L’indivision successorale

L’INDIVISION

Lorsque la succession est dévolue à une pluralité d’héritiers, ces derniers sont en indivision sur l’ensemble de la succession.

Il y a en effet concours de plusieurs droits de même nature sur une même masse de biens sans qu’il y ait encore division matérielle (= des parts) sur les biens.

Cette masse successorale indivise va devoir être gérée jusqu’au partage qui permettra seul d’aboutir à l’attribution exclusive d’une part de l’indivision à chaque indivisaire.

Cette forme juridique d’acquisition est la plus fréquente et sans doute la plus économique. Son mécanisme est assez simple et facile à mettre en oeuvre. L’indivision est en effet un acte par lequel deux personnes (ou davantage) peuvent par exemple acheter ensemble un logement, chacun pouvant participer à l’acquisition dans des proportions variables. Le titre de propriété indique alors la part respective de chacun, par exemple 50/50, 30/70, etc. L’indivision est régie par les articles 815 à 815-8 du Code civil. Elle n’est pas réservée à l’acquisition d’un bien en commun mais s’applique aussi aux successions dès lors que plusieurs héritiers sont en présence, ou encore en situation post matrimoniale.

L'indivision

I. L’indivision légale

Le régime a été réaménagé par loi du 23 juin 2006. Ce régime ayant pour objet de limiter les situations de blocage dans l’administration des successions.

Ce régime soulève 2 problèmes :

  • les pouvoirs des indivisaires
  • les droits et obligations des indivisaires

En indivision, toutes les décisions doivent être prises à l’unanimité, sauf s’il y a menace de péril sur le bien. Dans ce cas, un indivisaire peut décider, seul, d’agir pour sa conservation.

En cas de séparation du couple, s’il n’existe pas de désaccord, le logement peut être vendu et permettre aux concubins de se partager le prix de la vente au prorata de leur part. L’un peut aussi racheter la part de l’autre et conserver ainsi la pleine propriété du logement.

En revanche, s’il y a mésentente, l’indivision peut créer des problèmes. La vente du logement ne peut en effet être réalisée qu’avec le consentement de tous les indivisaires (en l’occurrence, les concubins). Toutefois, comme le précise le Code civil « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué ». Cela signifie donc que des concubins ayant acheté un logement en indivision ont chacun la faculté d’exiger la vente et la répartition des sommes issues de cette vente. A la demande d’un concubin, le tribunal peut être saisi et ordonner le partage ou l’attribution de sa part à celui qui s’en va. S’il estime que le partage immédiat risque de nuire à la valeur du logement, le tribunal peut aussi surseoir, durant deux ans maximum, au partage et décider la poursuite de l’indivision, le temps pour les concubins de trouver un terrain d’entente (vente du logement et partage ou rachat par l’un des concubins de la part de l’autre). En une trentaine d’années, la vie hors mariage s’est largement répandue. Si, d’a pres l’Insee, 3 °/ seulement de couples pratiquaient l’union libre dans les Années 60, aujourd’hui ce pourcentage a quadruplé.

A. Les pouvoirs des indivisaires

Ils sont en principe conditionnés par la qualification de l’acte à accomplir mais ces pouvoirs vont pouvoir connaître des aménagements judiciaires pour pallier aux situations de crise.

1. Les pouvoirs des indivisaires en fonction de la qualification de l’acte

La loi de 2006est venu assouplir les règles de l’indivision en évitant le recours systématique à la règle de l’unanimité et en prévoyant que certains actes pourront désormais être accomplit à la majorité des 2/3 alors que jusqu’à présent la loi de 1976qui régissait l’indivision posait elle en principe la règle de l’unanimité, les actes relatifs à l’indivision ne pouvant donc être accomplit qu’avec le consentement de tous les co-indivisaires ce qui pouvait paralyser la gestion des biens indivis puisqu’il était impossible de prendre une décision lorsque l’accord de tous les indivisaires était requit.

Aujourd’hui, certains actes peuvent être accomplit par un co-indivisaire seul d’autres actes ne peuvent être accomplit qu’à la majorité des 2/3 et seuls les actes les plus graves restent soumis à la règle de l’unanimité.

a. Les actes accomplis par un indivisaire seul

Dans le système antérieur à 2006, il était déjà admis qu’un indivisaire puisse accomplir seul un acte conservatoire. La nouveauté apportée par la loi de 2006réside dans le fait qu’aujourd’hui le régime a été assouplit même pour ces actes conservatoires car la condition d’urgence posée par l’ancien texte a été supprimée.

Cette catégorie d’actes a été précisée par l’article 815-2 alinéa 1er « Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence ».

Constituent des actes conservatoires, selon l’opinion communément admise, tous les actes qui ont pour but d’éviter la perte matérielle d’une chose ou la disparition juridique d’un droit. Mais également, les actes accomplis sur un bien qui n’est pas immédiatement menacé de dépérissement dès lors que l’acte est nécessaire. L’acte qui aura été accomplis valablement par l’indivisaire seul engagera les co-indivisaires.

b. Les actes accomplis à la majorité des 2/3

Jusqu’à la réforme de 2006, tous les actes d’administration et de disposition devaient obligatoirement être décidés à l’unanimité. Ce qui équivalait à reconnaître à chaque co-indivisaire un véritable droit de véto.

