La faute en responsabilité civile (notion, éléments constitutifs)

La faute dansdans responsabilité du fait personnel définition et éléments constitutifs

2 textes qui la régissent, article 1382 et 1383 du code civil. 3 conditions pour qu’elle soit engagée :

  • · Une faute (étudié ici)
  • · Un dommage
  • · Un lien de causalité entre faute et dommage

Section 1. La notion de faute.

Pas de définition dans le code civil. Dans les pays de Common Law il n’existe pas de responsabilité du fait d’autrui fondé sur la notion de faute, il y a juste une série de cas prévus.

C’est un comportement illicite.

2 courants :

  • Selon Plagnol : il y a faute en cas de violation d’une obligation préexistante. Si la loi ne prévoit pas de norme de comportement spécifique, il y a un problème. Il est difficile de déterminer toutes les obligations préexistantes.
  • Selon un autre : comme une erreur ou une défaillance de conduite. Comment identifier des comportements fautifs des non fautifs. Par rapport à qui et à quoi ? Ici le juge apprécie quand il n’y a pas d’obligation définie par la loi.

En réalité ces deux courants se complètent, ce serait donc un comportement jugé comme défectueux, soit parce qu’il est inspiré par l’intention de nuire, soit parce qu’il va à l’encontre d’une règle, soit parce qu’il parait déraisonnable et maladroit. L’article 5 du projet Terré va dans ce sens. La jurisprudence colle tantôt à l’une ou à l’autre des définitions.

Section 2. Les éléments constitutifs d’une faute.

  • &1. Élément objectif de la faute.

Pour qu’un fait personnel soit qualifié de faute, il faut un élément matériel et un élément d’illicéité.

Tout fait quelconque : cette expression peut englober tout type d’acte ou de fait. La faute s’adapte à tout type d’agissement (exemple : la rupture fautive de fiançailles).

Ces faits peuvent être des actes positifs ou négatifs.

L’abstention pure et simple peut-elle constituer une faute ? L’abstention qui vise à nuire est une faute (criminel qui laisse une autre personne être accusée à sa place). Lorsqu’il existe une obligation légale d’agir, l’abstention est aussi une faute.

Même en l’absence de norme imposant d’agir, la jurisprudence admet parfois qu’il y a faute s’il y a abstention, arrêt Branly (Turpin dans un article sur la TSF a omis volontairement de citer l’inventeur Branly, qui a agi pour omission fautive et eu gain de cause, sur la base que Turpain n’avait pas apporté, s’était abstenu d’apporter, une information objective).

Tout fait personnel, article 1382, de l’homme, une faute doit être un fait de l’homme. A l’origine le code civil a exclu les choses. S’il existe une responsabilité du fait des choses, c’est la personne en tant que gardien qui en est responsable.

Toutes les personnes, morales et physiques sont responsables. Il est ainsi possible d’engager la responsabilité d’un syndicat, lors de grève par exemple s’il participe à des actions fautives. Arrêt 2èmeciv du 07 juillet 2011 une association sportive organise une manifestation avec un taureau qui blesse et tue un participant, l’association est assignée et se défend sur le fait que la police sur les lieux publics est organisé par les communes, or l’association devait mettre des barrières de sécurité efficaces.

Dans quelle condition peut-on engager la responsabilité d’un dirigeant de société, sa responsabilité personnelle en plus de celle de la personne morale, peut-elle être engagée ? La jurisprudence exige la caractérisation d’une faute détachable de la fonction du dirigeant. C’est le cas lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute très grave, c’est le cas du dirigeant qui organise son insolvabilité.

Il faut aussi que le fait de l’homme soit illicite.

  • &2. Elément d’illicéité.
  • Illicéité :

Un acte est illicite lorsqu’il est contraire au droit.

Il existe certains textes qui édictent expressément un devoir extra contractuel (lois, règlements). Certains textes peuvent aussi être pénalement sanctionnés.

D’autres comportements sont uniquement sanctionnés sur le plan civil, comme l’adultère (art.212 du code civil).

L’obligation peut ne pas être prévue par un texte. Ces devoirs résultent de la norme de civilité. Ici, les tribunaux reconnaissent occasionnellement des obligations qui s’imposent aux citoyens.

Pour savoir s’il y a faute en l’absence de texte, les juges vont examiner le comportement par rapport à la norme dite « du bon père de famille ». Actuellement on souhaite la remplacer par « soin raisonnable » ou « raisonnablement ». (Chronique critique de Felix Rom, alias Denis Mazeau, sur l’amendement déposé, qui dit que ce n’est pas la peine de réformer cette notion, norme).

Concrètement le juge se pose la question suivante : est-ce qu’une personne normalement diligente aurait dans les mêmes circonstances adopté le même comportement ou accompli le même acte ?

