L’histoire du droit pénal depuis le code pénal

HISTOIRE DU DROITPÉNALDEPUISLE CODEPÉNAL(en vigueur depuis le 01/03/1994)

Le Code pénal est la codification du droit pénal français. Il est entré en vigueur le 1er mars 1994 pour remplacer le code pénal de 1810, et qu’on appelle désormais le code pénal ancien dans les rares décisions devant encore l’appliquer.

Le nouveau code pénal a été créé par plusieurs lois promulguées le 22 juillet 1992,

1) Le projet de réforme du Code pénal

Ce nouveau Code pénal est le 3e du nom. Il intervient après le code révolutionnaire de 1791, sûrement le plus original des 3 dans la mesure où il a mis en place des principes extrêmement novateurs qui ne vont vraiment jamais disparaître.

Mais c’est aussi un code marquant une certaine faiblesse technique, défaut que ne présentera pas le code de 1810 techniquement bien construit, retenant bien les leçons tirées du système de l’Ancien Régime, synthétisant bien aussi les principes dégagés par la Déclaration des Droits de l’Homme, mais en revanche beaucoup plus répressif.

Bien sûr l’idée de réformer le code pénal de 1810 n’est pas nouvelle. Celle-ci avait déjà été lancée dès la fin du XIX e S., mais c’est surtout en 1934 qu’apparaît la proposition la plus achevée de refonte du code avec l’avant-projet Mater, Paul Mater étant le procureur général près la Cour de Cassation de l’époque.

Toutefois, en raison de la guerre, ce projet ne devait jamais aboutir.

Puis, sous l’impulsion du garde des sceaux Jean Foyer, la réflexion sur la réforme du code pénal est à nouveau reprise, et à partir de 1966, les choses s’accélèrent et plusieurs avant-projets de réforme sont élaborés : en 1976, en 1978, en 1983, 1986 et enfin 1989, précisant que ces 3 derniers sont ceux qui vont véritablement donner naissance au nouveau code pénal.

En 1980, s’est effectivement mis en place une commission de révision présidée par Robert Badinter, la gauche souhaitant renouer avec sa tradition humaniste (peut-être laissée de côté au profit de l’économique), et décide enfin d’enfourcher le cheval de la réforme.

En 1986, Robert Badinter présente dans son avant-projet de réforme les 2 fonctions d’un code pénal. La 1ère évidente est la fonction répressive: la loi pénale a pour finalité 1ère la défense de la société civile et de ses membres. A cette fin, la loi édicte des peines qui frappent ceux qui attentent à l’ordre social. Toute loi pénale est une loi de défense sociale.

La 2nde fonction de la loi pénale est selon lui plus secrète. Toute société repose sur certaines valeurs reconnues par la conscience collective. Ces valeurs se traduisent par des interdits, et ces interdits à leur tour engendrent des peines contre ceux qui les méconnaissent.

Ainsi donc, la loi pénale exprime-t-elle par les sanctions qu’elle édicte, le système de valeurs d’une société : c’est la fonction expressive de la loi pénale.

Une harmonie entre les 2 fonctions est nécessaire, et le code pénal doit alors répondre à une double exigence d’ordre juridique et d’ordre éthique.

Une fois ces principes posés, il fallait ensuite procéder à la révision globale de l’ouvrage, et pas loin de 20 ans vont s’écouler entre la création de la 1ère commission de révision du code pénal par un décret du 8 novembre 1974 et l’application du code au 1er mars 1994.

Bien sûr, la question s’est posée de savoir s’il était vraiment nécessaire et opportun d’élaborer un nouveau code pénal et si une révision par l’ajout et le retrait de quelques textes n’aurait pas été suffisant, faisant remarquer que finalement le code napoléon de 1810 était un assez bon code, même s’il n’était pas un aussi bon code que le code civil de 1804. N’a-t-on pas fait également remarquer qu’il a tenu pendant presque deux siècles sans gros heurts ? Que les principes énoncés étaient bons ? (Le code pénal était égalitaire, légaliste, et fondé sur l’élément intentionnel, sur l’élément moral), principes qui prévalent toujours. Qu’il a évolué, tant sous la pression des influences doctrinales : positivisme et défense sociale, que de l’évolution des mœurs et des événements politiques sociaux, ou encore par des emprunts faits à des expériences étrangères.

