L’évolution du droit de la famille

L’évolution du droit de la famille
L’évolution du droit de la famille est marquée par plus de liberté et de parité.

Prenons l’exemple du nom de famille. Le principe de l’attribution forcée du nom de famille était mis en cause par les mutations du droit de la famille, lequel se caractérise par une plus grande liberté d’intervention des personnes.

A un régime où le nom était exclusivement déterminé par la filiation, le législateur a ouvert des possibilités qui ont eu pour conséquence d’en infléchir la rigidité. Ainsi, la réforme de l’article 334-5 du Code civil a permis au mari de la mère d’un enfant dont la filiation paternelle n’a pas été établie -et qui n’est donc pas le père de l’enfant- de lui donner son nom par simple déclaration conjointe avec la mère.

Quelques grandes lois qui ont modifié le droit de la famille

  • Loi du 14 décembre 1964: grande réforme du statut des mineurs.
  • Loi du 13 juillet 1965: grande réforme des régimes matrimoniaux.
  • Loi du 11 juillet 1966: réforme de l’adoption.
  • Loi du 3 janvier 1968: réforme des incapables majeurs.
  • Loi du 3 janvier 1972: réforme de la filiation.
  • Loi du 5 juillet 1974: abaisse l’âge de la majorité à 18 ans.
  • Loi du 15 novembre 1999: concubinage/aménage le PACS.
  • Loi du 3 décembre 2001: réforme des successions, plus de droits au conjoint survivant.
  • Loi du 4 mars 2002: réforme du droit du nom.
  • Loi du 23 juin 2006: sur les successions et libéralités, complète la loi de 2001.
  • le mariage entre personnes de même sexe

I – Le Code Napoléon

Législation révolutionnaire abondante en matière familiale: consacre idéaux d’égalité et de liberté:

Liberté du mariage: St Just: « L’homme et la femme qui s’aiment sont époux ».

Liberté du divorce: consentement mutue/incompatibilité d’humeur.

Egalité de tous les enfants sans distinction entre enfants/naturels/ adultérins.

Réalité: volonté de casser le groupe familial qui s’interpose entre l’Etat et les individus.

Code Napoléon va reprendre davantage à l’ancien droit en intégrant un aspect laïc.

A – L’inégalité

  1. Inégalité entre le mari et la femme: Article 213 du Code Civil: « La femme doit obéissance à son mari. Elle le suit là où il juge bon d’habiter. » La femme mariée devient une incapable. Le mari gérait seul les biens communs dont biens propres de sa femme.
  2. Inégalité entre père et mère: Autorité sur l’enfant appartient au père.
  3. Inégalité entre les enfants: Suppression des privilèges de masculinité et de primogéniture.

Enfants naturels: ne peuvent hériter que de leur père/mère, non de leurs grands-parents, leurs droits étant diminués de moitié.

Enfants adultérins: filiation interdite.

B – La réduction des libertés

– Formalités du mariage alourdies

– Concubinage ignoré

– Divorce prononcé dans des conditions très restrictives

– Adoption autorisée dans des cas restreints (l’adopté a sauvé la vie de l’adoptant) avec des effets limités (pas de rupture avec la famille d’origine).

– La femme est soumise à l’autorité de son mari.

– Autorité parentale du père forte.

La famille était conçue comme une «famille-souche» (12° degré).

Ø Jusqu’en 1850: le droit de la famille a conservé ses traits de 1804. Influence de l’Eglise catholique : suppression du divorce en 1816 (Louis XVIII est de retour) pour le rétablir en 1884.

Ø Milieu du XIX° siècle, droit de la famille correspond à la cellule fondée par le mariage et dirigée par l’homme, mari et père.

Ø Fin du XIX° siècle, développement sensible dans le sens du resserrement de la famille. La « famille-foyer» (6° degré le seuil de successibilité)

II – Le droit contemporain « L’égalité et la liberté dans le droit contemporain de la famille »

A – Les sources

1) La loi

Cette liste vient du site du site http://www.bpi.fr/sociologie/quelques-dates-importantes-en-droit-de-la-famille

1791 (25 /09) :dépénalisation de l’homosexualité dans le Code pénal ; néanmoins la loi ne la reconnaît pas pour autant (poursuites engagées sous d’autres incriminations comme l’outrage à la pudeur).

