L’usure au Moyen-Âge : définition, histoire, sanction

L’ USURE

Définition de l’usure : L’usure est un intérêt excessif attaché à une somme d’argent faisant l’objet d’un prêt. Au terme de la créance, les intérêts excessifs perçus par le prêteur doivent être restitués avec les intérêts légaux.

De nos jours, l’usure est un délit pénal pour les prêts accordés à des personnes physiques. L’usure est constituée lorsque le taux d’intérêt dépasse le taux fixé par la loi.

La règle

  1. Les sources scripturaires :

    •Ancien testament.
    « L’exode » : interdiction de demander un intérêt a l’occasion d’un prêt à quelqu’un dans le besoin.
    « Le Lévitique » : interdiction de l’intérêt dans les prêts entre « frères ».
    « Le Deutéronome » : même chose.
    Donc ne concerne que l’homme de même race, le « frère »

    •Les philosophes grecs.
    Platon (« la République ») : Craintes à l’égard du cosmopolitisme financier.
    Aristote (« La Politique »). « nummus non parit nummos » l’argent n’engendre pas l’argent.

    •La doctrine évangélique.
    Le Christ apprend à prêter de manière désintéressée.(St Luc).

    2. Les normes.
    •Interdiction aux clercs (ecclésiastiques) dès le 4ème siècle.
    •Interdiction générale par l’ « Admonitio Generalis » d’Aix la Chapelle de Charlemagne en 789.
    •Législation conciliaire revient régulièrement sur l’interdiction.

    3. Les sanctions.
    •Peines sévères :
    _excommunication ; privation de sépulture chrétienne
    _restitution des sommes ou des biens mal acquis ; incapacité ;annulation du testament ; amendes.
    •Compétence des tribunaux ecclésiastiques. Mais possible de poursuivre devant juridiction seigneuriales ou royales.

    4. Justification de l’interdiction.
    •Idée que le gain se justifie seulement par le travail corporel ou intellectuel de l’homme.
    •Le prêt dois être une œuvre de charité faite à quelqu’un dans le besoin.
    •Le temps n’appartient qu’à Dieu ; l’homme n’en est pas le maître.

    5. Conséquences pratiques.
    •Frein, surtout pour les prêts à la consommation.
    •L’activité de prêt est exercée par les hétérodoxes, notamment les juifs. Des chrétiens vont également le pratiquer, se mettant en marge de la communauté ecclésiale : les Lombards et les Cahorsiens.
    •L’interdiction n’était probablement appliquée avec rigueur que dans le cas de prêt à la consommation ave intérêt excessif (multiplicité de textes religieux qui évoques cette question).

les fraudes.

Pour contourner l’interdiction de la stipulation d’intérêts dans le contrat de prêt :1. le contrat de mort-gage.
Les emprunteurs affectent en garantie de leur dette des biens ou leur personne. Les revenus du bien ou le travail constituent le profit du prêteur.

2. La simulation.
Les emprunteurs dissimulent un acte illicite sous la forme d’un acte juridiquement valable. La stipulation d’intérêt n’est pas ostensible (soucis pour le préteur d’éviter l’annulation du contrat pour usure).

3. Majoration de la somme réellement prêtée.
L’emprunteur reconnaît dans l’acte devoir une somme supérieure à ce qu’il a perçu.

4. Constitution de rente.
L’emprunteur s’engage à payer au bailleur de fonds une rente perpétuelle ou rachetable, la rente représentant alors l’intérêt du capital emprunté.

5. Vente à réméré.
Vente d’un immeuble avec stipulation d’un prix supérieur à celui réellement versé, et engagement à le racheter à terme, au prix stipulé. La différence entre le prix stipulé et la somme versée est l’intérêt.

6. Bail à cheptel.
Mention dans le contrat d’un nombre de têtes de bétail apporté supérieur à la réalité. Le preneur devra prélever sur sa part de croît pour compléter le nombre de bêtes à rendre.

7. Le change sec.
Utilisation de deux lettres de change en sens inverse et d’un montant légèrement différent.

Les exceptions légales .

Au 12ème et 13ème siècle, pour s’adapter à une économie en développement, l’Eglise est conduite à assouplir sa rigueur, en admettant quelques exceptions à l’interdiction de l’usure. Elles ne concernent pas le prêt à la consommation , le « mutuum ».
Ces assouplissements sont justifiées par le risque de l’opération.

•Exception si « periculum sortis » (risque élevé couru par le capital avancé). En matière de prêt maritime à la grosse aventure.
•Evolution en admettant que l’avance d’argent entraîne une perte éventuelle(« damnum emergens ») ou un manque à gagner(« lucrum cessans »),justifiant un intérêt en dédommagement.
•La différence de lieu en cas de transfert de fonds, représente un risque qui peut être compensé par un dédommagement.
•L’Eglise admet la validité du contrat de société dès le 12ème siècle.
•Elle admet aussi la levée de l’interdiction pour les opérations de foire.