En 2 siècles, la délinquance a en effet évolué, et le code s’est adapté perpétuellement. La criminalité de sang qui a diminué au cours de cette période a été remplacée par une délinquance de mœurs (le viol, l’inceste, la drogue), par une recrudescence des atteintes aux biens, par une délinquance en col blanc, délinquance plus économique qui s’est également adaptée aux technologies nouvelles.

Ainsi, des textes ont disparu : le meurtre commis par le mari trompé sur la femme adultère n’est plus excusé. La grève, la coalition d’ouvriers, ne sont plus punis de peines d’emprisonnement. Etre fonctionnaire ou ministre du culte n’aggrave plus le cas du violeur qui encourait alors les travaux forcés à perpétuité.

D’autres textes ont été rajoutés si d’autres ont été supprimés, à l’évidence pour s’adapter à la criminalité moderne : la grivèlerie, le détournement d’avion, la fraude informatique, pour citer les plus parlants.

L’on assiste d’ailleurs dans la 2nde moitié du XX e S. d’une part à une prolifération des incriminations dans des domaines aussi divers que le droit du travail, le droit de l’urbanisme, de la santé publique, du droit économique et fiscal, incriminations figurant d’ailleurs en dehors du code pénal. D’autre part, on assiste à la mise en place progressive du principe de l’individualisation de la peine, avec la prise en considération de plus en plus fréquente de la personnalité du délinquant avec les circonstances atténuantes, le sursis, la libération conditionnelle, la permission de sortie et la semi-liberté.

Enfin, les châtiments eux-mêmes se sont humanisés : plus de mutilations à partir de 1832, suppression du bagne en 1946, suppression de la peine de mort en 1981.

Mais comme le souligne le président de la commission de révision du code pénal, ce code reste en cette fin de XX e S. archaïque, puisque mendiants et vagabonds sont encore passibles de prison, inadapté puisque les personnes morales (sociétés et groupements à l’origine de nombreuses infractions graves) sont toujours impunies, contradictoire du point de vue des peines, puisque le trafic de stupéfiants est considéré comme un délit puni jusqu’à 20 ans d’emprisonnement alors qu’un abus de confiance par un notaire est un crime qui lui, en revanche, est puni simplement de 10 années d’emprisonnement. Incomplet, parce qu’à côté des 477 articles du code, plus une cinquantaine de règlements et décrets en matière de contraventions, il existe des dizaines de milliers de dispositions pénales dans les domaines les plus divers, et la grande idée de tout réunir dans un seul et même ouvrage va toutefois s’avérer impossible.

L’élaboration d’un nouveau code pénal moderne trouvait également sa justification dans 2 considérations plus circonstanciées :

– l’une de temps : le nouveau texte proposé qui mettait en avant le respect des droits de l’Homme, privilégiant le respect de la personne humaine, qui voulait faire de ce code un code humaniste (ce texte allait se situer dans une perspective de temps liée à la célébration du bicentenaire de la Révolution Française, dont la valeur était ici toute symbolique).

Certes le code de 1810 ne faisait pas fi des principes dégagés par la Révolution, faisant des droits de l’Homme, le fondement moral de notre civilisation, mais il privilégiait plutôt – l’articulation interne du code le montre bien – la protection de l’état et de la chose publique sur celle des particuliers, accordant également une place importante au respect de la propriété individuelle.

– l’une de l’espace, puisqu’ autour de nous, d’autres pays européens avaient déjà adopté de nouveaux codes pénaux : l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le Portugal. D’autres étaient en cours d’élaboration et la France qui se veut patrie et défenseur des droits de l’Homme se trouvait en retard.

Ainsi, en dépit du scepticisme de certains quant à l’opportunité d’une telle réforme, un nouveau code pénal va voir le jour

2) L’esprit du nouveau code pénal

D’une façon générale, on peut affirmer qu’il ne vient pas repenser le droit pénal : il le renouvelle en l’actualisant et en l’adaptant à la complexité du monde moderne.

