L’indépendance du juge

L’indépendance du juge

Deux qualités essentielles sont attachées à la fonction de magistrat : indépendance et impartialité. C’est un des principes énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 6§1).

L’indépendance du juge est ce qui lui permet de juger sans subir aucune pression d’aucune sorte, ni directe, ni indirecte, et par pression, on entend en premier lieu la pression du pouvoir politique. Toutefois, la pression n’émane pas que de l’Etat ou des politiques, elle peut émaner des collègues, des tiers ou des parties. Nous évoquerons, plus longuement, l’indépendance du juge à l’égard de l’Etat dans un autre chapitre.

  • 1 : l’indépendance du juge à l’égard de ses collègues

Le juge doit librement statuer. Cette exigence n’est pas respecter dans deux hypothèse : quand solution du litige est imposé par un autre juge de la même juridiction que lui (A), lorsque la solution du litige est imposé par une autre juridiction (B).

  1. La solution est imposée par un autre juge

Au sien d’une même juridiction, l’indépendance du juge serait remise en cause si un juge imposera sa décision à un autre. Dans les faits ça arrive assez souvent : certain ont une influence vis à vis des autres. Pourquoi ? Les magistrats sont des fonctionnaires. Tout fonctionnaires à un grade et dans chaque grade tout fonctionnaire à un échelon. La justice a donc une certaine hiérarchie. Un conseiller de cour d’appel à un grade plus important qu’un juge d’instruction. Un conseiller d’Etat a un grade plus important qu’un maitre des requêtes. Il arrive assez souvent qu’au sein d’une juridiction le juge d’un garde inférieur soit influencé par un juge de grade supérieur. Il faut donc faire en sorte qu’il ne le soit plus. La loi française a posé quatre règles dont le seul but est d’éviter qu’un juge du grade supérieur n’a aucun pouvoir pour imposer une telle solution à un litige qu’un juge inférieur juge.

  1. l’absence de subordination hiérarchique dans la prise de décision

Un président du tribunal n’a pas le pouvoir légal de dire aux juges inférieur dans quel sens il doit statuer. Ou encore, un conseiller de cour d’appel ne peut pas enjoindre un juge d’instance dans un sens déterminé. Le juge est donc parfaitement indépendant. Effectivité de cette absence ? Chaque année, les juges reçoivent une note sur vingt transmis au ministère : d’où un avancement. Or c’est le juge de grade supérieur qui va noter le juge de grade inférieur qui est dans la même juridiction que lui. Un juge de grade inférieur qui veut avancer plus vite que les autres, peut rendre des décisions qui vont plaire aux juges de grade supérieur. Evaluation de l’activité du juge. Ce pouvoir de notation peut étreindre l’indépendance du juge.

  1. l’obligation de mobilité dans les fonctions exercées par le juge

Avec ici une loi du 25 Juin 2001 : obligation de mobilité. Ce n’est pas une mobilité géographique. Ca concerne les fonctions « un juge ne peut pas garder éternellement la même fonction » on craint qu’il puisse prendre l’ascendant sur les autres juges qui ont les mêmes fonctions que lui.

  • Exemple 1 : limitation à sept ans au sein d’une même juridiction les fonctions de président ou procureur de la République ou Premier président de la cour d’appel ou alors procureur général près de la cour d’appel

  • Exemple 2 : limitation à dix ans la fonction de juge d’instruction, fonction des juges des enfants ou encore les fonctions de juge d’instance. Objectif ? Éviter que l’expérience conférer par l’ancienneté donne valeur imposée. Ca ne contrevient en rien la règle de l’inamovibilité. Soit on lui propose de changer de fonction mais à rang égale ou alors changer de lieu. Mais en pratique, ça se fait pas parce que si président Cour d’Appel alors faut changer de cour si on veut rester Président de la cour d’Appel. Cette obligation de mobilité est contestée car en substance elle permet de garantir une certaine indépendance du juge vis à vis des collègues mais ça nuit à la spécialisation, avec meilleur décision.

  1. la règle du roulement

Selon cette règle, les juges au sein d’une même juridiction, les juges doit chaque année changer de chambre. La règle est posé afin qu’au sein d’une même chambre un juge prennent ascendance sur un autre. Tout le monde change de chambre et la question est réglée ! Sauf qu’en pratique, les présidents des juridictions françaises qui doivent appliquer cette règle refusent de l’appliquer car cette règle permet de garantir une certaine indépendance mais cette règle nuit à la spécialisation du juge. Les présidents des Juridictions. préfèrent un juge spécialisé à un juge parfaitement indépendant.

