La délégation : définition, conditions, effets

LA DÉLÉGATION PARFAITE ET IMPARFAITE

La délégation est une opération à trois personnes, par laquelle une personne, appelée le délégué, va s’obliger à fournir une prestation au profit du délégataire. Le délégué s’engage sur l’ordre du déléguant.

Article 1275 DU CODE CIVIL dispose que la délégation est l’opération par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s’oblige envers le créancier. »

Cet article n’opère en principe pas novation, « sauf si le créancier l’a expressément déclaré décharger son débiteur qui a fait la délégation ». La délégation sans novation est appelée « délégation imparfaite » = délégation de principe.

La délégation n’emporte pas novation, sauf exceptions.

Un nouveau débiteur s’ajoute un nouveau débiteur, sans entrainer la disparition du 1er et donc sans supprimer le lien de droit entre le débiteur n°1 et le créancier. Le créancier a donc deux débiteurs, ainsi cela est dans son intérêt.

Parallèlement, existe une délégation parfaite, qui opère la novation, par changement de débiteur (elle doit être explicitement formulée). On l’appelle aussi une délégation novatoire. Un nouveau débiteur, se substitue à un autre débiteur. Le débiteur initial est appelé le délégant, c’est lui qui a intérêt.

A = délégant B= délégué C = délégataire : A dit à B de payer C.

  • 1 : La délégation parfaite ou novatoire

Elle constitue l’exception.

Elle produit des conditions mais est soumise à des conditions.

  1. Les effets de la délégation parfaite

Dans ce contexte, le déléguant A (celui qui est à l’origine de la délégation) va obtenir que le délégué B s’engage au profit du délégataire C. De plus le délégataire C, va décharger le déléguant A, de sa propre obligation.

L’engagement du délégué D envers le délégataire C, est la conséquence de la dette qui existe entre le délégué B envers le délégataire C.

La cour de cassation à précisé en 1994 que « la validité de la délégation novatoire ne suppose pas de lien entre le délégué et le déléguant. »

Cette opération produit un effet novatoire, donc va éteindre l’obligation du déléguant A envers le délégataire C. Le lien de droit est éteint car le délégué va éteindre la créance du délégataire. A cette disparition en résulte que le délégataire perd toutes les garanties et accessoires qui existaient dans le rapport d’obligation.

S’est posé une question « si le délégataire C peut se retourner envers le délégant A, lorsque le délégué n’exécute pas son obligation ? »

Article1276 DU CODE CIVIL à titre de principe la réponse est NON, le délégataire ne peut plus agir contre le délégant. « Le créancier qui a déchargé le débiteur par qui l’opération a été faite, n’a en principe pas de recours envers celui-ci. »

Le CODE CIVIL admet des dérogations, alors même que la novation produit des effets, l’insolvabilité du débiteur ne constituera pas un obstacle.

Exception, qui peut être organisée expressément (exception conventionnelle), ou en cas de faillite ou de déconfiture de la délégation (exception prévue par la loi).

  1. Les conditions de la délégation parfaite

La délégation novatoire est une novation et en même temps une délégation. Par conséquent, doivent être remplies cumulativement les exigences tenant à la fois de la délégation et de la novation.

Aucune forme spécifique n’est requise, il n’y pas de mention obligatoire.

Mais le consentement des trois intervenants doit exister et doit être manifeste.

L’article 1275 DU CODE CIVIL dispose qu’est « nécessaire une déclaration expresse du créancier de décharger le délégant, » cela afin que le délégataire ait conscience de la gravité des dispositifs et des effets accessoires de la délégation novatoire.

Remarque : La cour de cassation interprète l’exigence de l’article 1275 DU CODE CIVIL avec rigueur. Cela afin de protéger le créancier.

En effet, selon la cour de cassation, la seule acceptation par le délégataire de la substitution d’un nouveau débiteur au premier, ne signifie pas décharge du débiteur d’origine. Cela signifie qu’il a accepté un nouveau débiteur, auquel s’ajoute le débiteur d’origine.

Remarque 2 : En matière commerciale, prévalent des facilités de preuves : la preuve se fait par tous moyens : la preuve de l’existence de cette acceptation de la venue d’un nouveau débiteur se fait donc par tous moyens.

