La liberté d’expression et de religion aux États-Unis

Les libertés individuelles aux Etats-Unis.

C’est un chapitre dans lequel le droit américain adopte des décisions qui sont souvent en très nette opposition avec ce qui existe en droit français. Pour bien comprendre il faudra essayer de comprendre le contexte juridique et aussi culturel. Ces libertés individuelles profitent à tous, aux américains (noirs blancs femmes …).

  • I) Liberté de pensée, d’expression et de religion.

Ces libertés sont grosso modo les mêmes et sont protégées par les mêmes textes, portée considérable du premier amendement de la constitution datant de 1792. La liberté de pensée devient concrète lorsqu’on écrit ou qu’on s’exprime donc elle est intimement liée à la liberté d’expression. La différence importante avec le droit français c’est que ces libertés ont un champ considérable. Dans l’affaire Dieudonné on nous a dit que si Dieudonné avait été sur le territoire américain il aurait pu dire ce qu’il aurait voulu, oui c’est vrai. Pourquoi la liberté d’expression est beaucoup plus vaste aux Etats-Unis ? Ce n’est pas le même contexte, la même façon d’envisager la liberté d’expression que chez nous. Cette liberté d’expression est tout sauf paternaliste, l’idée des pères fondateurs américains c’est de dire : on ne va pas combattre des idées en les interdisant on va combattre des idées nauséabondes en éduquant. Laissons faire l’éducation contre ces liberticides. C’est la plus belle conception de la liberté d’expression qu’il existe. Sauf que cette conception ne fonctionne que si on a affaire à un système ou l’éducation fonctionne, ou le peuple est éduqué. En Europe on a une vision sans doute plus pessimiste des choses, les idées de Jefferson ont fait leur temps. La propagande a déchiré l’Europe pendant la guerre. Nous avons la démonstration sur le continent européen que des idées fausses pouvaient séduire les masses, les juifs qui s’accaparent la finance. Dire que la liberté d’expression est beaucoup plus encadrée en Europe c’est vrai mais ce n’est pas le même contexte.

Aux Etats-Unis on a une liberté d’expression qui est très large, cette liberté peut être le support de faits qui peuvent nous paraitre choquants. Que le KKK vante très librement ses idées qui prônent la liberté de la race blanche etc. cela nous parait choquant mais il ne faut pas se limiter à la caricature grâce à cette liberté d’expression on a une liberté artistique incroyable aux Etats-Unis. South Park par exemple. Dans les années 90 on a un groupe de rap hardcore qui sort un album (Ice T et ses copains) « cop killer » avec un climat racial tendu, cette chanson n’a jamais été interdite. Ice T va retirer son album mais à aucun moment les juges n’ont été saisis. En France un groupe « ministère amer » a été condamné à des dommages et intérêts pour un morceau. Aux Etats-Unis cette liberté d’expression qui est extrêmement vaste peut amener le bon comme le moins bon. On a Marylin Mansion, tentative d’interdiction d’un de ses concerts dans le New Jersey. On a une décision judiciaire du juge fédéral qui va mandater les forces de l’ordre pour que le concert ait bien lieu.

Contenu et portée de la liberté d’expression et de pensée.

