La loi pénale dans le temps

Le champ temporel : l’application de la norme pénale dans le temps

Détermination du champ d’application du texte pénal dans le temps, entre son entrée en vigueur et son abrogation.

Entrée en vigueur : L’article 1er du code civil prévoit dans sa nouvelle rédaction issue de l’ordonnance du 20 février 2004 (n°2004-164 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs), « Les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures. En cas d’urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l’ordonne par une disposition spéciale. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels. »

Le principe : L’entrée en vigueur a lieu le lendemain de la publication au J.O.

Les aménagements : la date d’entrée en vigueur est prévue expressément par le texte. Le texte nécessite pour son application des mesures complémentaires, l’entrée en vigueur du texte est reportée à la date d’entrée en vigueur des décrets ou arrêtés d’application.

L’abrogation :

L’abrogation peut être expresse : le nouveau texte déclare l’ancien article abrogé ex. : la loi du 16 décembre 1992 abroge le code pénal antérieur.

L’abrogation peut être tacite : en cas d’incompatibilité entre le nouveau texte et l’ancien ce dernier est abrogé sous réserve de respecter la hiérarchie des normes.

Certaines lois dites temporaires, visent expressément la durée de leur application Ex. : loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne prévoyait pour son chapitre V consacré au renforcement de la lutte contre le terrorisme, des dispositifs qui s’appliqueraient jusqu’au 31 décembre 2003 (modifié par la loi du 8 mars 2003 qui a pérennisé les dispositions).

La mise entre parenthèses de l’application de la loi : la loi d’amnistie : La loi d’amnistie fixe la date en deçà de laquelle des faits commis, ne pourront ni être poursuivis, ni être condamnés

— L’amnistie est accordée

Soit en raison de la nature de l’infraction (ex. : infractions liées à des conflits collectifs du travail, contraventions au stationnement …)

Soit en raison de la nature de la peine (ex. : seront amnistiées les faits condamnés à un TIG, délit puni uniquement d’une amende…)

Soit en raison du taux, du quantum de la peine (ex. : seront amnistiées les faits condamnés à une peine d’emprisonnement de moins de trois mois avec sursis)

Soit enfin, en raison de la qualité de l’auteur des faits (ex. Personne ayant rendu des services à la nation, ancien combattant, jeune de moins de 21 ans).

Si les faits n’ont pas encore été poursuivis au jour de l’amnistie, les poursuites ne seront pas engagées. Si les faits ont donné lieu à un jugement non encore définitif, la juridiction saisie devra relaxer la personne poursuivie. Dans ces deux hypothèses l’action publique est éteinte du fait de l’amnistie, Enfin, si les faits ont été jugés définitivement, la condamnation est effacée en vertu de l’article 133-9 du code pénal. La loi d’amnistie met ainsi certains faits hors du champ d’application de la loi pénale, sans pour autant remettre en cause l’existence de cette loi pénale. Une fois cernée l’existence de la norme pénale, cette dernière va produire ses effets en principe, à compter de son entrée en vigueur et jusqu’à son abrogation, elle s’appliquera aux faits commis pendant cette période. Toutefois, entre le moment des faits et le moment du jugement, peut intervenir un nouveau texte. C’est alors que peut survenir un conflit de textes dans le temps : quel texte choisir ? Celui applicable à la date des faits ou celui en vigueur à la date du jugement ?

Le code pénal actuel fournit l’essentiel des solutions face à ce conflit de textes en distinguant d’une part, les lois de fond et d’autre part, les lois de forme. (Articles 112-1 et suivants du Code Pénal)

§ 1. Les lois de fond

A) Deux principes: la non-rétroactivité de la loi pénale et la rétroactivité in mitius

Article 112-1 Code pénal

al. 1 Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ontété commis.

al. 2 Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date. Il s’agit ici de l’énoncé du premier principe : la non rétroactivité de la norme pénale

al. 3 Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.

Il s’agit ici du second principe celui de la rétroactivité de la norme pénale plus douce ou de la rétroactivité in mitius, complétant le premier principe de la non rétroactivité in pejus.