On y relève une nouvelle présentation, surtout une nouvelle numérotation, ainsi qu’une nouvelle terminologie.

En 1er lieu, une réorganisation terminologique et de présentation des atteintes :

  • – les atteintes aux particuliers sont transformées en atteintes aux personnes ;
  • – les atteintes à la chose publique, en atteintes à la nation, à l’Etat et à la paix publique ;
  • – les atteintes aux biens ne changent pas, mais leur position dans le code se modifie ;
  • – les atteintes aux personnes, jugées fondamentales parce que les plus graves, précèdent.

Les atteintes aux biens, qui elles se trouvent suivies des atteintes à la nation et à l’Etat, en 3e position, alors que dans l’ancien code elles étaient en 1ère position.

En 2nd lieu, réaffirmation des grands principes antérieurs avec beaucoup plus de clarté. Un livre entier est désormais consacré à ce que l’on pourrait appeler Les dogmesdu droit pénal, qui édicte les principes fondamentaux à la fois incontestés et certains, et aux règles générales du droit pénal. Ceci parfois de nature purement jurisprudentielle méritait d’être exprimé clairement et seul endroit : le code pénal.

Le principe de la légalité des peines, puisé chez Beccaria, trouvait sa source dans des textes différents de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la constitution, la convention européenne des droits de l’Homme.

Par ailleurs, leur corollaire : l’interprétation plus stricte des textes, était une position jurisprudentielle qui se devait d’être formalisée dans des articles précis.

Les règles relatives à l’application de la loi dans le temps et l’espace, et à la nécessité d’un élément moral, sont également précisées. Le principe de la non rétroactivité des lois plus sévère, et de la rétroactivité in mitius c’est-à-dire le bénéfice d’une loi plus douce se trouve également conforté.

Le principe de la responsabilité personnelle selon lequel nul n’est responsable pénalement que de son propre fait, est clairement affirmé dans le nouveau code pénal.

D’autre part, un article du code autorise le juge pénal à interpréter un acte administratif ou à apprécier sa légalité, dès lors que de cet examen dépendra la solution du procès. Se trouve donc ainsi fixée sans équivoque la compétence des juridictions répressives en matière de contrôle de légalité, et d’interprétation des actes administratifs.

La classification tripartite des infractions, encore appelée par certains la tripartition, entre les crimes, les délits et les contraventions, est maintenue. Il est en effet apparu difficile de la modifier dans la mesure où elle suit en parallèle l’organisation judiciaire (cour d’assises pour les crimes, tribunal correctionnel pour les délits, tribunal de police pour les contraventions), organisation judiciaire jugée pour l’heure impossible à remettre en cause.

La classification entre infractions intentionnelles et non- intentionnelles proposée par certains auteurs, en revanche, n’a pas été retenue.

En 3e lieu, même si le nouveau code pénal n’opère pas un bouleversement particulier de la matière criminelle, il faut mettre l’accent sur les innovations les plus marquantes. Ici, toutes branches du droit confondues.

Du point de vue général (et même global), c’est sûrement la mise en place d’une responsabilité pénale des personnes morales qui est la plus marquante.

Du point de vue de la protection des personnes, on peut citer avec une force toute symbolique, les dispositions relatives aux crimes contre l’humanité, avec désormais une définition précise du génocide et des autres crimes contre l’humanité.

La création d’un délit de mise en danger délibérée d’autrui doit également être soulignée. Cette incrimination a fait l’objet de discussions assez vives. C’est le fait d’exposer directement une personne à un risque immédiat de mort ou de blessure, de nature à entraîner une mutilation, ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, imposée par la loi ou le règlement, et cette incrimination est punie d’un an d’emprisonnement. C’est donc une disposition importante.

On est ici très proche du délit d’imprudence ou de négligence, mais il présente comme particularité d’être constitué en l’absence de tout résultat dommageable, et l’on pense tout de suite au délit en matière de sécurité routière par exemple.