Le fondement textuel est le premier amendement qui dit « le Congrès ne fera aucune loi pour conférer un statut institutionnel à une religion, aucune loi qui interdise le libre exercice d’une religion, aucune loi qui restreigne la liberté d’expression ni la liberté de la presse ni le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d’adresser à l’état des pétitions pour obtenir réparation des torts subis sans risque de punition ou de représailles. » Chacun est libre d’exercer sa religion comme il l’entend aux Etats-Unis mais également sur ce volet la pas de religion d’état, laïcité des états. Liberté d’expression qui se couple avec la liberté de la presse, droit de se manifester librement. L’état peut causer du tort à ses citoyens on peut demander réparation. La nation américaine s’est fondée en rupture avec la couronne britannique ou les colons avaient très peu de liberté si ce n’est celle de se taire. La conception américaine de la liberté d’expression c’est l’éducation. Pour bien comprendre le concept américain il faut faire la comparaison, il est interdit d’interdire là-bas. La loi sur la liberté de la presse de 1881 comprend des dispositions qui sanctionnent des délits d’opinion. On a la prohibition de la contestation de certains crimes de guerre. Si on conteste publiquement la Shoah en France on est passible de la loi pénale. Dans une affaire Yahoo qui a éclaté dans les années 2000 en France. Le site est un site américain donc entreprise américaine. Yahoo avait une plateforme de vente d’objets en ligne aux enchères et disponible par internet en France, un vendeur américain vendait une série d’ustensiles provenant du 3 ème Reich (zyklon b, couteaux SS etc…) les organisations anti racistes LICRA portent plainte sur quel fondement juridique ? L’article pénalise le fait d’exposer en public certaines choses en France on ne peut pas porter un uniforme nazi. Sur le fondement de ce texte, la LICRA porte plainte devant le TGI de Paris et le 21 novembre on va demander à Yahoo de retirer ces objets de la vente. Yahoo est condamné à prendre toute mesure de nature à dissuader et de rendre impossible toute consultation sur Yahoo du service de vente aux enchères d’objets nazis.

Un juge français condamne Yahoo une entreprise américaine. La justice américaine reçoit une demande de la justice française qui lui demande d’interdire l’exposition et la vente de ces objets. En principe c’est accepté sauf si ça va à l’encontre des principes fondamentaux de la justice américaine. Yahoo va saisir la justice américaine en disant qu’elle ne veut pas exécuter la décision parce que c’est une entreprise américaine sur le sol américain et que parce que je suis une entreprise américaine située sur le sol américain je veux qu’on m’applique le premier amendement des Etats-Unis qui permet de dire ce que l’on veut et de mettre en vente ce que l’on veut. Que va dire la justice américaine, le tribunal du district de Californie en 2001 va donner raison à Yahoo en disant que mettre en vente de tels objets ce n’est qu’une expression politique. La LICRA et l’UEGF font appel et cela échoue devant une cour d’appel fédérale, elle va donner raison aux organisations antiracistes mais pas sur le fondement du premier amendement, elle va débouter Yahoo en disant que Yahoo fait du commerce partout dans le monde et accepte de ce fait de se soumettre aux lois françaises. En France c’est pénalement répréhensible aux Etats-Unis non. On a peut-être une décision qui illustre encore plus de manière frappante cette liberté ; Victora contre Saint Paul de 1992 ; On a des adolescents qui pour souhaiter la bienvenue à leurs nouveaux voisins blacks vont planter une croix en feu dans le jardin de ces derniers (symbole du KKK). Le mineur meneur Victora est poursuivi par la police locale parce qu’à l’époque dans la commune de Saint Paul un texte a été adopté visant à interdire ce type de désagréments et des débordements. Le petit Victora est condamné par la police locale en vertu de cette loi. L’avocat de Victora attaque la loi en invoquant son inconstitutionnalité. L’affaire échoue devant la cour suprême des Etats-Unis. Premier amendement liberté d’expression, ce n’est que la manifestation politique. La Cour Suprême va donner raison à l’avocat et juger la loi inconstitutionnelle. Les juges de la Cour Suprême « Les politiciens de Saint Paul sont libres d’exprimer leur hostilité à ces préjugés mais pas en imposant des limitations spécifiques à ceux qui même si c’est par manque d’instruction ne sont pas d’accord avec eux. Qu’il n’y ait ici aucun malentendu ! Le fait de brûler une croix dans le jardin d’autrui est à nos yeux une chose répréhensible mais la ville de Saint Paul a bien d’autres moyens à sa disposition pour prévenir de tels comportements sans avoir besoin d’ajouter le premier amendement au bucher. » La Cour Suprême nous dit qu’interdire est toujours la pire des choses, il y a d’autres moyens pour remédier à cela. On est dans la lignée de ce qu’avait pensé Jefferson.

