminations et des peines (Beccaria). C’est ce qui découle de ce principe, la légalité implique deux caractères pour un texte :
    • Son accessibilité.

Sa prévisibilité : le législateur doit prévenir avant de frapper.

Si on s’appuie sur ce principe il faut demander à tous les citoyens de se renseigner un minimum

sur les textes. On a vu naître ainsi une obligation d’information du citoyen. Lorsque l’on crée cette obligation on n’est pas loin du deuxième fondement.

Une présomption de connaissance du droit « Nul n’est censé ignorer la loi ». En appliquant cela il est logique de ne pas retenir l’erreur sur le droit. Ce principe a instauré une présomption irréfragable.

Ces fondements sont redoutables, puissants, ils ont empêché l’implantation de cette exonération

pendant des années.

β) Fondements d’opportunité :

Instaurer un tel principe permet une efficacité du système judiciaire, le juge n’a pas à se demander si la personne connaissait ou non le principe. C’est une fiction indispensable à notre fonctionnement. Ex : Le JO de 1975 contenant la loi sur le divorce n’avait pas été reçu a Montpellier donc théoriquement on ne peut pas divorcer dans cette ville (c’est stupide), la Cour de Cassation a dit qu’il y a une présomption de connaissance, c’es nécessaire pour l’efficacité du système judiciaire.

Quand le texte est publié on est censé le connaître. La mission de la preuve des parties au procès est ainsi simplifiée.

La sévérité de la jurisprudence :

Depuis l’arrêt Cass. Crim. 24/02/1820 la jurisprudence est constante « l’erreur de droit n’est ni un

fait justificatif ni une excuse », on ne devrait donc pas l’accueillir. Ex : une personne dans une commune avait édifié des serres d’horticulture, la municipalité lui avait répondu à plusieurs reprises qu’aucune autorisation n’était nécessaire. Il a été tout de même poursuivi pour construction sans permis et condamné Cass. Crim. 26/02/1964.

Les juges ont peur du précédent.

Une évolution en direction de l’admission :

Il y a plusieurs éléments :

  1. C’est une réflexion doctrinale. Lorsqu’on regarde les pays étrangers on constate que dans certains l’erreur sur le droit est admise. Ca fait réfléchir mais ce n’est pas le seul argument.
  • Depuis quelques années on assiste à une inflation des textes législatifs et réglementaires Français et Européen donc dire au citoyen que l’on va lui appliquer automatiquement la présomption de connaissance du droit est très sévère, on ne devrait plus être aussi systématique (il y a des problèmes qualitatifs dans la loi).
  • Le législateur a parfois lui même accepté ce mode d’exonération ex : 5/11/1870 « en matière pénale le principe de connaissance du droit ne joue que 3 jours francs après publication » (on a étendu ce principe des contraventions vers d’autres infraction). Le législateur reconnaît qu’il est faillible.
  • La jurisprudence a admis dans quelques décisions que l’interprétation erronée de textes émanant d’une autorité administrative qualifiée peut permettre une exonération pénale. Nous disposons de peu d’exemples : Cass. Crim. 9 Octobre 1958. Le législateur allait devoir suivre le mouvement, l’admission n’a pas été unanime. En 1978 dans l’avant projet de réforme on mentionnait l’erreur sur le droit, en 1986 disparition. Par la suite dans une navette le Sénat a proposé cette cause, les Parlementaires ont été d’accord pour la mettre dans l’article 122-3 du Code Pénal.
  • Le droit positif :
    • Les conditions d’admission dans le Code Pénal :

L’esprit du texte :

Le législateur a souhaité assigner à l’erreur un domaine strict et cela disparaît à travers la

circulaire du 14/05/1993. Cette disposition atténue la rigueur du principe traditionnel selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » toutefois l’auteur de l’infraction devra établir qu’il n’était pas en mesure d’éviter son erreur. Il appartiendra à la jurisprudence d’établir les contours de cette nouvelle cause.

