La force obligatoire du contrat : principe et limites

LA FORCE OBLIGATOIRE DES CONTRATS

L’article 1134 énonce que les conventions tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites, mais le contrat tient lieu de loi non seulement à l’égard des parties, mais aussi du juge et du législateur.Le texte vise les parties contractantes. En effet, le principe est que le contrat lie les partie, mais il ne lie que les parties contractantes. Il y a un effet de liberté contractuelle. C’est un instrument de prévision, de sécurité juridique, de sécurité économique. Une fois formé par un accord de volonté, le contrat ne peut plus être modifié que par un nouvel accord de volonté.

I ) Le principe de la force obligatoire du contrat

Le contrat est pour les parties une véritable loi, a laquelle les parties ne peuvent déroger.

A) Le fondement du principe

Article 1134 al 1: les conventions légalement formés tiennent lieu de loi a ceux qui les ont faites.

Considérations d’ordre moral: tout homme est tenu par sa conscience de respecter ses promesses et ses engagements. C’est une question de conscience et d’honneur, idée partagé dans toutes les civilisations.

Idées philosophiques: le respect de la parole donnée s’explique par la volonté. L’homme est engagé parce qu’il a voulut s’engager. La volonté est à la fois la source mais aussi la mesure de l’obligation. (Théorie de l’autonomie de la volonté). L’homme choisit ses chaines.

B) Applications

Dans les relations entre les états : les états sont liés par les traités qu’ils ont signés sous réserve d’application réciproque (depuis la Convention de Vienne en 1969).

Relations entre les états et les entreprises ou particuliers : l’Etat n’impose pas de mesures autoritaires mais négocie avec les différents partenaires économiques sur le plan national ; ces conventions sont obligatoires et doivent être respectés.

C) Conséquences de la force obligatoire du contrat

1)Vis-à-vis des parties –

  • Principe : Le contrat s’impose aux parties contractantes; les personnes qui ont donnée leurs consentement et qui se sont engagé dans le contrat (en opposition au â…“) doivent respecter les scrupuleusement les obligations auxquelles elles se sont tenus. Faute de quoi l’autre partie serait en droit de demander une exécution forcée du contrat, engager une action en responsabilité contractuelle ou demander la résolution du lien contractuel.

Les parties ne peuvent déroger au contrat sauf nouvel accord, les parties ne peuvent pas détruire unilatéralement ce qu’elle on fait d’un commun d’accord.

  • Applications :

o Le contrat est parvenu à son terme (contrat a durée déterminé) : les parties ne sont pas en principe tenues de poursuivre l’exécution du contrat. Le contrat n’a plus d’existence après la survenance du terme.

  • La prorogation : maintenir une situation donnée après la date à laquelle elle devait initialement cesser ou disparaitre. C’est la modification du terme (de la durée du contrat) initialement convenu.
  • Le renouvellement : accord a l’échéance du contrat en vue de conclure un nouveau contrat mais aux mêmes conditions que le contrat initial (expresse ou tacite).
  • La tacite reconduction : poursuite matérielle de l’accord du contrat sans accord expresse.

o Le contrat est en cours d’exécution : ne peut être révoqué que d’un commun d’accord (article 1134 al. 2). Révocation par consentement mutuel: selon le principe de parallélisme des formes. Car si le mutus consensus suffit à former le contrat, à l’inverse le mutus dissensus suffit pour délier les parties de leurs engagements. La convention est dissoute par un procédé inverse à celui qui a servi à former le contrat. Liberté contractuelle = les parties peuvent librement (mais ensemble) résilier l’opération, la suspendre ou modifier leurs stipulations.