Autre illustration: arrêt Texas contre Johnson, arrêt de 1989. Cela concerne une loi, une loi qui considère le drapeau comme sacré et interdit le fait de mettre le feu à un drapeau. On a une bande de jeunes qui en pleine protestation politique décident de mettre le feu à un drapeau américain ils sont poursuivis pour violation de la loi. La Cour Suprême va dire que le fait d’enflammer un drapeau est un discours politique est les lois qui l’interdisent sont inconstitutionnelles.

La liberté d’expression a un champ extrêmement vaste, sur le discours politique notamment. Le premier amendement instaure un état laïc, pas de religion d’état, séparation de l’église et de l’état en d’autres termes l’état veille à ce que cette séparation soit gardée. Lemon contre Kurtzman, cela se passe en Pennsylvanie on a un contribuable américain qui par la loi se voit obligé de payer l’impôt pennsylvanien et il essaye de savoir à quoi sert son impôt et se rend compte que l’argent qui lui est prélevé sert à financer en partie des écoles privées, étant athée cela l’embête un peu. Il fait un procès et gagne le procès devant la Cour Suprême car elle va dire séparation de l’église et de l’état et l’état doit être neutre vis à vis des religions. Tel état ne peut pas nous prélever notre argent pour financer les écoles. L’état n’a pas de religion et l’état doit laisser tout citoyen paisiblement pratiquer sa religion comme il l’entend. Chacun peut exprimer librement sa religion. Dans une décision assez intéressante la Cour Suprême se prononce sur la liberté totale : Tinker contre Desmoines c’est une décision qui s’applique à la religion : 1969 on est en pleine guerre du Vietnam et des étudiants viennent avec un brassard noir à l’école. C’est un discours de rébellion contre l’état. Ces étudiants se font interdire l’accès à l’école car on considère qu’il n’y a pas de politique, pas de religion à l’école et les enfants qui sont exclus de l’école vont faire un recours qui arrive devant la cour suprême qui nous dit que par principe, un brassard ou une manifestation de religion ne peut se faire interdire même à l’école c’est la couverture du premier amendement des Etats-Unis. Il peut y avoir des exceptions si sous couvert de manifestations politiques ou religieuses il y a un risque pour la sécurité des étudiants à l’école. La question s’est posée pour les rosaires qui dans certaines écoles étaient employées comme signe de reconnaissance des gangs. Dans ce cas-là la jurisprudence a admis l’interdiction des rosaires à l’école pour éviter que des gangs y voient des signes de ralliement au sein de l’école.

A l’école primaire aux Etats-Unis il y a un rituel le matin qui est de prêter serment à la nation américaine. Dans certaines religions c’est le l’idolâtrie de faire cela, notamment pour les témoins de Jéhovah. Est-ce que refuser de prêter serment au drapeau américain est possible ? La Cour Suprême va répondre en 1943 dans un arrêt Barnett que c’est possible et un étudiant ne peut pas être forcé. Qu’est-ce qu’une religion, c’est une croyance. Les religions classiques. Dans un arrêt US contre Ballard de 1944 la Cour Suprême des Etats-Unis va nous dire que le premier amendement n’a pas vocation à protéger un nombre limité de religions. Toute religion est susceptible d’être protégé par le premier amendement. Dès lors qu’on a affaire à une croyance sincère et qui n’est pas isolée on à affaire à une religion. Dans notre comparaison franco-américaine on s’étonne que l’église de scientologie ait été condamnée en France. Lorsqu’on est une église reconnue comme religion on a des déductions fiscales, un arrêt intéressant Church of the Lukumi Babalu de 1993. Cette église, cette secte a un certain nombre de fidèles qui pratiquent la « sorcellerie » et d’ailleurs le grand prêtre de cette église pratique des sacrifices de poulet. L’état adopte une loi qui interdit l’abattage d’animaux à d’autres fins que la consommation. Les membres de la secte vont attaquer en justice cette loi de Floride. La Cour Suprême en 1993 va décider de dire qu’une telle loi est inconstitutionnelle.

