L’exercice de l’action en justice : demandes et défenses

L’exercice de l’action en justice

Si on peut dire que toute personne qui prend part à une instance agit, il faut cependant distinguer suivant la manière dont sont présentées les prétentions des plaideurs et on distingue pour cela d’un coté les demandes, de l’autre, les défenses.

Section 1 : Les demandes :

La demande en justice, c’est l’acte juridique par lequel une personne saisit le juge d’une prétention. On peut constater qu’à partir de cette définition générale, il existe une grande diversité de demandes qu’il importe de distinguer en raison de plusieurs intérêts.

  • 1 La diversité des demandes :

On distingue deux catégories de demandes : lorsque la demande entame l’action, on parle alors de demande introductive d’instance ou de demande initiale (article 53 nouveau code de procédure civile). Cette demande est donc celle par laquelle le plaideur prend l’initiative du procès. L’autre catégorie de demande, ce sont toutes les demandes qui vont intervenir au cours du procès, elles sont qualifiées d’incidentes pour la seule raison qu’elles sont formées alors qu’une instance est déjà engagée. L’article 63 du nouveau code de procédure civile distingue plusieurs sortes de demandes incidentes d’après la personne qui les forme. Tout d’abord, on distingue les demandes incidentes qui concernent les parties à l’instance et on évoque ici deux types de demandes incidentes : en premier lieu la demande additionnelle, c’est celle par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures. Cette demande va donc modifier l’objet d’une demande précédente à laquelle elle se rapporte et il peut s’agir soit s’augmenter la demande primitive soit d’y ajouter un objet de nature différente. Par exemple, on a intenté une action en dommages et intérêts que l’on a fixé à tel montant et on se rend compte que le préjudice s’aggrave avec le temps et qu’il faut demander des dommages et intérêts plus importants, il faudra faire une demande incidente qui va modifier la demande primitive en augmentant les dommages et intérêts. Ou encore, une action en résolution d’un contrat mal exécuté, mais on se dit que la mauvaise exécution du contrat a causé des dommages, on va donc demander des dommages et intérêts ce qui nécessite une demande additionnelle. La demande additionnelle peut être formée tant que l’affaire n’est pas jugée par toute personne partie au procès.

Un autre type de demande incidente est la demande reconventionnelle, c’est la demande par laquelle le défendeur originel prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la demande de son adversaire. Cette demande se caractérise à deux égards :

– Son but : c’est l’obtention d’un avantage autre que le simple rejet de la demande. Par exemple, imaginons qu’un époux soit assigné en divorce pour faute. Il va tout d’abord combattre tout simplement la demande initiale mais il peut ensuite faire une demande reconventionnelle, c’est-à-dire à son tour demander le divorce en offrant de prouver la faute du conjoint.

– Son auteur : cette demande ne peut émaner que du défendeur originaire.

A coté des demandes incidentes qui concernent les parties, on trouve les demandes incidentes qui concernent les tiers, on évoque alors le terme de demande en intervention. Ce terme recouvre plusieurs types de demandes. Tout d’abord, on peut avoir une demande en intervention volontaire. C’est celle qui est spontanément formée par un tiers qui demande à s’associer à l’instance engagée entre les parties. Cette demande va avoir pour effet d’étendre l’instance à une personne qui pour l’instant était étrangère au procès mais qui a un lien suffisant aux prétentions des parties pour prétendre être associée à cette instance. Cette demande en intervention volontaire peut être principale ou accessoire. Elle est principale lorsque l’intervenant invoque un droit propre et émet une prétention différente de celle dont la juridiction est saisie mais qui entretient avec elle un lien suffisant. Par exemple, une propriété est revendiquée ou disputée entre deux parties : François se prétend propriétaire du tableau inédit de Van Gogh et Paul de la même manière ; si une troisième personne vient réclamer la propriété du bien litigieux, elle fera alors une demande en intervention volontaire principale.

Cette demande en intervention volontaire peut être aussi accessoire, elle l’est lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. Cette action est faite dans un but de conservation de ses droits. Par exemple, imaginons des époux en instance de divorce qui sont en train de procéder à la séparation des biens, les créanciers de chaque époux ont tout intérêt à intervenir pour empêcher une diminution de son gage.

Cette demande en intervention volontaire se distingue de la demande en intervention forcée qui émane de l’une des parties et vise à attirer un tiers à l’instance. Autrement dit, une partie ou le juge oblige un tiers à intervenir au procès. On peut trouver d’autres termes au hasard des dossiers : la demande principale : on appelle demande principale celle qui établit pour la première fois un lien juridique d’instance entre deux personnes ce qui recouvre aussi bien la demande juridique d’instance que la demande en intervention. La demande subsidiaire est une demande qui présente en second rang une prétention au cas où la première ne serait pas retenue.