Aujourd’hui, peuvent être décidés à la majorité des 2/3, les actes les moins graves énumérés à l’article 815-3 du Code civil « Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : 1° Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ; 2° Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ; 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ; 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».

La seule obligation qui pèse sur les auteurs de la décision prise à la majorité des 2/3, c’est une obligation d’information, ils doivent effectivement informer les autres co-indivisaires de la décision. La sanction de cette obligation d’information étant l’inopposabilité de la décision aux co-indivisaires minoritaires.

c. Les actes à l’unanimité

Règle de l’unanimité maintenue pour les actes les plus graves (= article 815-3 du Code civil) qui vise tout actes qui ne ressorti pas à l’exploitation normal des bien indivis et tout acte de disposition autre que ceux visés à l’article 815-3 3°.

2. Les mesures de crise

Trois cas peuvent susciter problème dans le fonctionnement de l’indivision :

  • indivisaire hors d’état de manifester sa volonté
  • indivisaire qui oppose un refus qui va à l’encontre de l’intérêt commun
  • mesures urgentes qui peuvent s’imposer

Le législateur a pris en compte ces 3 situations de crise qui sont réglées par les articles 815-4, -5 et -6.

S’agissant du 1er cas, cette hypothèse revoie au problème de l’indivisaire incapable, indivisaire absent au sens juridique du terme ou encore à l’hypothèse de l’éloignement de l’un des co-indivisaires. Dans ce cas, la loi prévoit la faculté pour le juge d’autoriser l’un des co-indivisaire à le représenter d’une manière générale ou alors pour certains actes particuliers.

S’agissant du 2ème cas, la solution réside dans le recours à l’autorisation judiciaire. Et le juge pourra autoriser l’un des co-indivisaires à passer l’acte qu’il s’agisse d’un acte d’administration ou de disposition, acte qui sera opposable à celui qui a refusé son consentement.

S’agissant du 3ème cas, là encore le juge pourra interdire, imposer ou autoriser toutes mesures urgentes que requière l’intérêt commun (= article 815-6 alinéa 1er).

B. Les droits des indivisaires

Ils portent sur 3 points :

  • droit de jouissance personnelle sur les biens qui les autorise à en user dès lors que cette utilisation est conforme à la destination du bien et ne porte pas atteinte aux droits des autres co-indivisaires. Alors dans certains cas, un co-indivisaire peut se voir reconnaître par les autres un droit exclusif de jouissance sur un bien déterminé mais dans ce cas, l’indivisaire devra une indemnité à l’indivision.
  • ils ont droit aux fruits et aux revenus qui accroissent l’indivision.
  • chaque indivisaire peut céder tout ou partie de sa part héréditaire à un autre indivisaire ou même à un tiers dans les conditions prévues par l’article 815-14 du Code civil qui prévoit un droit de préemption des co-indivisaires en cas de vente amiable à une personne étrangère à l’indivision.

II. L’indivision conventionnelle

Les co-indivisaires peuvent choisir une indivision conventionnelle (= article 1873-2 et suivants du Code civil). Elle nécessitera l’accord unanime de tous les co-indivisaires et devra être passée par écrit à peine de nullité. L’intérêt de la convention d’indivision, c’est de faciliter la gestion de l’indivision.

En effet, les co-indivisaires peuvent décider de confier la gestion de l’indivision à un gérant qui peut être soit l’un d’entre eux soit un tiers. Et les pouvoirs de ce gérant seront alors calqués sur les pouvoirs des époux sur les biens communs tels que ces pouvoirs sont régit par le Code Civil.

Le fonctionnement assez rigide de l’indivision peut être assoupli par la signature d’une convention d’indivision entre les concubins. Cette convention d’indivision permet de préciser les règles de gestion du bien possédé en commun et de nommer par exemple un gérant. Régie par les dispositions de l’article 1873 du Code civil, cette convention écrite, établie sous seing privé ou chez un notaire, doit porter un certain nombre d’éléments concernant le bien possédé en commun et la quote-part de chacun des concubins indivisaires. Mais son intérêt réside surtout dans la possibilité de reconnaître un droit d’attribution de la quote-part de chacun des concubins en cas de décès. Ainsi, le concubin survivant peut acquérir la quote-part de son compagnon sans que personne puisse s’y opposer. C’est un point important puisque, sans cette convention d’indivision, le concubin survivant ne peut prétendre à la quote-part de son compagnon décédé et qu’il risque de se retrouver en indivision avec les héritiers éventuels qui, dans bien des cas, souhaiteront vendre le bien pour toucher leur héritage.

A noter que la convention d’indivision peut être conclue à durée indéterminée ou déterminée. Dans le premier cas, le partage peut être provoqué à tout moment. Dans le second, le partage ne peut être décidé avant le terme de la convention (sauf dans certains cas). Quoi qu’il en soit, la durée de la convention ne peut excéder cinq ans et peut être renouvelée pour une même durée ou de façon indéterminée.