La commission rogatoire

La commission rogatoire

La commission rogatoire peut se définir comme un ordre détaillé donné par le juge d’instruction (ou tout autre magistrat de toutes autres juridictions) à un autre magistrat de son tribunal ou autre juge d’instruction en France ou à un officier de police judiciaire afin de procéder à un certain nombre d’actes et d’investigations qu’il définit avec précision dans le but de collecter des informations sur les faits, lorsque lui-même est dans l’impossibilité de procéder à ces actes.

Le juge d’instruction fixe un délai dans lequel la police doit répondre à la commission rogatoire.

Chapitre 1. Avec la commission rogatoire; le juge peut déléguer certains pouvoirs à un officier de police judiciaire.

De la même façon que la police judiciaire seconde le ministère public, elle peut aider les juges d’instruction au cours de l’instruction (l’article 14 du Code de Procédure Pénale). Le juge d’instruction peut donc déléguer certains pouvoirs à un officier de police judiciaire. Cette délégation peut être surprenante, compte tenu de la gravité des pouvoirs du juge d’instruction. C’est une question légitime mais qui porte à faux car elle fait l’économie de la distinction fondamentale entre deux types de fonctions remplies par les juridictions d’instruction. En effet, elles accomplissent des fonctions de nature différente.

  • Une juridiction d’instruction a une fonction de nature juridictionnelle. Par ses ordonnances (ou arrêts), Elle dit le droit, tranche des questions de droit. Il est donc évident que les actes qui se rattachent à cette fonction, que l’on pourrait appeler des « décisions d’instruction », sont par nature réservés à des magistrats. Il est inenvisageable qu’un juge d’instruction puisse déléguer une fonction de cette nature à un simple officier de police judiciaire.
  • Mais une juridiction d’instruction remplit aussi une autre fonction, une fonction qui n’est pas juridictionnelle. C’est une fonction d’investigation. L’instruction a pour but de parvenir à la découverte de la vérité. Si on les envisage sous cet angle, le juge d’instruction se comporte ici comme un enquêteur. Ces pouvoirs d’investigation se rapprochent beaucoup des pouvoirs des officiers de police judiciaire au cours de l’enquête.

Cette fois-ci alors, on comprend que ces pouvoirs d’investigation sont délégables à des officier de police judiciaire par une chambre d’instruction. Ces actes d’information sont parfaitement délégables car ils sont de même nature que ceux qui appartiennent aux officier de police judiciaire durant l’enquête. Cette délégation est possible par une décision procédurale : la commission rogatoire. C’est la délégation de ces prérogatives. La commission rogatoire dépend donc d’un certain nombre de conditions envisagées du côté de celui qui délègue ou de celui qui reçoit la délégation ; le mandant et le délégataire. Cette réglementation figure aux articles 151 et suivants du Code de Procédure Pénale

Chapitre 2. Les conditions de la commission rogatoire

La commission rogatoire doit respecter des conditions de forme et des conditions de fond.

Section 1 : Les conditions de fond de la commission rogatoire

Pour qu’il y ait une commission rogatoire, il faut que le juge d’instruction prenne la décision d’y recourir. Il faut aussi que l’on précise l’objet de cette commission.

  • 1. La décision du recours à la commission rogatoire

Les conditions de ce recours apparaissent à l’alinéa 4 de l’article 81 du Code de Procédure Pénale, comme résultant d’une décision qui a vocation à être exceptionnelle. (« Si le juge d’instruction est dans l’impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d’instruction, il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d’information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152. »). Il est dit qu’une commission rogatoire n’est régulière que si le juge est dans l’impossibilité de procéder en personne à tous les actes d’investigation. On comprend cette présentation : cette délégation est forcément une opération délicate, voire dangereuse. Les dangers résident dans le fait que ce pouvoir d’investigation est confisqué par la police pour qu’elle l’utilise dans le sens qui lui convient.

