L’État fédéral : définition et organisation

L’ÉTAT FÉDÉRAL

C’est la grande forme contemporaine d’États composé. L’État fédéral est une association d’États qui décident de remettre une partie de leur compétence à un État central. Et donc, dans la fédération, il y a des États fédérés et un État fédéral (forme d’organisation étatique complexe on le voit) avec des compétences différentes. Une liste de compétences donc : ce qui appartient à l’état fédéral, et ce qui appartient aux États fédérés.

Il y a un domaine de l’État fédéral, avec un pouvoir immédiat, et un domaine des États fédérés, avec pour eux aussi, chacun d’entre eux, un pouvoir immédiat sur ses citoyens.Ci dessous, une carte des États utilisant un système fédéral (en vert : Canada, Allemagne, Australie, Brésil, USA, Inde, Russie…)

I) L’ORGANISATION DE L’ÉTAT FÉDÉRAL

Quel que soit le mode d’organisation de l’État fédéral, il y a une réalité complexe : la présence simultanément de deux formes étatiques : l’une globale, l’état fédéral, ou super État. L’autre, plus limite : l’État membre. Cela nécessite une articulation entre eux qui se fait selon trois principes dégagés là encore par Georges Scelle :

  1. superposition
  2. autonomie
  3. participation

état fédéral : la carte. (USA, Canada, Australie, Russie, Brésil, Inde…)

  • A) Le principe de superposition

C’est en fait très simple. Ça veut dire qu’il y a 2 ordres juridiques superposés qui vont s’appliquer aux citoyens. L’un global, celui du super État, l’intérieur duquel s’inscrivent les autres particuliers à chaque État membre. Ce qui veut dire que le système juridique de l’État membre s’inscrit dans le cadre général fixé par le système juridique de l’État fédéral.

Mais cette superposition marque l’importance du super État qui d’ailleurs en règle générale est le seul qui soit considéré comme un État sur le plan international. Même s’il est parfois admis que tel ou tel État membre peut avoir des compétences internationales limitées pour des raisons historiques (ex le Québec a une délégation générale à coté de l’ambassade du Canada). Autre exemple que l’on cite toujours, est il accidentel : c’est le cas à l’époque de l’URSS de l’Ukraine et de la Biélorussie qui avaient toutes les deux un siège à l’ONU pendant que l’URSS en avait un aussi. Justifié par le fait que les États-Unis siégeaient avec 2 alliés (France et Grande-Bretagne).

La superposition se combine avec l’immédiateté. L’État fédéral a des compétences immédiates, c’est-à-dire exercées sans intermédiaires sur les citoyens.

Donc principe de superposition qui se caractérise par l’existence d’un pouvoir supérieur et pouvant s’exercer sans intermédiaire mais qui n’est pas un pouvoir exclusif car a coté de ce pouvoir de superposition il y a le principe d’autonomie

  • B) Le principe d’autonomie

Là c’est ce qui distingue l’État fédéral de l’État unitaire. Autrement dit il y a un partage des compétences, certaines appartiennent exclusivement à l’État membre et l’État fédéral ne peut pas intervenir dans ce domaine. Partage des compétences selon une liste variable selon els cas, et en principe la variation peut s’expliquer par le fait que l’État fédéral a été construit par agrégation (auquel cas il aura des compétences d’attribution) ou par ségrégation (au quel cas l’État fédéral aura des compétences de droit commun).

Mais une autre variable est aussi l’idée, l’idéologie, qui préside à cet exercice de réparation. Veut-on un État fédéral ou plus faible ? En réalité, les listes ne sont pas extrêmement variable, on manque toujours au niveau de l’État fédéral défense, monnaie, etc. En fait il s’est passé dans les États fédéral ce qui s’est passé partout : le renforcement de l’exécutif. Aujourd’hui, l’idée que les pères fondateurs aient voulu un président des usa faible est dépassée.

Ce qui caractérise les États fédéraux, c’est qu’il en reste une compétence importante : celle de choisir leur propre gouvernement, ce qu’on appelle leur capacité d’auto organisation, autrement le pouvoir de faire leur propre constitution.

L’État fédéral impose en général une République. Mais dans ce cadre général, la forme peut être libre ; elle est souvent calqué sur l’état fédéral, mais peut être libre.

Exemple : aux États-Unis, les gouverneurs sont élus au suffrage universel, il y a un congrès local composé de deux assemblées.