On pourrait également citer, toujours au titre des atteintes aux personnes nouvellement mises en place dans le code, le délit de harcèlement sexuel, ou encore les tortures et barbaries qui sont désormais érigées en infractions autonomes.

De façon plus ciblée, on note un renforcement de la répression du crime organisé (criminalité maffieuse en matière de stupéfiants, de proxénétisme, de blanchiment d’argent, de racket ou de terrorisme). Et d’une façon plus générale, les sanctions pénales voient leur régime réorganisé de manière importante.

3) Le contenu du nouveau code pénal

2 aspects méritent ici notre attention :

– d’une part l’articulation du code pénal qui commande ici une lecture un peu technique, un découpage ;

– d’autre part son contenu, au regard du droit pénal général, c’est-à-dire au regard du programme de 2e année de licence (en quelque sorte une lecture de spécialité).

L’articulation du nouveau code pénal

Le code pénal nouveau, c’est tout d’abord la réunion d’un certain nombre de textes formant un grand ensemble. 5 lois, dont 4 promulguées le 22 juillet 1992, + une loi d’adaptation du 16 décembre 1992, + une ordonnance du 28 mars 1996 (relative cette fois aux Territoires d’Outre-Mer. A cela s’ajoutent 2 décrets du 29 mars 1993 organisant un parti réglementaire du code, donc deux décrets : 29 mars 1993 et 25 février 1994.

Une circulation d’application du 14 mai 1993, un texte très important parce qu’il explique toutes les nouveautés introduites par le nouveau code pénal, et enfin une loi du 19 juillet 1993, repoussant la date d’application du nouveau code à mars 1994, mais rendant immédiatement applicable la fin des peines de prison en matière de contraventions.

Le code pénal est donc divisé en 2 parties : une partie législative et une partie réglementaire.

La partie législative

Sur les 7 livres législatifs, un seul est consacré au droit pénal général, les autres relevant pour la plupart du droit pénal spécial, donc ne sont pas au programme.

Le livre I qui nous intéresse est intitulé Dispositions générales, et se compose de 3 titres :

– un titre 1 relatif à la loi pénale, avec les principes énoncés plus haut, et maintenus par le législateur de 1992 (principe de légalité, non rétroactivité de la loi, interprétation stricte: ce sont donc des principes généraux);

– un titre 2 relatif à la responsabilité pénale, c’est-à-dire les dispositions portant sur les éléments de l’infraction, sur le délinquant, ou sur les causes d’irresponsabilité ;

– un titre 3 relatif aux peines avec ici un catalogue des peines, mais aussi le régime de celles-ci, avec également des dispositions relatives à l’individualisation des peines d’une façon générale.

Les livres II, III, IV qui concernent les atteintes aux personnes, aux biens, à la nation et à l’Etat, ou à la paix publique ne nous intéressent donc pas directement.

Un livre V qui lui, à l’origine du projet, aurait dû contenir toutes les incriminations portant surtout sur des aspects spécialisés du droit (Par exemple : le droit du travail, le droit de la santé publique), mais qui se trouve à l’heure actuelle avec pour intitulé Autres crimes et délits, à recenser uniquement les dispositions relatives aux sévices sur les animaux et aux infractions en matière de santé publique. Donc un livre V très court.

Le livre VI lui, est consacré aux contraventions d’un point de vue législatif, et est vide à l’heure actuelle.

Enfin le livre VII est relatif aux dispositions applicables aux Territoires d’Outre-Mer et à Mayotte.

La partie réglementaire

Cette partie est en quantité beaucoup moins importante que les parties législatives. Elle comprend aussi 7 livres : 5 sur les règlements d’application des 5 livres législatifs cités préalablement (et cette symétrie simplifie considérablement la tâche du lecteur par rapport à l’ancien code, puisqu’il y a ici la reprise de la numérotation des articles) + un livre VI consacré aux contraventions proprement dites. Enfin, un septième livre relatif aux dispositions applicables là encore dans les Territoires d’Outre-Mer et à Mayotte.

