L’origine et la naissance de la Cinquième République

La nécessaire adaptation des règles constitutionnelles aux exigences de l’Etat moderne : la naissance de la 5ème République

Discours du 4 septembre 1958, place de la République à Paris : De Gaulle plaide pour l’adoption du projet de Constitution de la Ve République.
Discours en deux temps :
– De Gaulle enracine le projet dans l’histoire constitutionnelle française. Il marque son attachement au maintien, à la pérennisation, du « patrimoine républicain français ». De Gaulle essaie de rassurer le peuple.
– De Gaulle explique aux français qu’il faut impérativement tirer les enseignements de l’histoire constitutionnelle, surtout de l’après guerre (1946-1958), pour construire quelque chose de nouveau.
Deux idées se dégagent alors : la Ve République ne cherche pas à rompre avec le passé politique français, mais à en tirer les leçons. Après le drame de la 2nde guerre mondiale, elle cherche à corriger le faux départ de la IVe République. Deuxième idée : De Gaulle pressent que le moment est venu de faire de la France un Etat moderne. Le but est d’adapter les règles constitutionnelles classiques aux exigences de l’Etat moderne.
1957 : traité de Rome met en place une structure supra nationale. De Gaulle comprend donc que le France doit être de manière interne suffisamment forte pour pouvoir négocier le droit et la politique.

Le problème de la guerre d’Algérie n’est pas terminé en 1958. On prend conscience que la modernisation de l’Etat suppose un rejet du parlementarisme à la française, qui caractérise les IIIe et IVe République. Il s’agit alors d’inventer un nouveau modèle, que l’on espère cette fois efficace, c’est à dire un système constitutionnel qui ne soit pas marqué par l’instabilité gouvernementale, et qui donne au parlement et à l’exécutif les moyens d’agir.
Dans un discours que De Gaulle prononce en 1946 à Bayeux, on trouve déjà les bases de la constitution de 1958.

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I – Le tournant « politico-économique » de 1945

En deux ans, le rôle économique de l’Etat va s’accroitre.
L’Etat devient le principal investisseur du pays, il se fait interventionniste, se lance dans des nationalisations.
Ces mutations de l’Etat marquant la seconde guerre mondiale sont liées à la nécessité de reconstruire la France. La façon dont l’Etat va intervenir dans la société marque une rupture fondamentale par rapport au passé, comme si l’épreuve de la Seconde Guerre Mondiale avait transformé le regard que les citoyens portent sur l’Etat. Cet interventionnisme de l’Etat va correspondre à une sorte de consensus politique, autour duquel se retrouvent les familles politiques.
En 1945 on célèbre l’Etat comme on célébrait la nation en 1789.
Cette rupture est également intellectuelle. Elle est très liée aux idées de l’économiste Keynes. Avec lui, l’économie cesse d’être perçue comme étant simplement le résultat des lois du marché, comme quelque chose d’imposée. Elle devient quelque chose à construire, d’où la notion de politique économique, d’objectifs économiques à atteindre, de régulation économique.
C’est l’Etat qui est seul apte à jouer ce rôle. La régulation suppose l’existence d’un agent, d’un opérateur, capable de combiner les différents paramètres économiques. Cet opérateur ne peut être que l’Etat.
L’Etat Keynésien modernisateur c’est l’Etat régulateur.
On va assister à cette époque à une chute des idéologies. Fin de l’opposition classique entre la droite et la gauche.
Dans l’Etat régulateur, le principe même de l’intervention de l’Etat est admis par toutes les familles politiques.
Donc finalement, cet Etat keynésien apparaissant au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale va réduire l’écart entre les politiques menées par des gouvernements socialistes et des gouvernements libéraux, conservateurs. Ceci préfigure déjà les périodes de cohabitation.

