La loi et les autres sources du droit

LA LOI COMME SOURCE PREMIERE DU DROIT (et les autres sources)

La loi, on peut l’entendre comme synonyme de règle de droit ou dans un sens plus technique la règle de droit issu du Parlement et c’est sous cet angle que nous allons l’envisager. Nous étudierons principalement la loi dans ce chapitre, puis nous étudierons d’autres sources moins importantes du droit tels que, par exemple, la coutume ou les règles de déontologie.

  1. Le législateur parlementaire : la loi

—> La procédure d’élaboration de la norme propre au mécanisme parlementaire est très sophistiquée

  1. Présentation théorique et idéale du législateur

—> Idéalement, la loi est un acte de raison délibéré par les représentants du peuple et la procédure d’adoption de la loi va favoriser cette délibération en permettant que cette maturation de la règle légale soit éclairée par des discussions, échanges de points de vue, analyses tout au long d’un processus bien séquencé d’adoption dans le texte.

=> La procédure (manière de faire) doit être la garantie de sa qualité du produit auquel elle aboutit

  • 1) La phase d’initiative

—> Savoir qui a l’initiative législative est une question stratégique et elle est en principe partagée entre le gouvernement et le Parlement, ce qui assure un équilibre des pouvoirs dans la droite ligne de la pensée de Montesquieu, la préparation du texte étant l’objet de certains débats établis.

  1. L’initiative gouvernementale

—> Quand l’impulsion vient du gouvernement, l’expression technique est celle de projet de loi qui est élaboré par les services du ministère intéressé par les sujets dont il traite.

—> En principe le projet est ensuite transmis au ministère du droit c’est à dire à la chancellerie (place Vendôme) où les juristes vont mettre un peu de technicité et de qualité sur le travail du bureau du ministère concerné.

=> Pour les textes ayant une véritable importance on fera même appel à des experts extérieurs

—> Une fois l’avant projet arrivé à un stade de qualité, il va être soumis au Conseil d’Etat étant une vieille institution napoléonienne (place du Palais royal) composée de juristes de droit public et il remplit un double rôle d’une part en donnant un avis sur le projet de loi et d’autre part juridiction.

—> On peut remarque que soumettre des textes de droit privé à des juristes de droit public n’est pas la meilleure manière d’obtenir le meilleur résultat.

—> Enfin le projet est présenté au Conseil des ministres qui l’adopte puis le transmet à l’Assemblée ou au Sénat donc au Parlement pour des considérations politiques et la chambre rendue destinataire va le recevoir puis va l’inscrire à l’ordre du jour des discussions non pas en séance mais en commission c’est à dire les organes parlementaires chargés de la discussion préparatoire au vote en séance.

—> Chaque chambre comprend tout un ensemble de commissions thématiques (commission des lois, de l’agriculture, etc.) ou les députés s’inscrivent selon leur domaine de prédilection et leurs affinités avec les sujets traités dans une commission.

=> La transmission en commission marque la fin de la phase préalable.

  1. L’initiative parlementaire

—> On parle alors de proposition de loi n’ayant pas la même genèse que le projet de loi puisque le texte est élaboré par un parlementaire éventuellement avec de l’aide (experts, collaborateurs…).

—> Une fois qu’il a aboutit à une rédaction qui lui semble bonne, il va soumettre sa proposition à son groupe politique puis ce dernier va décider de la retenir ou pas pour l’inscrire parmi les textes qu’il peut soumettre à la discussion parlementaire (credo réservés à la discussion des textes émanant des parlementaires eux-mêmes).

—> Si la proposition a été retenue par le groupe alors elle va partir en commission, commission compétente sur le sujet dont elle traite et c’est la fin à nouveau de la phase préalable.

=> Les propositions de loi ne sont pas soumises à l’avis préalable du Conseil d’Etat

  • 2) La phase de discussion parlementaire
  1. La discussion en commission

—> Chaque commission comprend un représentant du Parlement et sont aidés par divers administrateurs de l’Etat puis elle va nommer un rapporteur pour chaque texte qui va l’étudier

—> Les membres de la commission vont alors pouvoir apporter différents amendements au texte qui seront repris ou non par la commission.