Arrêt rendu en 2006 : Gonzalez, une petite secte du brésil, pour le besoin de leurs rites ils importent un thé qui vient du Brésil, le thé est bloqué à la frontière par les douanes. Premier amendement, la secte porte plainte, liberté de religion il est interdit de prohiber l’usage de tel thé. Dès lors qu’on invoque le premier amendement en étant une religion cela devient intéressant. On a tout à fait le droit aux Etats-Unis d’être sataniste. Des lors que la pratique religieuse n’heurte pas frontalement l’ordre public on a une liberté très vaste.Un point est très paradoxal et problématique, le problème de la prestation de serment du Président sur la Bible. La position est de dire que c’est plus une tradition, un usage.

Limites à la liberté d’expression et de religion.

Elles existent comme dans n’importe quel système juridique, la liberté absolue n’existe pas. La liberté d’expression et de religion connaissent certaines limites aux USA. S’agissant de la liberté d’expression. On pouvait dire à peu près tout et n’importe quoi. Il n’en demeure pas moins que l’état fédéral ou les états fédérés peuvent décider de limiter la liberté d’expression lorsqu’il existe de bonnes justifications. Chaque fois qu’il va y avoir une limite, le critère d’appréciation sera sévère. Le principe demeure la liberté. Mais quelles sont les limites ? La principale est lorsque la liberté d’expression risque de provoquer un trouble à l’ordre public, mais le simple trouble à l’ordre public ne suffit pas. La première trace que l’on trouve de la limitation de la liberté d’expression est dans un arrêt de la Cour suprême des USA de 1919, arrêt Schenck. Il était question d’individus peu fréquentables aux USA, des gauchistes, socialistes, on est pendant la grande guerre. Le continent européen est troublé et on a la révolution de 17 prise de pouvoir bolchévique. Les idées bolchéviques commencent à se répandre. On a des socialistes qui distribuent des tracts appelant à la désertion. Question posée à la Cour suprême : les autorités fédérales interpellent et leur interdisent de les distribuer. Est ce qu’on peut interdire de distribuer ces tracts ? Elle va considérer qu’ici la restriction de la liberté d’expression est particulière. La Cour suprême nous dit que pour limiter le premier amendement, c’est lorsqu’il existe « un danger manifeste et pressant », dans ce cas-là on peut admettre une restriction. Il faut tenir compte du contexte, la décision s’explique principalement par le fait qu’on était en 1917-18 donc en période de guerre et que les appels à la désertion sont pris au sérieux. Premier jalon posé par la Cour suprême, pour pouvoir limiter la liberté d’expression il faut qu’on se retrouve devant un danger manifeste et pressant.

La Cour suprême va rendre un second arrêt notable sur ces restrictions en 1968. Dans un autre contexte particulier qui est celui de la guerre du Vietnam, arrêt USA vs Obrian. Ce sont des jeunes étudiants à l’université enrôlés pour faire la guerre et protestent. En public un groupe d’étudiants décide de prendre leur carte militaire et de les bruler en signe de protestation. A l’époque une loi fédérale interdisait ce type d’acte. La Cour suprême ici va considérer que les lois sont inconstitutionnelles mais la Cour suprême n’en est pas moins interrogée sur la question de savoir quand est ce qu’on peut limiter la liberté d’expression va reprendre l’arrêt Schenck et ajoute que le danger, la menace doit être réelle, imminente, et pas seulement virtuelle. On doit être à deux doigts de l’incident, le pas virtuel permet aux juges de faire le tri.

Ces lignes directrices posées par la Cour suprême, permettent de donner de l’information au juge. La Cour suprême nous dit bien que ces critères de vérification de la réalité du risque doivent être appréciés sévèrement et que la liberté d’expression est quasi sacrée et que les atteintes doivent se compter au compte-goutte.