  1. l’interdiction pour certaines personnes d’être simultanément membres d’une même juridiction

Hypothèse est celle où une femme et un mari sont dans la même juridiction : il risque d’avoir une indépendance. La loi contient un article R-721-1 du code de l’organisation judiciaire. Ce texte interdit aux conjoints, aux parents, et alliés d’être simultanément juge d’une même juridiction. Avec une exception : deux personnes d’une même famille peuvent être magistrats dans une même juridiction s’ils ont obtenu une dispense du président de la République quelque soit la nature de la fonction occupée.

  1. La solution du juge par une autre juridiction

L’indépendance du juge exige qu’il ne puisse jamais se trouver lier s’agissant du litige quand il est saisi par une solution préconiser par une autre juridiction. Un juge doit pouvoir juger par lui même et aucune solution de Droit doit lui être imposée par un autre juge. Certaines règles françaises ne violent pas cette règle là mais il y en a d’autre qui peut la remettre en cause.

  1. les règles compatibles avec l’exigence processuelle d’indépendance

Deux règles françaises :

– article L-151-1 du code de l’organisation judiciaire : traite de la saisine pour avis de la cour de cassation. Un juge peut saisir pour avis la cour de cassation, rend son avis pour trois mois. L’avis ne lie jamais le juge qui l’a sollicité. Fort heureusement car si ça lie alors on serait dans l’hypothèse où il y a imposition

– devant le conseil d’Etat on peut introduire un pourvoi pour avis. L’article L-113-1 du Code d’organisation, l’avis ne lie jamais le juge qui l’a sollicité.

  1. les règles douteuses au regard de l’exigence processuelle d’indépendance

Quatre règles douteuses :

– la première règle, article L-131-4 qui dispose que la seconde juridiction de renvoi est obligé de se conformer à la décision rendue par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation (mécanisme de pourvoi en cassation). La doctrine majoritaire : ça remet en cause le principe qu’un juge ne doit jamais se voir imposer une solution. Certain auteur considère toutefois que ca peut être légitimé pour quatre raisons :

  •  l’obligation qu’à la seconde juridiction de renvoi n’est pas contestable car les seules les points de droit qui s’impose. Les faits sont librement apprécier et juger par cette seconde juridiction de renvoi.

  • Ça s’impose qu’a la seconde juridiction de renvoi « relativement à l’affaire qui a été porté devant l’assemblée plénière ». Si à l’occasion d’une autre affaire, si la même question de droit se pose à nouveau à cette même juridiction de renvoi. Celle ci ne sera jamais obliger d’appliquer la solution donnée par l’assemblé plénière.

  • Cette règle n’est pas sérieusement contestable car les hypothèses où elles doivent s’appliquer son si marginal qu’elle ne s’applique jamais. Ca suppose une première juridiction de renvoi qui ne s’incline pas et après les partis doivent fonder un recours selon les mêmes moyens.

  • Cette règle qui consiste à imposer à la deuxième juridiction de renvoi se justifie par rapport à la bonne administration de la justice. Ca permet de règle un conflit d’interprétation entre la cour de cassation et les juridictions de fond. Et de plus, c’est pour mettre fin à un litige qui a déjà longtemps durée (10 à 15 ans). « Délai raisonnable » du jugement.

– quand la question se pose de la légalité d’un acte administratif : compétence exclusive d’un juge administrative. Quand devant un juge judiciaire est posé la question de la légalité d’un acte administratif, le juge devrai sursoir à statuer, renvoyer la question au juge administratif, attendre sa réponse et appliquer à son litige la solution du juge administrative. Le juge administratif peut imposer sa solution à un juge judiciaire. « Question préjudicielle administratif ». Certains auteurs disent que c’est contraire mais il y a deux arguments qui permettent de nuancé cette indépendance :

  •  il y a des exceptions où le juge judiciaire peut apprécier la légalité de l’acte administratif : exemple : le juge pénale peut toujours lui- même apprécier la légalité d’un acte administratif quand la solution de son litige pénale dépend de cette légalité. Exemple 2 : matière fiscal, le droit fiscal relève de la compétence du juge judiciaire : ce juge n’a pas à posé une question préjudicielle.

  • Invoquer la bonne administration de la justice. Cette règle là ne peut pas être critiqué au regard du Droit Processuel car certes elle compromet l’indépendance du juge mais cette règle garantie une décision administrative de bien meilleure qualité.