—> Une fois les discussions terminées le rapporteur rédige et récapitule les différents amendements soutenus par la commission en argumentant à chaque fois.

=>Le bureau de la chambre en question va ensuite pouvoir fixer le texte à la discussion en séance publique.

  1. La discussion en séance

—> Aujourd’hui le texte est présenté devant la chambre devant laquelle il est discuté et en séance la discussion se réamorce, chaque député ayant reçu un exemplaire du texte et du rapport.

—> Tous les députés qui souhaitent s’exprimer sur le texte en question vont pouvoir s’inscrire sur les listes de prise de parole auprès du président de l’assemblée et le ministre prend la parole, suivi du rapporteur puis chaque groupe politique va donner son avis.

—> On en vient ensuite à la discussion article par article, chaque article étant lu et le président de séance énonce les différents amendements dont cet article fait l’objet, ceux soutenus par la commission ou par les parlementaires à titre individuel, et on vote.

—> Une fois que tous les articles ont été discutés, votés et éventuellement amendés, il y a un vote final et c’est la fin de la première lecture du texte qui part alors normalement au Sénat et soit celui-ci reprend le texte exactement dans les termes de l’assemblée (processus législatif terminé) soit il va modifier un certain nombre de choses, le texte repartant ainsi à l’assemblée qui doit revoter le texte, c’est la deuxième lecture.

=> Le texte ainsi recorrigé repart au Sénat où il fait l’objet de tout un processus de discussion.

—> Si le Sénat n’accepte toujours pas le texte dans les mêmes termes que l’assemblée alors le premier ministre peut intervenir pour que l’assemblée tranche en dernière lecture après discussion.

=> Texte définitivement adopté mais cela ne veut pas encore dire que c’est une loi

  • 3) La phase postérieure au vote
  1. Le contrôle éventuel du Conseil constitutionnel

—> Le Conseil constitutionnel se borne à contrôler la conformité du texte voté par le Parlement à la Constitution, aux dispositions du préambule de la Constitution ainsi qu’aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et s’il valide le texte ou qu’il n’a pas été saisi on passe à la promulgation.

  1. La promulgation

—> Le texte voté est renvoyé en principe au premier ministre (Hôtel Matignon) qui va alors le transmettre au président de la république qui aura 15 jours pour le promulguer.

—> La promulgation c’est en fait la signature d’un décret de promulgation par le président de la république et c’est du jour de sa promulgation que la loi tire sa date et son numéro dans l’année.

—> Pendant le délai de 15 jours, le président peut en principe demander une nouvelle lecture si le texte ne lui convient, lecture obligatoire et si l’assemblée l’adoptait dans les mêmes termes le président serait obligé de la promulguer (cela n’arrive jamais).

  1. La publication

—> La loi doit être publiée au JO pour que les citoyens puissent en prendre connaissance et elle prend effet le lendemain de cette publication.

=> Idéalisme du processus parlementaire car il est parfait en théorie et si nous vivions dans un monde parfait il en serait une illustration imminente mais la réalité est moins belle que ce qu’imagine les créateurs de cette procédure.

  1. Le législateur tel qu’il fonctionne concrètement

—> La présentation théorique reflète l’idée de séparation des pouvoirs censée garantir un équilibre entre les pouvoirs mais en réalité le pouvoir législatif est passé sous le contrôle du gouvernement.

—> Le député qui n’est pas d’accord avec le gouvernement, théoriquement il devrait pouvoir voter contre mais concrètement s’il le fait il se met en opposition avec son propre parti et risque de ne plus être investi aux prochaines élections.

—> Finalement, à cause de cette pression qui s’exerce sur la liberté de parole parlementaire, tout le processus de discussion est largement faussé et le gouvernement maîtrise l’élaboration du texte d’abord par la maîtrise du calendrier législatif (questions à l’ordre du jour), le Parlement ayant tout de même une petite part d’initiative (déposition et proposition de textes) mais uniquement car cela sert les intérêts du gouvernement (les propositions de lois ne passent pas devant le Conseil d’Etat).

