La mise en danger d’autrui par abstention

La mise en danger d’autrui par abstention

On assimile une omission à un acte de commission. L’infraction de commission par omission n’est normalement pas réprimée. Le code pénal prévoit notamment les délits suivants :

  • Article 223-3 / Le délaissement, en un lieu quelconque, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Le délaissement qui a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente est puni de quinze ans de réclusion criminelle. Le délaissement qui a provoqué la mort est puni de vingt ans de réclusion criminelle.
  • Article 223-6 / l’omission de porter secours : Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
  • Non assistance à personne en danger : Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
  • Article 223-7 / Quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Paragraphe 1 – Le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger

Article 223-3 / Il n’y a pas de définition de « délaissement ». La Jurisprudence a donné une définition claire mais restrictive puisqu’elle décide que le délaissement «suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime (Cass crim 13 nov 2007, Rev. Droit pénal 2008, commentaire No 17). Il a été jugé que le fait pour une femme (la fille de la victime) de faire obstacle à la venue d’une aide ménagère auprès de sa mère hors d’état de se protéger en raison de son âge est certes un acte positif mais ne démontre pas l’intention d’abandon.

Autre restriction concerne la victime lorsqu’elle est hors d’état de se protéger en raison de son état physique ou psychique. La situation de faiblesse de la victime peut avoir des origines diverses. Par contre est exclu le mineur de 15 ans qui fait l’objet d’une protection spécialement prévue à l’article 227-1 du Code pénal. Au niveau de la peine, c’est 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende. L’article 227-7 prévoit, pour le délaissement d’un mineur, 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende.

Si le délaissement a entrainé des conséquences telles que la mutilation ou une infirmité permanence, on passe alors à une qualification criminelle car la peine est de 15 ans de réclusion criminelle – Article 223-4.

En cas de décès, article 223-3 al 2, la peine est de 20 ans de réclusion criminelle.

Paragraphe 2 – Le délit de non obstacle à la commission d’un crime ou d’un délit contre l’intégrité corporelle – Article 223-6 al 1 du Code pénal.

Il y a 4 éléments constitutifs, et la peine est de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende.

  • 1) L’existence d’une infraction à empêcher.

Cet article tend à empêcher la commission d’un crime.

Les délits à empêcher sont les délits d’atteinte à l’intégrité physique de la personne. Cela recouvre toutes les violences volontaires à la personne d’autrui, mais également le délaissement d’enfants, de personnes vulnérables, l’avortement, l’administration de substances nuisibles à la santé. Cette infraction peut se présenter au stade de la consommation. Par contre, si l’infraction à empêcher est déjà totalement consommée, on ne peut pas engager de poursuites du chef de non-obstacle à la commission de l’infraction. L’obligation d’empêcher n’existe donc que quant le crime ou le délit est en cours de consommation et la Jurisprudence retient cette qualification également lorsque l’on se trouve au stade de commencement d’exécution de l’infraction et même au stade des actes préparatoires. L’auteur n’est pas punissable mais celle qui ne va pas faire obstacle à la consommation de l’infraction. Le suicide n’est pas une infraction dans cette hypothèse et donc, n’est pas punissable.

  • 2) Le constat de l’omission d’agir pour empêcher

Ce qui est reproché ici, c’est la facilite de la personne poursuivie alors même que l’action immédiate aurait permis d’empêcher l’infraction. La loi de détermine pas ce qu’elle entend par une action personnelle. Cette expression recouvre le fait d’agir directement ou de dénoncer la situation pour provoquer l’interruption (ex. de la force publique) dans le processus de l’infraction.

  • 3) L’absence de risques

Le texte n’exige pas l’héroïsme. L’infraction ne pourra être caractérisée que si la personne pouvait agir sans risque pour elle ou pour les tiers et la Jurisprudence interprète au cas par cas la réalité du risque ou l’absence de la réalité de ce risque. N’a pas été considérée comme un risque la peur pour une femme d’être abandonnée par son amant qui préparait le meurtre de son mari. De la même manière, est refusé le risque de poursuite juridique.

  • 4) L’abstention doit être volontaire

2 éléments à être caractérisés :

  • (i). Il doit être démontré que l’individu connaissait l’existence du danger.

Cass crim 4 avr 2007, Rv Droit pénal 2007, commentaire No 100. Comment peut-on avoir conscience d’un danger lorsqu’on est averti indirectement, notamment par un coup de téléphone. La question se pose notamment pour la police et la gendarmerie. Ex. un gendarme a été appelé et a apprécié que la situation ne fût pas à risque.

La justification qui consiste à dire que le caractère du danger était imprécis ne justifie pas l’absence d’intervention. La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que dès lors qu’il y a apparence de péril oblige la police de se déplacer personnellement pour se forger une opinion suffisamment étayée.

  • (ii). Il faut prouver que l’individu disposait de moyens de s’opposer V ce danger sans risque pour lui ou pour les tiers.

