La disparition de la condition d’imputabilité de la faute

La faute : fait générateur et fondement de la responsabilité

La nature de la faute

– aucune définition dans le Code civil. ou la jurisprudence/doctrine, mais la notion de faute a évolué

– 1804/1984 => la faute comportait deux éléments indissolublement liés : illicéité & imputabilité

Les conditions d’illicéité et d’imputabilité

– l’imputabilité signifie que la faute doit être rattachée à son auteur et que celui-ci doit avoir été conscient au moment où il agissait d’avoir commis précisément une faute

=> Conception liée à l’idée que la responsabilité suppose la liberté de l’homme (libre de mal agir) et représente sa limite (obligé de réparer) <= Article 4 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

=> «La Liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des Droits naturels (…) n’a de bornes que celles qui assurent aux autres (…) la jouissance de ces mêmes Droits (…)«

=> condition d’imputabilité supprimée en 1984 au profit d’une faute objective, malgré les critiques d’une partie de la doctrine

– aujourd’hui, la faute peut-être définit comme un acte objectivement illicite

Paragraphe 1 => la faute, acte illicite

A/ L’élément matériel de la faute

– acte matériel => action/abstention => faute par commission/omission

=> par action => acte matériel de toute nature : action phys. (coups) ou psy. (menaces)

=> par omission => plus difficile à admettre mais reconnue

B/ L’élément légal de la faute

– faute <=> acte illicite <= contraire à la loi/règlmt/texte normatif (jurisprudence assimile l’usage à la loi)

– pour une grande partie de la doctrine => manquement d’une obligation préexistante d’origine légale pouvant être de deux natures :

=> une obligation précise déterminée par la loi civile /pénale ;

=> ou l’obligation général tirée des 1382 et 1383 de ne pas causer volontairement un dommage à autrui et d’être prudent et diligent

  1. L’intention de nuire caractérisant la faute intentionnelle (délit)

– un acte matériel/intellectuel est constitutif d’une faute civile si l’auteur est animée d’une volonté de nuire => l’intention de causer le dommage se distingue de la simple volonté d’accomplir ou non l’acte

  1. La faute d’imprudence et de négligence (quasi-délit)

– sans définition, l’appréciation est faite par le juge in concreto (comportement de l’auteur) et in abstracto (référence au Bon Père de Famille normalement prudent et diligent <= supprimée en 2014)

– toutes les négligences/imprudences n’ont pas la même gravité, mais elles engagent toutes la responsabilité

  1. Le système de gradation des fautes

– il existe différents degrés de faute conduisant à différentes qualification mais le degré de gravité n’a pas de rôle en responsabilité extracontractuelle qu’il s’agisse de reconnaitre la faute (même légère) ou de réparer le dommage (réparation intégrale de n’importe quel dommage)

=> Projet de réforme => dommages et intérêts. punitifs s’ajoutent à la réparation (fonction sanctionnatrice)

=> le degré de gravité aurait alors une influence

– la classification des fautes

=> Intentionnelle ou dolosive

=> Inexcusable (<= diffère en Droit social et en droit civil) <= délibérée (conscience/acceptation des risques)

=> lourde (négligence/imprudence grossière) <= assimilée à la faute intentionnelle

=> ordinaire (imprudence/négligence intentionnelle ou non)

=> faute légère => maladresse <= toute maladresse est une faute ?

C/ Les application particulières de la notion de faute, acte illicite

  1. L’abus de droit ou faute dans l’exercice d’un droit

– Planion => «Le droit cesse précisément là où l’abus commence»

– notion considérée absurde par les auteurs du 20e siècle <= absolutisme des droits subjectifs (prérogative. confiées à un individu dans son intérêt. exclusif) => l’exercice d’un Droit ne peut être constitutif d’une faute

– sauf que chaque Droit a une finalité sociale <= la jurisprudence va vérifier la conformité de l’exercice à cette finalité et le sanctionner sur le fondement de l’article 1382 et 1383

– mais quel est le critère transformant l’exercice d’un Droit en une faute ?