L’application :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit

qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ». On voit ici qu’il y a trois conditions :

  • Une erreur sur le droit.
  • Une erreur inévitable.
  • Une erreur de confiance dans la légitimité de l’acte.
  • Une erreur sur le droit : On s’est trompé sur l’existence d’un texte ou son interprétation. Ce n’est pas une erreur sur le droit pénal, c’est une erreur sur le droit qui aura des conséquences pénales. Il faut différencier avec l’erreur de fait qui n’est admise que pour les infractions intentionnelles. Aujourd’hui avec l’internationalisation du droit, la jurisprudence est de plus en plus concernée (on peut reconnaître une erreur sur le droit quand il y aura divergences de jurisprudence).
  • Une erreur inévitable : On est dans ce qui dit la circulaire « erreur invincible » le prévenu ne pouvait pas l’éviter. C’est là que nous pouvons nous référer à la circulaire qui vise deux situations :
    • Le défaut de publication du texte normatif (c’est très rare).

Une information est donnée par l’autorité administrative préalablement à l’acte.

Les premiers arrêts ont montré que les citoyens doivent se renseigner. Ex : Cass. Crim.

11/10/1995 : des époux sont séparés par décision de justice, le mari entre au domicile de l’épouse, il est poursuivi pour violation de domicile. Il produit une lettre par laquelle il avait demandé à l’avoué s’il pouvait entrer, l’avoué répond que oui mais ce n’est pas une autorité administrative compétente donc le mari est condamné. Dans le même sens Cass. Crim. 5/03/1997.

On a tendance à penser que chaque fois que l’erreur viendra d’une personne privée on ne pourra pas s’exonérer. Cette solution est retenue par la Cour de Cassation mais pas toujours par les juges du fond (Cour d’Appel de Douaix le 26 Septembre 1996).

Ex : Cass. Crim. 19/03/1997 : Un supermarché veut s’agrandir et pour ce faire pendant que le dossier court la société forme un recours devant le Ministre compétent. Le Ministre répond qu’il n’y a pas besoin de demander une autorisation, l’extension est pratiquée mais la décision d’extension est aussi examinée au niveau local par la commission d’urbanisme et elle est refusée par 5 fois. Le supermarché est poursuivi pour construction sans permis, peut-on admettre l’erreur sur le droit ?

La Cour de Cassation considère que l’avis du Ministre ne suffisait pas, la société devait avoir consulté des juristes qualifiés. Ca veut dire qu’on ne veut pas admettre l’erreur sur le droit.

La Cour de Cassation semble avoir un peu assoupli sa position, le 1er arrêt de la Cour de Cassation qui a admis l’erreur sur le droit a eu lieu le 24/11/1998.

  1. Ex : Un gérant d’entreprise est poursuivi sur le droit pénal du travail pour avoir toléré le prolongement excessif de la durée du travail (transport routier). Le chef d’entreprise produit un accord professionnel élaboré sous l’égide d’un médiateur nommé par le gouvernement et il y a dans cet accord des clauses qui font références au droit du travail qui semblent autoriser le dépassement du délai.
  2. La Cour de Cassation admet l’erreur et la reconnaît inévitable (information erronée donnée par l’administration).
  • La croyance dans la légitimité de l’acte : C’est la suite de l’erreur inévitable. Quand on parle de croyance légitime on fait référence à une appréciation « in concreto ». La jurisprudence n’est pas sévère sur ce point « ça découle de l’erreur inévitable ». Cour d’Appel de Paris 9/11/2000 : des salariés font des photocopie de documents appartenant à leur employeur pour se protéger en cas de licenciement. La Chambre Sociale et la chambre Criminelle de la Cour de Cassation ont une interprétation qui divergent. Pour la première il n’y a pas vol et les employés peuvent utiliser ces documents, pour la deuxième il y a vol. L’employé cherche à s’exonérer grâce aux divergences. La Cour d’Appel admet ce raisonnement. Comme il n’y a pas eu de pourvoi l’arrêt est définitif.
  • L’erreur sur le droit doit être prouvée par le prévenu lui même.
  • Les éléments non encore réglés :

Deux points ne sont pas encore tranchés :

Les modalités d’appréciation de l’erreur: Dans l’erreur il y a une ambiguïté, l’erreur doit-elle être appréciée « in concreto » ou « in abstracto » ? Si l’on veut être sévère il faut retenir une appréciation « in abstracto ». Dans l’arrêt du 19/3/1997 chaque fois qu’il y a un professionnel on utilise l’appréciation « in concreto ».

Les effets de l’erreur : Sur le prévenu: la responsabilité pénale disparaît s’il est exonéré, sa responsabilité civile, elle, reste intacte mais ce qui n’est pas tranché c’est le sort des autres : les complices vont-ils bénéficier de l’erreur ? On ne sait pas.