  • Exceptions au principe de la révocation mutuel du contrat:

o Les parties: Clause de résiliation unilatérale insérée par les parties dans le contrat ou prévus par la loi. Par exemple : contrat de bail : insertion clause résolutoire qui permet a une partie de rompre le contrat à raison de l’inexécution par l’autre de ses obligations contractuels.

o Jurisprudence : En cas d’inexécution d’une obligation (manquement grave) ou urgence, le partenaire est en droit de rompre / révoquer / résilier unilatéralement le contrat.

o La loi prévoit des cas de résiliation unilatéral de contrat:

– article 2004 le mandant peut révoquer ad nutum (de manière discrétionnaire) son mandataire.

– article 2007 le mandataire peut aussi renoncer au mandat.

-article L.113.12 du code des assurances permet aux parties de résilier unilatéralement le contrat à l’expiration d’une période de 3 ans.

-article 1780 : le louage de service sans indications de durée, permet à l’une ou a l’autre des parties de faire cesser le contrat unilatéralement, a tout moment. La jurisprudence a généralisé ce principe pour tous les contrats conclus pour une durée indéterminée. Faculté de résiliation admise sous réserve de ne pas en abuser, d’agir de bonne foi : prévenir de cocontractant avec un préavis,

2) Vis-à-vis du juge :

Le contrat s’impose au juge qui ne peut y’déroger. Le rôle du juge dans l’appréciation et l’interprétation des contrats est controversé. D’un coté : volonté de renforcer les pouvoirs du juges, lui accorder la faculté d’intervenir pour introduire une dose d’équité dans le contrat, le droit de rééquilibrer les prestations contractuelles.

D’un autre coté : cela présenterait des inconvénients = remettre en cause la parole de l’autre. La spécificité du contrat c’est qu’il est constitué par la volonté des parties, le contrat perd son caractère, sa valeur et sa spécificité si le juge peut la modifier.

A l’époque de Code civil, le contrat est conçu comme l’œuvre unique de la volonté des contractants, le législateur respecte cette conception et intervient rarement dans le contrat.

Aujourd’hui : de nombreuses interventions législative dans les domaines contractuel (ce qui crée un précédent), ce qui peut stimuler le juge et réduire ses scrupules en cas d’intervention dans le contrat. En fait, en droit positif, ce n’est que dans certaines hypothèses que le juge intervient :

Les cas dans lesquels le juge intervient :

o Le juge peut intervenir quand il y’a une délégation du législateur (article 1152 : modifier le montant d’une clause pénal excessive).

o Lorsque le contrat présente des lacunes.

o Peut fixer un prix qui est indéterminé dans certain contrat.

o La jurisprudence fait une distinction entre les éléments essentiels (uniquement aux parties de déterminer le prix) et accessoires (le juge peut déterminer lui-même un élément accessoire qui fait défaut afin de compléter le contrat) du contrat.

Les cas dans lesquels le juge intervient :

o Refus de dénaturation des termes du contrat: lorsque les termes du contrat sont clairs, précis et complet le juge doit faire appliquer le contrat tel quel s’il s’avère que l’un des cocontractants en demande l’exécution.

o Refus d’imprévision: le contrat est clair et complet mais les circonstances qui on précédé le contrat on changé et ce changement implique un bouleversement du contrat le juge ne peut le

modifier. Cela pose le problème de l’imprévision dont la solution a été donnée dans l’arrêt de principe de la Cour de Cassation le 6 mars 1876 : Canal de Craponne. Dans cet arrêt, suite à une modification de circonstances (augmentation du prix) une partie demande la révision des redevances. La cour de Cassation rejette la théorie de l’imprévision même si les circonstances qui ont présidé la conclusion du contrat ont changé, même si il en résulte un bouleversement dans l’équilibre du contrat, il faut respecter le contrat. Arrêt emblématique de la force obligatoire du contrat.

Remarque : *la bonne foi justifiera l’aménagement des obligations (révision) alors que les circonstances ont changée. *Droits étranger (anglais, allemand) admette le principe de révision d’un accord contractuel.