– La question préjudicielle judiciaire. Lorsque dans un procès administratif se pose une question relevant du juge judiciaire. Le juge administratif doit sursoir à statuer saisir le juge judiciaire, attendre sa décision et surtout appliquer à la lettre la solution rendu par le juge judiciaire. On veut la légitimiser. Mais pas d’exception où le juge administratif peut appliquer la judiciaire. Or le juge judiciaire est plus spécialisé que le juge administratif donc le renvoi est légitime.

– En matière de droit communautaire. Le droit communautaire réserve à la cour de justice de l’union européenne l’examen de l’interprétation des traités originaires ainsi que l’examen de l’interprétation et de la validité des actes pris par la commission européenne article 234. Quand juge judiciaire question sur le droit communautaire. Même chose que les deux avants. C’est la question préjudicielle communautaire ou renvoi préjudicielle. Ils veulent aussi le legitimiser :

  •  bonne administration de la justice

  •  la règle du renvoi préjudicielle doit être legitimiser car pas toujours renvois. Ce renvoi n’est pas toujours obligatoire lorsque se pose une question de la validité d’un acte communautaire le renvoi est toujours obligatoire. Si interprétation d’un acte communautaire le renvoi n’est obligatoire que pour le conseil d’Etat et la cour de cassation, le renvoi n’est jamais obligatoire quand elle se pose devant une juridiction inférieure.

  • .2. L’indépendance du juge à l’égard des parties

Selon la CEDH l’indépendance signifie que le juge ne doit recevoir d’influence à l’égard d’es partis. Arrêt Le Compte vs Belgique du 23 Juin 1981. La Loi française a posé quelque règle.

  1. les règles qui tentent de préserver l’indépendance du juge à l’égard des parties

– le principe de la gratuité de la justice. La justice est gratuite donc les parties ne doivent pas payer les juges. AR : partie qui paye le plus gagne le procès.

– Responsabilité : l’indépendance du juge qui justifie qu’une partie ne puisse pas remettre directement en œuvre la responsabilité du juge. Le juge n’aura rien à craindre.

– Les règles d’incompatibilité. C’est l’indépendance du juge qui a posé ces règles. Certaines activités sont interdites aux juges car elle paraisse incompatible avec l’exercice de la fonction judiciaire.

  • un magistrat ne peut exercer aucune activité professionnelle extérieure à sa fonction (privé ou public). Sauf une exception : les magistrats non professionnels, on précise que l’activité exercé par ce magistrat ne doit pas être de nature à portée atteinte à l’indépendance et à la dignité de la fonction de magistrat. + La fonction de jugé est incompatible avec un mandat parlementaire (député et sénateur), règle absolue ! Cette règle a été entendu aussi au mandat des députés européens, on veut éviter le risque que le juge est a jugé sur ses électeurs -> indépendance ? On peut penser qu’il y a des doutes sur l’indépendance. + Avec conseiller général, régionale, ni municipal ni maire : interdiction relative. Cette interdiction est limitée à la circonscription dans laquelle il est élu. Règle posée par le code de procédure civil et de justice administrative.

  1. la problématique du juge élu

Les conseillers prudhommaux ou encore les juges consulaires (tribunaux de commerce) sont concernés par cette problématique. Un juge qui a été élu est-il vraiment indépendant à l’égard de ces électeurs qui risquent de se trouver devant lui ? La grande majorité de la doctrine considère que non. Ainsi on a posé plusieurs remèdes :

– (mis en œuvre partiellement), système des juges à deux degrés : pour les juges consulaires qui sont élus avec deux degrés : où l’arrondissement élis un collège avec les délégués consulaires qui éliront ensuite eux les juges consulaires. On éloigne les juges de sa base. Remarque : pas été retenu pour le conseil des prud’hommes, pas de doubles degrés donc problème reste entier.

– Introduire dans chaque juridiction des échevinages (juges nommés par le gouvernement, professionnel). Sauf que ce système n’a jamais été retenu notamment par le lobbying.

– Supprimer les juges élues. La question est si on supprime les T. de Commerce et T. Prud’homme comment on va faire ? On va conférer leurs compétences à la juridiction de droit commun : le Tribunal de Grande Instance. Jamais vu le jour malgré les nombreuses suggestions pas vu le jour à cause des lobbyings. La France est un des rares pays où les juges sont élus, en Suisse ça existe. Pourquoi pas en France ? De plus on a déjà ce type d’organisation en France (Alsace Moselle). Actuellement encore il y a un projet de Loi mais on en parle plus (2002).

