La nature juridique du fonds de commerce

La nature juridique du fonds de commerce

Aucune loi française ne définit le fonds de commerce. La loi fournit seulement un certain nombre de critères permettant de préciser la notion de fonds de commerce.

Ainsi, le titre IV du livre 1er du code de commerce sur la vente et le nantissement des fonds de commerce énumère les éléments qui composent le fonds et pose certaines règles qui permettent de définir des principes sur les conditions d’existence et la nature du fonds de commerce. Le fonds de commerce peut être défini comme un ensemble d’éléments corporels (matériel, outillage, marchandise…) et d’éléments incorporels (droit au bail, nom, enseigne, achalandage, licence ou autorisation d’exploitation) appartenant à un commerçant ou à un industriel (les activités de manufacture sont comprises dans les actes de commerce, article 632 du Code de commerce).

Il faut distinguer le fonds de commerce d’autres notions qui peuvent être relativement proches avant de pouvoir préciser la qualification du fonds de commerce.

I) La distinction du fonds et des notions voisines

Premièrement, la notion d’entreprise. C’est une notion très large qui a une dimension organisationnelle. Lorsqu’on se réfère à la notion d’entreprise on va voir derrière l’organisation et à cet égard la distinction avec le fonds de commerce est nette. Il n’y a pas d’organisation du fonds de commerce et il n’a pas le caractère très large propre à la notion d’entreprise. Le fonds de commerce a un aspect patrimonial car c’est à l’occasion de sa cession qu’on a élaboré le concept de fonds de commerce.

Deuxièmement, la notion de société. En pratique on peut avoir des hésitations, on peut confondre le fonds de commerce avec la personne morale qui exploite ce fonds de commerce. On a parfois confondu la localisation du fonds de commerce avec le siège social de la société exploitant le fonds de commerce. la distinction définitive est : la société personne morale est sujet de droit alors que le fonds de commerce est un objet de droit.

Troisièmement, la notion de succursale, branche d’activité. Une succursale est l’établissement dépendant du siège qui va être créé dans le but d’exploiter la même clientèle. C’est typique pour les boulangeries parisiennes qui ont un certain succès. Ce n’est pas une personne morale distincte, mais seulement un lieu d’exploitation dépendant du siège mais situé dans un autre endroit. La succursale va faire l’objet d’une immatriculation au RCS. La succursale ce n’est pas à proprement parlé un fonds de commerce autonome car le but est d’exploiter la même clientèle que le siège.

Quatrièmement la branche d’activité. On créé une branche d’activité pour étendre l’objet de notre exploitation. On considère que la branche d’activité ne modifie pas la physionomie du fonds de commerce originel. Là encore la branche d’activité ne doit pas être confondue avec le fonds de commerce.

Le Cours complet de droit des affaires est divisé en plusieurs fiches :

II) La qualification juridique du fonds de commerce

Débat : savoir la qualification juridique du fonds de commerce. On va utiliser le terme d’universalité pour qualifier le fonds de commerce.

A) Une universalité

L’universalité est un ensemble d’éléments. On a des universalités de droit et des universalités de fait. L’universalité de fait est un ensemble que l’on va appréhender comme tel, qui sera composé d’éléments dont le régime juridique est relativement distinct. Dans l’amphi on a des biens meubles corporels, des immeubles, on a un ensemble de chose. Et si on appréhende ces choses toutes ensembles on a une universalité de fait. L’universalité de droit est le pendant juridique de l’universalité de fait, c’est un ensemble de droits et obligations : on a des éléments qui juridiquement sont distinct mais que l’on va appréhender dans le cadre d’un ensemble.

Il y a des analyses qui ont conclues que le fonds de commerce était une universalité de droit. ca impliquait qu’on voyait dans le fonds de commerce un ensemble de droits et obligations. Autrement dit, on voyait dans le fonds de commerce un patrimoine et en particulier un patrimoine d’affectation car celui qui exerce le commerce aurait un patrimoine personnel mais en tant que propriétaire de fonds de commerce il serait propriétaire d’un patrimoine commercial, le fonds de commerce. Mais en droit positif le fonds de commerce n’est pas un patrimoine, il n’a ni actif ni passif (il n’englobe ni les créances ni les dettes du commerçant).

