La fraude à la loi en droit des contrats

La fraude à la loi.

Le contrat ne doit pas être infecté par une fraude à la loi ; «fraus omnia corumbit» : la fraude fait échec à toutes les règles. Cette théorie veut atteindre un comportement anti-juridique qui consiste à ruser avec la loi plutôt que de la violer ouvertement. Une opération frauduleuse est une opération qui, sans contrevenir formellement à une loi impérative, va néanmoins en écarter l’application ; au moyen d’un artifice on va se placer hors du champ d’application de la loi que l’on veut éluder.

On parle de fraude à la loi lorsque les parties ont eu pour objectif de faire écarter l’application d’une disposition légale d’intérêt public : les dispositions relatives à la nationalité sont écartées par la pratique du mariage blanc ; des dispositions fiscales peuvent être écartées.

On parle de fraude aux droits d’un tiers lorsque les parties ont pour objectif de priver un particulier de ses droits ; en matière de bail rural, un droit de préemption bénéficie au locataire (fermier) en cas de vente mais pas en cas de cession de la nue-propriété ou de l’usufruit : le vendeur, pour faire obstacle au droit de préemption du preneur, a cédé l’usufruit puis la nue-propriété à un tiers (Civ. 3, 12 octobre 1982, B. n°198).

En réalité, c’est dans les deux hypothèses une règle de droit qui est tournée, mais le mécanisme assure la protection d’un intérêt général ou d’un intérêt particulier. La fraude paulienne permet l’introduction d’une action paulienne, par laquelle un créancier demande en justice la révocation de l’acte par lequel un débiteur s’est appauvri en fraude de ses droits.

  1. Les éléments constitutifs.

1°/ L’élément matériel.

Une combinaison juridique, intrinsèquement considérée comme licite, ne va pas cesser de l’être parce qu’elle est utilisée pour se situer hors du champ d’application d’une loi impérative ; en effet les parties peuvent se mettre dans une situation distincte de celle qui normalement serait régie par la loi dans le champ d’application de laquelle ils ne veulent pas se situer (c’est de l’habileté).

Jusqu’en 1985, la vente entre époux était interdite (article 1595 du Code civil), en revanche la donation entre époux n’était pas interdite, ni le bail entre époux.

En revanche, il y a fraude lorsque les contractants sortent du domaine d’une loi impérative artificiellement pour en écarter l’application : dans la vente en deux temps d’un bien pour échapper au droit de préemption, la division a un caractère artificiel (Civ. 3, 12 octobre 1982, B. n°198).

2°/ L’élément intentionnel.

Pour qu’il y ait fraude, il est nécessaire de relever une intention de tourner la loi au moyen d’un artifice. Le divorce ayant été aboli en 1816 (il ne sera rétabli qu’en 1884), une épouse a acquis la nationalité d’un pays étranger dont le droit admet le divorce, dans le but unique de divorcer (Civ., 18 mars 1878 ; Sirey 1878 I p193, note Labbé).

  1. La sanction.

La loi prononce parfois la nullité, non seulement des conventions qui lui sont directement contraires mais aussi de toute convention dont le but serait d’éluder l’application de telle disposition : «sont nulles, quelqu’en soit la forme, les clauses, stipulations, arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi» (article 15 de la loi du 31 décembre 1975 sur les contrats de sous-traitance).

La jurisprudence, en dehors de ces textes, vient sanctionner la fraude par application de l’adage «fraus omnia corumbit». La sanction sera l’inefficacité de la manœuvre constitutive de la fraude, et non la nullité nécessairement, celle-ci ne sera prononcée que si toutes les parties ont participé à la fraude. L’effet frauduleusement recherché sera écarté, la sanction peut varier en fonction des cas de figure : dans le mariage blanc, la sanction est que le mariage ne confèrera pas la nationalité mais il pourra être valable (Civ. 1, 17 novembre 1981 ; JCP 1982 II 19842 note Gobert) ; dans la société fictive constituée par deux personnes qui avaient chacune des créances, les associés ont fait apport de leurs biens à la société pour les faire échapper aux créanciers, la société ne fait pas obstacle à la saisie des biens (Com., 2 juin 1987, B. n°132).