La place du droit de l’environnement dans l’ordre juridique

LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, NOUVELLE BRANCHE DU DROIT?

Le droit de l’environnement est un droit hétéroclite, et le résultat d’une lente maturation. Le droit de l’environnement est constitué de législations d’origines et d’époques différentes, qui ont souvent évolué, au moins jusqu’à une période récente,sans souci de cohérence.

SECTION 1 – Les branches classiques du droit

– quelle est la définition d’une branche du droit ?

=> Ensemble cohérent et autonome de règles adaptées à un secteur déterminé d’activités

– dans les branches classiques du droit, l’ensemble des règles a souvent fait l’objet d’une codification (des règles éparses rassemblées dans un ouvrage unique)

=> L’existence d’un Code est le premier indice de l’existence d’une branche de droit

– adaptation des règles aux évolutions de la société réalisée par le juge, au travers de la jurisprudence

=> L’existence d’un juge spécialisé est souvent un deuxième indice de l’existence d’une branche de droit

– 1ère distinction fondamentale (suma divisio) : droit privé / droit public

– droit privé : ensemble des règles qui régissent les rapports des particuliers entre eux

– droit public : ensemble des règles qui régissent les rapports entre les personnes publiques entre elles, ou entre les personnes publiques et les particuliers

* droit privé

  • droit civil : Code civil + juge civil
  • droit commercial : Code commercial + Tribunal commercial
  • droit social : Code travail + CPH

* droit public

  • droit constitutionnel : Constitution + CONSEIL CONSTITUTIONNEL
  • droit administratif : Juge Administratif
  • droit fiscal : Code Général des Impôts + juge fiscal
  • droit de l’urbanisme : Code urbanisme + Juge Administratif

– droit pénal ? => Droit mixte : action de l’Etat (droit public) qui punit le citoyen (droit public) : Code pénal + juge pénal

=> Mais rangé dans la branche du droit privé, parce que le mode de raisonnement est celui du droit privé

Le Cours complet de droit de l’environnement est divisé en plusieurs fiches ;

SECTION 2 – Le droit de l’environnement, ensemble cohérent et autonome de règles ?

– à partir de 1973 vont être édités plusieurs ouvrages sur la protection de la nature, sur le régime juridique des pollutions industrielles, ou encore sur la protection de l’environnement

=> Ces publications ont consacré l’émergence de cette nouvelle matière du droit

=> Là s’est posée la question : est-ce véritablement une nouvelle branche du droit ?

– à l’époque, les opinions étaient partagées : 2 écoles doctrinales :

(1) pour certains auteurs, le droit de l’environnement, qui est la synthèse des règles ayant trait aux problèmes de protection de la nature de lutte contre les pollutions, ne peut être qualifié de branche du droit parce qu’il lui manquerait son autonomie

=> Cette thèse peut apparaître fondée pour plusieurs raisons

  1. le droit de l’environnement a un caractère transversal : c’est un droit horizontal qui recouvre et interpénètre toutes les branches classiques du droit

=> Chacune de ces disciplines juridiques a intégré la préoccupation de l’environnement

  1. il n’existe pas de juridiction spécialisée en environnement

=> Les litiges sont en fonction de leur caractère soumis aux juridictions existantes

(2) au contraire, pour d’autres auteurs, le droit de l’environnement existe en tant que branche du droit, parce qu’autour de l’objet nouveau qu’est l’environnement les règles de droit nouvelles présentent des particularités qu’on ne trouve pas dans les autres matières

  • ex 1 : la théorie des troubles anormaux du voisinage

– cette théorie des troubles anormaux du voisinage a été inventée par la Cour de cassation dans un arrêt de 1844

=> Cette théorie repose sur une appréciation subjective de la nuisance par les juges

– théorie qui relève d’un principe : toute personne doit nécessairement tolérer de la part de ceux qui l’entourent une dose de désagrément inhérente au voisinage