  • .3. L’indépendance du juge à l’égard des tiers

Dans le cas d’un procès, le juge peut toujours faire appel à un technicien qui aura la qualité d’un tiers au litige. Ca peut être un expert, médiateur, huissier etc … pour autant à l’égard de ce tiers, le juge doit aussi être indépendant. D’après la CEDH, le juge quand il fait appel à un technicien, ce dernier ne doit se borner qu’à donner un avis qui ne doit pas lier le juge. Car si ca le lie alors pas indépendance. L’arrêt est respecté en Droit Français. Si le juge fait appelle à un technicien alors l’avis de ce dernier ne lie jamais le juge. Observation de fait ? Le juge très souvent suit toujours pratiquement l’avis de ce technicien pour deux raisons :

– le technicien à une compétence technique plus poussé que le juge

– il existe certain avis de technicien difficilement contestable. Exemple : expertise génétique qui dit que 99.9% que c’est le père de cette enfant.

  • .4. L’indépendance du juge à l’égard de l’Etat

Le juge doit bénéficier d’une totale indépendance. L’indépendance est, en effet, inhérente à la fonction de juger. Il faut que le juge puisse statuer à l’abri de menaces mais également des faveurs.

Principe de l’inamovibilité

Dire d’un juge qu’il est inamovible signifie qu’il ne peut faire l’objet d’une mesure individuelle en dehors des cas et conditions prévus par la loi.

S’agissant des juges du siège, il ne peuvent pas recevoir une nouvelle affectation sans leur consentement même en avancement.

Concernant les magistrats du ministère public, ceux-ci ne bénéficient pas de cette règle puisque par essence ils sont sous la dépendance des gardes des sceaux.

Régie de l’avancement

Distinction entre le grade et la fonction :

Le grade : Position hiérarchique du magistrat

La fonction : Place exacte occupée par le magistrat. C’est son poste.

  • Ces deux notions ne se regroupent pas

Avancement dans l’ordre judiciaire

L’avancement des magistrats, la promotion, va se faire au travers d’une part du CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) et du tableau d’avancement, c’est à dire la publication tout à la fois des magistrats qui peuvent compte tenu de leur ancienneté bénéficier d’un avancement, et d’autre, la publication des fonctions ouvertes à l’avancement.

Ex : un départ à la retraite.

Les magistrats hors hiérarchie, ceux qui sont hors grade et qui occupe les fonctions les plus importante, leur choix et leur proposition sont de la compétence du CSM.

Les magistrats sont notés par les chefs de cours (Direction du tribunal : Président du TGI et de la CA). Leur carrière dépend de la note. C’est pourquoi certains jeunes magistrats préfèrent le parquet car le système de notation est plus simple.

Régime disciplinaire

  1. A) Régime disciplinaire des magistrats de l’ordre judiciaire

Le fait que le juge soit inamovible ne signifie pas qu’ils ne peuvent faire l’objet d’aucune sanction.

Un mauvais jugement ne constitue pas une faute professionnelle. Ce qui constitue une faute professionnelle ce sont des manquements aux obligations du magistrat, qu’il s’agisse des obligations qui résultent de son statut ou de sa vie privée.

Ex : perdre un dossier, conduire en état d’ivresse ou partager sa vie avec une prostituer.

  1. Dispositions générales

Tout manquement par un magistrat au devoir de son état, à l’honneur, la délicatesse ou la dignité constitue une faute disciplinaire.

La sanction disciplinaire va de la réprimande au déplacement, retrait de certaines fonctions, abaissement d’échelon, rétrogradation, mise à la retraite d’office, révocation…

  1. Dispositions spécifiques aux magistrats du siège

S’agissant des magistrats du siège, c’est le CSM qui va agir comme Conseil de discipline et sa décision sera souveraine.

  1. Dispositions spécifiques aux magistrats du parquet

S’agissant des magistrats du parquet, le CSM va se contenter de proposer au garde des sceaux une sanction. Il n’est pas tenu de suivre la proposition du CSM.

  1. B) Régime disciplinaire des juges de l’ordre administratif

S’agissant du régime disciplinaire des juges de l’ordre administratif, rien n’est prévu concernant le Conseil d’État parce que ceux-ci ont une grande indépendance.

Concernant les juges administratifs et les Cours administratives d’appel, a été institué un Conseil Supérieur de ces juridictions qui va agir comme conseil de discipline.