L’incompétence de la juridiction saisie

L’incompétence de la juridiction saisie

L’incompétence de la juridiction saisie évoque l’hypothèse dans laquelle on prétend que la juridiction saisie sur le plan matériel ou territorial est incompétente.

1° L’initiative de l’incident :

Le contentieux peut-être soulevé par l’une des parties au moyen d’une exception de procédure, elle décline la compétence de la juridiction saisie et lui demande le renvoi de la cause devant le juge compétent. Cette exception vient en général du défendeur mais il peut venir du demandeur par l’intermédiaire d’une demande reconventionnelle ou d’une demande en intervention. Pour prospérer, cette exception d’incompétence doit remplir deux conditions, elle doit être soulevée simultanément aux autres exceptions et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. La partie qui soulève l’exception doit la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle désire que la cause soit portée. Le plaideur va donc participer à la recherche du tribunal compétent. Le contentieux peut venir du juge lui même qui peut procéder à la vérification de sa propre compétence dans les cas prévus par la loi, on parle alors d’incompétence relevée d’office. Ce pouvoir de relever d’office son incompétence va a priori de soi, pourtant, il n’existe que dans des cas limités, en outre ce n’est qu’une faculté et non une obligation. Ce relevé d’office varie selon qu’il s’agit de relever une incompétence d’attribution ou une incompétence territoriale. L’article 92 du nouveau code de procédure civile prévoit que l’incompétence d’attribution peut être prononcée d’office :

– Lorsqu’elle résulte de la violation d’une règle de compétence d’attribution d’ordre public

– Lorsque le défendeur ne comparait pas puisque seul le juge est là pour faire en sorte que l’on respecte le principe du contradictoire.

– Son exercice est limité devant la cour d’appel et devant la Cour de Cassation. Ces juges ne peuvent soulever leur incompétence que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction administrative, répressive ou si elle échappe à la compétence d’une juridiction française.

L’article 93 prévoit quant à lui des règles différentes au sujet de l’incompétence territoriale selon que l’on se trouve en matière gracieuse ou contentieuse. En matière gracieuse, le juge peut toujours relever d’office son incompétence territoriale. En matière contentieuse, le juge ne peut relever d’office son incompétence territoriale que :

– Si le litige est relatif à l’état des personnes

– Dans les cas où la loi attribue une compétence exclusive à une autre juridiction

– Lorsque le défendeur n’a pas comparu.

2° Le règlement de l’incident :

Là encore, on doit concilier des impératifs contradictoires, il faut laisser au juge d’un coté le temps nécessaire pour résoudre l’incident ; d’un autre coté, il ne faut pas que cet incident ne soit un moyen de retarder le terme du procès. Le juge a deux possibilités, la première consiste à se déclarer incompétent ; l’article 96 du nouveau code de procédure civile oblige alors le juge à deux choses :

– Si la juridiction qu’il estime compétente est répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, le juge doit renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

– Si la juridiction n’est pas dans la liste ci-dessus, le juge doit renvoyer devant la juridiction compétente qu’il désigne de manière expresse. Cette désignation s’impose aux parties et à la juridiction de renvoi.

Le juge peut également se déclarer compétent et décider de statuer sur le fond du litige dans un seul et même jugement. Pour cela, l’article 76 exige qu’il mette les parties préalablement en demeure de conclure au fond et il doit statuer dans le dispositif par deux dispositions distinctes sur la compétence et sur le fond. Le règlement de l’incident est concomitant à la décision. Il est possible aussi que le juge se prononce uniquement sur la compétence sans statuer sur le fond, il choisit donc de procéder au règlement préalable de l’incident de compétence.

3° Les voies de recours :

Sachant que la diversité des jugements exerce une influence directe sur ces voies de recours. La voie de recours de droit commun, c’est l’appel. Il est ouvert contre tous les jugements par lesquels le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige. Mais il y a des nuances à apporter :

– Si le jugement a été rendu en dernier ressort, seule la compétence peut faire l’objet de l’appel. Mais pas le fond du droit. La cour d’appel peut confirmer la compétence du juge du premier degré, le jugement va alors produire pleinement effet sur le fond sous réserve d’un éventuel pourvoi en cassation. La cour d’appel peut aussi infirmer la décision sur la compétence du juge du premier degré, le jugement est alors sans valeur et la cour d’appel devra désigner la juridiction devant laquelle l’affaire doit être reprise.

– Si le tribunal a statué en premier ressort, son jugement peut être frappé d’appel dans son ensemble. Quant à la cour d’appel, elle peut confirmer la décision des premiers juges et statuer à son tour sur le fond en vertu de l’effet dévolutif de l’appel. Mais la cour d’appel peut aussi infirmer la décision en ce qui concerne la compétence. Il faut distinguer alors selon que la cour d’appel est la juridiction d’appel du tribunal qui a son avis est compétent. Dans ce cas là, la cour d’appel est alors saisie du litige et elle est obligée à son tour de statuer sur le fond en vertu toujours de l’effet dévolutif de l’appel. Si par contre la cour d’appel n’est pas la juridiction d’appel du tribunal qu’elle estime compétent, elle doit renvoyer l’affaire devant la juridiction d’appel du tribunal à qui revenait la compétence.

Le contredit est une voie de recours spécifique à l’incident de compétence. C’est la seule voie de recours contre une décision statuant uniquement sur la compétence que le juge la décline ou la reconnaisse. L’article 80 prévoit aussi que le contredit est possible contre un jugement dans lequel le juge a du trancher une question de fond dont dépend la compétence. Il n’a pas en réalité statué au fond, il a juste évoqué une question de fond. Par exemple, il arrive qu’on ne puisse résoudre l’incident de compétence qu’après avoir fait une appréciation sur le fond telle qu’une opération de qualification. Par exemple, pour savoir si le conseil des prud’hommes est compétent, il faut savoir si le contrat en cause est ou non un contrat de travail. Ce contredit est une voie de recours un peu particulière puisqu’il doit être formé dans les quinze jours à compter de la date du jugement. Il doit être motivé pour autant l’auteur n’a pas l’obligation de désigner la juridiction qu’il estime compétente. Ce contredit a le même effet que l’appel, il est suspensif. LA cour d’appel a alors deux solutions :

– Elle peut trancher l’incident et conclure soit à la compétence du juge saisi et elle renvoie l’affaire à ce juge pour qu’il statue au fond.

– Elle peut aussi conclure à l’incompétence de la juridiction saisie en première instance et elle désigne la juridiction compétente et renvoie l’affaire devant elle.

Contre cet arrêt que l’on qualifie d’arrêt de contredit, un pourvoi en cassation peut encore être intenté. La cour d’appel a aussi une autre solution, elle statue sur le contredit et use de sa faculté d’évocation prévue à l’article 49 du nouveau code de procédure civile et tranche le litige au fond. La cour d’appel tranche l’incident, considère que la juridiction est bien compétente mais au lieu de lui renvoyer l’affaire, elle tranche elle même le litige au fond. Cette procédure permet de gagner du temps mais on sacrifie alors au principe du double degré de juridiction puisque cette affaire n’a jamais été évoquée au fond par le premier juge. Cette procédure d’évocation est donc soumise à certaines conditions, il faut que la cour d’appel soit compétente et que les parties aient été mises en demeure de constituer avoués, enfin il faut bien entendu que les parties soient invitées à s’expliquer sur leurs prétentions.