1. La valeur et la justification de ces principes

a) La non-rétroactivité

Associée au principe de la légalité dès la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 à l’article 8. Ce principe a valeur constitutionnelle (bloc de constitutionnalité cf. DC82-155 du 30 décembre 1982, donc 86-215 du 3 septembre 1986, donc 93-325 du 13 août 1993), il a également une valeur supranationale car il est présent dans plusieurs textes régulièrement ratifiés par la France comme la DUDH (art. 11), la CESDH (art. 7§1) ou le Pacte de New-York relatif aux droits civils et politiques (art. 15-1). Il existe une pluralité de sources de ce principe.

b) La rétroactivité de la loi pénale plus douce

Affirmation du principe dans le code pénal à l’article 112-1 al. 3. Le conseil constitutionnel dans une importante décision du 19-20 janvier 1981 décide que « le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne, la loi pénale plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon le législateur ne sont plus nécessaires. »

Le conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article 8 de la déclaration de 1789 (la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires) qui énonce aussi le principe de la légalité criminelle. Le principe de rétroactivité in mitius est aussi l’expression du principe de la légalité. Il est reconnu également par le Pacte de New-York, (article 15§1 « Si postérieurement à l’infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. »), ce qui lui confère une autorité supranationale confirmée aussi au niveau de l’Union Européenne (CJCE dans un arrêt du 3 mai 2005 – Berlusconi et autres, RSC 2006, p. 163- a pu préciser qu’une directive ne pouvait avoir pour conséquence l’application rétroactive d’une loi plus sévère ni empêcher l’application immédiate d’une loi plus douce. Ce principe est reconnu comme un principe général de droit communautaire par la CJCE) et au niveau du Conseil de l’Europe (CEDH Grande chambre 17 septembre 2009 Scoppola c/ Italie (n°2) §106 : art. 7§1 garantit le principe de non rétroactivité des lois pénales plus sévères et le principe de rétroactivité in mitius).

Ces principes s’appliquent à la loi comme au règlement.

S’agissant des solutions jurisprudentielles, en particulier des revirements, les solutions sont distinctes, en droit interne et en droit européen conventionnel. Pour la chambre criminelle de la cour de cassation, « le principe de non rétroactivité ne s’applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle » (Chambre Criminelle 30 janvier 2002, Bull. 16). Tandis que la CEDH est plus nuancée : elle estime qu’il ne peut y avoir de rétroactivité du revirement s’il est imprévisible et/ou incohérent (CEDH 24 avril 1990, Kruslin c/ France §29, CEDH 20 janvier 2009, Sud Fondi c/Italie, §108, CEDH 10 juillet 2012, Del Rio Prada c/Italie).

Situations particulières :

appréciation d’une situation devant la cour de cassation Depuis 1872, la cour de cassation revoit les situations pendantes devant elle. Elle ne censure pas stricto sensu les juges du fond qui ont correctement statué au regard du droit en vigueur au moment où ils se sont prononcés, elle annule la décision non conforme au droit nouveau.

Lorsqu’un texte nouveau supprime une incrimination : art. 112-4 al. 2 Code pénal « Toutefois, la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale » La peine n’est plus exécutée, mais la condamnation persiste.

2. L’application des principes

Le champ d’application de chacun des principes définis précédemment, se délimite sur le fondement du caractère plus doux ou plus sévère du texte nouveau par rapport à l’ancien. Pour aborder ce problème de conflit de lois dans le temps, il faut donc procéder à une comparaison entre les deux textes en conflit pour déceler le caractère plus rigoureux ou plus clément.

a) Le texte nouveau est simple

à propos de l’incrimination

Un texte plus doux:

Lorsqu’il supprime une incrimination

Lorsqu’il introduit un nouveau cas d’irresponsabilité pénale

Lorsqu’il définit plus restrictivement une infraction, notamment en ajoutant des conditions à la qualification.

Un texte plus sévère :

·Lorsqu’il instaure une nouvelle incrimination

·Lorsqu’il procède à une extension du champ de l’incrimination, notamment en supprimant des conditions à la qualification.

à propos de la sanction

Un texte plus doux :

·Lorsqu’il supprime une peine

·Lorsqu’il remplace la peine antérieure par une peine moins sévère

·Lorsqu’il supprime une circonstance aggravante

·Lorsqu’il procède à une correctionnalisation ou contraventionnalisation

Un texte plus sévère :

·Lorsqu’il instaure une nouvelle peine

·Lorsqu’il augmente l’échelle des peines

·Lorsqu’il introduit une nouvelle circonstance aggravante

·Lorsque la contravention devient un délit, le délit devient un crime

·Lorsqu’il aggrave les règles de récidive

b) Le texte nouveau est complexe

Le texte est divisible ; la jurisprudence en fait une application distributive

Le texte est indivisible ; le texte forme un tout autour de la disposition principale. La jurisprudence peut porter une appréciation globale sur le texte.

B) Les aménagements aux principes

1. La loi rétroactive : situation contraire aux principes constitutionnels (cf. Loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité)

2. La loi interprétative : elle fait corps avec la loi qu’elle interprète, elle n’est pas vraiment nouvelle

3. la loi déclarative : elle déclare explicitement une règle préexistante (Cf. Loi du 26 décembre 1964 relative à l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité)

4. la loi modifiant le régime d’exécution d’une peine : loi pénale de fond ou de forme ? Article 112-23° Code pénal : application immédiate sauf lorsqu’elle a pour effet de rendre plus sévère les peines prononcées par la décision de condamnation.

