La liberté de groupement, de manifestation, d’association

Les libertés collectives : la liberté de se grouper

Les libertés individuelles ou collectives recouvrent la liberté de conscience (droit de croire ou non en un dieu), d’opinion (libertés politiques comme le droit de vote, et syndicales comme la liberté d’association), d’expression (droit de grève, droit au respect de la vie privée).
Les libertés individuelles et collectives, qui consistent donc à pouvoir agir et penser librement tout en respectant les libertés des autres, sont pensées dans un cadre de tolérance et de respect.

Parmi les principales libertés collectives, on trouve la liberté de se grouper qui correspond au droit de manifester ou de s’associer dans le cadre, par exemple, d’une association.

Le droit de constituer des groupements est indispensable pour agir dans des domaines variés, cependant elle est dangereuse : pendant longtemps, le droit de se grouper était soumis à autorisation préalable : sous l’Ancien Régime, jusqu’à la fin du XIXe s. En France, en 1789, la liberté de se grouper s’est manifestée avec les clubs révolutionnaires : le souvenir de ces clubs a engagé les pouvoirs publics à soumettre à autorisation tous les groupements. Distinction à partir du XIXe s. :

Section 1 : Les groupements momentanés

Il faut distinguer les réunions publiques se tenant dans un lieu clôt et les manifestations se déroulant sur la voie publique. Traditionnellement, le droit français oppose ces deux formes de groupement : s’il faut encourager la liberté de réunion il faut restreindre la liberté de manifestation car plus dangereuse.

  • &1 : Les réunions publiques

Conclusions sous CE, 29 mai 1933, Benjamin: réunion = groupement momentané de personnes, formé en vue d’entendre l’exposé d’idées, d’opinions, en vue d’une concertation pour la défense d’intérêts. Différent de l’association ( = lien permanent entre les membres).

Le but défini par le commissaire du gouvernement est trop restrictif, idéaliste. En réalité beaucoup de réunions sont des monologues d’orateurs. Peu d’échange, peu de dialogue.

Loi du 30 juin 1881, qualifiée de « grande loi de la 3ème république » : régime juridique favorable. Art 1 = les réunions publiques sont libres. Mais à l’époque il faut quand même une déclaration préalable. Depuis 1907, aucune formalité préalable n’est obligatoire. Mais il y a des conditions :

  • un bureau de 3 personnes chargé de demander la dissolution de la réunion si troubles.
  • un magistrat peut assister à la réunion pour constater des infractions éventuelles (ou un fonctionnaire de police).
  • les organisateurs doivent trouver une salle propre à accueillir le public, dans le respect des règles de sécurité.

Limite matérielle : il y a parfois seulement une salle dans les petites communes, donc risque de favoriser certaines partis politiques. La jurisprudence est venue limiter ce danger : si les salles municipales sont habituellement prêtées ou louées à ceux qui en font la demande, alors le principe d’égalité est respecté, il n’y a pas de discrimination en fonction des couleurs politiques.

CE, 29 décembre 1997, Monsieur Maugendre: le maire de rennes refuse de louer la salle au FN, ce qui est censuré par le CE.

On doit prendre les mesures nécessaires pour parer à d’éventuels troubles (résulte de la jurisprudence Benjamin). Solution de principe posée par cet arrêt : il rappelle le principe de liberté, mais il est possible de prendre en compte les exigences de l’ordre public. Condition : pas d’interdiction de réunion sans risque de rouble grave à l’ordre public, et pas d’autre moyen d’y faire face que l’interdiction. . La jurisprudence reste libérale, le principe de liberté demeure. Problème : le juge arrivait trop tard (après que l’interdiction ait produit ses effets).

Mais correction depuis l’institution du référé liberté, ex : CE, ord., 19 août 2002, FN et Institut de gestion : annulation du refus de location de salle, car il n’y avait aucun risque de trouble manifeste. Donc l’intervention en référé permet aux organisateurs de tenir la réunion.

