La place du droit musulman dans les pays occidentaux

La place du droit musulman dans les systèmes de droit occidentaux

La place du droit musulman dans les système de droits occidentaux renvoie à la question de la laïcité e à la question de l’acceptation du pluri-juridisme. Il y a une mise en cause du monopole étatique de la production du droit. Les États doivent accommoder les réclamations religieuses avec le droit. Rapport avec la protection de l’autonomie individuelle.

Dans quelle mesure un système séculier peut-il/doit-il accommoder les impératifs religieux et le droit religieux au nom de l’autonomie individuelle?

De manière général, les États accordent des dérogations au droit commun pour des raison religieuses/philosophiques : l’objection de conscience, clause de conscience, dérogations à certaines règles de sécurité etc…

Mais l’application du droit religieux à des domaines entiers (statut personnel) va plus loin.


Le principe de laïcité

Pour le Larousse, la laïcité se définit comme« Conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église et de l’État et qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. ». On distingue le caractère séculier d’une société (la population manifeste une certaine indifférence religieuse) de la laïcité proprement dite (les institutions d’État ne sont soumises à aucune contrainte ni même ne relèvent d’aucune justification de nature religieuse, spirituelle ou théologique).

La laïcité est le plus souvent associée à l’ âge des lumières en Europe et joue un rôle majeur dans la société occidentale . Les principes, mais pas nécessairement les pratiques, la séparation de l’église et de l’État aux États-Unis et Laïcité en France s’appuient fortement sur la laïcité.


En partie en raison de la conviction de la séparation de l’église et de l’État, les laïcistes ont tendance à préférer que les politiciens prennent des décisions pour des raisons laïques plutôt que religieuses.À cet égard, les décisions politiques relatives à des sujets tels que l’ avortement , la contraception , la recherche sur les cellules souches embryonnaires , le mariage homosexuel et l’éducation sexuelle sont axées sur les organisations américaines laïcistes telles que le Centre d’enquête .

Certains fondamentalistes chrétiens ( notamment aux États-Unis) s’opposent à la laïcité, affirmant souvent qu’il y a une idéologie «sémantique radicale» adoptée aujourd’hui et qui considère la laïcité comme une menace pour les «droits chrétiens» et la sécurité nationale. Les forces les plus importantes du fondamentalisme religieux dans le monde contemporain sont le fondamentalisme chrétien et le fondamentalisme islamique . Parallèlement, un important courant de laïcité provient de minorités religieuses qui considèrent la laïcité gouvernementale et politique comme faisant partie intégrante de la préservation de l’égalité des droits.

Certains des États bien connus qui sont souvent considérés comme « constitutionnellement laïques» sont les États-Unis, France , Mexique la Corée du Sud et la Turquie, bien qu’aucune de ces nations n’ait des formes de gouvernance identiques en ce qui concerne la religion .


États-Unis

Les États-Unis apparaissent de nos jours comme une république fortement imprégnée par les valeurs chrétiennes (tradition puritaine pour la Nouvelle-Angleterre, mais aussi baptiste, méthodiste, et catholique). Pourtant, dès l’époque de la Révolution américaine, l’idée de laïcité est un concept incontournable en Amérique, hérité des Lumières, et plus spécifiquement du philosophe anglais John Locke.

  • Ainsi, la déclaration d’indépendance américaine fut rédigée par des déistes, les Pères fondateurs étaient également dans leur majorité des laïcs attachés à la séparation de l’Église et de l’État.
  • Ainsi, Thomas Jefferson, en 1776, s’il fait référence à un Dieu créateur qui légitime les droits de l’Homme, était également farouchement attaché à cette idée, comme en témoignent ses écrits :« J’ai toujours considéré qu’il s’agissait d’une affaire entre l’homme et son créateur, dans laquelle personne d’autre, et surtout pas le public, n’avait le droit d’intervenir. »
  • Dans l’une de ses lettres, Jefferson évoque l’impérieuse nécessité d’un « mur de séparation » entre l’État et les Églises47.