  • 2 : La délégation imparfaite = délégation sans novation

  1. La notion

Cette délégation imparfaite est l’opération par laquelle un débiteur offre à son créancier délégataire, un nouveau débiteur qui s’engage envers lui. Deux débiteurs deviennent les débiteurs du créancier. Cette délégation à la différence de la précédente, ne produit aucun effet novatoire, donc aucune extinction ne résulte donc de cette délégation imparfaite.

Au contraire, on rajoute une obligation à une obligation existante. On confère une garantie supplémentaire au profit du délégataire.

Cette opération est voisine du cautionnement, et du mécanisme de solidarité passive.

  • Cette opération est avantageuse pour le délégant, celui qui est à l’origine de l’opération, qui est d’obtenir que soit obtenu sa libération sans exécuté son propre lien d’obligation qui l’unissait au délégataire.
  • L’opération est neutre pour le délégué, car le délégué est le débiteur du délégant. A l’égard du délégué, peu importe quel est son créancier ; il doit exécuter sa dette peu importe le cocontractant, avec une seule réserve : le nouveau rapport d’obligation ne doit pas aggraver le montant de sa dette. En effet l’engagement du délégué envers le délégataire ne doit pas dépassé le montant de l’engagement du délégué envers le délégant.
  • Pour le délégataire, cette opération est avantageuse car il a face à lui non plus un débiteur mais deux débiteurs, ce qui constitue une garantie.

  1. Les effets de la délégation imparfaite

Les effets dépendent de la relation juridique :

Ø Les rapports délégant / délégataire: la délégation imparfaite ne produit pas de conséquence, car elle est imparfaite. Le délégant reste le débiteur du délégataire, jusqu’au moment où le délégué va éteindre son obligation à l’égard du délégataire.

Jusqu’à cet instant, le déléguant peut être poursuivi par le délégataire.

Néanmoins, dans l’esprit des parties, le véritable débiteur est le délégué, c’est donc lui qui doit théoriquement payer la dette.

Ø Les rapports délégué / délégataire: le délégué est le débiteur du délégant, c’est pourquoi il a accepté d’être le délégué du délégataire. Le rapport est sans originalité, ce qui signifie que le délégataire peut mettre en œuvre tous les moyens de droits habituels pour obtenir l’exécution de l’obligation.

En conséquence, c’est un rapport nouveau, c’est pourquoi il faut souligner l’inopposabilité des exceptions soulevées par le délégataire. En effet, lorsque le délégataire agit contre le délégué, il ne peut pas tirer des exceptions résultant soit de ses rapports avec le délégant, soit résultant des rapports entre le délégué et le délégant.

La délégation présente un intérêt par rapport à la cession de créance du point de vue du délégataire, car dans la cession de créance le bénéficiaire de la créance cédé pouvait se voir opposer les exceptions, ici inopposabilité car il s’agit d’un rapport nouveau.

Ø Les rapports délégué / déléguant : la question se pose quand il existe un lien entre ces deux débiteurs. La question est de savoir s’il devait exister ou pas un rapport juridique ? La réponse est oui. Ce rapport juridique entre le délégué et le délégant dépend de la relation entre le délégué et le délégataire.

En principe le délégataire agit contre le délégué (débiteur en 1ère ligne), malgré l’action légitime contre le délégué, le délégant sera parfois actionné par le délégataire. Dans ce contexte le délégant pourra se retourner contre le délégué et ce pour lui demander d’exécuter son obligation envers lui.

Lorsque le délégataire actionne le délégué. La conséquence est que le délégataire est payé par le délégué, ainsi la dette est éteinte envers le délégant.

Observations : la question posée à la cour de cassation était de savoir ce que devenait le rapport délégué / délégant dans la période d’attente d’identification de la personne actionnée par le délégataire ?

La réponse par la chambre commerciale de la cour de cassation, est celle de l’indisponibilité du rapport juridique entre le délégué et le délégant, temps que l’identité de la personne actionnée par le délégataire n’est pas fixée. Cela signifie que les créanciers du délégant A se sont vu refuser la saisie du bien du délégué en raison de l’engagement du délégué envers le délégant.