Arrêt Johnson en 84, arrêt dans lequel on a des jeunes contestataires s’opposant à la politique Reagan. Lors d’une convention républicaine en 82-83, ils vont se présenter et prennent des drapeaux américains et les brulent en public et devant les membres du parti. Les individus sont interpellés vu les lois en vigueur et que c’est un acte antipatriotique. La Cour suprême va considérer que la loi est anticonstitutionnelle car bruler un drapeau ça peut être un discours d’opinion donc couvert par le premier amendement. Mais les avocats des républicains avancent devant la Cour suprême qu’il y a peut-être une bonne raison de limiter la liberté d’expression. Les critères de la Cour suprême en appréciant le critère de virtualité nous dis non, il faut caractériser, démontrer en quoi le risque était véritablement présent. Il faut apporter la preuve très concrète.

Ici la Cour suprême va déclarer la loi inconstitutionnelle et l’appréciation des risques est très sévère. La même limite existe en droit français et américain : trouble à l’ordre public. Ce sont les mêmes règles, mais ce qui différencie est que le conseil d’état en France a une vision relativement souple, alors qu’aux USA on a une appréciation rigoureuse de ces critères.

La différence vient de la mise en œuvre, pour l’américain la liberté d’expression compte beaucoup plus qu’en France.

Autre manifestation importante du trouble à l’ordre public qui permet de limiter la liberté d’expression. Théorie des fighting words, c’est à dire les mots de combat, discours de haine. Justification acceptée pour limiter la liberté d’expression. On n’a pas la même définition en France qu’aux USA. Jurisprudence de la Cour suprême des USA rendue en 42 qui détermine ce que sont les fighting words. Arrêt Chaplinski. La Cour nous dit que la liberté d’expression peut connaître certaines limites lorsqu’on est en présence d’un discours de haine. Quels sont-ils ? C’est un risque de trouble à l’ordre public, ce sont des insultes directes dirigées contre des groupes de personnes ou des personnes désignées destinées à blesser, à heurter, à provoquer un trouble à l’ordre public.

La Cour suprême ajoute qu’ici on va être en présence de fighting words lorsqu’il y a risque de rupture de la paix du fait de l’existence de ce discours haineux. Or dans le cadre de la liberté d’expression on peut tenir des discours racistes. Alors qu’elle est la différence ? Dans l’argumentation de l’arrêt Johnson de 84 est évoqué l’arrêt de Chaplinski est la Cour suprême dit : la catégorie des fighting words qui peuvent limiter la liberté d’expression est nécessairement réduite car une des fonctions de la liberté d’expression des USA est d’inciter à la controverse car dans une démocratie ça peut être important de manifester son sentiment d’insatisfaction.

La liberté d’expression en d’autres termes sert à manifester son mécontentement.

Ce qui est protégé par la liberté d’expression est le discours d’opinion selon lequel on est raciste. Ce qui est interdit c’est le discours haineux dirigé vers des personnes, destiné à blesser, et qui risque d’entrainer une rupture de paix. Discours haineux destinés à provoquer directement des troubles c’est du hate speech.

Evidemment tout va dépendre du contexte factuel. Ce n’est pas exactement la même chose, il y a l’idée d’incitation. Il faut que le risque d’atteinte à l’ordre public soit réel et non virtuel.

Autre limite concevable à la liberté d’expression, c’est la diffamation. La diffamation c’est lorsque on divulgue en public des informations mensongères visant une personne, destinées à nuire. C’est du mensonge pour nuire à autrui. Est-ce qu’au nom de la liberté d’expression je peux m’amuser à inventer des mensonges pour nuire ? Non, sous couvert de la liberté d’expression on ne peut pas dire des mensonges pour nuire. La diffamation est une limitation envisageable.

Autre limite envisageable : les intrusions dans la vie privée. Est-ce qu’au nom de la liberté d’expression j’ai le droit de divulguer des informations personnelles. La liberté d’expression couvre tout mais va se confronter à la vie privée. Si on n’a pas envie que ces informations soient divulguées, ça cause une atteinte à la vie privée.

