La dévolution successorale par testament ou pacte sur succession future

La dévolution volontaire de la succession par testament ou pacte sur succession future

L’article 721 du Code civil prévoit que la dévolution de la succession se fait selon la loi lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens par des libéralités. Il résulte de ce texte que la loi n’a pas le monopole pour désigner les bénéficiaires d’une Succession, son rôle est purement supplétif mais que la volonté individuelle a également un rôle, rôle qui est le corolaire direct du droit de propriété qui prit dans son caractère absolu commande que le propriétaire titulaire de l’abusus puisse disposer de ses biens comme il l’entend.

La volonté individuelle est donc un mode concurrent de la loi pour la dévolution des biens, volonté qui va se manifester à travers les libéralités. L’utilisation des libéralités va permettre la transmission du patrimoine et donc de la succession. Si la dévolution peut s’exercer par l’effet de la volonté individuelle grâce aux libéralités, cette volonté n’est néanmoins pas sans limite.

En effet, ce même article 721 après avoir posé le principe de dévolution par les libéralités en introduit immédiatement la limite en énonçant dans son dernier alinéa « elles (= les Successions) peuvent être dévolues par les libéralités du défunt mais dans la mesure compatible avec la réserve héréditaire ».

Ces libéralité sont définies à l’article 893 du Code civil issu de la loi du 23 juin 2006 qui déclare que la libéralité est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament ».

Les libéralités, telles qu’elles sont définit par législateur, autorisent donc la personne de disposer de ses biens et de ses droits à titre gratuit de son vivant grâce aux donations entre vifs ou à cause de mort grâce au testament.

L’intérêt des libéralités est à la fois de favoriser et d’optimiser l’anticipation successorale, l’idée étant que le droit des successions doit faciliter la transmission du patrimoine par le propriétaire des biens et des droits lui-même.

Cette liberté de plus en plus grande laissée au propriétaire procède d’un renforcement de la théorie du droit de propriété comme fondement du droit de succession et de la transmission. Mais, cette liberté de plus en plus grande va révéler aussi un recul certain de l’ordre public successoral et une remise en cause des solidarités familiales.

Les libéralités telle qu’elles sont définit à l’article 893 peuvent être distinguées selon le critère classique c’est-à-dire selon qu’elles produisent leurs effets du vivant de leur auteur, c’est l’hypothèse des libéralités entre vifs ou selon qu’elles produisent leurs effets au décès de leur auteur, c’est l’hypothèse des libéralités à cause de mort.

Toutefois, compte tenu de l’évolution récente de la législation et de la multiplication des contrats successoraux, un autre critère de distinction peut être utilisé critère qui va consister à opposer les hypothèses de dévolution par volonté unilatérale aux hypothèses de dévolution par contrat.

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I. La dévolution par acte unilatéral ; testament

La dévolution du patrimoine sur le fondement d’un acte unilatéral de volonté correspond à l’hypothèse du testament. Le testament est définit par l’article 895 comme étant l’acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il n’existera plus de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer.

Le testament est acte solennel et révocable par lequel une personne exprime ses dernières volontés non seulement quant à la dévolution de ses biens par des legs mais le testament peut aussi contenir d’autres vœux de la part du testateur tel que par exemple la désignation d’un exécuteur testamentaire voire la reconnaissance d’un enfant dans un testament authentique.

Si l’on se place d’un point de vue patrimonial, le legs est le vecteur privilégié de la dévolution successorale. Ce legs sera dit universel lorsqu’il porte sur l’universalité des biens légués par le testateur. Ce legs sera dit à titre universel quand il portera sur une quote part de ces biens. Ce legs sera dit particulier ou à titre particulier lorsqu’il aura pour objet un ou plusieurs biens déterminés. On ne va pas, ici, développer la question du testament (= authentique, holographe, international …).

L’acte juridique unilatéral n’est pas le seul instrument de transmission volontaire. Celle-ci peut également s’opérer par contrat.

II. La dévolution par contrat : donation

Cette dévolution contractuelle peut avoir lieu soit entre vifs soit à cause de mort.

A. La dévolution contractuelle entre vifs

L’instrument privilégié de la dévolution contractuelle entre vifs, c’est la donation. La donation étant un contrat par lequel le donateur se dépouille actuellement, irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte (= article 894 du Code civil).