5. la loi créant des mesures de sûreté :

Ex. De la surveillance judiciaire et placement sous surveillance électronique Conseil Constitutionnel 8 décembre 2005 donc 2005-527 « 11. Considérant que les requérants soutiennent que le placement sous surveillance électronique mobile constitue une peine ou une sanction ; qu’ils en déduisent que le législateur ne pouvait prévoir son application immédiate sans méconnaître le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions résultant de l’article 8 de la Déclaration de 1789; 12. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : » La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu’il s’ensuit que le principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère ne s’applique qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition ; 13. Considérant, en premier lieu, que la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné ; qu’elle constitue ainsi une modalité d’exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ; 14. Considérant, en second lieu, que la surveillance judiciaire, y compris lorsqu’elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l’application des peines ; qu’elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu’elle a pour seul but de prévenir la récidive ; qu’ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction ; 15. Considérant, dès lors, que le législateur a pu, sans méconnaître l’article 8 de la Déclaration de 1789, prévoir son application à des personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi »

Exemple : Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 16 déc. 2009, Bull. 216, à propos des mesures prévues aux articles 706-135 et 706-136 Code de procédure pénale à l’encontre d’une personne déclarée irresponsable pénalement pour trouble mental.

« …Vu les articles 112-1 et 112-2 du code pénal ; Attendu que les dispositions du premier de ces textes prescrivant que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date de l’infraction ne s’appliquent pas aux mesures de sûreté prévues, en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par les articles 706-135 et 706-136 du code de procédure pénale issus de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 ; Attendu que, selon le second de ces textes, sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur les lois fixant les modalités de poursuites et les formes de la procédure ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt et des pièces de la procédure que D…a été mis en examen, le 23 novembre 2005, pour assassinat, tentative d’assassinat et violences ; qu’il a fait l’objet d’expertises qui concluaient qu’il était atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ; que, le 10 mars 2009, le juge d’instruction a rendu, en application de l’article 706-120 du code de procédure pénale, une ordonnance constatant qu’il existait contre le mis en examen des charges suffisantes d’avoir commis les faits reprochés et qu’il y avait des raisons plausibles d’appliquer le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, et décidant de la transmission du dossier de la procédure aux fins de saisine de la chambre de l’instruction ; Attendu que, pour constater que la procédure prévue par les articles 706-119 et suivants du code de procédure pénale n’était pas applicable, que sa saisine n’était pas régulière et pour ordonner la mise en liberté de D…, la chambre de l’instruction énonce que les mesures individuelles prévues par les articles 706-135 et 706-136 du même code, qui peuvent être prononcées par la chambre de l’instruction à l’égard d’une personne déclarée irresponsable pénalement, constituent des peines ; que les juges ajoutent qu’une procédure ayant pour effet de faire encourir de semblables mesures, non applicables à la date de la commission des faits, ne saurait être appliquée immédiatement ; Mais attendu qu’en l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ; D’où il suit que la cassation est encourue ;… »

6. La loi temporaire : elle fixe elle-même un terme à son application

7. la loi de circonstance en matière économique ou fiscale :

La chambre criminelle depuis 1987, admet que « en l’absence de disposition contraire, une loi nouvelle même de nature économique, qui prévoit des peines plus douces, s’appliquent aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés. »

Conseil constitutionnel 3 décembre 2010 – Décision N° 2010-74 QPC

« 3. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doitétablir que des appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ; que, dès lors, sauf à ce que la répression antérieure plus sévère soit inhérente aux règles auxquelles la loi nouvelle s’est substituée, le principe de nécessité des peines implique que la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; »

Une application restrictive du principe de rétroactivité in mitius.

Les règlements (au sens interne du terme) en matière économique, ne peuvent rétroagir même s’ils sont plus favorables

Ex. : Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 7 juin 1990, Bull. 232.