Autres types de réunions :

  • réunions privées
  • concerts, spectacles de théâtre, régime environ identique à celui des réunions publiques.
  • spectacles « de curiosité » : cirque, sport, marionnettes… régime d’autorisation préalable, mais le refus ne peut se faire de façon arbitraire –> CE, 11 juillet 1975, Sieur Clément: contrôle de l’adéquation entre les motifs invoqués par l’autorité de police et l’interdiction du spectacle. Donc contrôle normal du juge.
  • caractère hétéroclite, les Rave party auraient dues en faire partie a priori. Ces groupements étaient totalement illicites. Une réglementation introduite par loi du 15/11/2001, article 53, déclaration préalable au Préfet, qui doit procéder à concertation avec organisateurs de Rave. Donc possible interdiction si risque grave de trouves à l’OP + il faut une autorisation préalable du propriétaire du terrain.
  • &2 : Les manifestations publiques

Régime moins favorable : dans les textes constitutionnels écrits, il n’y a aucune mention de la liberté de manifestations. Aucune grande loi. Il y a seulement un décret-loi du 23/10/1935, qui soumet les manifestations à un régime de déclaration préalable, dans une période située entre 3 et 15 jours avant le début de la manifestation.

Possible interdiction si risque de troubles à l’OP, si risque de gêne à la circulation. CE, 21 janvier 1966, Legastelois: interdiction d’un défilé car risque de gêner la circulation.

Donc un régime peu favorable.

Mais cela reste un régime de déclaration, même si souvent il a des discussions entre les organisateurs et les autorités de police, d’où emploi du terme « autorisation » par les médias, mais c’est juridiquement incorrect.

Evolution de la jurisprudence, sous l’influence de la CEDH, article 11 mentionne la liberté de réunion et de manifestation, sans distinction de régime. CEDH, 21 juin 1988: les Etats doivent adopter des « mesures raisonnables et appropriées » afin d’assurer le bon déroulement des manifestations pacifiques, licites.

Donc les Etats doivent favoriser la protection de la liberté de réunion et de manifestation. CE, 12 novembre 1997, Ministre de l’Intérieur c/ Association « Communauté tibétaine en France et ses amis : impossible de prendre des mesures excessives telles que l’interdiction générale de manifester pendant une durée trop longue (visite d’un représentant de la Chine). Caractère excessif, disproportionné : inadéquation de la mesure.

CC, 19 janvier 1995 : la liberté de manifester est une forme d’expression, donc elle a valeur constitutionnelle, c’est probablement un PFRLR.

Quand une manifestation est interdite, mais se déroule quand même, elle est illicite, cela constitue un attroupement. Les attroupements sont par définition illicites, article 431-1 du code pénal. Ils peuvent être illicites dès l’origine ou le devenir quand ils troublent l’OP ou gênent la circulation.Alors les autorités de police peuvent dissoudre les attroupements après sommation, sauf s’ils font l’objet d’attaque (dans ce cas, dissolution possible sans sommation).

Ces deux libertés ont évolués sans se rapprocher ni se confondre. Elles posent des problèmes, par ex celui des attroupements. Au-delà du régime juridique, les images, idées, qui y sont associées viennent de loin. Les manifestations sont perçues différemment par les progressistes et les conservateurs. Des manifestations ont permis des changements de régime dans l’histoire politique française. D’où la gauche est plus favorable aux manifestations que la droite. Des références politiques en résultent : « peuple de la rue », censé être plus progressiste que « peuple des bureaux de vote », plus conservateur. Il y aurait deux modes d’expression, par la rue et par le vote.

Des effets de mode à prendre en compte, les manifestations n’ont pas le même aspect partout. Le droit de pétition n’est plus du tout considéré, il est passé de mode.

Section 2 : Les associations

CC, 14 juillet 1971, Liberté d’association: fait de la liberté d’association un PFRLR. La liberté d’association a été reconnue seulement en 1901, plus tardivement que d’autres grandes libertés. Loi de 1901, très libérale dans ses titres I et II. Les associations se distinguent des syndicats dont l’objet est uniquement professionnel et des sociétés dont le but est de faire un profit.