Lorsque cette donation est consentit à un héritier, elle sera qualifiée de donation en avancement de part successorale si elle respecte l’égalité du partage entre les héritiers. Cette donation sera donc rapportable au jour du règlement de la succession.

Lorsque la donation est faite à un tiers ou à un héritier et qu’elle est destinée à l’avantager, elle sera qualifiée de donation hors part successorale ou de donation préciputaire.

B. Le dévolution contractuelle à cause de mort

La dévolution contractuelle à cause de mort va avoir pour support les contrats successoraux que l’on qualifie aussi de pactes sur succession futures.

En principe, les pactes sur succession futures sont prohibés et il n’est donc théoriquement pas possible d’organiser la transmission de sa succession au moyen d’un contrat conclu entre le défunt et l’un des ses héritiers présomptifs ou conventionnellement choisi (= article 1130 alinéa 2 du Code civil + texte remanié en 2006 : cette prohibition est aussi précisé à l’article 722 du Code civil).

S’agissant de l’article 1130 alinéa 2 : « on ne peut pas renoncer à une succession non encore ouverte ni faire aucune stipulation sur une pareille succession même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit. On ne peut le faire que dans les conditions prévues par la loi ». On voit clairement apparaître que la prohibition du pacte sur les successions futures est bien le principe et que la conclusion de tels pactes relève de l’exception.

Cette analyse est confirmée par l’article 722 du Code civil qui prévoit lui que les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent d’effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.

Pourquoi est ce que l’on prohibe ces pactes sur succession futures? Cette prohibition de principe des pactes sur succession futures se justifiait traditionnellement par le fait que ce genre de pacte par définition fait sur des successions non encore ouvertes pouvait susciter le désir de mort des contractants.

Autre raison de la prohibition, procédait elle de la prise en compte du risque de marchandage suspect autours de la succession. Mais, la raison essentielle de la prohibition de ces pactes réside dans le fait que ce pacte aliène en partie la liberté testamentaire du défunt.

Malgré cette prohibition de principe, il existe des pactes sur succession futures autorisés mais uniquement dans des hypothèses strictement encadrées par la loi et il est important de souligner qu’alors même que la loi de 2006 a réduit le champ de la prohibition, elle n’a pas remis en cause le principe de cette prohibition. Il va être important de savoir reconnaître un pacte sur succession futures donc il va falloir en préciser ses caractères.

1. Les caractères des pactes sur succession futures

Ils figurent à l’article 722 du Code civil car il résulte de ce texte que :

  • le pacte est en principe une convention
  • qu’il s’agit en second lieu d’une convention qui porte sur une succession non encore ouverte
  • et que ce pacte, c’est une convention qui confère des droits.

Donc 3 critères qu’il faut préciser.

L’article 722 utilise expressément le terme de « convention ». Malgré l’emploi de ce terme de convention, on admet que la prohibition a en faite pour objet un « pacte » c’est-à-dire une notion beaucoup plus large que celle de convention, une notion qui peut donc inclure tout acte juridique et notamment les actes juridiques unilatéraux tel que des actes de renonciation.

Le pacte doit porter sur une succession non encore ouverte. Pour que l’on puisse parler de pacte sur succession futures, l’acte doit obligatoirement concerner la succession d’une personne qui n’est pas encore décédée.

Ce pacte doit conférer des droits. Par cette expression, il faut comprendre que ce pacte doit entrainer une modification des règles de dévolution légale, modification qui peut avoir 2 objets différents :

cette modification peut soit emporter la modification des héritiers normalement bénéficiaires de la succession en instituant un héritier en particulier ou un tiers

cette modification peut porter aussi sur l’étendue des droits des héritiers c’est-à-dire en modifiant notamment la composition de leur lot.

2. Les pactes sur successions futures autorisés par la loi

Parmi les pactes sur succession futures autorisés, on va distinguer les contrats successoraux entre époux et les autres héritiers.

a. Les contrats successoraux entre époux

Ils peuvent viser soit à assurer la protection du conjoint survivant soit à assurer la protection du défunt.

Les pactes qui sont destinés à assurer la protection du conjoint survivant sont l’institution contractuelle et la clause commerciale.