Il faut donc noter une grande lisibilité : une infraction par article, au lieu de 60 contraventions en 5 articles dans un grand désordre, comme c’était le cas auparavant.

Un nettoyage a été effectué par la suppression de contraventions jugées désuètes (exemple : non-respect des bancs de vendanges) : environ une trentaine de contraventions ont été abrogées.

En revanche, de nouvelles contraventions ont été ajoutées (la diffamation et l’injure raciste de caractère non public), mais également toutes les contraventions qui peuvent être commises par les personnes morales (les atteintes involontaires à la personne ou des dégradations légères, ou la diffusion de messages indécents, etc…).

La complicité de contravention, qui jusqu’alors n’était que très rarement incriminée, l’est désormais de façon plus systématique. C’est le cas de la complicité par instigation, par exemple. En revanche, la complicité qui s’est faite par aide ou par assistance doit être plus expressément explicitée par un texte.

Après cette description technique du code pénal, intéressons-nous à un nouvel aspect de celui-ci : les nouvelles dispositions intéressant le droit pénal général.

Au-delà des dispositions générales relatives à la loi pénale proprement dite (légalité des peines, interprétation stricte de la loi pénale, principe de la responsabilité personnelle, ou encore application de la loi dans l’espace et dans le temps), les innovations les plus marquantes portent d’une part sur l’infraction et d’autre part sur la sanction (c’est-à-dire la dichotomie traditionnelle autour de laquelle doivent s’articuler les connaissances de 2 e année de licence).

– L’infraction

Elle peut être définie sommairement comme tout comportement contraire à l’ordre social (acte ou omission) prévu par la loi, et qui expose celui à qui ce comportement est imputable à une sanction. Mais en amont de l’application d’une peine (mesure de sûreté), il convient de dégager la responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction, et c’est sur ce point que le nouveau code pénal est venu apporter un certain nombre de modifications.

Cela consiste déjà en 1er lieu à répondre à la question de savoir qui peut être à l’origine d’une infraction : les personnes physiques, bien sûr, mais désormais aussi les groupements de personnes. C’est toute la question complexe de la responsabilité pénale des personnes morales.

Considérant qu’elles pouvaient être à l’origine parfois d’infractions très graves, et avec l’intention de lutter contre le blanchiment d’argent, ou l’insécurité du travail, ou les fraudes, ou encore la pollution, il a donc été décidé qu’à partir de maintenant (et c’est l’article 121-2 qui le prévoit), les personnes morales, à l’exception de l’Etat et des collectivités territoriales, sauf dans certains cas, seront susceptibles de voir leur responsabilité pénale engagée.

Ainsi, les sociétés, les associations, les partis politiques, les syndicats notamment, pourront être à l’origine de crimes, de délits, ou de contraventions, et sanctionnés pour cela.

Cette sorte d’immunité apparaissait en effet aux yeux de beaucoup choquants, dans la mesure où ces personnes morales, par l’ampleur des moyens dont elles disposent, sont à l’origine d’atteintes les + souvent graves à la santé publique, à l’environnement, à l’ordre public économique, ou encore à la législation sociale.

Il faut noter que cette question de la responsabilité pénale des personnes morales s’est trouvée à l’origine d’un débat des plus animés durant la discussion du texte devant les assemblées, et que la délimitation des personnes morales qui pouvaient être concernées par ces nouvelles dispositions, ainsi que la question des peines qui pourraient leur être applicables firent l’objet de désaccords persistants entre les 2 assemblées : l’assemblée nationale et le sénat, conduisant au final à la réunion d’une commission mixte paritaire pour trouver des solutions de compromis.

Toujours dans le domaine de la responsabilité pénale, la question cette fois de la responsabilité du cerveau. Il s’agit plus précisément de celui qui ne commet pas l’infraction, mais qui incite une ou plusieurs personnes à la commettre : c’est l’instigateur.

Le projet prévoyait donc de créer une incrimination nouvelle, conduisant à sanctionner cet instigateur (ou cerveau de la bande) pour une infraction qu’il a conçue ou entrepris de faire réaliser, que cette infraction soit ou non réalisée (= qu’elle soit ou non consommée).