1792 (loi du 20/09) : instauration du mariage civil enregistré en mairie, qui devient le seul valable aux yeux de la loi. Cette loi permet aussi aux conjoints de rompre leur mariage, par consentement mutuel, pour « incompatibilité d’humeur ou de caractère » ou encore pour des causes imputables à un des époux (préfigurant le « divorce pour faute »).

1793 (loi du 20/08) : définition du mariage par La Convention nationale : « Le mariage est une convention par laquelle l’homme et la femme s’engagent, sous l’autorité de la loi, à vivre ensemble, à nourrir et élever les enfants qui peuvent naître de leur union ».

1804 (21/03) : promulgation du Code civil, c’est-à-dire des règles qui déterminent le statut des personnes (livre Ier), celui des biens (livre II) et celui des relations entre les personnes privées (livres III et IV). Base juridique du droit civil : droit de la famille, droit de la filiation, droit du couple, etc…
La philosophie du Code civil pourrait se résumer dans la formule : « L’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». « Les concubins se passent de la loi : la loi se désintéresse d’eux » (Napoléon). L’épouse est une perpétuelle mineure, citée au nombre des incapables, en même temps que les enfants et les fous, tenue à un devoir d’obéissance, « obligée d’habiter avec le mari, et de le suivre partout où il juge à propos de résider ».
Possibilité d’adopter des personnes majeures uniquement, afin de transmettre le patrimoine familial.

1816 (loi du 08/05) : interdiction du divorce.

1884 (loi du 27/07, dit Loi Naquet) : rétablissement du divorce dans sa version la plus restrictive (divorce pour faute uniquement).

1907 (loi du 21/06) : liberté de mariage et du choix du conjoint : fin de l’obligation du consentement des parents par des « actes respectueux ».

1907 (loi du 13/07) : instauration du libre salaire de la femme mariée, qui permet aux ouvrières de consacrer leurs économies à l’entretien de leur famille.

1912 (loi du 16/11) : autorisation de recherche juridique de paternité naturelle, en vue de l’établissement de la filiation, dans un certain nombre de cas très restrictifs : enlèvement, viol, « séduction accomplie à l’aide de manÂœuvres dolosives, abus d’autorité, promesse de mariage ou de fiançailles », l’aveu écrit non équivoque de paternité, le concubinage notoire et enfin l’entretien de l’enfant par le père prétendu.

1923 (loi du 19/06) : possibilité d’adopter les enfants mineurs orphelins, pour permettre l’adoption des orphelins de guerre.

1938 (loi du 18/02) : suppression de la puissance maritale, de l’incapacité juridique de la femme mariée ainsi que de son devoir d’obéissance.

1942 (loi du 22/09) : association de la femme à direction de la famille ; Ordonnance du 06/08 : rétablissement de la sanction pénale de l’acte homosexuel avec un mineur de 18 à 21 ans, prévoyant jusqu’à 3 ans de prison.

1956 (loi du 05/07) : légitimation des enfants adultérins. Le mariage permet leur reconnaissance.

1965 (loi du 13/07): réforme des régimes matrimoniaux : les françaises n’ont plus besoin du consentement de leur mari pour choisir une profession ou pour ouvrir un compte en banque et disposer de leurs propres biens.

1966 (loi du 11/07): grande loi sur l’adoption, créant les deux types d’adoptions : simple et plénière.

1970 (loi du 04/07): suppression de la notion de chef de famille au profit de l’autorité parentale conjointe ; en cas de divorce, le père reste toutefois seul maître des décisions en tant que détenteur de la puissance paternelle. La notion de « nom patronymique » disparaît au profit de celle de « nom de famille ».

1972 (loi du 03/01, art. 334 du Code civil), sur la filiation :Egalité parfaite des droits et des devoirs entre les enfants naturels et les enfants légitimes. L’enfant adultérin gagne les droits à établir sa filiation, même s’il n’a droit qu’à la moitié de ce qu’il aurait eu droit en tant qu’enfant légitime ou naturel.

1975 (loi du 11/07): consécration d’un véritable « droit au divorce » : ajout au divorce pour faute de 2 motifs de divorce : par consentement mutuel et « rupture de la vie commune ». Dépénalisation de l’adultère.

1976 (22/12): suppression de l’interdiction d’adopter un enfant en présence de descendants.

1982 (loi du 04/08): suppression de toute pénalisation de l’homosexualité impliquant des personnes de plus de 15 ans, âge de la majorité sexuelle.

