Le recours à une mère porteuse (gestation pour autrui)

La maternité de substitution

La mère porteuse est soit celle qui reçoit le sperme d’un homme dont la femme ou la concubine est stérile et s’engage à lui livrer l’enfant à l’accouchement, soit celle qui reçoit l’embryon du couple, mène la gestation à terme et donne ensuite l’enfant.

La loi de bioéthique du 29 juillet 1994 est claire : la gestation pour autrui est interdite en France. Le fait de recourir a la maternité de substitution est punissable de six mois de prison et de 7 500 € d’amende le médecin (ou l’intermédiaire) qui permet la réalisation de l’opération. La révision de la loi bioéthique de 2011 a réaffirmé cette interdiction au nom du « principe de l’indisponibilité du corps humain ». Toutefois, en janvier 2013, une circulaire de la ministre de la Justice demande aux juridictions françaises de délivrer « des certificats de nationalité française » aux enfants nés à l’étranger d’un père français et d’une mère porteuse. Cette pratique était jusqu’ici strictement interdite mais dans les faits certains tribunaux acceptaient de donner des papiers d’identité.

A) La position jurisprudentielle

Elle est apparue dans un arrêt d’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 31 mai 1991 suivi de l’arrêt Solène rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation le 29 juin 1994.Les juges ont estimé dans ces affaires que « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance n’est pas licite ».

Cette décision prend appui sur 2 principes :

  • Celui de l’indisponibilité du corps humain. Ce principe interdit la maternité pour autrui. En vertu de ce principe, le corps humain est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention. Le corps humain est indisponible en raison du caractère sacré de la personne humaine. Cela est vrai pour la mère et pour l’enfant.
  • Le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes. Aucune personne ne peut disposer de son état qui est le reflet de cette personne sur le plan juridique. L’article 311-9 du Code civil : « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet d’une renonciation ».Toute convention par laquelle nous voudrions disposer de notre état ou en acquérir un nouveau serait nulle. Or, dans le cas des conventions de mères porteuses, celle-ci tend à faire venir au monde un enfant dont l’état ne correspond pas tout à fait à sa filiation réelle. Il y a une disposition illicite de l’état, seul le père l’était bien. La convention a pour but de faire renoncer la future mère aux droits liés à la maternité, ce qui est illicite. De plus on crée la situation de l’abandon d’enfant de façon délibérée pour satisfaire les besoins d’un couple. Ce processus d’ensemble rend l’abandon illicite et l’adoption nulle.

Sont aussi visées les associations qui proposaient leur entremise.

Les mères de substitution ou les couples intéressés par la convention ne sont pas sanctionnés. Seules les associations peuvent être condamnées : « Association Les Cigognes », arrêt du Conseil d’Etat de 1988 et en 1989, la première chambre civile de la Cour de cassation : « Association Alma Mater ».

Il faut signaler l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 4 juillet 2002 qui pose la question de savoir si c’est la génitrice ou la « gestative » qui est la mère.

TGI de Lille22 mars 2007 : rappelle le principe suivant lequel toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui étant nulle, la convention de mère porteuse ayant permis la naissance de l’enfant en cause est incontestablement frauduleuse. En conséquence, les demandeurs ne pourront se prévaloir de la possession d’état viciée pour obtenir la transcription de l’acte de notoriété sur l’acte de naissance de l’enfant.

B) L’interdiction légale

Cette pratique est désormais interdite par la loi de 1994 à l’article 16-7 du Code civil: « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».

Ce texte est issu des lois bioéthiques et confirme la jurisprudence existante en retenant la même solution bien que la motivation soit différente. Cet article est d’ordre public. Si de pareilles conventions étaient conclues à titre gratuit ou onéreux, elles seraient nulles et de nullité absolue, invocable par tout intéressé ainsi que la MP, pendant 5 ans (=la mère porteuse pourrait conserver l’enfant). L’interdiction vaudrait également à l’encontre d’une convention de « père géniteur ». De plus, l’article 16-5 du Code civil peut être invoqué lorsqu’il y a convention à titre onéreux.