D’autres pères fondateurs des États-Unis se sont prononcés en faveur de la séparation des Églises et de l’État :

  • George Washington : « Tous possèdent également la liberté de conscience et les protections de la citoyenneté. Le gouvernement des États-Unis n’apporte aucun soutien au sectarisme, ni aucune assistance à la persécution, et requiert seulement que tous ceux vivant sous sa protection se conduisent en bons citoyens […] Les croyances religieuses d’un homme ne le priveront pas de la protection des lois, ni du droit d’obtenir et d’exercer les plus hautes fonctions publiques existantes aux États-Unis »
  • James Madison : « Le gouvernement n’a pas l’ombre d’un droit de se mêler de religion. Sa plus petite interférence serait une usurpation flagrante. »
  • John Adams : « Le gouvernement des États-Unis n’est en aucune manière fondé sur la religion chrétienne ; il n’a aucune inimitié envers la loi, la religion ou la tranquillité des musulmans »
  • Thomas Paine « De toutes les tyrannies qui frappent l’humanité, la pire est la tyrannie en matière de religion. »

Les Principes généraux par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la cour a conscience que c’est un sujet sensible. Elle pose des gardes-fous et rappelle des principes.

Art 9 : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction, ainsi qu’à la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites

Art 2 protocole 1: L’État dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.

Élément très important aussi, les articles 10 et 11.

Art 10: Toute personne a droit à la liberté d’expression…

Art 11: Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association

Importance de l’art 11 pour les associations cultuelles et les partis politiques religieux.

Mais ces droits ne sont pas absolus, ils peuvent être restreint pour la sécurité d’un pays ou les droits et libertés des autres. Toutefois ces restrictions sont encadrées par la CEDH. Ça doit être nécessaire, la restriction ne doit pas être excessive à ce qui est nécessaire pour atteindre la protection des droits d’autrui.

Art 9§2: La liberté de manifester sa religion ou ses conviction ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Exemple d’application de ces principes avec un arret de la CEDH au sujet de l’Imposition de la Shari’a .

Refah Partisi (parti de la prospérité) et autres c. Turquie, GC, 13 fév 2002 (arrêt de Chambre: 31 juillet 2001

Parti fondé en 1983.

En 1995 obtient 158 sièges sur 450 à la Grande Assemblée

En 1996 accède au pouvoir dans un gouvernement de coalition

1997, Procureur général près la Cour de cassation intente devant la Cour constitutionnelle une action en dissolution du Refah, considéré comme un « centre d’activités contraires au principe de laïcité »

Dissolution prononcée par arrêt 16 janvier 1998

Requête devant la CEDH fondée notamment sur arts 9, 10, 11

La Dissolution d’un parti est une ingérence dans les droits du parti politique.

Ingérence est justifiée par plusieurs buts légitimes (protection de l’ordre, maintien de la sécurité nationale et de la sûreté publique, protection des droits et libertés d’autrui)

Ingérence est-elle nécessaire dans une société démocratique?

La mesure de dissolution était-elle nécessaire à la protection des buts légitimes mentionnés?

La cour rappelle l’importance de la religion et des partis politique dans les sociétés démocratiques. Mais article 9 protège également les non-croyants. De plus, tout acte motivé par la religion n’est pas nécessairement protégé par la Convention. Et elle s’attaque au problème concret, la dissolution est une mesure extrême qui appelle un contrôle stricte. Mais en l’occurrence cette mesure n’a pas violé les articles de la Convention.

Extrait de la décision de la CEDH :

« un parti politique peut promouvoir un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions : 1. les moyens utilisés à cet effet doivent être légaux et démocratiques ; 2. le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle nécessairement qu’un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs »

Au regard de ces principes fondamentaux, les choses se corsent, pour le parti Refah.