  • 2 Les intérêts de la distinction des demandes :

Tout d’abord, sur le plan de la recevabilité, les demandes introductives d’instance et incidente obéissent aux mêmes règles générales mais en outre les demandes incidentes obéissent à des règles particulières. La première règle particulière ne concerne que la demande reconventionnelle, c’est celle qui exige que la demande n’émane que du défendeur originaire ce qui implique qu’il est interdit au demandeur principal de répondre à son adversaire par une demande reconventionnelle : « Reconvention sur reconvention ne vaut ». L’autre caractéristique commune à toutes les demandes incidentes est l’exigence d’un lien de connexité suffisant entre les demandes incidentes et les prétentions originaires.

La forme des demandes varie tout simplement parce que la demande initiale est formée selon les formes prévues pour l’introduction de l’instance qui sont déterminées à l’article 68 du nouveau code de procédure civile, on parle d’assignation, de requête, de déclaration au greffe et de présentation volontaire. Les demandes incidentes quant à elles sont introduites généralement par acte d’avocat à avocat, c’est-à-dire qu’elles sont formées par conclusions écrites et sinon elles doivent être formées par assignations.

Enfin, les demandes incidentes échappent à certaines règles de compétence.

  • 3 Les effets de la demande :

  • A) A l’ égard du juge :

La demande est la condition nécessaire de la saisine du juge et lui impose de rendre une décision sous peine de déni de justice. La demande détermine aussi le cadre de la décision du juge, en réalité, ce cadre est déterminé à la fois par la demande initiale mais aussi par les demandes incidentes et, bien entendu, il faudra aussi tenir compte des moyens de défense.

  • B. A l’égard des parties :

La demande est à l’origine d’un lien juridique d’instance entre les parties et le juge qui crée à la charge de chacun d’eux des obligations. La demande a aussi un effet interruptif de la prescription et des délais à agir. Enfin, la demande veut mise en demeure et elle produit des effets différents selon que le défendeur est débiteur d’une somme d’argent. Dans ce cas, la demande fait courir les intérêts moratoires. Si le défendeur est débiteur d’un corps certain, la demande met la chose à ses risques. Si le défendeur détient une chose frugifère, il est comptable des fruits de cette chose à compter de la demande.

Section II : Les défenses :

Au sens large, on peut dire que la défense, c’est tout simplement la contradiction à la demande. C’est la raison pour laquelle on parle au pluriel de moyens de défense, c’est-à-dire de tous les procédés qui permettent de réagir à une attaque. On distingue tout d’abord la défense au fond.

  • 1 La défense au fond :

Elle est définie à l’article 71 du nouveau code de procédure civile comme « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifié après examen du fond la prétention de l’adversaire ». autrement dit, dans la défense au fond, le défendeur accepte le combat sur le terrain où le demandeur a porté la contestation et son objectif et de faire juger que la prétention du demandeur est mal fondée tant en droit qu’en fait. Imaginons qu’on intente contre nous une action en paiement d’une somme d’argent et que nous avons le récépissé du remboursement de cette somme, notre défense consistera à dire qu’on a remboursé cette somme.

  • 2 L’exception de procédure :

L’exception de procédure est définie à l’article 73 du nouveau code de procédure civile comme « tout moyen destiné à faire apparaître la procédure comme éteinte soit à en suspendre le cours ». Ici, le défendeur se contente de critiquer la procédure engagée. On peut lancer une exception d’incompétence. Une autre exception est l’exception de nullité :

C’est le fait tout simplement d’invoquer une cause de nullité, par exemple, il manque un élément. On trouve également des exceptions dilatoires qui ont pour but d’obtenir un délai, par exemple, à l’article 108 du nouveau code de procédure civile.

L’exception de litis pendance: lorsqu’un même litige est pendant devant deux juridictions également compétentes pour en connaître. Imaginons qu’un demandeur ait intenté une action devant un tribunal et il décède. Les héritiers agissent et saisissent une autre juridiction car il y avait une option. Dans cette hypothèse, lorsque les juridictions saisies sont de même degré, la seconde juridiction doit de dessaisir. Si elles ne sont pas de même degré, une exception de litis pendance doit être soulevée devant la juridiction de degré inférieur. On assimile à cette exception l’exception de connexité : quand il existe entre deux affaires différentes portées devant deux juridictions différentes un lien tel qu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice qu’elles soient jugées ensemble. Il suffira alors que l’une des parties soulève cette exception et demande à une juridiction de se dessaisir au profit de l’autre.

  • 3 Les fins de non recevoir :

Il s’agit d’un moyen de défense par lequel le défendeur soutient que la demande est irrecevable car l’une des conditions de sa recevabilité fait défaut. Là encore, on ne touche pas au fond du droit mais on conteste l’existence même du droit d’agir du demandeur.

Cette fin de non recevoir ressemble à la défense au fond en ce qu’elle va entraîner un échec définitif de la demande telle qu’elle a été formulée et en même temps, elle ressemble à une exception de procédure puisqu’elle paralyse la demande sans entrer ouvertement en conflit avec elle.