« Lorsqu’une disposition législative, support légal d’une incrimination, demeure en vigueur, l’abrogation de textes réglementaires pris pour son application n’a pas d’effet rétroactif. Méconnaît ce principe et encourt la censure de ce chef l’arrêt d’une cour d’appel qui, saisie de faits de non-rapatriement de revenus, tels que visés par l’article 6 du décret du 24 novembre 1968, énonce qu’un texte réglementaire ayant, postérieurement à l’engagement des poursuites, abrogé les dispositions du décret précité, cette abrogation a retiré aux faits poursuivis leur caractère punissable, alors que la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger et l’article 459 du Code des douanes, support légal de l’incrimination, demeurent en vigueur. En application du même principe, l’abrogation des décrets du 27 janvier 1967 et du 24 novembre 1968 par le décret du 15 janvier 1990 modifiant et complétant le décret du 29 décembre 1989 est sans incidence sur la poursuite en cause, ce qui justifie le renvoi de l’affaire pour être jugé conformément à la loi alors applicable (2). »

8. Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées : Cette limite au principe de non-rétroactivité, est visée expressément par des textes internationaux comme le Pacte de New-York relatif aux droits civils et politiques (article 15§2) et l’article 7 §2 de la CESDH qui après l’énoncé de la non-rétroactivité, dispose « Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. ». Ainsi, ce texte permet de déroger au principe de non-rétroactivité en autorisant la répression d’actes non prévus par une disposition répressive au moment de leur commission, en se fondant sur l’atteinte particulière que constituent ces actes, atteintes à des valeurs essentielles des nations civilisées.

CEDH 22 mars 2001, S., K. Et K. C/ Allemagne (R.S.C. 2001, 639 ; obs. F. Massias)

« Une pratique qui méconnaît de manière flagrante les droits fondamentaux et surtout le droit à la vie, valeur suprême dans l’échelle des droits de l’Homme au plan international, ne saurait être protégée par l’article 7 de la CESDH ».

§2. Les lois de forme

A) Le principe: l’application immédiate

Article 112-2 Code pénal:

« Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :

1. Les lois de compétence et d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance ;

2. Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ;

3. Les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines ; toutefois, ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ; Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l’action publique et à la prescription des peines.»

1. la signification du principe

Approche négative : ce n’est pas la rétroactivité de la loi nouvelle ni la survie de la loi ancienne

Approche positive : champ d’application du texte ancien et du texte nouveau à partir de la date d’entrée en vigueur du texte nouveau

– avant cette date, application de la loi ancienne

– après cette date, application de la loi nouvelle

2. la justification du principe

L’intérêt de la loi nouvelle réputée meilleure que la loi ancienne La bonne administration de la justice

B) Les nuances dans l’application

Distinction selon le type de loi de forme

1. Les lois sur l’organisation judiciaire et la compétence

Art. 112-2 Code Pénal « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :

1° Les lois de compétence et d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance ; … »

Ex. : Chambre Criminelle 7 mai 1987 (Bull. 186) la loi du 30 décembre 1986 instituant une cour d’assises spéciale en matière de terrorisme s’applique immédiatement.

Chambre Criminelle du. 24 janvier 2007 (Bull. 19) à propos des compétences de la HALDE en matière de discriminations.

2. les lois de procédure proprement dites

Art. 112-2 Code Pénal « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : …

2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ; Ex. : Chambre Criminelle. 21 juin 1995 (Bull. 231) : le code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 oblige le juge correctionnel à motiver ses décisions de condamnation à l’emprisonnement sans sursis. Cette mesure selon la chambre criminelle est d’application immédiate depuis le 1er mars 1994 alors même que l’infraction en cause est antérieure à cette date. Cependant, selon un arrêt du 3 octobre 1994 (Chambre Criminelle 3 octobre 1994, Bull. 312), cette mesure ne rétroagit pas sur les décisions prononcées avant le 1er mars, alors même qu’elles ne seraient pas motivées, ces décisions demeurent valables. [Art. 112-2 3° relatif au régime d’exécution et d’application des peines vu précédemment].

3. Les lois relatives à la prescription

Art. 112-2 Code Pénal « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : …

4° Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l’action publique et à la prescription des peines. » Depuis la loi du 9 mars 2004, alors même qu’elles instaurent un régime plus sévère.

Ex. Chambre Criminelle de la Cour de Cassation 7 nov. 2007, Dr. Pén. 2008, comm. 27

4. Les lois relatives aux voies de recours.

Art. 112-3 du code pénal: « Les lois relatives à la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours ainsi qu’aux délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité des personnes admises à se pourvoir sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées après leur entrée en vigueur. Les recours sont soumis aux règles de forme en vigueur au jour où ils sont exercés ».

Le texte nouveau n’est pas applicable aux procédures en cours. On assiste ainsi à la survie de la loi ancienne s’agissant du droit de recours. C’est ici le texte en vigueur au jour de la décision contre laquelle le recours est formé, qui est appliqué. Le texte nouveau n’est applicable qu’aux recours formés après son entrée en vigueur. En revanche, à propos de la forme du recours (mode de signification) le texte nouveau est immédiatement applicable.

5. Les lois relatives à la preuve

Le code pénal ne prévoit pas de disposition, la jurisprudence peu abondante aurait tendance à admettre que la loi plus sévère ne puisse rétroagir. (Ex. Loi instituant une présomption de mauvaise foi).