La Perte de nationalité par désuétude ou comportement

La Perte de la nationalité par désuétude ou comportement

Ce n’est pas la personne concernée qui choisit de perdre la nationalité française. C’est une autorité publique qui va constater que l’intéressé n’est plus français :

soit parce que sa nationalité française est frappée de désuétude,

soit parce que le comportement de l’intéressé n’est plus celui d’un français.

Paragraphe 1 : La perte par désuétude

Il y a désuétude de la nationalité française lorsqu’il y a non-usage prolongé de cette nationalité et disparition de toutes relations et de tous liens avec notre pays.

La désuétude la nationalité française est une hypothèse qui se rencontre d’autant que les modes d’attributions de la nationalité française peuvent susciter des situations de désuétude comme c’est le cas avec le mode d’attribution en raison de la filiation car est français, tout enfant d’au moins un parant français quel que soit le lieu de sa naissance.

La nationalité française se transmet alors de générations en générations par la filiation dans des familles qui sont en fait installées à l’étranger depuis longtemps et qui, petit à petit, ont perdu tout lien avec la France. Le risque de désuétude est inhérent à l’attribution de la nationalité par la filiation dès lors que cette attribution n’exige pas la naissance en France. De plus, le législateur français admet depuis 1804, que la nationalité française puisse se perdre par désuétude : ce point n’a jamais été contesté en France.

—> Mais le problème est de savoir comment joue cette désuétude et quel type de perte entraine-t-elle ? Jusqu’en 1945, la solution retenue était très insatisfaisante car le Code Napoléon retenait que « perdait automatiquement la nationalité française, celui qui s’était installé à l’étranger et qui avait perdu tout esprit de retour en France ». C’était une règle dangereuse car elle combinait une perte automatique et subjectivisme complet d’absence de l’esprit de retour de la personne concernée. C’est un sentiment difficile à déterminer pour l’intéressé lui-même et pour les autorités publiques car c’est une sorte d’investigations psychologiques.

Le code la nationalité française de 1945 a modifié le dispositif car c’est le tribunal de première instance qui doit par un jugement constater la désuétude : tant que le jugement n’est pas rendu, il n’y a pas désuétude et ce jugement ne peut être rendu que sur la base d’éléments aussi objectifs que possible, éléments qui figurent à l’article 23-6 du Code civil :

  • l’intéressé doit être français de naissance par filiation. Ceci est logique car c’est le mode d’attribution de notre nationalité qui fait courir le risque de désuétude.

  • De plus, l’intéressé ne doit pas avoir la possession d’état de français c’est-à-dire il faut qu’il ne se comporte pas comme un français et qu’il ne soit pas considéré dans son pays de résidence comme un français.

  • Il faut aussi que l’intéressé n’est jamais eu sa résidence en France.

  • Le texte ajoute qu’il faut que les ascendants dont l’intéressé tient notre nationalité par filiation, n’aient pas eux-mêmes la possession d’état de français et qu’ils n’aient pas non plus de résidence en France depuis au moins 50ans. Cet article s’appuie sur une désuétude caractère familiale : cette désuétude ne doit pas seulement être constatée chez la personne elle-même mais elle doit être engagée aussi chez ses parents. Ce caractère familial peut amener le tribunal à constater que la désuétude de la nationalité française a déjà frappé les ascendants de l’intéressé antérieurement par l’action en justice et peut être même antérieurement à la naissance de l’intéressé.

Le tribunal a la possibilité de retenir une date de perte de la nationalité française par désuétude antérieure à celle de l’instance et peut être même dans certains cas, antérieure à la naissance de l’intéressé de tel sorte que dans cette hypothèse, le tribunal déclarera que l’intéressé n’a en fait jamais été français.

—> Les effets du jugement :

C’est un jugement déclaratif et la perte vaut pour la personne concernée mais a-t-elle des effets collectifs sur les enfants mineurs de l’intéressé ?

Si on raisonne comme les autres cas de perte alors on répond négativement mais là, il y a une difficulté particulière dans l’hypothèse le tribunal fixe une date de perte par désuétude antérieure à celle du jugement. Il se peut que la date fixée par le tribunal soit antérieure à la date de naissance des enfants de l’intéressé. Dans ce cas, le tribunal constatera que l’intéressé n’était plus français au moment de la naissance de ses enfants et donc, il n’a pas pu leur transmettre une nationalité française qu’il ne possédait plus. Ce n’est pas un effet collectif de la perte par la personne concernée mais un effet temporel de la perte : si l’intéressé a perdu sa nationalité avant la naissance de ses enfants, il n’a pas pu leur transmettre et s’il l’a perdu après alors les enfants restent français.

Mais question de la prévention l’apatride c’est-à-dire que se passe-t-il pour celui qui perd sa nationalité par désuétude et qui n’a pas d’autres nationalités ?

Le Code civil à l’article 23-6 ne prévoit rien pour cette hypothèse mais en fait, le risque d’apatridie est faible. D’une part, il serait étonnant qu’une famille installée à l’étranger depuis longtemps et qui a perdu tout contact avec la France n’est pas entre temps acquis une autre nationalité.