En dehors de cette capacité d’auto organisation, il y a également bien sur une liberté sur le plan juridique dans les domaines réservés à l’État membre : ex le droit pénal, le droit civil, peuvent varier. Ex les États-Unis sur les affaires de moeurs : le divorce et le mariage sont faciles dans certains États, beaucoup plus difficile dans d’autres. Le jeu est permis dans des États et interdits dans d’autres. Idem pour la peine de mort. Idem pour la législation sur les sociétés (le Delaware c’est très facile de faire une société).

L’idée : on agit séparément dans le domaines séparés, on agi en commun dans els domaines communs

  • C) Le principe de participation

C’est l’idée tout simplement qu’il y a une collaboration de tous dans l’État fédéral. Celui-ci est composé des États membres et ceux-ci participent à ce gouvernement. Il y a des formes constitutionnelles variées pour assurer cette participation, mais dans cette variation il y a aussi des invariants. Par exemple, la représentation des États membres au niveau central, surtout lorsque le fédéralisme est voulu pour résoudre un problème de nationalité : on s’efforce d’associer chacune de ces nationalités au pouvoir central, parfois avec des obligations (ex Yougoslavie : si tel poste va à telle entité, tel autre va à telle autre entité).

Cela a comme conséquence que la charte commune, c’est-à-dire la constitution de la fédération, qui est la charte commune de tous les États membres ne peut être modifié qu’en commun, c’est-à-dire qu’avec l’assentiment au moins de la majorité des États membres (et souvent on exige en matière de révision constitutionnelle une majorité qualifiée). Mais la décision peut être prise à la majorité, c’est-à-dire qu’un État peut être forcé. La constitution de l’URSS prévoie le droit de sortir de la fédération, tandis que celle des États-Unis ne le permet pas.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

II) LES PARTICULARITÉS CONSTITUTIONNELLES

La première prolonge ce qu’on vient de dire. C’est l’idée que s’il y a cette capacité d’auto organisation, il y a un pouvoir constituant de l’État fédéré et de l’État fédéral : double pouvoir constituant.

Et puis s’il y a un partenaire, la nécessite d’un organe de régulation, d’une cours suprême, ne serait-ce que pour ajouter le partage des compétences en cas de difficultés

Enfin, principe de participation : au moins une chambre assurant la représentation spécifique des États et dont le vote permettra de vérifier qu’une majorité d’État est d’accord avec la proposition

  1. A) Le pouvoir constituant

Il y a aussi le pouvoir constituant de l’État membre. Il y a aussi le pouvoir constituant de l’État fédéral qui peut être exercé soit par l’intervention direct des citoyens, soit par une démarche conjointe des États membres, soit (c’est souvent le cas) par des formules qui associent les 2 démarches (volonté des citoyens + volonté des États membres). Ainsi aux usa un amendement à la constitution fédérale pour être définitivement adopté doit d’abord être voté à la majorité des 2/3 de chaque chambre (c’est-à-dire celle qui représente les populations : la chambre des représentants, et celle qui représentent les États : le sénat). Et ensuite le texte de la révision doit être ratifié par les ¾ des législatures d’État (c’est-à-dire la ou les assemblées législatives des États membres). Ce processus est lourd, cela dit un État peut être forcé à condition que les ¾ des États soient d’accord. Ceci explique peut être le très faible nombre d’amendements à la constitution des États-Unis. 27 amendements, le dernier en 1971 pour le vote à 18 ans. Le premier : amendement déposé en 1799 et accepté en 1992 (amendement Madison).

Ou bien autre cas, en Suisse, où la révision doit d’abord être approuvée par les assemblées fédérales, lesquelles doivent être préalablement renouvelées pour être élues comme constituantes, et ensuite cette révision doit être ratifiée par un référendum, un vote direct des citoyens, et dans ce referendum il doit y avoir à la fois pour qu’il soit positif (1) la majorité des citoyen et (2) la majorité des cantons, puisque ce sont ces cantons qui fondent la fédération. Double exigence donc.

Le pouvoir constituant de l’État membre est beaucoup plus classique, et le pouvoir constituant de l’État fédéral est plus complexe puisqu’il nécessite de l’accord des citoyens de l’État ET l’accord des États. En principe c’est ce qui fait la différence entre un état fédéral et un état unitaire même très décentralisé.

Question classique (beau sujet d’examen) : y a-t-il une différence entre l’état unitaire très décentralisé et l’état fédéral ? Parfois on se le demande. Un des éléments de réponse est là : dans un État unitaire même très décentralisé il y a un seul pouvoir constituant : c’est l’état central qui fixe les compétences de l’État décentralisé. Dans un état fédéré il y a deux pouvoirs constituants. C’est différent dans la théorie même si dans la pratique c’est moins visible

  • B) La nécessité d’une cours suprême

Dans les États fédéraux il est facile de comprendre qu’il y a un besoin particulier d’un pouvoir judiciaire fort. En effet, dans un État fédéral, il va y avoir deux nécessités supplémentaires par rapport à un État unitaire.