S’agissant de l’institution contractuelle, c’est une libéralité par laquelle le disposant, l’instituant, confère au gratifié le droit de prendre dans sa succession ce que l’on appelle les biens à venir c’est-à-dire les biens que le donateur laissera à son décès. Ce terme d’institution contractuelle correspond en faite à ce que l’on appelle aujourd’hui les donations entre époux de biens à venir ou encore les donations au dernier vivant (= stipulées de façon réciproque dans ce cas). Cette institution contractuelle est irrévocable lorsqu’elle est consentit par contrat de mariage et librement révocable si conclu pendant le mariage (= article 1096 du Code civil).

S’agissant de la clause commerciale, c’est celle par laquelle les époux stipulent qu’à la dissolution du mariage par le décès de l’un d’eux, le survivant aura la faculté d’acquérir ou de se faire acquérir dans le partage certains biens personnels du pré décédé à charge d’en tenir compte à la succession. La clause commerciale qui est prévue dans le contrat de mariage permet ainsi au survivant des 2 époux de conserver le fonds de commerce ou alors un autre bien qu’il s’agisse d’une exploitation agricole ou d’une clientèle civile qu’ils exploitaient ensemble lorsqu’il vivait. La clause commerciale est prévue à l’article 1390 du Code civil. Et cette clause commerciale a vu son champs d’application élargit lors de la réforme du 23 juin 2006 puisqu’il est désormais prévu dans un nouvel alinéa rajouté au texte que cette clause peut autoriser le conjoint à se faire consentir par les héritiers un bail portant sur l’immeuble dans lequel l’entreprise attribuée ou acquise est exploitée.

On constate que le but poursuivit par ces 2 types de pactes sur succession futures, c’est la protection du conjoint survivant. Pourtant, il y a un cas où l’objet du pacte sera non pas d’assurer la protection du survivant mais de protéger le défunt lui-même. Cette hypothèse figure à l’article 301 du Code civil qui concerne la séparation de corps conventionnelle : « en cas de décès de l’un des époux séparés de corps, l’autre époux conserve les droits que la loi accorde au conjoint survivant. Lorsque la séparation de corps est prononcée par consentement mutuel, les époux peuvent inclure dans leur convention une renonciation aux droits successoraux qui leur sont conférés par les articles 756 à 757-3 et 764 à 766». Cette convention constitue bien un pacte sur succession futures car il y a renonciation aux droits successoraux du vivant des époux séparés de corps avant l’ouverture de la succession.


b. Les contrats successoraux entre les autres héritiers

Cette catégorie de pactes sur succession futures entre les autres héritiers a pour objectif la protection du gratifié ou des ses ayant cause. Entre dans cette catégorie, la Renonciation Anticipée à l’action en Réduction prévue à l’article 929 du Code civil. Ce texte permet ainsi à tout héritier réservataire alors même que la succession n’est pas encore ouverte de renoncer de façon anticipée à exercer une action en réduction (= c’est la RAR). Cette renonciation peut porter sur tout ou partie de la réduction, la réduction sanctionnant les atteintes à la réserve. Est visée une atteinte qui peut porter soit sur la totalité de la réserve soit sur une fraction de cette réserve. Le pacte qui comporte cette renonciation doit être obligatoirement réalisé au profit d’une personne déterminée avec le consentement du disposant (= le futur défunt). Le Code civil prévoyant qu’elle n’engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter. Par ailleurs, cette renonciation doit obligatoirement être reçue par acte authentique c’est-à-dire devant notaire pour garantir la réalité du consentement de l’héritier renonçant.

Outre la Lettre Recommandé avec Accusé de Réception, on verra que l’on retrouvera aussi cette notion de pactes sur succession futures autorisée dans l’hypothèse des donations-partages transgénérationelles dans lesquelles l’héritier qui vient normalement en rang utile à une succession renoncera par avance à la part de réserve qu’il aurait pu recueillir pour en faire bénéficier un héritier de rang subséquent (= exemple : renonciation du fils au profit du petit-fils). Ce même mécanisme sera évoqué lors de l’étude des libéralités graduelles où le grevé sera réservataire et pourra accepter là encore que la charge de conserver et de transmettre le bien donné grève tout ou partie de sa réserve.