La définition du droit de l’environnement

LA DÉFINITION DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

Qu’est ce que le droit de l’environnement? Il convient de définir la notion d’Environnement : notion « caméléon » (Prieur), difficile à définir. L’environnement est une notion tellement complexe qu’on a recours à des notions voisines pour la définir par comparaison. L’environnement l’ensemble des éléments naturels et artificiels au sein duquel se déroule la vie humaine

En France, la loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites est la première loi qui, dans son intitulé, annonce clairement son intention de protéger la nature. C’est donc la première loi qui concerne le droit de l’environnement.

Il faudra attendre la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature pour confirmer cette volonté du gouvernement français de protéger le patrimoine naturel sur le territoire national, même si au niveau international la France adhère déjà à des conventions sur la protection du patrimoine mondial ou sur les zones humides, par exemple.

Ce droit de l’environnement mérite l’appellation de droit « patchwork » ou droit « carrefour » car c’est un assemblage de dispositions de toute provenance : droit interne et international, droit public ou privé…

  • 1 – Les essais de définition

– la notion d’environnement est une notion récente => A été récemment introduite dans la langue française

– le mot « environnement » se trouve à partir de 1972 dans le dictionnaire Larousse

=> Définition de 1972 : « l’ensemble des éléments naturels ou artificiels qui conditionnent la vie de l’homme »

– d’autres définitions ont été proposées :

=> Dictionnaire Robert : « l’action d’environner et son résultat » => Définition très simple, mais qui pourrait suffire

=> L’environnement, c’est ce qu’il y a autour de l’homme, en posant le postulat suivant : l’homme est le centre de la civilisation

=> On a une vision anthropocentrique de l’environnement

– éléments de précision :

– il faut considérer l’homme comme une espèce vivante qui fait partie d’un ensemble complexe de relations et d’interrelations avec son milieu naturel

=> Nouvelle définition : l’ensemble des facteurs qui influent sur le milieu dans lequel l’homme vit

=> Notion très large de l’environnement : ça concerne aussi bien la protection de la nature que l’aménagement du territoire, ou encore la protection des sites sur le plan esthétique, ou encore la protection des monuments historiques, etc.

– cette nouvelle définition va permettre de dégager des fils directeurs

– il existe également des définitions européennes ou internationales de la notion d’environnement :

– directive de 1967 sur l’emballage et l’étiquetage de substances dangereuses : définit l’environnement comme « l’eau, l’air et le sol, ainsi que les rapports de ces éléments entre eux d’une part, et avec tout organisme vivant d’autre part » (première définition de l’environnement sur le plan européen)

=> Spécificité de cette définition : c’est une définition très concrète

– autre définition : la plus élaborée du terme « environnement » qui existe actuellement dans les textes juridiques :

=> Pour la Communauté européenne, environnement = « l’ensemble des éléments qui dans la complexité de leurs relations constitue le cadre, le milieu et les conditions de vie de l’homme tels qu’ils sont ou tels qu’ils sont ressentis »

– formulation « tels qu’ils sont ressentis » : intéressante

– ex : protection contre les nuisances sonores

=> 1ère question : qu’est-ce qu’un bruit ?

– le bruit est un phénomène complexe, qui combine des éléments objectifs (niveau acoustique réel), et des éléments subjectifs (tout le monde ne ressent pas le bruit de la même manière)

– l’élément subjectif dans le bruit va poser le problème de sa prise en compte dans le droit

=> Les règles de droit sont générales et abstraites, or ici, on est dans du concret et de l’individuel

=> Est-il possible de fixer des normes juridiques (forcément générales et abstraites) qui tiennent compte de tous ces facteurs subjectifs qu’induit la nuisance sonore ?

=> Toutes les nuisances qui font appel aux 5 sens vont poser cette problématique particulière

=> Ce caractère subjectif a été intégré dans la définition de la Communauté européenne

  • 2 – Le recours à des notions voisines

– le terme général d’environnement est souvent précisé par d’autres vocables

– mais problème : souvent, on a des amalgames, alors que les notions en question ne sont pas nécessairement synonymes du terme « environnement »

=> Ecologie, nature, qualité de la vie, cadre de vie, patrimoine

* écologie :

=> Discipline scientifique : la science des relations entre les êtres vivants et le milieu dans lequel ils vivent

=> Etudie les processus essentiels à la vie (la lumière, l’oxygène,…)

– le problème, c’est que l’écologie est une notion restrictive par rapport à l’environnement => Elle se limite à l’étude des espèces animales et végétales dans leur milieu, à l’exclusion de l’homme

=> Différence fondamentale entre l’environnement et l’écologie (l’écologie est une partie de l’environnement)

– il y a toute une série de termes scientifiques issus de l’écologie qui sont intégrés dans le droit de l’environnement

– ex : souvent, on fait appel à la notion « d’équilibre biologique » => Introduite dans le code forestier, utilisée dans la chasse maritime, dans la loi de 1976 relative à la protection de la nature

– ex : notions « d’habitat », ou de « biotope », utilisées par le droit de l’environnement, mais non définies par celui-ci

– dans l’opinion publique, on a un amalgame entre les « écologistes » scientifiques et les adhérents aux partis politiques « écologistes » (les premiers, pour se distinguer, se font désormais appeler « écologues »)

* nature :

=> Concept vague

– pas de définition scientifique, ni juridique, de cette notion

– concrètement, la nature regroupe les sites et paysages, et les écosystèmes (sol, minéraux, végétaux, animaux, microorganismes, etc.)