L’article 227-12 alinéas 3 et 4 du Code pénal incrimine « le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ». D’autres infractions sont envisageables comme le délit de simulation et de dissimulation d’enfant ou de faux en écriture publique…

Sont interdites en France : la gestation pour le compte d’autrui et la maternité de substitution et les associations qui proposent leur entremise.

Qui de la filiation de l’enfant ? L’adoption ayant été écartée par la Cour de Cassationle 31 mai 1991 car cela constituait un détournement de l’institution, peut-on recourir alors aux règles applicables à la filiation par procréation naturelle ? Discussions en doctrine, hésitations en Jurisprudence. La possession d’état pourrait être envisagée, l’adoption étant refusée ?

JURISPRUDENCE relative à la transcription sur les registres français de l’état civil des actes de naissance d’enfants conçus dans le cadre d’une convention de mère porteuse conclue à l’étranger : Une quinzaine d’affaires auraient été révélées depuis 2000.

Certains juges ont annulé la transcription de l’acte de naissance établi après le jugement étranger d’adoption pour violation de l’ordre public, d’autres ont admis la transcription après rectification de la mention de la mère, d’autres encore ont accepté la transcription de la filiation issue de l’adoption prononcée à l’étranger en rejetant la demande en annulation du ministère public au motif qu’il n’avait contesté ni l’opposabilité du jugement étranger d’adoption ni la foi à accorder à l’acte d’état civil étranger .

  • Cour de Cassation de Paris 25 octobre 2007 : elle accepte la transcription (convention conclue aux USA).
  • Première chambre civile le17 décembre 2008 : cassation de la décision de la CA de Paris sur le fondement de l’article 423 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE qui prévoit que le Ministère Public peut agir pour la défense de l’Ordre Public à l’occasion des faits portant atteinte à celui-ci et d’autre part de l’article 166-7 du Code Civil. Selon lequel toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle « les énonciations inscrites sur les actes d’état civil ne pouvaient résulter que d’une convention portant sur la gestation pour autrui, de sorte que le Ministère Public justifiait d’un intérêt à agir en nullité des transcriptions ».
  • Par trois arrêts de rejet rendus le 6 avril 2011, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question des effets en France des conventions de mères porteuses. Ainsi, une convention de gestation pour autrui, homologuée par le juge étranger prévoyait qu’après la naissance de l’enfant, « les parents » ayant eu recours à cette pratique seraient déclarés être les parents de cet enfant dans les actes d’état civil étrangers.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question et sa position, qui n’est pas nouvelle, était attendue. L’un des arrêts soumis à la Cour a déjà un long parcours judiciaire. Rappelons en quelques décisions marquantes. La Cour d’appel de Paris a tout d’abord estimé que le ministère public était irrecevable à demander l’annulation des actes transcrits sur le fondement de l’ordre public, décidant ainsi d’importer en France les mères porteuses. Ensuite, la Cour de cassation a pu décider qu’en vertu de son pouvoir de défense de l’ordre public, le ministère public est fondé à agir en annulation de la transcription de l’acte. De nouveau dans cette affaire, sur renvoi après cassation, on a observé que la Cour d’appel de Paris, autrement composée a changé de cap puisqu’elle se rallie à la position de la haute juridiction. Non seulement, elle déclare recevable l’action du ministère public à agir en nullité de la transcription des actes d’état civil des enfants nés d’une mère porteuse, dans un pays où cette pratique est autorisée et légalement organisée, mais la transcription, sur les registres d’état civil, est annulée.

À l’instar de cette décision (Paris, 18 mars 2010), les deux arrêts (Paris, 26 février 2009) qui ont eux aussi donné lieu aux deux autres décisions rendues le 6 avril 2011, ont annulé ces transcriptions ou en ont refusé la transcription en France.

