L’interprétation de la règle de droit

Interprétation de la règle de droit

L’Interprétation des règles de droit peut permettre de clarifier la règle de droit ou faits ou jugement.

Article 461 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE présente l’avantage de permettre aux parties de demander aux juges de clarifier et d’interpréter la décision.

Il n’existe aucun texte qui prévoit l’autorité compétente pour interpréter la règle de droit, ni de texte. L’interprétation d’une décision de justice ne s’applique que dans les rapports entre les parties au procès. Décision de justice a force obligatoire relative car qu’aux parties, au contraire la règle de droit a force obligatoire absolue car à tous.

Interprétation de la règle de droit : Qui est compétent, comment interpréter, en application de quelles règles ?

En droit, le pouvoir d’interpréter une règle de droit devrait revenir à celui qui l’a édicté, mais dans le droit romain et l’ancien droit l’interprétation était soumise au souverain. Révolution française : loi du 24/08/1790 : séparait la fonction administrative de la judiciaire et a prescrit au juge de s’adresser au corps législatif toutes les fois où on doit interpréter. Plus tard le consulat l’a retiré au corps législatif et l’a donné au Conseil d’état et doit développé le sens des lois. Puis ce sont deux chambres parlementaires qui doivent interpréter.

Depuis 1987 la Cour de cassation a le pouvoir d’imposer souverainement sa solution c’est-à-dire l’interprétation va s’imposer à tous et aux juridictions inférieures mais ce n’est pas un pouvoir exclusif car il n’est pas retiré totalement aux législateurs, car ceux-ci votent parfois une loi interprétative dont l’objet est d’éclairer une loi précédente dont la compréhension soulevait des difficultés devant une juridiction.

Le conseil d’état peut également interpréter une décision qui vient du droit public. De plus il est permis de recourir à des questions écrites posées aux parlementaires adressées aux ministres sur les sens de telle ou telle loi, les réponses des ministres sont donnés sous réserve d’interprétation différente des tribunaux.

En France l’autorité réelle investie du pouvoir d’interpréter est le juge de l’ordre judiciaire ou celui de l’ordre administratif. Car le juge est l’organe d’application de la règle de droit et cette obligation d’appliquer la règle de droit découle pour lui de plusieurs textes.

1er texte : article 12 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE

chaque paragraphe est appelé alinéa.

ATTENTION ! une loi dispose « disposition légale » , un contrat stipule « stipulation contractuelle »

La lecture de cet article12 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE dit que le juge s’il est nécessaire doit interpréter la règle avant de l’appliquer. Article 4 du code civil : important car oblige le juge à trancher le litige, il défend au juge de refuser l’application de la règle de droit sous prétexte que la règle est incompréhensible. Indirectement il indique que si la loi est obscure, insuffisante… le juge doit lui même interpréter pour l’éclairer. Pour autant aucun texte ne donne d’indications, certains auteurs proposent des méthodes d’interprétation.

  • &1 les écoles d’interprétation

A) Interprétation exégétique

Ecole qui a dominé l’interprétation pendant le 19ème siècle, elle repose sur le respect du texte, recherche le légalisme :

  • dans acception stricte, on va essayer de respecter le texte sans s’en éloigner. Certains cas totalement stériles car impossible de trouver le sens dans le texte lui-même.
  • Dans acception souple, aller au-delà du texte en recherchant l’intention de l’auteur, rechercher l’esprit du texte.

Charles DE MOLOMBE auteur d’un ouvrage en 31 volumes Cours de Code de Napoléon

Charles AUBRY et Charles RAU professeurs à l’université de Strasbourg, conseillers de la Cour de cassation, leurs ouvrages Droit civil théorique, et Droit civil pratique

BAUDRY La cantinerie rédige Traité de théorie et pratique du droit civil en 20 volumes.

A force de s’attacher au texte on risque d’oublier et écarter toutes les autres considérations générales qui ont contribué à l’élaboration du texte. Peut aboutir au dogmatisme c’est-à-dire poser un principe et le considérer comme intangible, incontestable, danger : figer le droit et la société !

François GENY a proposé l’école de

B) l’interprétation sociologique

2 ouvrages célèbres de GENY :

  • méthodes d’interprétation et sources du droit privé positif (critique de l’exégèse et proposition d’une méthode de la libre recherche scientifique)
  • science et technique en droit privé français

Selon GENY on ne peut pas réduire le droit positif à un ensemble de solutions logiquement déduits de textes. Un texte ne peut pas être dilaté à l’infini. A partir d’un certain point, l’interprétation par le texte n’est plus productive, la preuve : dans certains cas, un texte peut être vide de sens ou incomplet, faut combler ce vide ailleurs, donc il appartient au juge ou au juriste d’élaborer une solution : la méthode de la libre recherche scientifique. Tant que l’interprétation est possible il faut l’opérer en recherchant l’intention du législateur mais quand ça suffit plus, c’est que le texte s’arrête et l’interprète doit se tourner vers un contexte extérieur : histoire, opportunité, équité. Il peut alors résulter un nouveau texte ou une nouvelle règle de droit. Le noyau dur de la pensée de GENY « Par le code civil mais au-delà du Code civil »

Méthode pas retenue à 100%, parce que

  • de nouvelles réglementations ont permis de demander aux auteurs des textes leur propre interprétation.
  • De temps en temps les juges ont pris certaines libertés avec les textes, ils ont toujours refusé de se substituer aux législateurs.

Les tribunaux ont préféré à recourir à une autre méthode :

C) l’interprétation constructive

Raymond SALEILLES préconise cette méthode, juriste novateur a rompu avec l’école exégèse mais également avec l’école historique allemande SAVINI. Il a proposé l’existence d’un droit naturel à contenu variable lorsqu’un texte a des difficultés de compréhension, il faut éviter tout raisonnement abstrait. Il faut s’appuyer sur un élément existant, regarder ce qui est prévu dans un cas similaire et par analogie résoudre notre problème.