Nuance : le droit américain distingue. La vie privée peut être une limitation au premier amendement lorsqu’il est question de la vie privée des personnes privées, c’est à dire du citoyen lambda. Mais la vie privée des personnes publiques c’est une autre paire de manche. Grosso modo, les personnes publiques aux USA n’ont quasiment pas de vie privée et face aux personnes publiques le premier amendement retrouve toute son intensité. Dès lors qu’on accepte d’être dans la vie publique on en accepte le fait de ne pas avoir de vie privée.

Il y a d’autres limites: le harcèlement moral, infliction volontaire d’une détresse psychologique. L’employeur sadique, qui tous les matins dit à son employée que c’est une grosse truie en public. Le harcèlement moral est une limite. C’est une limitation à la liberté d’expression. Ici, au nom de la liberté d’expression on ne peut pas conduire les personnes au suicide.

Et concernant la pornographie. Sur ce terrain-là, il y a différents degrés. Il y a des interdictions de visionner des films avant un certain âge. La loi, peut parfaitement prévoir que pour des raisons de risque de corruption des mineurs on interdise tels films à une catégorie. C’est une semi-limite, une partie ne peut avoir accès à l’œuvre. Ce n’est pas une véritable atteinte puisque pas de censure.

Est-ce que la pornographie peut être interdite aux USA ? Il faut distinguer. La pornographie n’est pas contraire au premier amendement, on peut montrer sous réserve des limitations. Si on est un adulte américain on a le droit de regarder de la pornographie, liberté de création, de lire ou regarder ce qu’on veut.

En revanche, l’obscénité est interdite. Le critère a été posé en 73, arrêt Miller, on cherchait à interdire ses œuvres. La question dans une américaine puritaine on s’est posé de savoir, est ce qu’on peut interdire la pornographie. La Cour suprême a opéré une distinction en disant que la pornographie est protégée par le premier amendement or, ce qui ne l’est pas est l’obscénité. La Cour suprême va tenter de définir l’obscénité, c’est un contenu sexuel offensant que ne peut supporter la norme sociale. C’est très subjectif. Qu’est-ce que la distinction entre porno et obscénité. Là où c’est plus compliqué, on accepte une claire interdiction ; la pornographie infantile. On a le droit de l’interdire. On a une claire limitation du premier amendement. Mais encore même dans ce domaine ce n’est pas toujours clair. Sur la question de la pédopornographie le premier amendement essaye de récupérer son champ d’action. Loi prévention sur la pédopornographie, loi de 1996. La loi comporte une partie qui interdit même la simple représentation, l’évocation d’enfants ou adolescents ayant des relations sexuelles. Cela veut dire qu’un livre qui parle de deux enfants ou adolescents ayant des relations cela tombe sous le coup de la loi. De mêmes deux acteurs majeurs qui se font passer dans le scénario du film pour des mineurs cela tombe sous le coup de la loi de 1996. Cette partie de la loi pose problème à des associations de défense du premier amendement.

Association free speech coalition qui décide d’attaquer cette partie de la loi. La Cour Suprême va rendre Ashcroft contre free speech coalition de 2002 ou la Cour Suprême va nous dire : « la loi de 1996 interdit la pornographie infantile qui ne dépeint pas un enfant réel, elle est considérée comme trop étendue et inconstitutionnelle. Un argument qui fera mouche ; si on applique à la lettre cette loi on interdit toute une série d’ouvrages classiques comme Roméo et Juliette notamment. » Cette partie de la loi est donc inconstitutionnelle même sur le sujet de la pédopornographie et un des juges dira que les libertés du premier amendement sont pour la plupart en danger quand le gouvernement cherche à commander la pensée ou à justifier ses lois par cette extrémité interdite, ici le spectre de la pornographie. Le droit de pensée est le commencement de la liberté et la parole doit être protégée contre le gouvernement parce que la parole est le commencement de la pensée.