1985 (loi du 23/12): nouvelle réforme des régimes matrimoniaux : les époux deviennent véritablement égaux aux yeux de la loi.

1987 (loi du 22/07): création du principe de coparentalité, qui existe même en cas de divorce.

1990 (loi du 17/05): l’OMS retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales.

1993 (loi 08/01), relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant: fin de la distinction enfants naturels/légitimes, concernant le nom et mise en place de l’autorité parentale conjointe : « l’autorité parentale sera exercée en commun par les deux parents non mariés à condition « qu’ils vivent en commun au moment de la reconnaissance concomittante ou de la seconde reconnaissance. »».

1994 (loi du 29/07): lois bioéthiques. Droit à la filiation, grâce à la PMA. Le consentement à la PMA interdit toute action en contestation de filiation.

1999 (loi du 15/11): création du Pacte civil de solidarité (pacs), conçu comme « un partenariat contractuel établi entre deux personnes majeures, indépendamment de leur sexe, et qui a pour objet d’organiser leur vie commune en établissant entre eux des droits et des devoirs en terme de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’ impôts et de droits sociaux ». Inscription de la notion de concubinage dans le Code civil, juste après le Pacs.

2001 (loi du 03/12): suppression du concept d’enfant adultérin, au profit de celui d’enfant naturel. Unification des règles applicables aux enfants, sans accorder aucune incidence au statut juridique de leurs parents, mariés, pacsés, divorcés, concubins ou divorcés ; loi du 27/06 : Le tribunal de Grande Instance de Paris accepte pour la 1e fois l’adoption par une femme homosexuelle des 3 enfants de sa compagne.

2002 (loi du 04/03, art. 311-21, loi n°2002-305), sur l’autorité parentale: elle pose le principe de l’exercice commun de l’autorité parentale. Les titulaires de l’autorité parentale sont les parents, en principe deux. Les parents peuvent choisir d’un commun accord le nom de famille de leur enfant (à défaut choix du père).

2004 (05/06): célébration du 1er mariage homosexuel, par le maire de Bègles Noël Mamère, qui sera définitivement annulé en mars 2007, la loi française ne permettant pas le mariage homosexuel.

2006 (24/02): la Cour de Cassation accepte qu’un parent homosexuel délègue l’autorité parentale à son partenaire homosexuel.

2008 (22/01): la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour le refus d’adoption par une femme homosexuelle.

2009 (loi du 16/01) sur la réforme de la filiation: abandon des notions de filiation légitime et de filiation naturelle : le principe est désormais celui de l’égalité entre tous les enfants, qu’ils soient nés de couples mariés ou non. Une disposition permet aux enfants nés sous X (la mère accouchant sans déclarer son identité et confiant l’enfant à l’adoption) de procéder à une recherche en maternité. Les mères conserveront cependant le droit de maintenir le secret de leur accouchement.

2013 (29/01): discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

2) La jurisprudence (Evolutions majeures, interprétations audacieuses des textes)

3) Les conventions internationales (Rôle majeur tant au plan interne qu’ international.)

B – Les causes du bouleversement du droit de la famille

1) Les causes sociologiques.

  1. L’exode rural et la mobilité géographique, dislocation de la famille souche.
  2. L’accès des femmes de la bourgeoisie au travail, et rémunérations égales.
  3. Le déclin du religieux qui a ébranlé les structures familiales.
  4. La contestation de l’autorité, libération des mÂœurs, l’esprit démocratique conteste l’unilatéralisme: volonté d’un droit contractualisé.
  5. La revendication des minorités : célibataires, homosexuels, couples stériles.

2) Les causes spécifiques

Progrès de la biologie et de la médecine:

– L’identification par l’ADN

– La procréation médicalement assistée

  1. L’accomplissement de l’égalité

1) La généralisation de l’égalité.

> L’égalité matrimoniale:

– Autorité maritale remplacée par codirection de la famille (Article 213 du Code Civil).

– Gestion de ses biens propres.

> L’égalité des père et mère: autorité parentale : Article 371-2 du Code Civil).

> L’égalité des enfants légitimes et naturels: mêmes droits que ceux des enfants légitimes aux enfants naturels, sauf dans quelques cas d’exceptions balayées par la loi de 2001 conclu par l’ordonnance de juillet 2005.