Exemple : expatriation de personnes en Amérique latine et qui ne sont jamais revenues. Ces personnes ont acquis la nationalité d’un pays d’Amérique latine, à défaut elles auraient eu intérêt à garder des liens avec la France.

Puis cet article du Code civil énonce que le juge peut énoncer la désuétude c’est-à-dire qu’il n’est pas obligé de le faire et qu’il ne le fera pas si le prononcé de la désuétude débouche sur une apatride. Ces cas de perte qui posent des problèmes intéressants sont assez peu nombreux.

Paragraphe 2 : La perte pour comportement

On se trouve en face d’un cas de perte par décret qui est ambigu et dont on peut se demander s’il s’agit d’une perte simplement constatée ou s’il s’agit d’une perte sanction.

L’article 23-7 du Code Civil énonce que « le gouvernement français peut décider par décret la perte de la nationalité française d’une personne concernée quand cette personne pratique si activement une autre nationalité qu’elle se comporte en fait exclusivement comme le national de ce pays étranger ». C’est alors un français plurinational qui ne se comporte pas comme un français mais qui se comporte comme le national de l’autre pays dont il a la nationalité.

Le gouvernement peut alors décider par décret que ce français perde la nationalité française. Ce n’est pas une sanction a priori mais une simple constatation d’un comportement explicite et significatif.

Mais beaucoup d’éléments de cette situation laisse penser que l’on est déjà dans une atmosphère de sanction : il faut remarquer qu’à la différence du cas de perte prévu à l’article 23-4 du Code civil, dans notre cas l’intéressé n’a pas demandé la perte de la nationalité française. Ainsi, elle n‘a pas la volonté de perdre la nationalité donc si le gouvernement lui impose alors ce serait une sanction.

Puis l’heure n’est plus aujourd’hui à la lutte contre la plurinationalité donc le gouvernement français n’a plus pour objectifs de lutter contre les cas de plurinationalité et de les faire disparaitre mais s’il le fait quand même, c’est qu’il a d’autres raisons comme des raisons sanctionnatrices.

D’ailleurs la procédure de ce cas de perte est révélatrice d’une atmosphère sanctionnatrice car elle précise que l’intéressé devra être mis en mesure de présenter toutes les observations utiles à sa cause et le décret de perte dans ce cas particulier, ne pourra être pris par le gouvernement qu’après être conforme du Conseil d’Etat.

Ces cas de perte prennent effet à la date du décret et ils n’ont aucun effet rétroactif, ce qui tend à montrer que ce n’est pas une simple constatation et heureusement, il n’a plus aucun effet collectif sur les enfants mineurs depuis la loi du 7 mai 1984. Avant 1984, ce cas de perte s’appliquait aussi aux enfants mineurs résidants avec l’intéressé.

Nous sommes à mi-chemin de la perte constatée et de la perte purement et simplement imposée.

Conclusion sur la perte de nationalité

La France n’est pas un pays d’allégeance perpétuelle c’est-à-dire qu’il est possible de perdre la nationalité française.

A l’inverse les pays dit d’allégeances perpétuelles sont des pays qui rendent impossible toute perte de leur nationalité. A priori, les pays d’allégeances perpétuelles ont une conception impérative ou autoritaire de la nationalité alors que ceux qui refusent cette allégeance ont une conception plus libérale de la nationalité.

Pour autant la France ne pousse pas le libéralisme jusqu’à ses conséquences extrêmes car le droit français n’admet pas que la seule volonté de l’intéressé de perdre la nationalité française suffise pour que cette nationalité soit perdue. Le droit français est moins libéral que le droit belge qui permet la perte de la nationalité belge par la seule volonté de l’intéressé sous réserve qu’il ait une autre nationalité.

La conception française ne s’explique pas seulement par la prévention de l’apatridie car il suffirait que l’intéressé ait au moins une autre nationalité au moment où il déclare ne plus vouloir être français. En fait, la position française est plus rigoureuse car le droit français exige que la volonté de perte de l’intéressé soit confirmée ou corroborée par un élément objectif.

Cette prudence du droit français en matière de perte de la nationalité française est renforcée depuis 1973 puisque depuis la loi du 9 janvier 1973, il n’y a plus aucun cas de perte automatique de notre nationalité.

—> Non seulement la volonté de perte doit être confirmée par un élément objectif

—> Elle doit aussi être relayée soit par une déclaration officielle de l’intéressé, soit par un décret, soit par un jugement.

Ainsi, il n’est plus possible de perdre la nationalité française sans s’en apercevoir. Surtout, la perte de la nationalité française se situe dans des hypothèses très différentes selon qu’elle est choisie par l’intéressé ou qu’elle est constatée par les pouvoirs publics mais il faut un décret ou un jugement, ou que même dans certains cas particuliers elle est imposée par les pouvoirs publics à l’intéressé quelle que soit la volonté de l’intéressé.