Ces trois arrêts de cour d’appel ont alors donné l’occasion à la Cour de cassation de se prononcer d’une seule et même voix comme pour donner plus d’intensité aux principes posés. En effet, peu importe la technique utilisée (embryon issu des gamètes des époux, don d’ovocyte suivi d’une gestation pour autrui…) et peu importe aussi que le juge des tutelles ait constaté la possession d’état dans un acte de notoriété. Finalement, seule compte l’opération à l’origine qui est interdite en France. Dans cette optique, c’est l’ordre public international qui est appelé à la rescousse, et la conception française de l’ordre public international s’oppose à la reconnaissance, en France, des actes d’état civil d’enfants issus d’une gestation pour autrui. La Cour de cassation estime qu’est justifié « le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil » ; ajoutant que « ce principe fait obstacle aux effets en France d’une possession d’état invoquée pour l’établissement de la filiation en conséquence d’une telle convention, fût-elle licitement conclue à l’étranger, en raison de sa contrariété à l’ordre public international français ».

En toute logique, on aurait pu s’attendre à ce que la Cour de cassation accepte la transcription puisque tel était l’avis de l’avocat général pour qui « l’ordre public international ne saurait être opposé pour refuser à un droit régulièrement acquis à l’étranger (…) de produire en France les effets juridiques qui en dérivent (…) lorsqu’un tel refus a pour conséquence de porter atteinte à un principe, une liberté ou un droit garantis par une convention internationale » (Le Monde, 8 mars 2011) et puisque, d’autre part, la Cour de cassation a dans un arrêt récent reconnu un jugement étranger d’adoption. Tout en rappelant qu’est contraire à l’ordre public international français la décision étrangère qui comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français, cet arrêt reconnaît une situation qui s’est régulièrement constituée à l’étranger. La Cour estime toutefois que la décision étrangère n’est pas contraire à l’ordre public international français puisque la mère d’origine reste investie de ses droits d’autorité parentale. Toutefois, la licéité de l’opération ne suffit pas, encore faut-il passer le filtre de l’ordre public. Les arrêts sous examen ne s’inscrivent pas en opposition avec cette décision, le respect de l’ordre public y est aussi érigé en principe par la Cour. Ainsi, ces décisions laissent à penser que même si l’ordre public s’effrite quelque peu, il existe encore un noyau dur, et l’interdiction de la gestation pour autrui en fait partie.

Quant à l’enfant, la Cour d’appel de Paris (25 octobre 2007) s’était référée à la notion d’intérêt supérieur de l’enfant pour décider que le ministère public n’avait pas d’intérêt à agir en nullité de la transcription, en revanche, en l’espèce, la cour estime que « les enfants ne sont pas privés d’une filiation maternelle et paternelle que le droit étranger leur reconnaît ni empêchés de vivre avec les requérants, de sorte que les impératifs du respect de la vie privée et familiale de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ou la prise en compte primordiale de l’intérêt supérieur de l’enfant consacré par la Convention de New York, ne commandent pas, en l’espèce, que la contrariété à l’ordre public international français de ces jugements étrangers soit écartée ».

Par ailleurs, sur la question de la maternité pour autrui, une décision récente, (TGI Nantes, 10 février 2011)dans laquelle le tribunal reconnaît que l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger dans le cadre d’une gestation pour autrui peut faire l’objet d’une transcription, mérite d’être rapprochée de ces arrêts. Toutefois, les faits sont sensiblement différents. Il s’agissait en l’espèce de reconnaître l’acte de naissance d’un enfant qui avait acquis tout récemment sa nationalité française. Les « deux parents » qui en demandaient la transcription étant de même sexe (deux hommes) et de nationalité américaine à l’époque de l’opération. Cette transcription a été autorisée par le tribunal qui précise que, d’une part l’enfant tient toujours de sa nationalité française le droit à un acte de naissance français et qu’elle ne peut être mis en échec par le fait qu’un contrat de gestation pour autrui illicite au sens de l’article 16-7 du code civil, est à l’origine de l’opération. De plus, la juridiction précise que « les “accords” judiciairement entérinés par la juridiction californienne qui pourraient être contraires à la loi française, ont été conclus en territoire étranger, en 2001, entre des ressortissants étrangers non concernés par la législation française et qu’on ne peut envisager d’appliquer les conséquences d’une loi de police française interne à leurs agissements passés et surtout à un enfant né à l’étranger avant l’acquisition de la nationalité française ». Toutefois, l’ordre public réapparait à un autre niveau. La transcription de l’acte étranger est ordonnée sans qu’il ne figure sur l’acte le nom du deuxième parent. En effet, les mentions de l’acte californien sur lesquelles figure la mention des deux parents de même sexe sont quant à elles contraires à notre ordre public.