Programme du Refah :

« la Cour estime que le système multi-juridique, tel que proposé par le [Refah], introduirait dans l’ensemble des rapports de droit une distinction entre les particuliers fondée sur la religion, les catégoriserait selon leur appartenance religieuse et leur reconnaîtrait des droits et libertés non pas en tant qu’individus, mais en fonction de leur appartenance à un mouvement religieux.

Selon la Cour, un tel modèle de société ne saurait passer pour compatible avec le système de la Convention, pour deux raisons :

—> D’une part, il supprime le rôle de l’Etat en tant que garant des droits et libertés individuels et organisateur impartial de l’exercice des diverses convictions et religions dans une société démocratique, puisqu’il obligerait les individus à obéir non pas à des règles établies par l’Etat dans l’accomplissement de ses fonctions précitées, mais à des règles statiques de droit imposées par la religion concernée. Or l’Etat a l’obligation positive d’assurer à toute personne dépendant de sa juridiction de bénéficier pleinement, et sans pouvoir y renoncer à l’avance, des droits et libertés garantis par la Convention …

—> D’autre part, un tel système enfreindrait indéniablement le principe de non-discrimination des individus dans leur jouissance des libertés publiques, qui constitue l’un des principes fondamentaux de la démocratie. En effet, une différence de traitement entre les justiciables dans tous les domaines du droit public et privé selon leur religion ou leur conviction n’a manifestement aucune justification au regard de la Convention, et notamment au regard de son article 14, qui prohibe les discriminations. Pareille différence de traitement ne peut ménager un juste équilibre entre, d’une part, les revendications de certains groupes religieux qui souhaitent être régis par leurs propres règles et, d’autre part, l’intérêt de la société tout entière, qui doit se fonder sur la paix et sur la tolérance entre les diverses religions ou convictions…»

Déclarations ambiguës des leaders du parti par rapport à l’application de la Shari’a :

« Elles traduisent une ambiguïté sur l’attachement de leurs auteurs à tout ordre qui ne se base pas sur les règles religieuses »

« A l’instar de la Cour constitutionnelle, la Cour reconnaît que la charia, reflétant fidèlement les dogmes et les règles divines édictés par la religion, présente un caractère stable et invariable. Lui sont étrangers des principes tels que le pluralisme dans la participation politique ou l’évolution incessante des libertés publiques. La Cour relève que, lues conjointement, les déclarations en question qui contiennent des références explicites à l’instauration de la charia sont difficilement compatibles avec les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu’ils résultent de la Convention, comprise comme un tout. Il est difficile à la fois de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de l’homme et de soutenir un régime fondé sur la charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention, notamment eu égard à ses règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu’il réserve aux femmes dans l’ordre juridique et à son intervention dans tous les domaines de la vie privée et publique conformément aux normes religieuses. (…) Selon la Cour, un parti politique dont l’action semble viser l’instauration de la charia dans un Etat partie à la Convention peut difficilement passer pour une association conforme à l’idéal démocratique sous-jacent à l’ensemble de la Convention ».

La Cour « n’est pas invitée à se prononcer dans l’abstrait sur les avantages ou sur les inconvénients d’un système multijuridique. Elle note, pour les besoins de la présente affaire, que, comme la Cour constitutionnelle l’a fait observer, le projet politique du Refah envisageait d’appliquer certaines règles de droit privé de la charia à une grande partie de la population en Turquie (c’est-à-dire les personnes de religion musulmane) dans le cadre d’un système multijuridique… Un tel projet va au-delà de la liberté des particuliers de pratiquer les rites de leur religion, par exemple d’organiser des cérémonies de mariage religieux avant ou après l’acte civil de mariage (ce qui est d’ailleurs courant en Turquie), ainsi que d’accorder au mariage religieux l’effet de l’acte de mariage civil (voir, mutatis mutandis, Serif c. Grèce…). Ce projet du Refah dépasse la sphère privée que le droit turc réserve à la religion et se heurte aux mêmes contradictions avec le système de la Convention que celles causées par l’instauration de la charia.. ».