Ce standard du bon père de famille, s’adapte selon les circonstances. Lorsque le comportement est celui d’un professionnel, le modèle est celui de l’homme de métier, quand c’est celui d’un enfant on prend en compte l’âge. Il est aussi affiné dans le domaine de la pratique d’un sport, les joueurs doivent ici respecter certaines règles et une discipline relative à ce sport. Ici 2 questions se posent :

  • Une violation des règles de jeu constitue-t-elle nécessairement une faute civile ? : on admet que le sportif prend des risques en exerçant son sport et en admet donc les conséquences, la jurisprudence requiert donc un niveau plus élevé dans l’existence d’une faute. L’acte n’est fautif que s’il consiste en un manquement délibéré ou manifeste des règles du jeu. Elle exige (depuis arrêt 23/09/2004 2èmeCiv Cassation) que le sportif ait commis une faute caractérisée par la violation des règles de ce sport (un homme s’entraine au karaté et est blessé par son adversaire femme à l’œil, il assigne la femme en responsabilité et indemnisation, la femme se pourvoit au motif que la responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de faute volontaire et contraire aux règles de jeu. La Cassation dit qu’ayant porté un coup de poing main ouverte, elle avait violé les règles du jeu).
  • Le juge est-il tenu par les décisions des arbitres qui relèvent sur le terrain la violation des règles de jeu ? : Il a une liberté pour apprécier la faute au regard des règles de droit, il peut se référer à l’appréciation de l’arbitre, mais il n’est pas privé de sa liberté d’appréciation. Malgré l’absence d’une faute relevée par l’arbitre, le juge peut considérer qu’il existe tout de même un faute civile (arrêt 10/06/2004, 2èmeciv, un homme est blessé suite à chute de cheval, alors que Y marquait se dernier, l’arbitre de polo n’a relevé aucune faute, la Cassation considère qu’il y a faute civile).
  • L’abus de droit.

Il peut y avoir une faute dans l’exercice d’un droit.C’est la théorie de l’abus de droit.

Le titulaire d’un droit peut être condamné à réparer les conséquences dommageables résultant de l’exercice abusif de ce droit.

La jurisprudence réprime parfois dans certains cas l’exercice d’un droit (théorisé par Josserand et Sabatier).

Selon Josserand, l’abus est l’acte contraire aux buts de l’institution, à son esprit, à sa fonction sociale, à sa finalité.

Arrêt sur affaire Clément Bayard (03/08/1915, cf plaquette). Ici c’est l’abus du droit de propriété. Cet abus est caractérisé ici par l’intention de nuire, et ceci cause le dommage d’autrui.

La question qui se pose est de savoir quel est le seuil qui fait basculer l’exercice d’un droit en abus. La réponse n’est pas univoque tout dépend de la valeur du droit subjectif en question.

On identifie 3 catégories de droits :

  • Certains droits seraient considérés comme discrétionnaires, insusceptibles d’abus et de contrôle judiciaire. Par exemple on cite, le droit des parents d’autoriser ou de refuser le mariage d’un mineur, le droit de révoquer un testament (2èmeciv. 30/11/2004). Cette catégorie tend peu à peu à disparaitre, en principe tout droit subjectif peut être soumis à un éventuel contrôle judiciaire. Le caractère discrétionnaire est limité par un éventuel abus de droit selon la cour de cassation.
  • Certains droits ne dégénèrent en abus qu’en cas d’intention de nuire ou de mauvaise foi (ex affaire Clément Bayard), cela concerne le droit de propriété, le droit de grève (en principe à valeur constitutionnelle, qui ne dégénère en abus qu’en cas de condition particulière, comme la désorganisation d’entreprise.
  • Certains droits doivent faire l’objet d’un usage raisonnable, l’abus est caractérisé ici en présence de faute. L’abus du droit d’ester en justice en fait partie, consacré par L’article 32-1 du code de procédure civile, initialement la jurisprudence exigeait soit l’intention de nuire, soit la mauvaise foi, soit une erreur grossière dans l’exercice de l’action en justice (arrêt du 11/07/1976) ; l’intention de nuire continue de la caractériser mais certains arrêts se contentent désormais souvent que d’une simple faute, appelée « légèreté blâmable ».
  • La justification de l’illicéité.

Force majeure ou la faute de la victime (marque une rupture entre faute et dommage).

Le défendeur peut s’exonérer en apportant la preuve d’un fait justificatif (visé aux article 122-4 à 122-7 du code pénal).

Il s’agit de circonstances extérieures à la personne qui permettent de justifier la commission de la faute.