La Cour européenne des droits de l’homme 21 décembre 2010 Chavdarov/ Bulgarie estime que le refus d’établir la filiation juridique ne porte pas atteinte au droit à la vie privée et familiale car ce refus n’empêchait pas (le père) de vivre avec ses enfants.

La Cour de cassation s’inspire de la JURISPRUDENCE européenne. Le refus de transcrire la filiation établie à l’étranger sur les registres de l’état civil français ne supprime pas la filiation établie selon le droit étranger.

Le Conseil d’Etat, le 5 avril 2011 a affirmé que la nullité du contrat de mère porteuse au regard de l’OP français est sans incidence « sur l’obligation faite à l’Administration par les stipulations de l’article 3 §1 de la convention relative aux droits de l’enfant d’accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions le concernant ». Il valide donc la décision du juge de première instance ordonnant la délivrance de documents de voyage permettant aux enfants d’entrer sur le territoire national ».

JURISPRUDENCE CA Rennes 21 février 2012 : la filiation paternelle d’un enfant issu d’une gestation pour autrui réalisée à l’étranger peut être transcrite sur les actes d’état civil dès lors que l’acte étranger satisfait aux exigences de régularité et de réalité de l’article 47 du Code civilsans qu’il y ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel l’intérêt de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain. (Hypothèse où les juges n’étaient pas saisis de la validité du contrat de gestation pour autrui mais de la transcription d’un acte d’état civil).

Le CE dont le rapport a servi de base à la révision des lois bioéthique proposait de reconnaître la filiation du père génétique en cas de gestation pour autrui, mais excluait l’établissement de la filiation entre la mère d’intention et l’enfant exclu par le Conseil d’Etat. La loi du 7 juillet 2011 réformant les lois Bioéthique n’a finalement apporté aucune innovation sur ce point.

JURISPRUDENCE la plus récente : 2 Arrêts du 13 septembre 2013 (n° 12-1835 et N°12-30138) :

En l’état du droit positif, est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans des formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement , en fraude à la loi française d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fut-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code Civil. Dans ces arrêts, refus de transcrire l’acte de naissance de l’enfant établi par les autorités indiennes car il existe une convention de gestation pour le compte d’autrui, d’où l’existence d’un processus frauduleux.

Enfant né de mère porteuse et délivrance d’un certificat de nationalité :

Une circulaire du 25 janvier 2013 relative à la délivrance des certificats de nationalité française préconise la délivrance de CNF aux enfants nés à l’étranger de Français, lorsqu’il apparaît, avec suffisamment de vraisemblance, qu’il a été fait recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui dès lors que « le lien de filiation avec un Français résulte d’un acte d’état civil étranger probant au regard de l’article 47 du Code civilselon lequel « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent , le cas échéant, après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que des faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

C) Le clonage humain

Il est prohibé par la loi bioéthique du 6 août 2004 :

L’article 16-4 alinéa 2 du Code civildéclare «est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne humaine vivante ou décédée ». Article L2151-2 CSP: « la conception in vitro d’embryon ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite ».

La loi du 7 juillet 2011 a rajouté un alinéa : « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ».

Article L2151-3 Code de la Santé Pubique : « Un embryon humain ne peut être conçu ni constitué par clonage, ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles ».

Article L 2151-4 CSP: Est également interdite toute constitution par clonage d’un embryon humain à des fins thérapeutiques. »

Ceci est réprimé : soit le délit de clonage à des fins de recherche ou à des fins thérapeutiques soit de crime de clonage reproductif (article 214-2 et suivants CP). Ce crime relève des crimes contre l’espèce humaine lesquels viennent se juxtaposer aux crimes contre l’humanité.