*Il faut toujours sous-entendre dans les contrats la clause rébus sic stantibus: le contrat doit être respecté mais tant que les choses restent en état. Circonstance modifié = on peut réviser le contrat. *Le contrat est un pari pour l’avenir auquel il faut donc se tenir pour le meilleur et pour le pire.

II) Les atténuations au principe de la force obligatoire du contrat :

  • Les limites apportées par le législateur :

L’assouplissement législatif : il arrive que le législateur cherche à assouplir la rigueur de la règle ; il s’inspire essentiellement de considérations d’équité, de contingences économiques ou sociales pour autoriser la révision du contrat (ex. loi 25 mars 1949 relative au contrat de vente viagère en période d’inflation).

  • Les limites résultant des parties :

Assouplissement conventionnelle: les parties sont autorisées à se prémunir contre des changements de circonstances bouleversant l’économie générale du contrat.

Possibilité aux parties également de renégocier le contrat ; de rédiger des avenants.

Les clauses de révisions sont de deux types principalement :

1) La clause d’indexation :

Les contrats dont la prestation monétaire s’exécute dans le temps peuvent être sujet à certaines influences

(l’érosion monétaire). Cette clause est une modalité de l’obligation qui a pour objet de faire varier automatiquement le montant de cette obligation en fonction de l’évolution de certains éléments de référence (par ex. le cours du blé, du pétrole, d’une monnaie).

– Régime général de l’indexation :

o Type de contrat: tous les contrats qui s’exécutent dans le temps.

o Indice choisit: variable en fonction de laquelle le prix originaire évolue.

o Rapport entre le contrat et l’indice choisit: il faut constater une relation directe entre l’indice choisit et l’objet du contrat ou l’activité professionnelle de l’une ou de l’autre partie.

Sanction en cas d’indexation irrégulière : la validité d’une clause d’indexation s’apprécie au moment de la conclusion du contrat ; la sanction en cas d’indice irrégulier est la nullité absolue pour les dispositions d’ordre public de direction ; totale (atteint l’ensemble du contrat) ou partielle en fonction de savoir si la clause d’indexation a été la cause impulsive et déterminante du consentement des parties ;

2) La clause de « hardship » :

Ces clauses ont le même but que les clauses d’indexation (adapter le contrat aux circonstances nouvelles) mais ont une incidence nouvelle: face a des événements elle provoque simplement une discussion entre les parties contractantes afin qu’elles se mettent d’accord sur de nouvelles bases.

Notion :

o D’un point de vue négatif:

  • se distingue de la clause de l’offre concurrente : qui permet à l’acquéreur de demander au vendeur de s’aligner sur les prix d’un concurrent.
  • se distingue de la clause dite de force majeure qui a pour objet de définir par avance les événements qui pourraient être considères comme ayant une valeur exonératoire a l’exemple de la force majeure.

o D’un point de vue positif: adaptation du contrat aux circonstances ; a pour objet de provoquer l’accord des parties au contrat originaires afin de l’adapter ; ces circonstances peuvent être de toute nature du moment qu’elles sont imprévisibles, extérieures aux parties et qu’elles entrainent un brusque changement des conditions prévues initialement.

Régime :

o Déclenchement: il est nécessaire d’identifier un événement extérieur aux parties affectant l’économie générale du contrat et entrainant ce que les anglais appellent une « frustration ».

o Accord des parties: la clause fait naitre une obligation réciproque de négociation.

Issue :

  • Les parties peuvent se mettre d’accord sur de nouvelles dispositions en vertu desquelles le contrat sera exécuté.
  • Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord et le juge ne peut pas se substituer aux parties pour refaire le contrat ; le contrat doit donc être résilié car il n’a plus de raison d’être. Les parties conviennent généralement de designer un tiers (arbitre) dont la mission sera de prendre une décision au lieu et place des contractants, qui va fixer les nouveaux termes du contrat ; l’obligation de négocier est de résultat mais celle de parvenir a une solution n’est en revanche qu’une simple obligation de moyens ;