=> On pourrait dire que tout ce qui n’a pas fait directement l’objet d’une intervention humaine, c’est la nature

=> On pourrait opposer le naturel à « l’artificiel », qui découle de l’intervention de l’homme

– mais on sait très bien qu’aujourd’hui, la nature au sens originel n’existe quasiment plus

=> Mais l’idée de nature reste très fortement ancrée dans les mentalités => ça correspond à une aspiration profonde de l’homme de retrouver ses sources

=> Il y a quelque chose de métaphysique, un caractère « sacré » de la nature => Un pan très important du droit de l’environnement est consacré à la protection de la nature

* qualité de la vie :

– le terme a d’abord été utilisé comme substitut du terme environnement en 1974 : à ce moment-là, on crée un ministère de la qualité de la vie

=> Objectif : élargir le concept initial d’environnement

– ensuite, la « qualité de la vie » va être reprise par la commission Guichard, qui en fait un des buts de la police municipale

– ensuite, en 1978, on crée une « délégation à la qualité de la vie »

– en 1983 (Gouvernement Mauroy), on crée un secrétariat d’Etat chargé à la fois de l’environnement et de la qualité de la vie

=> Evolution : au départ, on substitue la qualité de la vie à l’environnement ; puis on se rend compte que la qualité de la vie est non pas un substitut, mais un complément

=> La notion de qualité de la vie exprime la recherche du qualitatif, après la recherche du quantitatif à travers l’expression « niveau de vie »

=> L’environnement concerne à la fois la nature, mais aussi l’homme dans ses rapports sociaux, de loisir, et de travail

=> Une certaine idée de « bien-être » : ex : en matière de protection contre les nuisances sonores

* cadre de vie

– est devenue l’appellation du ministère en charge de l’environnement en 1978 => « ministère de l’environnement et du cadre de vie »

– « cadre de vie » = synonyme d’environnement dans son sens architectural et urbanistique

– cette notion de « cadre de vie » a été intégrée dans de nombreuses lois (environnementales, et générales) :

– ex : loi du 29 déc. 1979, relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes

=> La « pollution visuelle »

=> Cette loi vise à assurer la « protection du cadre de vie » dans son article 1er

– ex : loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, départements, régions et l’Etat

=> Loi qui donne compétence à l’Etat et aux collectivités locales pour « la protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie »

=> Article 1er de la loi de 1983, qui est devenu L1111-2 Code Général des Collectivités Territoriales.

* patrimoine

=> Fait appel à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact aux générations qui nous suivent

=> Il va y avoir des biens, des espaces, qui vont être qualifiés de « patrimoine » par le droit de l’environnement, et vont devoir faire l’objet d’une attention toute particulière, non seulement de la part de leur propriétaire juridique (s’il existe), mais surtout de l’ensemble de la collectivité

=> A travers cette notion de patrimoine, on instaure une gestion collective du patrimoine environnemental au travers de droits, de procédures que va mettre en place le droit de l’environnement

– cette notion de patrimoine est très générale, et va englober plusieurs réalités : le patrimoine naturel, le patrimoine biologique, le patrimoine rural, le patrimoine urbain et construit, le patrimoine architectural, le patrimoine piscicole, etc.

– loi du 3 jan 1992 : l’eau fait partie du « patrimoine commun de la nation »

– aussi la notion de « patrimoine commun de l’humanité »

3) De l’environnement au droit : l’émergence d’un droit de l’environnement

– plusieurs étapes pour élaborer le raisonnement juridique

– 1ère étape : constat général de départ : en matière d’environnement, le droit est un phénomène secondaire par rapport à l’approche scientifique de la question

=> Le droit est une technique parmi d’autre de résolution des conflits

=> Le droit va être un outil indispensable pour protéger l’environnement

– le problème des juristes, c’est qu’ils n’ont souvent pas les compétences techniques, scientifiques nécessaires

=> Constat : le droit de l’environnement est profondément marqué par sa dépendance étroite avec les sciences et la technologie

– ex : toutes les règles de police en matière de pollution sont auj. exprimées sous forme de prescriptions techniques, physiques, chimiques ou acoustiques

– cette caractéristique du droit de l’environnement conduit à un véritable ordre public technologique : d’une part, c’est le dépassement de seuils qui déclenchera la répression pénale ; d’autre part, la nuisance source de responsabilité impose au juge le recours à un expert

=> On constate que l’expert va déterminer la norme de droit

– le risque est grand de voir le droit au service de la technique

– deuxième risque : le raisonnement juridique va se transformer en un simple mode d’emploi

– dernier aspect négatif : les usagers sont confrontés à des règes totalement incompréhensibles, et à nouveau, il y aura obligation de recourir à un technicien

=> Comment le droit appréhende-t-il l’environnement ?