—> Le gouvernement peut déclarer l’urgence d’un texte pour supprimer la deuxième lecture donc il s’assure une maîtrise complète de l’élaboration de la loi, le ministre étant chargé des relations avec le Parlement s’assurant que celui-ci respecte bien les désirs du gouvernement.

—> Les attributions des postes clés des différents organes décisifs dans l’élaboration ne sont pas attribuées au hasard et de la même façon on voit qu’avant chaque amendement il y a l’avis du gouvernement.

—> Ainsi l’élaboration de la loi parlementaire est devenu un acte plus politicien que politique et il est très intéressant d’observer que plus le pouvoir du Parlement a été absorbé par le pouvoir exécutif plus les juges ont eu tendance à s’affranchir de la loi.

—> La loi parlementaire reste cependant le modèle sur lequel chacun se fixe pour élaborer collectivement des règles de droit, les autres faiseurs de règle cherchant souvent à imiter ce processus pour établir leurs propres règles.

  1. Les quasi législateurs : les autres sources du droit

—> La règle est le meilleur moyen de gouverner une société, une collectivité et les processus d’élaboration sont divers mais moins sophistiqués que ceux ayant lieu au Parlement.

=> Cela ressemble à la loi par la force mais cela diffère quant à la source

—> On peut donc distinguer les sources privées et les sources publiques.

  1. Les sources privées

—> Très classiquement, la plus ancienne règle connue est la coutume

  • La coutume
  1. Définition

—> La coutume est une règle de comportement (conduite) ou technique (résolution d’un conflit) spontanément observé par le corps social sans intervention d’une autorité supérieure.

=>Ce n’est pas imposé, la coutume est produite d’elle-même par le corps social (immanente)

—> La plupart des coutumes sont juridiques et sont sanctionnées par un juge, le droit de la femme de porter le nom de son mari n’est posé par aucune texte de loi par exemple mais c’est une coutume dont on tire des conséquences juridique mais la bague de fiançailles par exemple n’est pas une coutume juridique.

=>A Mayotte, on déroge aux dispositions du Code civil (cf. Livre IV).

—> Cependant en général la règle de droit prime mais la coutume est une source dont la présence est plus ou moins importante selon les branches du droit et notamment les branches qui se dédient à des activités professionnelles font une place plus importante à la coutume.

—> Les usages peuvent être largement considérés comme synonyme du mot coutume mais concerne plutôt une sous collectivité déterminée et dès qu’il y a une collectivité organisée la place de la coutume reprend de son importance (bancaire, universitaire…)

—> Chaque communauté a besoin d’une organisation renforcée des comportements et de pratiques qui lui soient spécifiquement adaptées.

  1. Caractères

—> Il y a 2 caractères : élément matériel et élément psychologique

—> L’élément matériel c’est la répétition, la constance (« une fois n’est pas coutume ») et l’élément psychologique qu’on appelle l’opinio necessitatis (opinion de la nécessité) c’est à dire le constat factuel qu’au sein de la communauté considérée tous les membres ont le sentiment qu’il est nécessaire que la règle soit obéit.

=>La coutume est au corps social ce que l’habitude est à l’individu

  1. Psychologie

—> Secundum legem : la coutume qui vient seconder la loi et cela désigne toutes les hypothèses où la loi s’en remet à la coutume pour déterminer comment elle (la loi) va s’appliquer (exemple : article 1135 le texte vise l’usage et prescrit donc que le juge puisse compléter le contrat à ce qu’il est usage d’y mettre).

—> Praeter legem : la coutume qui vient s’ajouter à la loi sans que celle-ci prescrive cet ajout et qui vient compléter les dispositions d’une loi sans que celle-ci n’en fasse la demande.

—> Contra legem : la coutume peut-elle contrarier la loi ? Normalement non car la loi est une source supérieure mais il est vrai qu’il existe toujours des contres exemples.

—> Par exemple, la tauromachie a toujours posé problème car si on a une analyse juridique c’est l’abattage de bétail, or il y a des réglementations précises pour cela et on peut considérer que la tauromachie est contraire à la loi mais on peut aussi considérer que c’est une tradition locale donc une coutume.

=> La loi a admis la tauromachie dans les territoires où elle constituait une tradition locale ininterrompue.