Mais cette présentation est fallacieuse, car tout dépend de l’appréciation de l’impossibilité. Si l’on se contente d’une impossibilité de fait, la commission rogatoire va devenir systématiquement possible, car la surcharge des cabinets d’instruction est telle qu’il est impossible au juge d’effectuer la totalité des dossiers dont il est saisi.

À ces considérations de fait, s’ajoutent des considérations de droit qui tiennent à la compétence territoriale du juge d’instruction. Le juge d’instruction ne peut pas sortir de son ressort territorial. Il ne peut alors que délivrer une commission rogatoire à une personne compétente dans la zone où il veut opérer.

Pour des raisons de fait et de droit, la commission rogatoire présentée comme une décision exceptionnelle est en réalité une décision banale, des plus courantes. Il est alors d’autant plus important de savoir quel peut être l’objet de cette commission.

  • 2. L’objet de la commission rogatoire

La commission rogatoire correspond à un mécanisme de délégation. Il est naturel de penser que ce mécanisme de délégation en circonscrit étroitement la portée. Le juge qui délègue ne peut ainsi pas délivrer plus de pouvoirs qu’il n’en a . Cette déduction n’est pas fausse, et la commission rogatoire est limitée par le principe de la saisine in rem des juges d’instruction. C’est-à-dire que le juge d’instruction, lorsque l’instruction a été ouverte, a été saisi d’un certain nombre de faits. Il a été saisi par un réquisitoire d’un procureur de la république, visant des faits précis. La saisine in rem signifie que le juge d’instruction n’est saisi que de ces faits, et ne peut agir que sur ces faits précis.

La commission rogatoire ne peut toucher qu’aux faits dont il est lui-même saisi. Un juge d’instruction ne peut, par la commission rogatoire, préconiser à l’officier de police judiciaire des recherches sans rapport avec les faits dont ce juge est saisi. Ceci pose un problème comme par rapport aux perquisitions. On peut envisager qu’à l’occasion de la commission rogatoire, l’officier de police judiciaire découvre d’autres faits : quels sont ses pouvoirs à cet égard ? La jurisprudence estime qu’il peut constater les faits et il doit en aviser le juge d’instruction. Il appartient alors au procureur de la république de décider d’étendre la saisine du juge d’instruction à ces faits nouveaux.

Si la délégation est tenue au respect de la saisine in rem, elle n’est pas tenue au respect d’une saisine in personam. Le juge d’instruction ne peut agir que sur les faits dont il est saisi. Mais s’agissant des personnes, sa saisine est illimitée. Il peut instruire à l’encontre de toute personne. En conséquence, il n’y a pas de raison de limiter la portée de la commission rogatoire in personam, si bien qu’une commission rogatoire serait régulière si elle chargeait l’officier de police judiciaire d’identifier toutes les personnes susceptibles d’avoir commis l’infraction.

Section 2 : Les conditions de forme de la commission rogatoire

Dans la forme, elle se présente comme un document de procédure sur lequel on va porter la date de la commission rogatoire ainsi que la signature et le sceau du magistrat qui la dédit. Ces exigences sont prévues à peine de nullité. La date car la commission rogatoire est un acte « interruptif de la prescription de l’action publique ». La signature et le sceau du magistrat permettent de vérifier sa compétence.

Dans cette commission rogatoire, qui peut être délivrée par tout moyen, le juge d’instruction peut appliquer la durée pour laquelle il l’a donnée, et à défaut le Code de Procédure Pénale présume qu’elle est délivrée pour la durée nécessaire à l’accomplissement des actes demandés. Il peut donc donner un délai aussi long qu’il le veut pour l’application des mesures qu’il a ordonnées. Ceci n’est pas forcément une solution idéale, facilitant un abandon de l’instruction à l’officier de police judiciaire. Au cours de l’exécution de cette commission rogatoire, l’officier de police judiciaire dressera des procès verbaux pour les opérations qu’il aura accomplies, qui devront être adressés au juge d’instruction mandant.