– il n’y a aucun texte juridique qui définit la notion d’environnement de manière générale

=> Il existe en droit plusieurs sens donné au terme « environnement »

=> Cela va poser des problèmes d’interprétation du contenu de la légalité

– ex : en matière d’urbanisme, la loi impose de « respecter les préoccupations d’environnement »

=> Qu’est-ce que l’environnement au sens du droit de l’urbanisme ?

– de façon générale, on peut dire que la notion d’environnement en droit revêt deux sens principaux : on a l’environnement au sens strict et l’environnement au sens large

  • environnement au sens strict = l’environnement physique, que l’on rencontre dans des textes relatifs à l’urbanisme et à la protection des espaces

– même réduit à cette dimension, on va voir des difficultés à la mise en place d’un droit de l’environnement

=> Il s’agit d’insérer l’homme dans le milieu, et de protéger l’homme contre les agressions du milieu et inversement

=> L’enjeu du droit de l’environnement entendu au sens strict, c’est de réaliser un équilibre

– ex : en droit de l’urbanisme, objectif de réaliser un équilibre entre la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire

  • environnement au sens large = un ensemble de données et d’équilibres, de forces concurrentes qui conditionne la vie d’un groupe biologique

=> Ici encore, le droit de l’environnement la même finalité : réaliser l’équilibre entre l’homme et son milieu

=> Cf. la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature

=> Au sens large, environnement = terme générique qui recouvre 3 éléments :

– la nature = les espèces animales et végétales, les équilibres biologiques

– les ressources naturelles = eau, air, sols, mines

– les sites et les paysages

– si l’on réunit les deux sens de l’environnement, on peut dire au final que le droit de l’environnement couvre en fait 3 grands thèmes :

(1) la protection de la nature et des ressources naturelles

(2) la protection des sites et des paysages

(3) la lutte contre les pollutions et les nuisances auxquelles il faut rajouter les risques

=> Le droit de l’environnement est conçu à la fois comme un droit défensif (le droit de protection de l’environnement), mais également comme un droit offensif, de nature à permettre la lutte contre les atteintes dont il peut être la victime (le droit contre la pollution)

– dernière question : pourquoi le droit prend-il en compte l’environnement

=> Question de l’émergence d’un droit de l’environnement

– l’apparition du droit de l’environnement est un phénomène récent (≠ droit civil)

=> Le droit de l’environnement, c’est l’expression formalisée d’une volonté politique mise en place à partir des années 1960

– là encore, de manière schématique, il y a 3 étapes importantes dans le processus d’émergence et d’élaboration du droit de l’environnement :

(1) à la fin des années 60, on a l’émergence dans les pays occidentaux de préoccupations liées à l’environnement : on a une véritable prise de conscience au sein des pays industrialisés de la fragilité écologique

=> Cette fragilité écologique, on la relève non seulement dans le contexte quotidien immédiat qu’à l’échelle planétaire

=> On s’est rendu compte que les rapports entre l’homme et l’environnement ne sont pas toujours très bons : excès de l’urbanisation, développement de la société de consommation, etc.

– et à la fin des années 60, on commence à se rendre compte que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables

– à l’appui de ces constatations des faits concrets : réchauffement des climats, dégradation de la couche d’ozone, destruction des forêts, réduction de la diversité des espèces, appauvrement biologique des océans, etc.

– et multiplication des catastrophes écologiques :

– ex : la découverte de plomb et de mercure en Antarctique

– ex : catastrophe de Minamata (empoisonnement au mercure)

– ex : Tchernobyl

– ex : découverte du trou de la couche d’ozone

– ex : la dioxyne de CEVESO

– ex : les marées noires à répétition

– cette prise de conscience s’est accentuée, et a mobilisé différents acteurs

(2) années 1970 et 1980

=> La prise de conscience est marquée par la multiplication des avertissements venant de scientifiques, d’ONG spécialisées dans la protection de l’environnement, et des conférences internationales

– la pression de l’opinion publique internationale en droit de l’environnement est déterminante

=> Elle l’est beaucoup plus que celle des partis politiques

– cette opinion publique va s’organiser en comités ou en associations de défense pour réclamer l’application du droit, ou pour suggérer des innovations permettant une meilleure protection de l’environnement

– ex 1 : Greenpeace

– ex 2 : actions des associations alsaciennes et bâloises sur les pollutions transfrontières

– ex 3 : manifestations en Alsace contre les nuisances sonores de DHL

(3) années 1990 et suivantes

– après le temps de la prise de conscience, on entre dans une nouvelle phase qui est celle de la gestion des problèmes d’environnement, leur prise en compte par les Etats, les entreprises, et toute la communauté internationale

=> La sauvegarde de l’environnement est un intérêt commun reconnu par tous, ça devient une valeur universelle qui doit être prise en compte par le droit

– désormais, on envisage la question selon une perspective d’avenir (notion de « développement durable » => « ministère de l’écologie et du développement durable »)

– il faut apprendre à gérer les ressources écologiques

– notamment Par la création de normes juridiques qui vont poser les bases de l’intégration des préoccupations environnementales dans toutes les activités de l’homme (=> L’environnement est partout)