L’exécution du jugement

L’EXÉCUTION DE LA DÉCISION DE JUSTICE

Une fois le jugement prononcé, l’exécution de la décision du juge n’est en principe pas immédiate. Il faut encore que la partie condamnée en ait été informée et que le jugement soit exécutoire.

Une décision de justice, sauf quand elle est rendue en appel, est en principe exécutoire un mois après sa notification à la partie adverse.

Est-ce à dire que seuls les arrêts d’appel sont immédiatement exécutoires ? Pas réellement, car dans certains cas, on peut obtenir l’exécution provisoire d’un jugement !

Il est possible d’obtenir l’exécution du jugement avant que celui-ci soit devenu définitif. Si l’exécution provisoire est prononcée, la décision est exécutée immédiatement, sans attendre l’expiration des délais de recours. Nous n’étudierons ici que l’exécution « normale » du jugement, l’exécution provisoire sera étudiée dans un autre chapitre.

I :Le justiciable a-t-il un droit à l’exécution?

Le justiciable a-t-il un droit à l’exécution ? On a longtemps considéré que le simple jugement suffisait mais le jugement est inutile s’il n’est pas exécuté. L’arrêt Hornsby de la cour européenne des droits de l’homme a déclaré que l’exécution des décisions de justice faisaient partie des principes protégés par l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable, il y a donc un droit fondamental à l’exécution du jugement. La cour européenne des droits de l’homme retient dans cet arrêt une interprétation utilitariste de la convention pour assurer leurs droits aux justiciables. Cependant, ce droit n’est pas absolu car les états disposent d’une marge d’appréciation et peuvent instaurer une garantie minorée. C’est ainsi que le droit à l’exécution peut s’effacer devant d’autres droits fondamentaux comme le droit au logement. La cour européenne des droits de l’homme se réserve cependant un pouvoir d’appréciation de la proportionnalité et de la légitimité des restrictions apportées à ce droit à l’exécution par rapport au but poursuivi.

Cette jurisprudence est tout de même importante car elle a éclairé sous un autre angle le droit à l’exécution. Le caractère fondamental du droit à l’exécution s’est vu reconnaître une force particulière par le conseil constitutionnel qui lors de l’examen de la loi du 19 juillet 1998 relatif à la lutte contre les exclusions est venu préciser que l’exécution forcée ne pouvait être écarté que pour des circonstances exceptionnelles touchant à l’ordre public. Pourtant l’inexécution des décisions de justice est loin d’être rare. L’exécution des décisions de justice peuvent être retardées. Une autre décision du conseil constitutionnel le 23 janvier 1987 décide en matière de droit de la concurrence que le sursis à exécution d’une décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits de la défense, or rien n’interdit une extension à la procédure civile qui d’ailleurs, elle-même reconnaît au débiteur la possibilité d’obtenir un délai de grâce. Le principe est posé à l’article 510 et ce délai de grâce est réglementé par les articles 1244-1 à 1244-3 du code civil et les articles 510 à 513 du nouveau code de procédure civile. L’exécution peut aussi être paralysée. Cette paralysie est due à la carence de la force publique, les juridictions administratives admettent que le préfet puisse refuser le recours à la force publique s’il estime l’exécution inopportune en matière de sécurité ou d’ordre public. Néanmoins, depuis l’arrêt Couitéas qui date du 30novembre 1923, on reconnaît que le justiciable est en droit de compter sur le concours de la force publique si il est titulaire d’une décision de justice revêtue de la force exécutoire. Par conséquent, refuser le concours de la force publique engage la responsabilité de l’état et le bénéficiaire d’une décision de justice inexécutée a le droit de prétendre à une indemnisation.

II : L’exécution normale :

L’exécution normale est en réalité une exécution différée. C’est-à-dire que le prononcé du jugement ne suffit pas à le rendre exécutoire, la loi en effet, impose le respect de conditions de forme et de conditions de fond.

  • 1 Les conditions de forme :

On en distingue deux.

1° La formule exécutoire :

Pour qu’un jugement puisse être exécuté, l’article 502 du nouveau code de procédure civile exige qu’il soit revêtu de la formule exécutoire. Cette formule exécutoire dont le contenu actuel est défini par le décret du 12 juin 1947 constitue tout simplement un ordre donné aux personnes compétentes de prêter main-forte pour faire exécuter la décision. Cette formule se retrouve sur l’expédition, néanmoins l’article 502 réserve des cas où la loi n’exige pas la formule exécutoire. C’est ainsi par exemple, que la formule exécutoire n’est pas exigée sur la minute.

2° la notification du jugement :

L’article 503 indique qu’à défaut d’exécution volontaire, un jugement ne peut pas être exécuté contre celui auquel il est opposé s’il n’a pas été notifié revêtu de la formule exécutoire. Cette notification préalable se justifie par le respect des droits de la défense, avant de mettre à exécution forcée, une décision, il faut informer l’adversaire du contenu de la décision et de ses possibilités d’attaquer cette décision. Dans certains cas, l’exécution peut avoir lieu sans notification. Les mesures d’instruction exécutée à l’initiative du juge sans signification au vu d’un extrait ou d’une copie certifiée conforme du jugement (article 154).

  • 2 Les conditions de fond :

Pour pouvoir être exécuté, le jugement doit être passé en force de chose jugée. Conformément à l’article 501, le jugement est exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée à moins que le débiteur ne bénéficie d’un délai de grâce ou que le créancier ne bénéficie de l’exécution provisoire. En principe, le jugement doit être passé en force de chose jugée, c’est-à-dire qu’il ne doit plus être susceptible d’un recours suspensif d’exécution.

Plus précisément, l’article 500 attribue cette force de chose jugée dans son alinéa 1 au jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Cet article 500 attribue aussi cette force de chose jugée dans son alinéa 2 au jugement qui n’est plus susceptible d’un recours d’exécution. Il faut bien distinguer deux situations, il n’est plus susceptible de recours suspensif parce que le recours n’a pas été exercé dans le délai imparti et l’expiration de ce délai confère au jugement la force de chose jugée ou bien le jugement n’est plus susceptible d’un recours suspensif parce que le recours a été exercé et jugé et donc épuisé, dans cet hypothèse, l’effet suspensif se poursuit jusqu’à ce que la décision soit rendue. Ce qui importe donc de retenir c’est qu’en principe, le recours par voie ordinaire et le délai ouvert pour son exercice sont suspensifs de l’exécution. Cela concerne l’appel, l’opposition et exceptionnellement le pourvoi en cassation en matière de nationalité. Ce qui implique que le recours par une voie extraordinaire et le délai ouvert pour l’exercer ne sont pas suspensifs de l’exécution. Il faut donc bien dissocier ces deux types de recours.

Donc en ce qui concerne le pourvoi en cassation, on a même un article 1009-1 du nouveau code de procédure civile qui prévoit des mesures coercitives pour contraindre le perdant demandeur au pourvoi à respecter le caractère exécutoire de la décision qu’il attaque. Le président peut en effet à la demande du défendeur au pourvoi décider le retrait du rôle de l’affaire lorsqu’il apparaît que le demandeur au pourvoi ne justifie pas avoir exécuté en totalité les condamnations prononcées contre lui. L’article 1009-3 du nouveau code de procédure civile prévoit que la réinscription de l’affaire ne s’effectuera que sur justification de l’exécution de la décision attaquée.

L’exécution normale est donc une exécution conditionnée, pour bénéficier d’une exécution immédiate, il faut bénéficier d’une exécution provisoire.