– mais il y a une limite au-delà de laquelle Conseil d’Etat désagrément n’est pas supportable

=> Le trouble devient anormal

=> Lorsque cette limite est dépassée, il y a responsabilité de l’auteur du dommage

=> Principe créé par la Cour de cassation en 1844

– en l’espèce, la nuisance, c’était le bruit

=> Selon la Cour de cassation, le bruit ne constitue pas un dommage tant qu’il ne dépasse pas une certaine intensité

=> La notion de seuil, qui est encore aujourd’hui la notion caractéristique de la théorie des troubles du voisinage

– comment calculer ce seuil à ne pas dépasser ?

=> C’est la jurisprudence qui décide, pas de règle préétablie qui fixe les seuils

=> Le seuil ne se situe pas à la même hauteur selon les voisinages considérés

=> La notion de seuil est relative, subjective

– ce seuil est déterminé par le juge au cas par cas, en fonction de 3 critères qui déterminent l’anormalité du trouble :

  1. la victime : le juge prend le standard d’une personne normale pour la victime
  2. le lieu du dommage
  3. la durée de la nuisance

– intérêt de cette théorie / droit commun ? => Difficulté de caractériser une faute

=> Ici, c’est une responsabilité civile sans faute

– ce qui est intéressant, c’est que cette théorie a été créée à une époque où toute la responsabilité était fondée sur la faute

– l’arrêt de 1844 voulait élargir la notion de faute : d’ailleurs visas de l’arrêt : articles 1382 + 544 Code civ (responsabilité civil + droit de propriété)

– puis peu à peu on a écarté la notion de faute => Finalement, responsabilité sans faute

  • ex 2 : le droit d’antériorité = droit de préoccupation :

=> L112-16 Code de la construction et de l’habitation

27/02/06

=> Ce droit d’antériorité empêche la victime d’une nuisance qui s’est installée dans le voisinage d’une activité d’engager la responsabilité civile du responsable de l’activité présente antérieurement

=> Hypothèse d’une victime qui s’installe au voisinage d’une entreprise polluante

=> Va demander au juge civil réparation ou cessation de la pollution

– Question? Le pollueur peut-il soutenir qu’il ne doit rien parce qu’il s’est installé avant ?

=> y a-t-il un droit d’antériorité ?

– argument contre l’irresponsabilité du pollueur : si on admet que l’antériorité est une cause d’exonération du pollueur, ce serait pratiquement admettre à son profit un droit d’expropriation privée

– ex : quelqu’un achète un terrain, et installe une industrie polluante (ex : porcherie) ; les terrains autour ne sont pas occupés pour l’instant, mais leur valeur va diminuer du fait de la pollution => Expropriation partielle

– argument pour l’irresponsabilité du pollueur : si quelqu’un vient à s’installer à proximité d’un lieu où il y a une pollution, cette personne le fait volontairement

=> Cette personne doit assumer les conséquences du risque qu’elle a pris

– position jurisprudentielle face à cette situation ?

=> Pendant longtemps, elle a évité de reconnaître un droit à l’exonération du pollueur

– mais elle avait décidé que si quelqu’un s’installait à proximité d’un établissement polluant, cela était alors dans un quartier qui n’était pas totalement résidentiel

=> Le seuil d’anormalité était plus élevé => Il faudrait une nuisance plus élevée pour retenir la responsabilité civile du pollueur

– en 1976 est intervenu le législateur : il a pris une loi visant à protéger l’agriculture

=> Dans les années antérieures, il était arrivé à plusieurs reprises que des citadins achètent des résidences et soient incommodés par des nuisances agricoles

=> Procès contre les agriculteurs, et systématiquement, ils ont été déboutés de leurs demandes

– un projet de loi a été déposé pour légaliser cette jurisprudence : en cas de nuisance agricole, la victime n’a pas droit à réparation en cas de préoccupation

– puis les parlementaires ont voulu l’étendre aux nuisances artisanales et industrielles