Il faut aussi se placer du côté du délégataire.

Chapitre 3. Les conditions de la commission rogatoire du côté du délégataire

Peut-on déléguer à n’importe qui et n’importe quoi ?

Section 1 : L’identification des délégataires

Les actes délégués sont des actes d’instruction, qui sont tout sauf anodins. On ne peut pas déléguer des actes de cette nature à n’importe qui. Il en résulte que le Code de Procédure Pénale limite la possibilité de cette délégation à des magistrats ou à des officiers de police judiciaire. Il est possible que celui qui reçoit cette délégation subdélègue à son tour à un échelon inférieur. Par exemple, un juge d’instruction compétent dans un ressort A délègue son pouvoir à un juge d’instruction du ressort B qui délègue lui-même à un officier de police judiciaire.

Section 2 : Les pouvoirs du délégataire.

Il semble qu’il soit facile de cerner ces pouvoirs en application de la logique même de la délégation. Le délégataire devrait avoir les pouvoirs du mandant. On peut mettre un terme à tout moment à cette délégation. La jurisprudence considère qu’un juge d’instruction qui a donné commission rogatoire à un officier de police judiciaire peut parfaitement venir sur les lieux de la commission rogatoire pour contrôler le déroulement des opérations.

Parmi les pouvoirs du délégataire, on a des pouvoirs délégués. Le délégataire peut aussi avoir des prérogatives que le juge mandant n’avait pas.

  • 1. Les pouvoirs délégués

Le délégataire ne peut pas exercer tous les pouvoirs dont disposait le juge mandant. Parmi ces pouvoirs, il en est qui sont considérés comme incommunicables, attachés à la personne du juge . Il en est ainsi de toutes les prérogatives de nature juridictionnelle, p.ex le soin de prendre des ordonnances.

À cela s’ajoute que, même parmi les prérogatives qui peuvent être déléguées, certaines ne peuvent être déléguées qu’à des magistrats. Par exemple, le Code de Procédure Pénale prévoit que les interrogatoires de la personne mise en examen, ou ses confrontations avec d’autres protagonistes de l’instruction, ne peuvent être effectués que par un magistrat.

Si un juge d’instruction veut, sur commission rogatoire, faire procéder à la mise en examen de l’intéressé, il peut le faire faire par un magistrat. Il y a une chose équivalente pour l’audition d’une partie civile ou du témoin assisté. L’audition de ces personnes ne peut pas être faite sur commission rogatoire, par un officier de police judiciaire sauf si l’intéressé y consent.

Voilà donc un certain nombre d’actes incommunicables ou qui peuvent être délégués exclusivement à un magistrat. Sous cette réserve, la commission rogatoire peut prescrire un ou plusieurs actes déterminés, ou peut au contraire confier à l’officier de police judiciaire le soin d’effectuer tous les actes qu’il juge utile à la manifestation de la vérité, sans que le juge mandant juge nécessaire de spécifier les actes. On parle de « commission rogatoire générale ». C’est une commission rogatoire dangereuse, car le juge d’instruction refuse de contrôler quoi que ce soit.

  • 2. Les pouvoirs propres

En dehors de ces pouvoirs, il faut compter avec des pouvoirs qui peuvent appartenir en propre à celui qui a reçu la commission rogatoire. Un officier de police judiciaire tient de sa qualité le pouvoir de placer quelqu’un en garde à vue , il lui appartient de décider d’une garde à vue au cours de l’exécution d’une commission rogatoire.

Les règles de cette garde à vue sont exactement celles que l’on a vu s’agissant des enquêtes, qu’il s’agisse de la durée, des droits de la personne placée en garde à vue, des règles propres à la criminalité organisée. Tout ceci peut se transposer à l’identique.

La seule différence est la suivante : au cours d’une enquête, le procureur contrôle la garde à vue. Au cours d’une commission rogatoire, le juge d’instruction contrôle cette garde à vue. Il peut accepter une prolongation de celle-ci.