L’affirmation du juge Kennedy ici va au-delà de la simple question. On sent instinctivement qu’il y a une détestation de la Cour suprême de tout ce qui borne le premier amendement.

  • II – Les limites à la liberté de religion.

On a moins de contentieux ou en tout cas il faut séparer les religions. Même si en théorie toutes les religions sont logées à la même enseigne, d’un point de vue sociologique, dans la vraie vie non toutes les religions ne subissent pas les mêmes atteintes. Pour les grandes religions classiques on n’a pas trop de contentieux. Là où on va avoir du contentieux c’est dans les petites religions émergentes, couvertes malgré tout par le premier amendement. L’état doit d’abord être neutre. Tout ce qui est aujourd’hui couvert par le premier amendement, les amateurs du paganisme, la sorcellerie, les wickas etc. … Quelques années avant on a le procès de Salem de 1692. Salem dans l’esprit américain c’est un traumatisme historico juridique qui fait que quelques années plus tard la jurisprudence américaine a reconnu que toutes les religions même les plus petites sont reconnues. Le satanisme est considéré comme une religion. On a malgré tout un fond d’intolérance et notamment dans les états du sud ou on croit en Satan. Dans un état du sud on à un professeur qui enseigne la théorie du Darwinisme et la population américaine créationniste va s’opposer au prof. La plainte est rejetée mais on voit que dès qu’on sort du puritanisme chrétien des états du sud, Salem n’est pas très loin.

On a des contentieux de garde d’enfant qui se prononcent très clairement. On retient que papa est sataniste et la garde de l’enfant est accordée en fonction de cela. On a un autre type de contentieux ou c’est très net, dans le contentieux pénitentiaire. On a encore le droit d’exercer notre culte mais pour certaines religions la jurisprudence va accepter des limitations, arrêt de 2009 rendu par une CA dans laquelle on a un adorateur qui se prétend sorcier qui pour sa pratique religieuse en prison demande à ce qu’on lui donne un tarot et des bougies. Le directeur va refuser d’octroyer un tarot en disant qu’on est en prison et que le jeu de tarot risquerait d’effrayer les autres détenus. Le directeur invoque ce risque à la sécurité des détenus. Dans ce contexte particulier, la jurisprudence va valider l’argument du directeur de prison, parce qu’il y a un risque d’émeute au nom de la sécurité des détenus, le premier amendement est réduit.

Le détenu disait que ses camarades musulmans avaient leur tapis de prière et lui n’avait pas son tarot. Il y a un traitement différent dans les faits entre les religions. Un détenu s’estime être seigneur vampire et veut être nourri exclusivement de poches de sang on lui refuse. On a le même type de décisions s’agissant de la vie civile de tous les jours ; arrêt Argello contre ville de Lincoln de 1998 d’une CA : il s’agissait d’une règlementation adoptée par la ville de Lincoln face à la recrudescence de personnes s’estimant sorcier. Pour être un bon sorcier il faut aussi gratuitement faire profiter la communauté de la magie blanche. Le maire ne supporte pas cela. On a donc une loi qui interdit la bonne aventure dans la ville de Lincoln. La loi va être attaquée en justice parce que contraire au premier amendement, contraire à la liberté d’expression et de croyance. Les juges vont considérer que cette loi est contraire au premier amendement et l’attendu est assez intéressant : » si les citoyens de Lincoln veulent connaitre leur avenir ou croire dans la lecture des lignes de la main ou en la phrénologie ils sont libres de le faire dans notre système de gouvernement. De même ils sont libres de traiter avec des établissements ou des professionnels dans l’arrêt qui présentent être versés dans ces arts. Le gouvernement n’est pas libre de déclarer illégales certaines croyances simplement parce que ça le dérange. Les citoyens ont la liberté de croire que la terre est plate, que la magie est réelle et que certaines personnes sont des prophètes. »

Ici on a le juge qui vient à la rescousse de la sorcellerie. De fait concrètement dans la vie de tous les jours les religions ne sont pas toutes logées à la même enseigne.