  1. la nécessite d’assurer le respect du partage des compétences entre l’état fédéral et les États membres.
  2. assurer que les lois locales, votées dans les États, n’aillent pas à l’encontre du cadre général fixé par la constitution fédérale. On veut éviter des dispositions contraires au pacte fédéral (cf. la question de l’esclavage aux États-Unis mi 19ème siècle).

Ces deux dispositions, en raison aussi de la théorie de la séparation du pouvoir, ne peuvent être séparées que par le pouvoir judiciaire. D’où le fait que cela doit être exercé par un organe indépendant, et c’est le rôle renforcé du pouvoir judiciaire dans un État fédéral en plus de ses fonctions habituelles. D’où l’existence en principe (mais il y a peu d’exception) dans tout État fédéral d’une cours suprême agissant comme gardien de la constitution dans ces deux domaines :

  1. partage des compétences et
  2. respects par les lois locales des normes fédérales.

Là encore le meilleur exemple est celui de la cours suprême des États-Unis. Nous avons déjà vu que le contrôle de constitutionalité était très développé aux États-Unis. On rappelle l’idée aussi (cf. supra) d’une exception de la constitutionnalité à la disposition de chaque citoyen. On rajoute à ça la capacité des États membres à s’opposer à une disposition devant la cours fédérale.

La cours suprême tranchera les litiges entre État fédéral et État membre par application, où par interprétation si nécessaire, de la constitution. Elle va vérifier aussi qu’au niveau des États membres le pouvoir judiciaire local va bien empêcher l’application des lois contraires à la constitution du cadre général (constitution de l’État central).

Donc un pouvoir judiciaire fort conséquence des principes de superposition et d’autonomie

  • C) La nécessité d’une seconde chambre

En principe, un État fédéral a deux chambres. Un état confédéral peut aussi en avoir mais ce n’est pas une obligation.

Pourquoi ? Parce qu’un État démocratique repose sur la représentation du peuple. Tout le peuple doit être représenté, si l’on peut dire, immédiatement. Chaque fraction de la population (principe d’égalité du suffrage) doit être représentée de la même manière. On veut une représentation égalitaire du citoyen. Mais celle-ci risque de ne pas entraîner une répartition égalitaire des États, car certains États sont beaucoup plus peuplés que d’autres. Ainsi la chambre des représentants a un représentant par fraction de 400 000 habitants.

A coté de cette population, il y a les États : ceux-ci existent, sont associés, ils doivent participer, et en théorie décider à la majorité d’entre eux. D’où généralement une représentation propre des États, et non plus des citoyens, dans une autre chambre, une chambre des États qui va justement assurer cette représentation des différentes entités étatiques composant la fédération.

A ce sujet plusieurs solutions qui s’articulent généralement avec l’élection parallèlement au suffrage universel des représentants. C’est l’idée dans certain cas d’une représentation égalitaire, et à l’inverse inégalitaire.

  • la représentation égalitaire, c’est « tant de représentant par État, quelque soit son importance démographique ». bon exemple là encore : les États-Unis. Chaque État dispose de 2 sénateurs, soit 100 sénateurs au sénat. Formule satisfaisante pour le fédéralisme puisque dans cette chambre chaque État a un poids équivalent à tout autre, c’est moins satisfaisant sur le plan de la démocratie vu que les pop sont différentes, mais c’est composé par l’autre chambre
  • la représentation inégalitaire tient compte de la population de chaque État. Cf : l’URSS de la grande époque.

Il y a plusieurs solutions pour désigner les membres :

    • c’est souvent le suffrage universel direct
    • parfois c’est à la discrétion des États membres, soit au suffrage universel, soit élus par les assemblées locales (c’est le cas en suisse)
    • le cas particulier de l’Allemagne, ou le Bundesrat (chambre des États) est composé de délégués des gouvernements des États, autrement dit de la majorité politique de chaque État et non pas de représentants élus par les citoyen où les assemblées.

Il faut signaler des exceptions à la règle du bicamérisme, la plus notable étant celle du Canada. Il y a bien un sénat, mais ce sénat (qui trouve ses origines dans un décalque de la chambre des lords britanniques) n’est pas élu mais nommé en théorie par le gouverneur général, mais en fait par le 1er ministre. Cela dit ce sénat a très peu de pouvoir et est surtout honorifique.

En tout cas, cette exception canadienne montre que si théoriquement cette seconde chambre est une nécessité, ce n’est pas toujours respecté.