  • &1 : Les garanties de la liberté d’association

3 catégories juridiques :

  • les associations non déclarées : sont libres. Limite : pas de personnalité morale, donc le patrimoine se confond avec celui de ses membres.
  • les associations reconnues d’utilité publique : sont reconnues comme telles par décret. Pleine personnalité juridique. Intérêt : attirer attention de l’opinion sur l’utilité de l’action à laquelle s’attache l’association. Augmentation des contrôles, notamment après des scandales, afin de rassurer l’opinion sur l’utilisation des fonds versés.
  • Les associations déclarées : les fondateurs la déclarent à la préfecture ou à la sous-préfecture, l’administration doit délivrer un récépissé. « Petite personnalité juridique », qui empêche seulement l’association de recevoir certains types de libéralités (dons et legs en principe).

En marge de la loi de 1901, les associations agrées : pas de capacité juridique, mais possible de percevoir des subventions d’Etat… mais c’est une catégorie floue. + un certain droit au recours.

Les associations déclarées ont vue augmenter leur moyens matériels, cotisations et subventions, depuis la loi de 1901. Aussi des apports en biens immobiliers (parfois des dons déguisés), des actes de commerce (à condition qu’ils restent accessoires), et des dons manuels (problème, parfois les associations sont trop riches, cf problème du financement des partis politiques).

Recours collectif admis par la cour de cassation, chambre civile, et encore plus largement admis par le CE (REP admis ++).

Liberté de rédaction des statuts : modèle de statuts fournis par l’administration ne sont pas obligatoires. La liberté de rédaction permet d’instituer des associations sans fonctionnement démocratique.

Possible protection du nom des associations.

Les associations ont un pouvoir disciplinaire à l’encontre de leurs membres.

Impossible de modifier la finalité de l’association, il faut pour cela modifier les statuts ( à l’unanimité des membres, sauf précision dans les statuts).

  • &2 : Les limites à la liberté d’association

A) La dissolution

Envisagée de façon exceptionnelle par la loi de 1901, seules les juridictions judiciaires pouvaient décider la dissolution. Mais il y en au très peu (seulement quand l’association était illicite).

Loi du 10/01/1936, période de crise des libertés, un décret en conseil des Ministres peut procéder à une dissolution d’association, quand il y a un risque grave à l’OP. Liste exhaustive :

  • Association provoquant à des manifestations armées dans les rues
  • Groupes de combat
  • But de porter atteinte par la force à la forme républicaine du gouvernement
  • But de porter atteinte à l’intégrité du territoire national.

On y ajoute aussi :

  • les associations qualifiés de « racistes »
  • les associations ayant un objectif terroriste.

Donc possible dissolution par un décret en conseil des ministres, et contrôle normal du Conseil d’Etat sur la légalité de la mesure depuis 1936.

B) La protection des membres de l’association

Les associations ont un pouvoir disciplinaire : sanction, expulsion d’un membre.

Recours est formé soit devant le juge judiciaire, soit devant le juge administratif quand l’association gère un SPA ou quand l’acte est pris en vertu de prérogatives de puissances publiques. Ex : les fédérations sportives.

Les juridictions ont effectué un contrôles sur ces sanctions, calqué sur le contrôle effectué pour le REP : légalité externe, interne, contrôle de l’adéquation…

Les limites peuvent être considérées comme légitimes.

Attachement très fort à la loi de 1901, loi simple, claire, précisant les régimes juridiques opérationnels, fondée sur des principes libéraux très simple (principe de confiance vis-à-vis des administrés).

Les articles 431-1 à 431-21 permettent de sanctionner les entraves à la liberté de se grouper et de sanctionner les comportements illicites. Ex : organisation d’un attroupement (pas la participation), participation armée, organisation et/ou participation à un groupe de combat…