—> Autre exemple, on n’a jamais assigné un boxeur pour coups et blessures volontaires comme c’est prévu par la loi ou encore le coiffeur qui ne jette pas les cheveux qu’il coupe car ça se revend revenant à céder des éléments du corps humain ce qui est normalement interdit.

« De minimis non curat praetor » (le juge n’a cure des petites choses)

  • Les règles posées par une autorité collective privée

—> Cette question se sépare de la coutume car les règles ne proviennent pas d’une pratique spontanément générée par le corps social mais elles sont édictées par une autorité, par un chef de communauté.

—> Les règles déontologiques dont certaines professions sont dotées peuvent assez aisément rentrer dans cette catégorie car elles sont en effet posées par des autorités instituées, des ordres professionnels (règlement du barreau, code de déontologie médicale…).

—> Au-delà des ordres, on trouve aussi les fédérations sportives (règles régissant les membres) ainsi que les associations (chambres syndicales…) produisant des règlements intérieurs qui s’imposent à leur membre (associations de quartier ou nationales) mais aussi l’entreprise (chef d’entreprise régnant sur une collectivité et qui va fixer certains règlements que devront suivre les salariés) ou la copropriété (votes).

—> Il y a un phénomène normatif réel de création au sein des collectivités privées se faisant sur le modèle plus ou moins simplifié du législateur parlementaire qui peut tirer son pouvoir de la loi ou de la simple volonté des membres composants la collectivité (association par exemple) et de manière assez générale les 2 phénomènes se mélangent dès que la production normative présente une importance politique particulière (au plan national notamment) conférant ainsi une certaine onction publique.

—> Exemple : phénomène des conventions collectives en droit du travail, conventions signées entre les syndicats et les représentants des chefs d’entreprise qui peuvent donner tout un ensemble de droit ou régler les droits des salariés dans telle branche des collectivités.

—> C’est un accord privé donc qui ne devrait concerner que les membres du syndicat mais comme ce sont des questions socialement importantes l’Etat va les reprendre à son compte sous forme d’arrêté en étendant les dispositions de la convention collective à des gens qui ne l’ont pas signé (toute l’entreprise).

  1. Les sources publiques

—> Ce sont tous les règlements (actes réglementaires) c’est à dire les actes posés par un ministre et ses délégués ou par une autre autorité administrative habilitée à ce faire.

=> 2 sources principales : les administrations et les autorités administratives indépendantes

  • Les administrations

—> L’Etat est divisé en plusieurs administrations qui sont toutes dirigées par un ministre qui pose soit des décrets, soit des arrêtés, soit des circulaires ou des instructions (administrations d’Etat) puis à côté il y a les administrations relevant des collectivités territoriales (conseil territorial, général, mairie…) qui sont sources également de règles par le biais de leurs assemblées délibérantes.

  • Les autorités administratives indépendantes (AAI)

—> Ce sont des entités de droit public qui ont été créées par la loi pour réguler les pratiques professionnelles sur certains marchés c’est à dire que la création de ces autorités s’inscrit dans un mouvement sociologique plus large.

=> Multiplication des agents de l’Etat, des ressources = solution impossible (coût, inefficacité)

—> Réguler c’est à dire fixer des normes de bon comportement et avoir un pouvoir de sanction afin de les faire respecter (par exemple, la télévision s’est développée dans les années 50, il y avait une chaîne en noir et blanc et c’était géré par l’Etat puis l’évolution technique a fait que les équipements et les chaîne se sont multipliés, le marché s’est développé donc l’Etat s’est mis légèrement en retrait et à créer le CSA qui fixe des règlements que doivent respecter les chaînes télévisée).

=> Etablissement de bons comportements dans le marché considéré

—> Le contentieux de leurs actes relèvent parfois du juge administratif parfois du juge judiciaire et sont surtout sources de normes.

—> La loi parlementaire a donc été le modèle dont s’inspire la plupart des collectivités privées ou publiques qui doivent produire des normes pour réglementer les comportements en leur sein mais cette puissance ne doit pas faire illusion car la loi parlementaire a vu son prestige décliné depuis 60 ans environ.