Le but recherché

– abus de droit <=> intention de nuire => exercice d’un Droit dans le but de nuire à autrui, notamment caractérisé par l’absence d’intérêt Sérieux pour celui qui exerce ce Droit

Chambre civile., 3 août 1915, Clément-Bayard c/ Coquerel <= affaire des dirigeables => l’exercice du droit absolu de propriété peut-il être constitutif d’une faute ? <= la responsabilité du propriétaire peut être retenue pour utilisation abusive de son Droit dans le but de nuire à autrui justifiant alors une sanction

Les moyens utilisés

– l’utilisation de moyens anormaux ou déloyaux peut également déterminer l’abus de droit
– le droit d’agir en justice peut constituer un abus et être sanctionné si le demandeur utilise des procédés dilatoires (gagner du temps et retarder l’application de la décision, nuire à l’adversaire)

  1. La faute collective

problème théorique => 1382 et 1383 <= responsabilité individuelle <=> faute individuelle

– notion en contradiction avec cette idée car elle dilue la faute <= imputée à plusieurs individus

– jurisprudence y recours par exception dans le cas de dommage survenus à l’occasion d’une activité coll. et pour des raison d’équité <= identification de l’auteur difficile

=> parties de chasse => tir manqué => qui ? <= faute coll. car mauvaise organisation

=> jeux collectifs => «imprudence indivisible«

– projet Catala (2005) => notion de responsabilité coll. retenue à l’occasion d’une activité coll. ne permettant pas l’identification précise de l’auteur du dommage (mais ne parle pas de faute coll.)

– projet Béteille (2010) ne reprend pas la notion de responsabilité

projet actuel (non officiel) réintroduit la notion

  1. La faute en cas d’acceptation des risques par la victime

– il s’agit ici de limiter les hypothèses dans lesquelles on va retenir une faute <= il existe une sorte de permission légale implicite d’accomplir des actes normalement fautifs (<= manquement à la prudence et à la diligence normale) <= absence de faute <= conception plus restrictive de la faute

– la jurisprudence recourt à cette notion pour limiter la faute aux hypothèses qualifiées de «manquements caractérisés» aux règles normales (les activités coll. constituent par nature un risque)

  1. La faute contractuelle assimilée à une faute extracontractuelle

– Fait Générateur de Responsabilité => faute => manquement à une obligation préexistante <= en matière contractuelle => obligation préexistante non légale mais conventionnelle (inexécution totale/partielle, mauvaise exécution, retard)

– la faute contractuelle peut elle être également extracontractuelle? <= question de l’identité des fautes

=> Enjeu => autonomie de la responsabilité contractuelle par rapport à la responsabilité extracontractuelle

– distinction, sans être violée, tempérée par la jurisprudence => meilleur réparation de la victime

=> un des moyens => identité des fautes => une faute contractuelle peut constituer (sans autres preuves) une faute extracontractuelle (et non l’inverse)

=> intérêt => le tiers au contrat pourra grâce à 1382/1383 invoquer un manquement contractuel, cause de son dommage, alors considéré comme une faute extracontractuelle.

Cassation 18 juil. 2001 => «Les tiers à un contrat st fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel. sur le fondement des 1382 et 1383 lorsque ce manquement leur a causé un dommage sans avoir à rapporter d’autres preuves.» <= mais divergence a sein des formations => Assemblée plénière du 6 oct. 2006 confirme

projet de réforme => identité des fautes non consacrée => autonomie des fautes réaffirmée mais il y a des atteintes directes au principe de primauté de la responsabilité contractuelle:

=> la victime d’un dommage corporel peut choisir le fondement (contractuel/extracontractuelle)

=> un contractant peut invoquer la responsabilité extracontractuelle

– solution admise par la jurisprudence ne joue pas dans les deux sens => toute faute extracontractuelle ne s’analyse pas en une faute contractuel