Aujourd’hui la tendance française est le pluralisme d’interprétation, plusieurs facteurs à combiner pour interpréter. Parfois la langue, parfois l’histoire, parfois la téléologie ( recherche de la finalité du texte)

  • &2 : les règles d’interprétation

d’origines diverses parfois reposent sur un argument ou un raisonnement « argument d’interprétation », ou sur une maxime ( = habitude, pratique courante) « maxime d’interprétation »

I- l’argument d’interprétation

adopter un raisonnement face à un texte, parfois téléologique, psychologique… donc très nombreux, 13 types d’argument, les plus courants sont :

  • l’argument à pari

par analogie, repose sur la méthode de SALEILLES, consiste à étendre une règle de droit ou un texte à une matière ou une situation similaire qu’il n’avait pas prévu.

Ex : – le locataire d’un immeuble est présumé responsable en cas d’incendie, l’article 1733 du Code civil décharge le locataire de cette responsabilité lorsque l’incendie survient à cause d’un défaut de construction. Si l’incendie dû au vice de construction des installations de l’immeuble et à la vétusté de l’immeuble, le locataire est-il aussi déchargé de la responsabilité ? Les juges ont raisonné par analogie, ont assimilé aux vices de l’immeuble, la vétusté et les vices de constructions de l’installation.

  • article 2979 du Code civil ; celui qui possède un meuble en est le propriétaire, mais cet article ne définit pas les meubles , on pensait que c’était seulement les meubles meublant ( dans un appartement ) les juges ont estimé que la situation qui vaut pour les meubles meublant vaut pour les autres meubles.

Argument à pari ne doit pas être un raisonnement intuitif, il doit s’appuyer sur une certitude de similitude.

  • argument à contrario

lorsqu’un texte, une règle de droit a prévu une situation spécifique c’est qu’il exclut la situation contraire.

Ex : un film interdit aux enfants de moins de 10 ans, à contrario les enfants de plus de 10 ans peuvent le regarder.

Ex : l’article6 du code civil, on ne peut déroger par convention particulière à l’ordre public et aux bonnes mœurs, à contrario on peut déroger par convention aux lois sauf lorsqu’elles concernent l’ordre public et les bonnes mœurs. Ce raisonnement à contrario va appliquer une règle ou un texte à une situation par un raisonnement contraire.

  • Argument à fortiori

Par la force des choses, c’est l’évidence qui l’emporte. L’identité entre la situation à régler et la situation prévue par la règle qui justifie le recours à cet argument.

Ex : la loi interdit à un enfant de vendre un bien, question : un enfant peut il fait une donation ? les juges ont considéré que la règle cherche à protéger un incapable ( sens juridique). Or ce qui vaut en cas de vente, vaut pour la donation car pire encore, car rien en retour.

  • Parfois le raisonnement va du plus vers le moins, parfois du moins vers le plus, si on ne peut pas le moins on ne peut pas le plus. Ex : si on ne peut pas vendre, on peut encore moins donné. Ici le raisonnement à fortiori peut être dangereux.

II- Maxime d’interprétation

On va vérifier la pratique, l’habitude, l’interprétation peut se faire par 3 grandes maximes :

  • Il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas ( ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus)

Dans certaines situations la règle de droit peut être formulée de manière générale sans distinguer en fonction des personnes ni des circonstances de son application.

Si la règle ne distingue pas, l’interprète ne doit pas le faire, car il risque de dénaturer la règle. Ex : article 502 du Code civil, pour un majeur incapable tous les actes passés après le jugement d’ouverture de la tutelle sont nuls de droit. Difficultés de l’article qui vise de manière générale tous les actes, savoir si dans certains as on pouvait écarter l’article 502 pour les petits actes. Le juge a refusé de distinguer car il aurait réduit le champs d’action de cet article.

  • les dispositions générales ne dérogent pas aux dispositions spéciales ( generalia specialibus non derogant ) et les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales ( specialia generalibus derogant)

règle spéciale est celle prévue pour une situation précise, vise un cas spécifique , elle doit toujours prévaloir en cas de conflit sur la règle générale prévue pour une situation générale.

Loi porte sur toutes les formes de société = règle générale. Autre loi ne s’applique qu’aux associations qui sont des formes de société = règle spécifique. Si un conflit naît entre ces deux règles, pour une association c’est la règle spécifique qui l’emporte.

  • la loi cesse là où cessent ses motifs ( cesante rationae legis, cesate ejus dispositio)

À partir du moment où une loi, texte, règle de droit ne régie plus une situation ou un domaine elle cesse de s’appliquer.

Ex : un texte sur la protection des incapables peut employer les termes mineurs ou majeurs sans employer le terme incapable.

Parle-t-on alors des majeurs par opposition aux mineurs ou des majeurs incapables aux mineurs incapables. Dans ce cas on va rechercher l’esprit du texte = personnes incapables majeures et mineures.

  • l’exception est strictement interprétée ( exceptio est strictissimae interpretationis)

hypothèse dérogatoire à la règle de principe, c’est-à-dire une règle d’exception vise des circonstances spécifiques lorsqu’un texte annonce une exception il ne faut pas étendre cette exception à d’autres situations.

La règle de droit a des caractéristiques qui lui sont propres mais il n’est pas aisé de la comprendre donc il faut l’interpréter mais les raisonnements et maximes d’interprétation sont limités.

Dans certains cas il est difficile de distinguer la règle de droit des autres règles de la société. Trouver un élément qui permette de l’isoler.

Le cours Introduction au droit français est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, patrimoine, organisation judiciaire, sources du droit, preuves…)