II – Le discours de Bayeux (1946), comme pré constitution de la Ve

La première source des institutions de la Ve République sont les idées du général De Gaulle, les idées qu’il s’était fait de l’Etat.
Le discours de Bayeux intervient après l’échec du premier référendum sur le premier projet constitutionnel préparé par l’assemblée constituante en 46. De Gaulle s’était inscrit contre ce projet, et reprend la parole avec un nouveau discours.
Deuxième projet qui débouchera sur la constitution de 46 et qui va installer définitivement un régime politique aux antipodes des idées de De Gaulle dans le discours de Bayeux.
La constitution de 1958 va, douze ans plus tard, traduire l’essentiel des idées constitutionnelles du général De Gaulle. Un décalage apparaît cependant, à propos de la seconde chambre, le Sénat, dont De Gaulle ne veut pas.
D’autres courants vont inspirer le texte de la Constitution de 58, mais ce sont tout de même De Gaulle et son discours qui fixent l’économie générale de la Ve république.
Le général De Gaulle ne se contente pas dans son discours d’exposer une structure constitutionnelle inédite, un schéma totalement novateur. Ce qu’il fait, c’est qu’il chercher à justifier et motiver ce nouveau schéma dont la France a besoin à ce moment clé de son histoire.
La constitution de 58 n’est pas en rupture totale avec le passé constitutionnel français. C’est la restauration du rôle politique du président qui prouve le caractère novateur du schéma proposé par De Gaulle. Mais le discours de Bayeux reste très marqué par une volonté de ne pas rompre avec le patrimoine républicain français.
De Gaulle cherche d’abord à légitimer le modèle qu’il propose. De plus, c’est un modèle constitutionnel original qui reste dans la continuité démocratique.


A. La légitimation, par De Gaulle, du schéma institutionnel qu’il propose


1. La légitimation par renvoi à l’histoire nationale
Le discours de Bayeux va prendre en compte le régime de Vichy, et De Gaulle appuie sur l’absence de légitimité de ce régime. Il constate « les fréquentes invasions du territoire national par l’ennemi ». Pour lui, ces invasions menacent l’intégrité du territoire, notion essentielle, et portent atteinte à l’indépendance de la nation.
De Gaulle met en avant la nécessaire légitimité du pouvoir politique. Il renvoie alors à une double légitimité : celle des institutions, et celle des gouvernants. Mais il ne s’agit pas d’une légitimité liée à l’origine du pouvoir, mais liée à l’action menée par les gouvernants. Pour De Gaulle, la légitimité implique une chose : la nécessité de garantir « l’intérêt supérieur du pays ».
C’est cette conception de la légitimité qui va justifier l’article 5 alinéa 2 de la constitution de 58.
Toute action doit être pour De Gaulle justifiée par l’intérêt supérieur du pays.
Pour De Gaulle, Vichy n’est pas illégitime en soi. Ce régime devient illégitime parce qu’il signe l’armistice, créant une rupture entre l’action des gouvernements et l’intérêt supérieur du pays.

2. La nécessaire prise en compte du « tempérament national »
De Gaulle renvoie aux diverses tendances politiques qui s’agitent, au multipartisme débridé de la IIIe république.
L’indiscipline des partis empêche la formation d’une majorité de gouvernement, chose impensable pour De Gaulle.
Il explique qu’il faut donc pour contrer cette tendance à l’émiettement le renforcement du rôle du président de la république, de manière à avoir toujours une institution au dessus des différents partis politiques.
Mais cette conception institutionnelle du général De Gaulle demeure cependant dans la tradition républicaine et démocratique.


B. Un schéma original mais dans la continuité démocratique

L’organisation des conceptions institutionnelle du général De Gaulle procède d’un double mouvement, à la fois un phénomène de continuité et un phénomène de discontinuité.

1. La continuité dans la logique démocratique

De Gaulle va renvoyer à deux notions clés de la démocratie en tant que telle, et que l’on retrouve sous la Ve : participation des citoyens (De Gaulle attache une grande importance à l’élection et au référendum) et limitation du pouvoir (principe de la séparation des pouvoirs).
Sous la Ve va apparaître le fait majoritaire, ayant pour conséquence que le chef de l’Etat pour gouverner va pouvoir prendre appui sur un gouvernement à sa solde et un parlement dont il est le leader : phénomène de présidentialisation du régime.
La véritable discontinuité apparaît dans la conception totalement inédite du pouvoir exécutif.

2. La discontinuité quant au rôle de l’exécutif

Double renforcement de l’exécutif : le président et le gouvernement sont renforcés.
Le président est érigé en arbitre national (article 5 constitution). Il s’agit bien d’un arbitrage actif. Le président de la république doit devenir la « clé de voute » des institutions.
Renforcement du gouvernement dans ses rapports avec le parlement. Dès le départ on est en présence d’un réel bicéphalisme de l’exécutif. Il ne s’agit pas seulement d’un bicéphalisme de fonctionnement, mais aussi de fondement : d’un coté, un président élu de la nation, de l’autre un gouvernement chef d’une majorité parlementaire elle aussi élue de la nation.
Conséquence : la double lecture des institutions (période normale, période de cohabitation) est déjà présente dès le départ dans l’esprit même de la Ve République. Même si dans l’esprit du général De Gaulle, une telle cohabitation est impensable : « Il ne saurait y avoir diarchie au sommet de l’Etat ».