La certitude du lien de causalité

Le lien de causalité doit être certain

a) Le principe

Le principe est que le lien de causalité doit être certain, ce qui là encore devrait s’opposer à éventuel, mais la jurisprudence regarde la victime et immanquablement elle a une conception très souple du lien de causalité. On se contente souvent d’une simple probabilité.

b) Les acceptions souples de la condition

(i) Les dommages résultant de la contamination par le sida

Cas 1: Cour de Cassation, 20/07/1993

Une personne a eu une transfusion et est désormais séropositive. Elle poursuit le centre de transfusion pour ce motif. Mais pourtant, il y a différentes incertitudes:

  • la contamination peut provenir de rapports sexuels
  • la personne était peut être contaminée avant la transfusion?
  • le produit était-il contaminé?

Pour se défendre, la jeune femme fait valoir qu’elle a une vie stable, qu’elle est mariée… la cour de cassation va recevoir ses arguments avec un raisonnement très « particulier ». Elle fait valoir que cette femme a fait l’objet de transfusion à des multiples reprises à une époque où le sang n’était pas chauffé, et que le centre ne rapporte pas la preuve que la contamination provienne d’autre chose!!! La Cour de Cassation renverse la charge de la preuve!!! Si ça c’est pas du social !! J

Cas 2: Cour de Cassation, 17/02/1993

Une personne est blessé dans un accident de la circulation. Elle est emmenée à l’hôpital, elle fait l’objet d’un transfusion. Elle fait une action en responsabilité contre le chauffard. Ici se posaient deux problèmes de causalité: non seulement (comme pour le cas 1) est ce du fait de la transfusion que la personne a été contaminée par le SIDA mais aussi la causalité accident – transfusion. Et pourtant, la Cour de Cassation, dans un arrêt plus d’équité que de droit a engagé la responsabilité du chauffard.

Aujourd’hui, la situation est plus facile pour les victimes contaminées par le SIDA: soit elles saisissent le fonds de garantie auquel cas elles bénéficient d’une présomption de causalité, soit elles prennent la voie classique, sans bénéficier de cette présomption.

(ii) Les dommages causés en groupe

On est ici dans l’hypothèse où une personne cause un dommage à une autre (disons qu’elle le tue) mais dans le cadre d’un groupe et on ne peut pas déterminer qui est l’auteur du dommage. Par exemple, des chasseurs en forêt qui tuent. Si on applique le droit commun, on ne peut pas engager la responsabilité car sans lien de causalité (on ne sait pas qui, ce qui veut dire que même si on a un fait générateur, on ne sait pas qui a commis ce fait générateur et en conséquence, on ne peut pas lier ce fait générateur au dommage). D’où un état d’impunité inadmissible.

La théorie des dommages en groupe permet de contourner cette difficulté en:

  • considérant qu’une faute commune a été commise
  • dans le cadre d’un groupe (ce groupe doit être vrai et non une réunion de badauds)

telles sont les deux conditions pour mettre en œuvre cette responsabilité. On remarque d’ailleurs que la jurisprudence recourt assez facilement à cette solution qui d’un point de vue moral est tout à fait satisfaisante.

L’arrêt de principe consacrant cette jurisprudence est un arrêt du 05/06/1957. Des chasseurs vont en forêt et à la fin de leur chasse, tirent ensemble pour manifester la fin de leur chasse. Quelqu’un est tué. On ne peut déterminer l’auteur du coup de feu mortel. On applique la théorie des dommages causés en groupe:

  • il y a un groupe
  • il y a une faute commune de procéder à un tel acte qui n’est pas un acte normal de la chasse, dans des conditions d’imprudence et de maladresse.

Cette jurisprudence a été utilisée récemment dans les cités au sujet des expéditions punitives. (Cour de Cassation, 02/04/1997)

Concurremment à cette jurisprudence, la Cour de Cassation recourt parfois à un garde conjointe de la chose, i.e. deux gardiens exerçant les mêmes pouvoirs sur la chose. Nous rappelons à ce sujet qu’il ne s’agit là que de cas très marginaux, lorsque le recours à la présomption « le propriétaire est gardien » n’est pas possible (personne n’est la propriétaire e.g.) et que la détermination du gardien n’est pas possible. C’est le cas notamment lorsqu’une personne est blessée par une balle de Tennis. On ne peut recourir à la théorie des dommages causés en groupe car il n’y a pas de faute commune, mais il est tout aussi impossible de déterminer qui est le gardien de la balle. C’est pourquoi on préfère opter bon gré mal gré pour la théorie de la garde conjointe. Le gardien de la chose