L’idée était ici de punir en tant qu’auteurs, les chefs de bandes maffieuses, les organisations de réseaux de trafiquants de drogue, ou encore celui qui va utiliser les services d’un homme de main ou d’un tueur à gages.

Au cours de la discussion, les 2 assemblées finalement s’entendront pour ne pas retenir cette notion intéressante d’instigateur dès lors qu’il n’y a pas d’infraction consommée ou exécutée. En effet, cette notion fut jugée dangereuse et considérée comme attentatoire aux libertés, laissant une place trop grande à l’arbitraire, et de plus très difficile à mettre en œuvre. Elle sera donc supprimée, et la notion d’instigateur réapparaît alors plus classiquement dans les dispositions relatives à la complicité.

Le provocateur est puni comme un auteur sur la base de l’empreinte criminalité du complice, et en cela, exige qu’une infraction punissable ait été commise.

– La sanction, et plus spécialement les peines.

Ces peines sont organisées aux articles 131-1 à 133-17 du nouveau code pénal.

C’est tout d’abord– et c’est ici une réforme d’importance quant aux innovations – la suppression de l’emprisonnement en matière contraventionnelle, qui, avant le nouveau code pénal, pouvait aller de 1 jour à 2 mois d’emprisonnement. Il a en effet été jugé excessif de faire subir une peine de prison – avec le traumatisme et les conséquences morales et matérielles que cela implique – à un individu qui ne porte pas vraiment atteinte aux valeurs d’une société, mais qui n’a fait que manquer à la discipline de la vie en société.

Avec la contravention, l’idée de dol, de volonté consciente de nuire, de mal agir, n’apparaît pas comme avec le crime ou le délit, ou pour lesquelles on s’interroge sur la question de l’intention. La simple inobservation de la règle, de la prescription, suffit à caractériser la faute.

Ainsi, l’amende qui elle existait déjà, mais qui se trouve augmentée dans des proportions non négligeables, ainsi que des mesures de restriction et de privations de droits, sont désormais applicables (suspension du permis de conduire, confiscation d’armes, retrait du permis de chasse ou encore des peines de travail d’intérêt général).

Pour les délits, on note une augmentation sensible de la répression, puisque les peines d’emprisonnement vont dorénavant jusqu’à 10 ans au lieu de 5 ans avant le nouveau code pénal.

Toutefois, cette rigueur est atténuée par 2 dispositions : d’une part, le juge doit obligatoirement motiver spécialement sa décision d’emprisonnement. La prison ne doit pas être un automatisme pour le juge ; elle n’est qu’une peine parmi d’autres désormais.

D’autre part, le juge dispose d’un éventail très large de peines de substitution. Il y a ainsi généralisation de ce qu’on a appelé des peines de substitution (travail d’intérêt général, jour amende, annulation du permis de conduire), qui se trouvent donc mises au même niveau désormais que la prison.

Pour les crimes, l’innovation réside dans la création d’une nouvelle peine de réclusion de trente ans qui va venir s’intercaler entre la peine de 20 ans et la réclusion à perpétuité.

En effet, en raison de l’abolition de la peine de mort, on notait un déséquilibre dans l’échelle des peines, puisque c’était 20 ans ou la perpétuité.

Enfin, véritable nouveauté cette fois, qui n’a pas consisté à reprendre l’ancien pour faire du nouveau : la création de peines adaptées à une nouvelle catégorie de délinquants que sont ces personnes morales désormais désignées par le nouveau code pénal.

Après des débats quelque peu difficiles devant le parlement, et qui se sont terminés par une commission mixte paritaire, un arsenal de peines est mis là encore à la disposition du juge répressif.

On y trouve de façon classique l’amende (qui est aussi prévue pour les personnes physiques), qui va ici être multipliée par 5 ou par 10 en cas de récidive, ce qui peut approcher des sommes considérables, dans la mesure où d’une façon générale, les amendes ont plutôt été modifiées à la hausse dans le nouveau code pénal.

