La lettre de change : définition, nature juridique

LA LETTRE DE CHANGE

Une lettre de change est un document écrit émis par un fournisseur, le jour de l’expédition de la facture, pour exiger à son client le paiement à l’échéance.
Elle est souvent utilisée comme moyen de paiement dans un pays étranger.


L’inconvénient de la lettre de change est le délai d’encaissement qui est retardé car il faut attendre la date d’échéance pour être crédité sur votre compte. Ce mode de paiement différé exige d’avoir une trésorerie suffisante. Si ce n’est pas le cas, il est toujours possible de demander à votre banque de financer la lettre de change grâce à l’escompte.
La lettre de change peut être considéré comme un instrument de crédit car le paiement est différé à terme.

Chapitre 1 – Définition de la lettre de change

C’est un écrit par lequel une personne, le tireur donne mandat à une autre, le tiré de payer à un tiers, le preneur ou le bénéficiaire ou à son ordre une certaine somme à une certaine époque.

Pour s’y retrouver il faut faire un schéma.

(1) le bénéficiaire lui-même ou la personne qui le représente.

(2) Créancier éventuel du bénéficiaire.

Le tiré accepte de payer le bénéficiaire à l’ordre du tireur, c’est parce qu’il doit quelque chose au tireur. Le tireur lui a fourni une prestation,

Cela suppose que le tireur ait une créance sur le tiré et que le bénéficiaire ait une créance sur le tireur. Par la lettre de change, on va régler 2 créances voir plus.

Les créances sont appelées rapport fondamental.

Ces rapports fondamentaux relient le tireur au tiré et le bénéficiaire au tireur.

La relation fondamentale qui lit le tireur au tiré est appelé la provision.

La relation fondamentale qui lit le bénéficiaire au tireur est appelé la valeur fournie.

Chapitre 2 : La nature juridique de la lettre de change.

Art L 511-1 à L 511-81 c.com.

Règlementation issu d’un décret-loi 30 octobre 1935 qui reprend pour l’essentiel la loi uniforme arrêté par 3 conventions signés à Genève le 3 juin 1930.

La loi uniforme n’a pas réglé la question de la survie du rapport fondamental après la création de la lettre de change :

En droit allemand, les rapports fondamentaux disparaissent avec la création de la lettre de change. En droit français non. Il y a coexistence des rapports fondamentaux avec les nouveaux rapports que crée la lettre de change : les rapports cambiaires.

Section 1 : Les rapports juridiques mis en œuvre.

Une règle fondamentale : la signature apposée par un individu sur une lettre de change en une qualité quelconque fait naitre à la charge de ce signataire une obligation nouvelle résultant que l’on nomme obligation cambiaire.

Donc pour être engagé cambiairement, il faut et il suffit de signer la lettre de change.

§ 1 : Caractère de l’obligation cambiaire.

Toute signature apposée sur une lettre de change en une qualité quelconque fait naitre à la charge de son auteur une obligation cambiaire à l’égard de tous les porteurs ultérieurs. On dit encore que tout porteur est le sujet actif d’autant d’obligations cambiaires qu’il y a de souscripteurs antérieurs.

Schéma (2)

(1) le tireur signe la lettre pour la créer.

(2) Pour transmettre la lettre de change, le bénéficiaire doit la signer.

(3) Pour transmettre la lettre de change, le porteur P1 doit la signer.

Le tireur s’engage cambiairement à l’égard du bénéficiaire, du porteur P1, et du porteur P2.

— P2 a une action cambiaire contre le tireur,

P1 a une action cambiaire contre le tireur,

Le bénéficiaire a une action cambiaire contre le tireur.

De même pour le bénéficiaire

P2 a une action cambiaire contre le bénéficiaire,

P1 a une action cambiaire contre le bénéficiaire.

De même pour le porteur 1 :

P2 a une action cambiaire contre P1.

Par conséquent, P2 a une action cambiaire contre P1, le bénéficiaire et le tireur.

P1 a une action cambiaire contre le bénéficiaire et contre le tireur.

Le bénéficiaire a une action cambiaire contre le tireur.

Attention : les actions cambiaires vont toujours dans le même sens (de la droite vers la gauche)

Remarque : il existe autant d’actions cambiaires qu’il y a de souscripteurs antérieurs.

Ces actions cambiaires ont 2 caractéristiques fondamentales

– engagements autonomes.

Même s’il s’avère qu’un engagement cambiaire est nul, les autres engagements cambiaire restent valable (principe de l’indépendance des signatures).

– l’engagement cambiaire est abstrait

C’est-à-dire indépendant du rapport fondamental. C’est le principe de l’inopposabilité des exceptions.

A) Le principe de l’indépendance des signatures

Consacré par l’art L 511-5 al 2. : Si une lettre de change porte la signature de personne incapable ou des signatures fausses ou enfin des signatures qui pour tout autre raison n’engagent pas leur auteur, les obligations des autres signataires n’en sont pas moins valables.

Ce principe permet de sauvegarder la crédibilité de la lettre de change. Ça rassure les porteurs successifs

B) Le principe de l’inopposabilité des exceptions.