  • L’ordre de la loi : dès qu’elle ordonne ou permet un acte, cet acte ne peut pas constituer une infraction pénale ni une faute civile (ex : j’arrête quelqu’un auteur d’une infraction et je le blesse, je ne suis pas responsable).
  • La légitime défense : justifiée en matière pénale. Le fait d’empêcher par la force la réalisation d’un dommage illicite dont on est menacé, exonère normalement l’auteur de légitime défense de toute responsabilité pénale ou civile. Elle doit cependant être proportionnée.
  • L’état de nécessité : vise l’hypothèse qu’un individu a causé un dommage pour en éviter un plus grave. Une faute pénale et civile ne sont donc pas ici caractérisées. Exemple de naufragés sur un radeau qui en repoussent d’autres pour ne pas sombrer.
  • Le consentement de la victime : en principe ce consentement ne devrait pas faire disparaitre la faute. Une atteinte au corps humain ne peut pas être excusée. Mais il y a des atténuations notamment dans le domaine sportif, où il y a la théorie de l’acceptation des risques. Cette théorie a été initialement limitée au domaine sportif en dehors de l’entrainement. Arrêt 04/11/2010 la cassation a posé qu’on ne pouvait pas opposer cette théorie à la victime d’un dommage causé par une chose, au motif que cette théorie ne pouvait être opposée au dommage corporel d’une victime. L’idée est d’exclure le droit à réparation d’un sportif parce qu’il a accepté les risques, cette idée s’inscrit à contrecourant de celle de la réparation. Mais pour limiter la souscription très onéreuse d’assurance auprès de sociétés d’assurance qui finiraient par se défausser en permet l’acceptation. L’art L 321-3-1 du code du sport réintègre la théorie d’acceptation des risques.

oCette théorie est écartée pour les activités pédagogiques.

oCette théorie fut très utile à la SEITA face aux actions intentés par des fumeurs atteints d’un cancer, actions qui furent ainsi rejetées (08/11/2007, cassation). L’attendu met en lumière le fait qu’il faut prendre en compte l’information du fumeur.

  • &2. L’élément subjectif de la faute.

C’est la conscience que l’auteur a de commettre une faute, cet élément subjectif tend aujourd’hui à disparaitre.

Le fait personnel ne doit pas obligatoirement être intentionnel.

Il n’est pas nécessaire que l’auteur de la faute ait eu conscience de la commettre.

A) L’inutilité de l’élément intentionnel.

Le délit :Un acte ne doit pas être forcément intentionnel. La faute civile intentionnelle est qualifiée de délit,elle engage la responsabilité sur le fondement de L’article 1382, et suppose :

  • Une volonté d’agir
  • Une intention de causer le dommage, de nuire à autrui

Le quasi délitest une faute, non intentionnelle. On n’a pas voulu le résultat dommageable. La personne engage sa responsabilité sur le fondement de L’article 1383.

Il est impossible d’assurer une faute intentionnelle.

On observe à un retour de la gradation des fautes dans certains cas (enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, aussi en droit du travail où une faute grave est requise pour engager la responsabilité du salarié – arrêt de 1958 27/11 par la chambre sociale).

B) La disparition de la condition d’imputabilité.

Pour qu’il y ait faute il faut que l’auteur ait eu conscience de son acte en principe (capacité de discernement du bien du mal). C’est la condition d’imputabilité ou d’élément moral.

Cette règle s’applique au pénal et a longtemps prévalue en matière civile. Les infans (bas âge) et les aliénés sont visés ici. Traditionnellement ces personnes ne pouvaient pas commettre de faute.

Cette condition a été de plus en plus critiquée comme étant injuste, car la victime ne pouvait pas alors être indemnisée. Peu à peu le droit s’est orienté vers la consécration d’une faute objective. L’élément d’imputabilité va peu à peu être supprimé.

La loi du 03/01/1968 modifie l’art 489-2 (414-3 maintenant) du code civil « celui qui a causé un dommage alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Cela engage la responsabilité civile de l’auteur et non pénale.

La jurisprudence sur la faute de l’infans consacre aussi cela. Arrêts de l’assemblée plénière du 09/05/1984, arrêts Lemaire et Derguini, abandonne l’exigence de discernement chez l’enfant (les juridictions d’appel avaient décidé un partage des responsabilités du fait que les enfants avaient aussi commis une faute, mais on a admis aussi que le défaut de discernement des enfants ne permettait pas de retenir la faute). La cassation a dit que les juridictions n’ont pas à rechercher que l’enfant ait la capacité de discerner. La faute de la victime limite son droit à réparation c’est ce qu’invoquait l’électricien qui avait causé de par ses travaux la mort de l’enfant Lemaire, qui cependant avait dévissé une douille électrique sans couper l’électricité. On admet aujourd’hui que si l’enfant a fait une faute et qu’il est aussi victime, il se serait anormal de limiter son droit à réparation.

Les projets de réforme tendent à distinguer selon que la responsabilité de la personne privée de discernement est recherchée en tant qu’auteur ou en tant que victime. En tant que simple auteur, l’élément d’imputabilité devrait être écarté. En tant que victime l’élément d’imputabilité devrait être alors exigé.

Le projet Terré en son article 47 est en ce sens, de même que L’article 1351-1 de l’avant-projet Catala.