Mais aussi, à côté de l’amende, on trouvera la dissolution judiciaire, la fermeture d’établissements, le contrôle judiciaire, les interdictions de chéquiers et de cartes de crédits, l’exclusion des marchés publics ou encore la confiscation ou interdiction d’affichage.

Lors de la discussion du texte, le désaccord était totale : il portait tant sur le montant des peines que sur celui de la nature de celles-ci, ou encore sur les modalités de mise en œuvre.

A l’évidence, les enjeux étaient importants ; certaines de ces peines pouvaient avoir des conséquences très graves, puisqu’elles pouvaient – de façon directe ou indirecte – conduire à la disparition de la personne morale.

Il faut également mettre en exergue la volonté manifeste de renforcer le rôle du juge, dans le souci toujours présent de favoriser l’individualisation de la peine, qui est un souci permanent du législateur.

Plusieurs dispositions vont dans ce sens :

– tout d’abord : suppression des peines minimales, c’est-à-dire des fourchettes entre le minimum et le maximum. Seul le seuil maximum est désormais prévu, qu’il d’agisse des peines d’emprisonnement ou d’amendes, laissant au juge la possibilité (sans être obligé), d’accorder les circonstances atténuantes, de descendre autant qu’il le désire, dans l’échelle des peines, sous réserve toutefois en matière criminelle, comme la loi le prévoit, d’un seuil qui est fixé selon le cas, à 1 an ou 2 ans d’emprisonnement.

– Cette volonté d’accroître le rôle du juge apparaît aussi dans la suppression des peines complémentaires obligatoires, par exemple.

– A noter également : une volonté de simplification, faisant que désormais, toutes les sanctions pénales, peines ou mesures de sûreté (suspension de permis de conduire, interdiction professionnelle) relèvent d’une seule et même catégorie, et bénéficient du même régime du point de vue de la grâce, de l’amnistie, ou de la prescription, ce qui n’était pas le cas auparavant, ces dispositions avantageuses ne s’appliquant qu’aux peines en tant que telles.

Toutes ces dispositions sont désormais des peines et bénéficient du régime de la peine et des avantages afférents. Cette volonté se manifeste également dans la judiciarisation de la peine d’interdiction de séjour (jusqu’alors ce n’était qu’une mesure de sûreté, mais elle était ressentie par l’intéressé comme une véritable peine).

4) L’accueil réservé à ce projet de nouveau code pénal

Déposé en 1989 par le 1er ministre Michel Rocard sur le bureau du sénat, il a été examiné et adopté dans les délais prévus, selon une procédure parlementaire tout à fait exceptionnelle puisqu’il y a eu découpage du texte sur plusieurs sessions parlementaires et adoption définitive lors d’une session commune.

L’accueil parlementaire

Ce nouveau code pénal qui représente un événement sans précédent mais du moins tout à fait remarquable, représente un travail parlementaire de plus de 3 ans, qui à plusieurs reprises aurait pu ne jamais voir le jour. Mais c’était sans compter sur la bonne volonté d’un certain nombre de parlementaires de tous bords d’ailleurs, ce qui fait dire à certains que ce code n’est ni de droite ni de gauche : c’est le code pénal, résultat d’un très large consensus.

On ne peut manquer ici de souligner que ce code correspond à une réelle volonté politique ; il avait été voulu par V. Giscard d’Estaing mais n’avait pas abouti, puis par F. Mitterrand de façon encore + forte. Et c’est cette détermination exprimée par ce dernier – puisqu’il voulait en faire l’une des priorités de son second septennat – que l’on doit son existence.

Une longue série de gardes des sceaux se sont succédé pendant la discussion du texte, pour défendre un projet qui n’emportait pas – du moins pour certains – leur totale conviction.

Pour les parlementaires entre les 2 assemblées (et au sein de ces 2 assemblées les points de distorsion ont été nombreux : autoavortement, légitime défense des biens, délimitation de la responsabilité pénale des personnes morales, etc…), certains n’ont pas manqué de faire valoir que le projet qui au départ n’avait inspiré que de l’hostilité de la part de l’opposition spécialement, n’a suscité ensuite qu’une indifférence assez générale. La discussion du texte aux assemblées ne faisant pas fortune ; il n’en reste pas moins que le texte a été voté, et à une confortable majorité, que cela s’est fait finalement en douceur, sans véritable remise en cause des orientations initiales, et sans même l’intervention du Conseil Constitutionnel.