Ex. CA Nancy 25 avr 2002, JCP 2003, No 19, Pg 863

Suite à une soirée bien arrosée, un groupe de personnes laisse partir un individu ivre au volant de sa voiture. La CA retient la qualification de non-obstacle à la commission d’un délit « devant l’impossibilité de lui faire entendre raison, ils se sont abstenus du moyen efficace d’empêcher des délits contre l’intégrité des personnes… moyens efficaces que constituait un signalement du comportement de leur ami aux policiers ou aux gendarmes »

L’arrêt de la Cour d’appel a été cassé par la Cour de cassation, mais pas sur ce chef.

Paragraphe 3 – La non-assistance à personne en danger

Article 223-6 al 1 et al 2 – à lire.

On parle de l’omission de porter secours à une personne en péril, c’est la même chose que la non-assistance à personne en danger. La peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende, la tentative n’est pas punissable car étant un délit, il faut que la tentative soit expressément prévue par les textes, ce qui n’est pas le cas ici.

  • Une personne en péril

Quiconque s’abstient de porter secours à une personne en danger. Cela exclut les biens et les animaux.

(i) Quant à la personne en péril

La personne est protégée dès sa naissance et le secours doit être apporté jusqu’à sa mort. Une personne morte n’est plus en péril. Le problème est de l’individu qui passe indifféremment devant une personne qui git. On ignore si la personne est morte. L’infraction de non-assistance à personne en péril ne peut pas être réalisée car c’est une infraction impossible.

Si la victime n’est pas décédée, la répression est alors possible même si la situation de la personne était désespérée car cette personne était encore en vie et quand même en danger objectivement. Ce mode de raisonnement s’applique aux médecins (le médecin doit assister une personne en péril même s’il n’y a rien à faire).

(ii) Quant au péril

Il n’y a aucune précision textuelle sur la nature et l’origine du péril.

Concernant l’origine du péril, elle est indifférente. Ca peut être un péril résultant d’une infraction ou non. Ex. une personne qui a tenté de se suicider et elle n’est pas encore morte. Aussi est pris en considération d’un péril commis par sa faute, il y a une compatibilité entre l’omission de porter secours et l’hypothèse d’infraction dont l’omission est lui-même auteur. 1ere hypothèse, la personne s’est elle-même mise en péril ex. le voleur tombe en courant. 2eme hypothèse, l’omissioniste a commis une infraction qui a créé un danger ex. en voiture, excès de vitesse, il y a accident et une personne est en train de mourir. Si on a voulu intentionnellement porter atteinte à la vie d’autrui, ce n’est pas non-assistance à la personne en danger.

Concernant le caractère du péril, la Jurisprudence considère qu’il doit être grave, actuel ou imminent. Cette appréciation du caractère du péril sous sa gravite ou son imminence, doit se faire au moment des faits peu importe qu’après il soit démontré que le péril n’était pas si grave.

Concernant la nature du péril, on ne peut pas s’arrêter au péril concernant la vie. Il faut aussi y intégrer un péril d’atteinte à l’intégrité physique de la personne et aussi de l’intégrité morale de la personne, notamment concernant les enfants.

  • Une abstention de secours

Le secours qui est refusé peut être de 2 formes. Il peut s’agir d’un acte personnel (directement et personnel) ou dans la provocation à un secours (police, pompier).

La personne assistant à la scène a la possibilité d’un choix (agir personnellement ou appeler les secours) mais ce choix n’est pas totalement libre. En effet, les tribunaux donnent la préférence à une intervention personnelle sauf absence de connaissance pour secourir.

L’intervention personnelle est préférée – Cass Crim 13 mars 2007

C’est un cargo avec le capitaine qui s’aperçoit un bateau en train de sombrer. Il n’intervient pas personnellement mais se contente d’informer les autorités de secours. Il est poursuivi pour non-assistance à personne en danger. Il est condamné car il eut été plus efficace et sans risque pour le cargo (sauf retard) d’intervenir directement pour aider les naufragés.

Le secours n’a pas besoin d’être efficace pour être pris en considération. Ce n’est pas le résultat qui compte mais la participation. Article 223-6 : Obligation de moyens et non de résultats.

  • Une absence de risques dans l’intervention

Le risque qui peut être pris en considération est soit le risque pour soi-même soit le risque pour autrui. Les risques peuvent être de natures différentes, notamment liées à la capacité (la personne ne sait pas nager), aux circonstances (la victime s’est blessée elle-même). Il peut y avoir des problèmes autour du problème de choix ; un danger qui est grave et un danger qui est moins. Ex. un accident et il y a le feu entre une voiture et un feu à une personne. La chose à faire est d’éteindre le feu de la voiture car il y a risque d’explosion.

Autre hypothèse est lorsque la personne est elle-même dangereuse (des malades agressifs à l’hôpital).

  • L’élément intentionnel

Pour prouver l’intention coupable de l’abstentionniste, il faudra démontrer que l’abstentionniste avait conscience du péril. Ex. on croit qu’un homme est ivre mais il est blessé, ou encore une sage-femme qui refusait de donner des soins à un nouveau né parce qu’elle le croyait mort.

Il faudra aussi démontrer la volonté de ne rien faire, peu importe le mobile. Généralement il faudra prouver que la personne n’a rien fait du tout.