La réforme récente et capitale de l’EIRL de juin 2010 a très largement modifié le droit positif car aujourd’hui, par la création d’une EIRL on va avoir la possibilité de créer un patrimoine d’affectation, une entreprise individuelle qui sera une universalité de droit. cette réforme a été adoptée après une succession de réformes par petite touche qui ont amené à la consécration du patrimoine d’affectation. En 1994 on avait isolé les biens nécessaires à l’exploitation qui permettait au commerçant de distinguer les biens personnels et les biens nécessaires à l’exploitation. En 2003 on a adopté une loi permettant à l’entrepreneur d’isoler sa résidence principale. Et donc on a séparé en deux le patrimoine de l’entrepreneur de manière à protéger ses biens personnels.

Il y a eu aussi la réforme sur la fiducie car depuis une loi de 2007 il est possible de constituer un patrimoine fiduciaire, d’isoler une partie de son patrimoine que l’on va confier à un fiduciaire qui va le gérer dans notre intérêt. On s’est mis à ouvrir la voie à la possibilité de constitution de patrimoine d’affectation et donc on a remis en cause le dogme selon lequel chaque personne a un patrimoine et seulement un seul.

Le fonds de commerce n’est pas un patrimoine, pas un ensemble de créances et dettes mais il constitue un élément d’actif. Le terme d’universalité de droit est erroné pour le fonds de commerce.

Deuxième analyse : le patrimoine est une universalité de fait. Le fonds de commerce est composé d’un certain nombre d’éléments d’actifs qui font en sorte que le fonds de commerce est un bien unique, un ensemble qui a sa cohérence, qui a son unité. Le fonds de commerce subsiste même en présence de modifications intervenant dans sa composition. On peut vendre le matériel, le fonds subsiste quand même. On parle d’unité et de fongibilité des éléments qui composent le fonds de commerce.

L’analyse qui l’emporte est celle de l’universalité de fait.

Lorsqu’on fera certaines opérations concernant le fonds de commerce, le régime applicable aux différents éléments du fonds ne sera pas toujours le même.

Exemple : on apporte notre fonds de commerce en nantissement. Ce nantissement ne va pas opérer de la même manière sur les marchandises qu’on a en stock et sur les autres éléments, comme le brevet d’invention. Même chose si on procède à la cession du fonds de commerce. Donc l’analyse en terme d’universalité de fait n’implique pas nécessairement un régime juridique identique lorsqu’on se livre à des opérations impliquant le fonds de commerce. Mais la cours de cassation juge de manière constante que le fonds « constitue une universalité mobilière ». Et donc quand on vend le fonds on vend tout, la clientèle est les éléments qui supportent cette clientèle.

Donc l’universalité est un ensemble qui constitue notre patrimoine. Le fonds est un bien meuble incorporel.

B) Un bien meuble incorporel

Les éléments du fonds sont des biens meubles, les immeubles ne font pas partis du fonds. Ces biens meubles sont surtout incorporels car la part des meubles incorporels est plus importante que celle des meubles corporels.

En matière de bail commercial il peut exister des clauses d’indexation. Traditionnellement, la règle est que la clause d’indexation doit être en rapport avec l’objet du contrat ou avec l’activité des parties. Lorsqu’on va procéder à une location comme une location gérance de notre fonds de commerce, on va pouvoir stipuler une clause d’indexation. Il va falloir déterminer l’indice auquel on fait référence. Il est arrivé parfois que pour des fonds placés en location gérance on renvoyait à un indice du cout de la construction. La cour de cassation a rappelé que lorsqu’on met en location un fonds de commerce, on loue un bien meuble incorporel et donc l’indice du cout à la construction n’a aucun rapport avec l’opération. La cour de cassation a donc censuré ce type de stipulations.