2) Les modalités de l’égalité.

> L’égalité dans l’association= système d’action conjointe/cogestion. Système lourd pour les actes graves (vente d’un immeuble dépendant de la communauté.)

> L’égalité dans l’indépendance = système de gestion exclusive. EX : communauté de leurs biens propres.

> L’égalité dans l’interdépendance = système de gestion concurrente. Le mari peut agir seul, mais la femme le peut aussi. EX : acte d’administration ordinaire des biens communs.

L’égalité s’est traduite par un accroissement du rôle du juge: il a fallu contrôler l’exercice des prérogatives personnelles.

D – L’épanouissement de la liberté

1) L’affaiblissement des contraintes

> L’immutabilité du régime matrimonial a laissé place à une libre mutabilité en 2006 sans contrôle judiciaire, sauf exception.

> La libéralisation du divorce: un époux ne risque plus d’être prisonnier de son mariage.

> Toute autorité a disparu avec la suppression de la qualité de chef de famille.

> Du point de vue des enfants: libéralisation des contrats, diminution de l’âge de la majorité. Le contrôle de l’autorité parentale s’est accentué, contrôle du juge, gardien de l’intérêt de l’enfant. Tout enfant doué de discernement peut être entendu et représenté de façon autonome lors d’une procédure qui le concerne. Le changement de nom de l’enfant suppose son consentement dès qu’il a plus de 13 ans.

2) L’apparition d’une « famille à la carte »

Ø 1er exemple: Aujourd’hui quand deux personnes veulent vivre ensemble, c’est à elles de choisir entre les diverses formules proposées: PACS/concubinage/mariage/.

Ø 2ème exemple: depuis l’ordonnance de juillet 2005, plus de distinction entre filiation légitime ou naturelle.

Ø 3ème exemple: l’adoption est aujourd’hui ouverte à un couple (adoption conjugale) mais également à une personne seule (adoption individuelle).

III. les difficultés

III. La diversité des modèles familiaux de nos jours

A – Les figures classiques

> La famille légitime= mariage et procréation dans le mariage.

> La famille naturelle= procréation hors-mariage.

> La famille adoptive= issue d’un acte juridique qui par fiction tend à assimiler à un enfant légitime : parenté simulée.

B – Les figures contemporaines

> La famille conjugale= formée par un couple marié ou pacsé.

> La famille par le sang = unie les parents et sur laquelle est calquée la famille adoptive.

> La famille unilinéaire= l’enfant n’est légalement rattaché qu’à un seul parent.

> La famille monoparentale= l’enfant vit avec un seul de ses parents: séparation de corps, de fait, une rupture de concubinage ou la mort d’un parent.

> La famille recomposée= naît du mariage entre 2 personnes qui ont des enfants en mariage ou hors-mariage mais toujours d’unions différentes. Consécutive à une décomposition.

> La famille de fait= sans lien de droit. La filiation non juridiquement constatée, concubinage.

IV: L’objet du droit de la famille de nos jours

A- La dualité du droit de la famille

> Droit des personnes= Il a des effets sur le lien familial.

> Droit du patrimoine= il s’agit de voir la famille par rapport à ses obligations pécuniaires entre parents ou alliés.

C’est le droit patrimonial de la famille.

> Le législateur doit veiller à la cohérence du statut personnel et du statut patrimonial de la famille.

> La politique de la famille implique une protection du patrimoine familial. Ces mesures de protection sont importantes ainsi en matière d’entreprises familiales.

B – Les limites du droit de la famille

Le droit ne suit pas forcément l’évolution des mœurs: loi du 3 janvier 1972 sur l’égalité des filiations.

Quand la famille est en paix, elle se situe hors du droit.

Modestie du droit face aux autres systèmes normatifs :

Ø Lorsque la loi contredit les mœurs: elle risque de rester lettre morte, prudence législative en matière familiale.

Ø Le droit de la famille contient des prescriptions moins précises que le droit des obligations: droit contemporain de la famille traduit un « désengagement juridique » (Carbonnier). Transfert à d’autres systèmes normatifs de la compétence pour interdire.

Malaurie:

– Désengagement illusoire car il se produit en période de crise des valeurs des autres normes.

– Désengagement mal fondé car la famille relève de l‘IG et non des intérêts personnels

– Désengagement d’une excessive dureté pour les faibles qui n’ont pas morale forte.