=> Résultat : aujourd’hui, le texte couvre tous les cas de nuisance

=> Autrement dit, la préoccupation est devenue une cause d’exonération du pollueur, mais à 2 conditions cumulatives :

  1. l’activité source de nuisance doit être exercée en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires
  2. l’activité doit être poursuivie dans les mêmes conditions

=> Le pollueur, pour bénéficier de son droit d’antériorité, ne doit pas avoir modifié les conditions de son activité (peu importe les effets de l’activité sur l’environnement)

-Question? Si le pollueur diminue la pollution, le voisin peut-il agir en prétextant un changement dans les conditions ?

=> Cela pose problème : si on applique le texte à la lettre, l’exploitant qui diminue la pollution ne bénéficie plus de l’exonération !

– ce texte très mal rédigé signifie que le pollueur prend des risques à partir du moment où il modifie quelque chose dans ses installations (qu’il aggrave ou qu’il diminue la pollution)

=> Ce texte constitue une véritable incitation à la routine dans la pollution

– il serait dont très utile que le législateur intervienne à nouveau

– il faut savoir que le texte de 1976 figurait dans un premier temps dans le Code urbanisme (L421-9)

– pendant plusieurs années, il est passé totalement inaperçu

– en 1980, réforme du texte => On l’a mis dans le Code de la construction et de l’habitation (L112-16)

=> Texte qui concerne la responsabilité civile du pollueur

– mais il faut savoir que la même règle existe à titre de principe jurisprudentiel et est appliquée par le juge administratif dans les litiges relatifs aux nuisances occasionnées par le fonctionnement d’un ouvrage public

  • ex 3 : le droit de l’environnement impose que l’on fasse des études pour vérifier l’impact d’un projet qui va être autorisé

=> On a des procédures administratives particulières : les études d’impact, et la procédure d’enquête publique, qui ont pour but d’éclairer l’administration lorsqu’elle doit décider de la réalisation d’un projet nuisible pour l’environnement

  • ex 4 : le contentieux spécial des installations classées

=> Devant le JA

=> Depuis 1810, le Juge Administratif applique des règles spécifiques voire contraires au droit administratif classique pour trancher les litiges en matière d’installations classées

– notamment, le Juge Administratif se reconnaît le droit de se substituer à l’administration => Il a le droit de modifier les actes pris par l’administration

– donc même s’il n’y a pas de juge de l’environnement, il apparaît un contentieux de l’environnement

=> On a des procès conduits selon des règles propres

=> Pas vers un juge de l’environnement, qui a déjà été franchi à certains niveaux :

– d’une part, la CIJ de La Haye a créé le 19 juillet 1993 une chambre spécialisée dans les problèmes d’environnement (=> Apparition d’un juge de l’environnement au niveau international)

– d’autre part, au niveau national, la loi du 3 mai 2001 sur la répression des rejets polluants des navires a institué des juridictions spécialisées avec les TGI du littoral maritime

– et puis, adoption le 18 septembre 2000 de la partie législative du Code de l’environnement. qui constate l’existence de cette branche de droit, à laquelle la charte de l’environnement de 2004 vient donner valeur constitutionnelle

=> Le droit de l’environnement est progressivement devenu une branche du droit autonome

CONCLUSION

– on constate que le droit de l’environnement renvoie à des sources juridiques diverses

– c’est un droit constitué de textes épars : droit international de l’environnement, droit communautaire de l’environnement, droit national de l’environnement, composé d’innombrables textes de loi et décrets d’application, qui régissent les différents secteurs de l’environnement (protection de la nature, pollutions et nuisances, risques technologiques, sites naturels, monuments et paysages)

=> Le droit de l’environnement est un droit éclaté

– malgré tout, ces règles s’organisent autour d’un minimum de principes spécifiques et communs

Le Cours complet de droit de l’environnement est divisé en plusieurs fiches ;