Art L 511-12 : les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec un autre signataire, voir même avec les porteurs antérieurs.

Schéma 3.

Hypothèse : le bénéficiaire n’a pas donné la bonne quantité de semence (ex : il ne donne que ½), le paysan a tiré une lettre de change sans voir tout de suite l’erreur. La lettre de change circule.

P2 agit cambiairement. Imaginons qu’il décide d’agir contre le tireur (le paysan). La lettre de change vaut 1000, or le paysan n’a été livré que pour 5000.

Le paysan peut-il opposer à P2 les exceptions issues des rapports personnels qu’il entretient avec le bénéficiaire ?

NON.

— Cela permet de garantir la sécurité du porteur.

On ne peut pas opposer les exceptions issues des rapports personnels avec un autre. Mais le paysan peut opposer les exceptions issues de ses rapports personnels avec P2.

Limites :

– le débiteur cambiaire peut opposer des exceptions issues de leur rapport personnel à eux deux.

– il faut que porteur soit de bonne foi pour que les exceptions soient inopposables.

– le principe ne concerne pas les vices apparents sur le titre.

§ 2 : Le rapport fondamental.

A) Le maintien du rapport fondamental.

C’est tantôt la provision, tantôt la valeur fournie.

On peut se demander si oui ou non le rapport fondamental subsiste à l’apparition du rapport cambiaire ? L’émission d’une lettre de change entraine-t-elle disparition du rapport fondamental ou extinction du rapport fondamentale par le biais d’une novation en un rapport cambiaire.

NON

— Le rapport fondamental survie à la création de la lettre de change.

Traditionnellement, le droit français a été toujours en cette faveur. De plus en droit français la novation ne se présume pas. Or il n’y a pas de formule (qui dit que les parties ont la volonté de nover) sur la lettre de change.

De plus, en droit bancaire, la remise d’un chèque en paiement ne fait pas disparaitre l’obligation qui cause cette remise.

Schéma 4.

En rouge : les actions extra cambiaires possibles.

En bleu: les actions cambiaires possibles.

Si on est le porteur P2 on a autant d’action cambiaire que de porteur antérieur. Mais en plus en vertu du rapport fondamental, on a une action contre P1 sur ce fondement. C’est une action extra-cambiaire.

B) Condition d’exercice des recours extra cambiaire.

C’est-à-dire issu du rapport fondamental.

Y a-t-il un ordre à respecter ?

  • Ecole 1 : les recours extra cambiaire sont possibles dès que la lettre de change à été présenté à l’acceptation et que celle-ci a été refusée.
  • Ecole 2: les recours extra cambiaires sont possibles dès que la lettre de change a été présentée au paiement chez le tiré et que celui-ci a refusé de payer.
  • Ecole 3 : les recours extra cambiaires sont possibles dès qu’il y a eu établissement d’un protêt

Section 2 : Influence réciproque du rapport fondamentale et du rapport cambiaire.

§ 1 :L’indépendance des 2 rapports.

La valeur du rapport cambiaire est indépendant des irrégularités qui peuvent affecter le rapport fondamental et réciproquement.

La prescription :

Les prescriptions cambiaires sont en général plus courtes (3, 1 an, 6 mois contre 10 ans en matière commerciale).

La nature de l’action

L’action cambiaire est une action qui est toujours commerciale.

Les actions extra cambiaires peuvent être commerciales ou civiles.

§ 2 : Les liens entre les 2 rapports.

L’extinction de l’une des actions entraine l’extinction de l’autre.

A) Influence du rapport fondamental sur le rapport cambiaire.

Dans le rapport de deux intervenants successifs, il est toujours possible au débiteur cambiaire d’opposer à son créancier cambiaire des exceptions issues de leur rapport personnel.

Quelques aménagements :

Depuis 1920 la mention de la valeur fournie n’est plus obligatoire sur les lettres de changes. On peut la mentionner, mais on n’est pas obligé.

Conséquence : Si la valeur fournie est assortie de garantie, les porteurs successifs recueilleront le bénéfice de la garantie

Mais si la valeur est illicite ou contraire aux bonne mœurs (ex : drogues, …). Si on le mentionne sur la lettre de change, la valeur illicite sera opposable à tout le monde. En effet c’est alors un vice apparent.

B) Influence de l’obligation cambiaire sur le rapport fondamental.

– Sur la date du paiement.

Si l’échéance de la lettre de change est plus éloignée que l’échéance de la créance de la dette originaire, on considère que l’échéance de la lettre de change s’applique également à l’échéance de la dette originaire.

— La date de la dette cambiaire l’emporte sur la date de la dette extra cambiaire.

Ex : le tireur devait payer le bénéficiaire avant 1 mois. Or la lettre de change précise qu’il y a 3 mois de délais, le délai sera de 3 mois.

– les intérêts moratoires.

Même si l’obligation extra cambiaire ne prévoit pas d’intérêt moratoire ; Le créancier cambiaire peut en exiger (art L 511-45 c.com.)