  1. Les troubles du voisinage

– assimilés à un cas particulier / régime spécifique de responsabilité

– la jurisprudence admet une Responsabilité objective dès lors que le trouble subi par un voisin en raison de l’activité d’un autre dépasse les inconvénients normaux <= l’importance du trouble subi engage la responsabilité

– l’importance du dommage est le fait générateur de la responsabilité

réforme : il est prévu d’inscrire les Troubles de Voisinage au titre d’une hypothèse particulière de responsabilité

– auparavant, la jurisprudence sanctionnait les Troubles de Voisinage sur le fondement des articles 1382 et 1383 <= Responsabilité pour faute <= mais c’est une faute particulière car elle ne s’appréciait pas au regard du comportement de l’auteur mais au regard du résultat (du trouble subi par la victime à raison du comportement de l’auteur), l’importance du trouble présumant la faute

Paragraphe 2 => disparition de la condition d’imputabilité de la faute

– avant, la faute obéissait à deux conditions : elle devait être rattachée à l’auteur et lui être imputable c’est-à-dire que l’auteur devait avoir eu conscience du caractère fautif de ses actes

=> facultés mentales altérées => pas de faute civile au regard des articles 1382/1383 => pas de Responsabilité pour faute

=> de même, l’infans ne pouvait engager sa responsabilité pour faute

– condition d’imputabilité a disparu en deux étapes

A/ La réforme du régime de protection des incapables majeur en 1968

1968 => introduction de 414-3 => principe de la Responsabilité des pers. atteintes d’un trouble mental => «une pers. qui cause à autrui un dommage sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligée à réparation» <= principe général n’excluant aucun régime de responsabilité

– solution possible si on considère la faute engageant la Responsabilité du majeur comme un acte objectivement illicite (ne nécessitant donc pas un discernement de l’auteur) => objectivisation de la faute conduisant ici à comparer le comportement de l’auteur avec celui d’un individu normalement prudent et diligent

– application(par analogie) de 414-3 aux mineur (ariérés) sauf pour les «infans» jusqu’en 1984

B/ La suppression de la condition d’imputabilité pour la faute de l’infans

– disparition de la condition d’imputabilité de la faute pour les infans => avènement de la faute objective => cinq arrêts de l’Ass. plén. du 9 mai 1984 <= répercussion sur le gardien et les parents

L’arrêt Lemaire

– enfant de 9 ans auteur d’un incendie volontaire => Responsabilité recherchée en tant qu’auteur d’une faute intentionelle (intention de nuire = discernement) <= Cour d’Appel écarte la Responsabilité (manque de discernement) mais Cassation reconnaît sa Responsabilité pour faute <= faute sans intention de nuire

L’arrêt Derguini

– enfant de 3 ans mort électrocuté, les doigts dans une prise placée par un électricien à une hauteur imprudente <= pour la Cour d’Appel, l’enfant n’avait pas commis de faute exonératoire (manque de discernement) => Cassation estime qu’il n’y a pas besoin de discernement pour commettre une faute d’imprudence/négligence cause d’exonération partielle

L’arrêt Declercq

– petite fille traversant la chaussée morte écrasée par un véhicule <= absence de faute pour la Cour d’Appel mais Cassation retient la faute même sans discernement

L’arrêt Epoux Gabillet

– un enfant de 3 ans éborgne un camarade avec un bâton : Cassation admet la garde sans discernement <= garde du bâton => inconscience du gardien au moment du dommage n’empêche pas la qualité de gardien

Derguini et Leclercq => enfants victimes <= pourquoi la question de leur faute ? => faute de la victime engage sa responsabilité si elle a concouru à la réalisation du dommage => exonération partielle
réforme => l’imputabilité de la faute n’est pas réintroduite, mais il est prévu que la faute de la victime ne peut pas être une cause d’exonération si elle n’est pas dotée de discernement