« Personne ne conteste devant la Cour qu’en Turquie chacun peut suivre dans sa sphère privée les exigences de sa religion. En revanche, la Turquie, comme toute autre Partie contractante, peut légitimement empêcher que les règles de droit privé d’inspiration religieuse portant atteinte à l’ordre public et aux valeurs de la démocratie au sens de la Convention (par exemple les règles permettant la discrimination fondée sur le sexe des intéressés, telles que la polygamie, les privilèges pour le sexe masculin dans le divorce et la succession) trouvent application sous sa juridiction. La liberté de conclure des contrats ne saurait empiéter sur le rôle de l’Etat consistant à organiser d’une façon neutre et impartiale l’exercice des religions, cultes et croyances ».

Ce qui est interdit en raison de son caractère coercitif et général peut-il être accepté si limité et contrôlé par l’Etat ?

Tous les Etats européens n’ont pas une conception de la laïcité aussi stricte

  • Etats reconnaissant à une religion un statut officiel : Ex: Royaume-Uni, Grèce
  • Etats ne reconnaissant pas de religion officielle mais dont la relation avec les religions varie : Belgique, Allemagne
  • Etats adhérant à une séparation stricte, laïcité stricte : France

Royaume-Uni

Place du droit religieux dans l’ordre juridique, il y a quelque chose d’intéressant au Royaume-Uni. Il va dans une certaine mesure reconnaître de manière officielle, c’est notamment grâce à la voie de l’arbitrage que le droit peut trouver une certaine place dans le droit occidentale. Pour soumettre à une instance religieuse un problème qui sera résolu en vertu de ces lois, principepe de la religion. Cela pose la question de savoir dans quelle mesure on peut l’utiliser.

  • Arbitration Act 1996
  • Beth Din
  • Muslim Arbitration Tribunal

Limites posées par la loi et contrôle des juridictions étatiques

Absence de reconnaissance officielle par l’Etat d’une religion en particulier

Séparation souple

Associations cultuelles sont reconnues, vont parfois bénéficier d’un statut particulier, avantages fiscaux

Mais toutes les religions ne seront pas traitées nécessairement de la même manière

Peut y avoir une différence de traitement fondée sur l’ancienneté de l’implantation de la religion dans le pays notamment

Séparation stricte, l’exemple de la France

Art 1er de la Constitution: La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances…

Loi 1905

Invocation de l’ordre public pour faire échec à l’application de lois étrangères qui y seraient contraires

La laïcité à la française s’appuie essentiellement sur trois piliers : la neutralité de l’État, la liberté de conscience et le pluralisme.

Le principe de laïcité ne s’est appliqué qu’aux citoyens et en France métropolitaine. Dans les colonies et même en Algérie (départementalisée), la population d’origine indigène n’avait pas la pleine citoyenneté et le droit qui s’appliquait faisait une large place aux coutumes locales, y compris en matière de place des cultes, des structures religieuses et de leurs ministres. De cette situation proviennent, d’ailleurs, les problèmes d’intégration en France à partir des années 1960, lorsque les immigrés de ces colonies, qui pouvaient jusqu’alors publiquement exercer leur religion, sont arrivés en France où il était d’usage tacite de se confondre dans la population.

Énoncé en 1905, le principe de laïcité ne s’applique pas non plus en Alsace-Moselle, (qui ne fut réintégrée à la France qu’en 1918 ) pour ce qui concerne l’éducation – et où le régime du concordat prévaut -, ni à Mayotte mais uniquement pour ceux qui en font le choix pour les principes du droit (où la loi islamique, la charia, s’applique selon le recueil de jurisprudence, le minhadj, même si l’on observe que le droit coutumier local opère un glissement vers le droit commun) ou à Wallis-et-Futuna pour