L’accueil du projet par le monde judiciaire

Cet ne s’est pas fait sans critiques non plus. Cour de cassation et magistrats, avocats, ont émirent certaines réserves, jugeant :

1er point : que le texte n’avait pas fait l’objet d’une réflexion suffisante.

2e point : que la de la réforme pénale était une affaire beaucoup plus urgente que la discussion d’un nouveau code pénal.

Enfin, quant au texte lui-même, que les incriminations étaient trop souples, qu’il était donc donné trop de liberté aux juges, notamment en matière de peines (critique des avocats), que certaines incriminations seraient d’une mise en œuvre délicate (responsabilité des personnes morales, mise en danger délibérée d’autrui) pour des critiques plutôt avancées ici par la magistrature. Enfin, qu’un nouveau code avec notamment une numérotation nouvelle conduirait à rendre encore plus difficile la pratique quotidienne de la justice (problèmes d’adaptation du monde judiciaire, transition qui sera longue, avec la crainte du conflit de lois dans le temps, ou de nullité de procédure). C’étaient principalement les praticiens qui avançaient cette argumentation.

Certains en venaient même à souhaiter que ce code – dont la date d’entrée en vigueur avait été à plusieurs reprises repoussée – le soit indéfiniment.

Alors, un nouveau code pénal était-il vraiment nécessaire ? Opère-t-il vraiment des réformes en profondeur ? N’est-il pas incomplet ?

A cela il convient de répondre qu’effectivement ce nouveau code ne constitue pas un texte révolutionnaire. Il s’inscrit plutôt dans une logique de continuité et d’évolution, à part quelques aspects vraiment novateurs en matière de peines, et surtout en matière de responsabilités des personnes morales.

Dans sa forme, il y a du moins le mérite de présenter une réelle homogénéité que ne présentait pas l’ancien code. Et si l’un des objectifs poursuivis par les protagonistes était un code plus clair, plus expressif, plus lisible, voire plus simple, cet objectif semble avoir été atteint. Il existe en effet une réelle rigueur dans la présentation, une réelle logique, et un souci de simplification dans les définitions.

On ne peut nier toutefois que l’ambition initiale de réunir tout le droit pénal dans un même ouvrage n’a pas été réalisée. Tout le droit pénal dit technique : droit de l’environnement, droit de la santé publique, droit du travail (qui aurait sans doute représenté une douzaine de livres) n’est pas intégré dans le nouveau code pénal.

L’inventaire de ces textes – peut-être plus d’une dizaine de milliers – a été commencé mais a été vite abandonné, et devant l’ampleur de la tâche. Pour certains, on est plus proche du toilettage de l’ancien code pénal que de la refonte totale du code.

Du point de vue du fond cette fois, on ne peut que reconnaître : d’une part que ce code a réussi l’une de ses ambitions (= être un code expressif de notre société, puisqu’il reprend les valeurs essentielles), et d’autre part un code assez progressiste, en tout cas mieux adapté que l’ancien à la délinquance moderne.

En fin de compte, comme le souligne madame Mireille Delmas-Marty, le code se situe dans une bonne moyenne des codes en vigueur en Europe et ailleurs, n’est pas vraiment archaïque, mais sans capacité d’anticipation ; il est trop inscrit dans le présent. Selon cet auteur, ce code a été bâti comme un monument isolé, conçu comme un code du XIX e S., non comme devrait l’être un code du XXI e S.

Sa critique repose essentiellement sur 2 points intéressants : d’une part, l’absence de prise en compte de sanctions extra-pénales et extra-judiciaires (sanctions disciplinaires, sanctions administratives, médiation, injonctions) et d’autre part, une absence de prise en compte de la construction européenne. Mais au-delà de ces critiques, cela reste un bon code.